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Nouvelle Constitution

Remarque 2 : Dans cette thèse nous garderons les termes portugais indiquant les

II.2. Historique de la formation des enseignants

Si, en France, la première École Normale (éphémère), destinée à la formation des

enseignants, a vu le jour au XIXème siècle, après la Révolution française, instituée par la

Convention42 en 1794 et a fonctionné à Paris à partir du début de l’année 1795, au

Brésil, ce n’est qu’à partir de l’indépendance en 1822 que les premières discussions sur

cette formation ont commencées (Saviani, 2009, p. 143), quand on a réfléchi à

l’organisation de l’instruction populaire, le besoin d’alphabétiser la population

brésilienne étant immense :

« Au moment de l’Indépendance (1822), il existe “une île de lettrés sur une mer d’analphabètes”43. Cette situation s’est perpétuée jusqu’au début du XXème siècle, avec une population analphabète à 80 % », (Camara Bastos, 2009, p. 109).

Selon Saviani encore (2009, pp. 143-144), c’est sur les deux derniers siècles que l’on peut délimiter les différentes périodes de l’histoire de la formation des enseignants au Brésil. Il définit six périodes sur ces deux cents ans.

II.2.1. Période 1827 à 1890

La première période va de 1827 à 1890. Elle est caractérisée par le dispositif de la Loi des Écoles de Premières Lettres, avec l’aboutissement en 1890 du modèle des Écoles Normales. À cette époque, l’accent était mis sur la préparation des enseignants à transmettre un contenu aux élèves, sans aucune préparation didactique ni pédagogique.

42 « L’École normale, dite de l’an III désigne un ensemble de cours destinés à la formation des enseignants, institués en l’an III par la Convention dans le but de répandre l’instruction en France. Ces cours eurent lieu durant 4 mois du 1er pluviose de l’an III (20 janvier 1795) au 30 floréal de l’an III (19 mai 1795).

L’École normale de l’an III est généralement considérée comme l’ancêtre de l’École normale supérieure (rue d’Ulm - Paris) et des autres écoles normales françaises », d’après :

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_normale_(R%C3%A9volution_fran%C3%A7aise) consulté le 6 avril 2018.

75 Le curriculum de ces écoles était constitué des mêmes matières que celles enseignées dans les écoles des premières lettres. Il était présupposé que les professeurs devaient les dominer pour les enseigner.

« La réglementation de la formation des professeurs apparaît avec l’Indépendance. Le décret sur les écoles primaires du 15 octobre 1827 est la première législation sur l’instruction publique nationale. L’introduction de l’enseignement mutuel au Brésil avait précédé ce décret. En 1820, le gouvernement autorise João Batista de Queiroz à partir apprendre la méthode lancastérienne44 en Angleterre. C’est pour former les professeurs à cette méthode anglaise qu’est créée la première école normale du Brésil (1835-1851), à Niterói (province de Rio de Janeiro). […] On compte six écoles normales en 1860, et en 1876 le gouvernement impérial en crée deux autres, destinées à devenir des établissements modèles. Elles fusionnent en 1879 pour constituer une seule école normale mixte, dont le curriculum, très ambitieux, est de six ans » (Camara Bastos, 2009, p. 109-110).

II.2.2. Période 1890 à 1932

La deuxième période est caractérisée par la réforme de l’École Normale de São Paulo et

a duré jusqu’en 1932. Cette réforme porte sur deux points : l’enrichissement des

contenus curriculaires, en phase avec les pratiques enseignantes et la création d’une

école modèle annexe à l’Ecole Normale, qui est en réalité la principale innovation de la

réforme. Cette réforme de l’École Normale de la capitale a été étendue aux principales

villes de l’État de São Paulo et est devenue une référence pour d’autres États du Brésil

(Saviani, 2009, p. 145).

« En 1925, la réforme Rocha Vaz instaure l’obligation du diplôme de l’École Normale pour professer dans l’enseignement élémentaire (6-10 ans), et une préparation en trois ans, dans des gymnases complémentaires à caractère pratique et professionnel, pour former ceux qui enseigneront dans les quatre années suivantes (l’équivalent à l’enseignement primaire supérieur français [de cette époque]). Cette formation, qui durera jusqu’en 1946, attire rapidement des jeunes filles de bonne famille, qui trouvent là une instruction générale et pratique qui leur convient, qu’elles aient ou non l’intention d’enseigner », (Camara Bastos, 2009, p. 112).

II.2.3. Période 1932 à 1939

La troisième période va de 1932 à 1939. Durant ces années prennent place

l’organisation des Instituts d’Éducation et les réformes éducatives instituées par Anísio

Teixeira en 1932 dans le District Fédéral (une des 27 unités administratives du Brésil dans laquelle se trouvait Rio de Janeiro, capitale du Brésil, avant le transfert en 1960 de

44 La pédagogie de Joseph Lancaster fut adoptée par la plupart des écoles publiques américaines en milieu urbain au début du XIXe siècle. Le système de Lancaster utilisait une seule salle de classe, énorme, pour l’instruction de centaines d’enfants pauvres par un seul maître. Les décideurs municipaux furent attirés à la fois par le coût réduit et par la vision matérialiste proposée de la citoyenneté républicaine, en phase avec leur pensée sociale. Les familles ouvrières à qui étaient destinées les écoles de Lancaster les trouvaient répressives et antidémocratiques, et l’échec pédagogique de ces écoles explique leur abolition vers les années 1850, (Upton, 2004).

76 la capitale à Brasilia), et par Fernando de Azevedo, en 1933, à São Paulo. Ce fut un moment d’innovation, où les Écoles Normales furent transformées en Écoles de Professeurs. Leur cursus incluait une formation pédagogique, avec les disciplines suivantes :

1) la biologie éducative, 2) la sociologie éducative, 3) la psychologie éducative, 4) l’histoire de l’éducation,

5) l’introduction à l’enseignement, couvrant trois aspects :

a) les principes et les techniques,

b) les matières d’enseignement couvrant le calcul, la lecture et le langage, la littérature

pour enfants, les études sociales et les sciences naturelles,

c) la pratique de l’enseignement réalisée par l’observation, l’expérimentation et la participation (Saviani, 2009, pp. 145-146).

Par cette réforme instituée par le décret n° 3 810 du 19 mars 1932, Anísio Teixeira se

proposait d’éradiquer ce qu’il considérait comme le « vice de constitution » des Écoles

Normales qui :

« […] prétendent être en même temps, des écoles de culture générale et de culture professionnelle, manquant lamentablement les deux objectifs », (Vidal, 2001, pp. 79-80).

II.2.4. Période 1939 à 1971

C’est ensuite entre 1939 et 1971, lors de la quatrième période, que l’on commença à

organiser et incorporer les cours de « Pedagogia » (licence de pédagogie) et de « licenciaturas » (licence d’enseignement d’une discipline), consolidant ainsi, le modèle des Écoles Normales.

« Lorsque la première université du Brésil (celle de São Paulo) crée une faculté de philosophie en 1939, elle inclut parmi ses objectifs « la préparation des candidats au professorat de l’enseignement universitaire et normal », avec les sections suivantes : philosophie, sciences (cours de mathématiques, physique, chimie, histoire naturelle, géographie et histoire, sciences sociales, dessin à l’École des beaux-arts), lettres (cours de lettres classiques, lettres néo-latines, lettres anglo-germaniques), pédagogie, didactique », (Camara Bastos, 2009, p. 113).

Pendant ces années, les cours de licence et de pédagogie sont fortement marqués : « [...] par des aspects culturels et cognitifs, reléguant l’aspect didactique et pédagogique à une annexe de moindre importance, représentée par le cours de didactique, considéré comme une simple exigence formelle pour l’obtention de l’inscription au registre professionnel des enseignants », (Saviani, 2009, p. 147).

77 En 1946 une nouvelle loi, la loi organique sur l’enseignement normal instaure :

« [...] à côté des écoles normales, des écoles régionales appelées instituts d’éducation pour former des instituteurs et des professeurs. Ces instituts offrent des cours de spécialisation pour les enseignants du primaire, appelés cours post-normaux, à l’intention des futurs directeurs, inspecteurs, orienteurs, statisticiens et évaluateurs. En 1949, on comptait environ 540 écoles normales au Brésil, mais 40 % des enseignants du primaire n’étaient pas passés par ces institutions », (Camara Bastos, 2009, p. 114).

Le 20 décembre 1961 est publiée la loi sur les Directives et les Bases de l’Éducation Nationale n° 4 024 (Lei de Diretrizes e Bases da Educação Nacional), la première LDBN instituée au Brésil (voir II.1.1.).

En 1962, une nouvelle réforme inspirée par Valmir Chagas modifie le cours de pédagogie en rallongeant le cursus de formation pour les professeurs du primaire (graduation) et pour les pédagogues qui doivent avoir un niveau de post-graduation. C’est la réforme universitaire de 1968 qui crée des facultés d’éducation autonomes, indépendantes des facultés de philosophie, de sciences et de lettres, pour former des

professeurs et des spécialistes de l’éducation (Camara Bastos, 2009, pp. 114-115).

II.2.5. Période 1971 à 1996

La cinquième période, de 1971 à 1996, a été marquée par la substitution aux Écoles Normales d’une formation spécifique des enseignants avec une « habilitação de magistério » (habilitation de magistère autorisant à enseigner). C’est avec la loi n°

5 692/71 (Brésil-Ch.-II, 1971) que fut instituée l’organisation du système éducatif

brésilien en 1er et 2nd degré à la place des « ensinos primário e médio » (enseignement

primaire-collège et enseignement en lycée).

L’apparition de l’habilitation de magistère pour enseigner dans le second degré, selon le décret n° 349/72 (Brésil_MEC/CFE_Ch.-II, 1972) fait disparaître la dénomination Écoles Normales. Le magistère est proposé sous deux modalités, la première avec une durée de trois ans (2 200 heures de formation) et l’habilitation à enseigner jusqu’à la quatrième année du premier degré, et la deuxième avec une durée de formation de quatre ans (2 900 heures) donnant la possibilité d’enseigner jusqu’à la sixième année du premier degré, (Saviani, 2009, p. 147).

Il est créé une habilitation pour le second degré. Pour les quatre dernières années de

l’enseignement du premier degré, la loi n° 5 692/71 prévoit une formation des

professeurs à un niveau supérieur. Les cours pouvaient être ceux de la licenciatura courte (en trois ans) ou de la licenciatura plena (complète, en quatre ans). Les cours de

pédagogie qui permettent la formation des professeurs pour l’habilitation spécifique de

magistère (Habilitação E.S.P.E.cífica de Magistério –HEM), peuvent également former

des spécialistes de l’éducation, dans les domaines suivants : directeurs d’école,

conseillers en éducation, superviseurs scolaires ou inspecteurs d’école, (Saviani, 2009,

78

II.2.6. Depuis 1996

C’est après 1996, par la Loi de Directives et de Bases pour l’Éducation Nationale

LDBEN- 9 394/96 (Brésil-Ch.-II, 1996), qu’ont été créés les Instituts d’Enseignement

Supérieur et les Écoles Normales Supérieures, dispensant une formation qui devait être basée sur des cours de pédagogie.

« [...] LDBEN prévoit la suppression des Écoles Normales : tous les professeurs, primaires et secondaires, seront à terme recrutés au niveau supérieur. Pour l’heure, les Écoles Normales, qui donnaient une instruction secondaire à des adolescents d’origine généralement populaire, sont transformées en « Iinstituts Supérieurs de l’Éducation », c’est- à-dire en écoles professionnelles préparant ceux qui n’ont pu aller à l’Université à enseigner à l’école maternelle et élémentaire. Ils dispensent aussi une formation pédagogique pour les étudiants diplômés qui choisiraient l’éducation de base après leur cursus universitaire. Enfin, ils assurent la formation continue des professionnels de l’éducation », (Camara Bastos, 2009, p. 115).

Dans la LDBEN, la formation des enseignants est inscrite au Chapitre V, Titre VI, intitulé «professionnels de l’éducation», dans les articles 61 et 62 (complétés par les amendements apportés par les lois n° 12 014 de 2009, n° 12 056 de 2009 et n° 12 796 de 2013).

Pour mettre en application la LDBEN, plusieurs résolutions et décisions du Conseil

national de l’éducation - CNE/CP, ont été publiées depuis 2001. Parmi ces résolutions et

décisions45, on trouve les « circulaires directrices nationales pour la formation des

enseignants de l’éducation de base, au niveau supérieur, cours de licenciatura, de graduação plena » édictées dans la circulaire CNE/CP n° 09/2001 du 8 mai 2001, qui présentent dans leurs analyses, la nécessité de faire face à des questions sur la formation des enseignants :

« Les problèmes à affronter dans la formation sont historiques. Dans le cas de la formation donnée dans les cours de licenciatura, dans ses modèles traditionnels, l’accent est mis sur la formation aux contenus diciplinaires, et le bacharelado apparaît comme l’option naturelle qui permet [d’obtenir], grâce à des compléments, le diplôme de licenciado. En ce sens, dans les cours existants, ce sont les connaissances du physicien, de l’historien, du biologiste, par exemple, qui prévalent, et leur performance en tant que « licenciado » devient résiduelle et est perçue dans les murs de l’université comme « inférieure » par rapport à la complexité du contenu du « domaine ». Elle se présente beaucoup plus comme une activité « vocationnelle », ou qui permettrait une grande dose d’improvisation et d’autoformulation dans la « manière d’enseigner », (Brésil-Ch.-II, 2001, p. 16).

La fragilité de la forme traditionnelle de formation des enseignants exige une révision.

La formation au moyen d’un processus autonome, avec des cours de licenciatura plena

de qualité et ayant leur propre identité devient une priorité.

La circulaire CNE/CEB n° 04/2010 du 10 mars 2010 qui traite des Directives Curriculaires Nationales de la formation initiale et continue des enseignants, au chapitre

45 Elles sont disponibles sur le site :

http://portal.mec.gov.br/component/content/article?id=12861:formacao-superior-para-a-docencia-na- educacao-basica consulté le 23 avril 2018.

79 IV –Le professeur et la formation initiale et continue– article 56 de la LDBEN, souligne l’importance des programmes de formation initiale et continue destinés aux

professionnels de l’éducation, de la réflexion sur les différentes méthodes

d’apprentissage, et sur le profil des enseignants de l’Éducation de Base, dans ses dimensions techniques, politiques, éthiques et esthétiques.

La loi n° 11 502 de juillet 200746 attribue à la Coordination pour l’Amélioration (Perfectionnement) du Personnel de l’Enseignement de niveau Supérieur (CAPES) la

formation des enseignants de l’Éducation de Base – une priorité du Ministère de

l’Éducation. L’objectif visé était d’assurer la qualité de la formation des enseignants qui

travaillaient ou étaient déjà en exercice dans les écoles publiques, en plus de les intégrer dans l’Enseignement de Base et Supérieur, pour obtenir une éducation publique de qualité.

En janvier 2009, le gouvernement fédéral a promulgué le décret n ° 6 755 qui a établi la politique nationale de formation des professionnels du magistério de l’Éducation de Base, attribuant la rédaction des programmes de formation initiale et continue au CAPES.

En d’autres termes, bien que plusieurs lois sur la formation des enseignants aient été

rédigées et publiées jusqu’à aujourd’hui, les problèmes historiquement mis en évidence

au cours de l’histoire du Brésil montrent que la formation des enseignants doit être analysée dans un contexte social plus large, et favorisée par le biais de politiques publiques continues qui doivent être fondées de façon théorique sur des recherches qui doivent faire plus et mieux connaître la façon dont se déroule le processus d’apprentissage de l’enseignement.

Face aux problèmes d’éducation, on peut constater que le processus de formation des

futurs enseignants nécessite des politiques publiques qui doivent discuter et opérationnaliser des actions efficaces, et par conséquent, favoriser une relation effective entre l’enseignement et l’apprentissage. La création du P.I.B.I.D. que nous abordons dans le sous-chapitre suivant et qui est questionnée par cette thèse, constitue un changement majeur.

Il faut toutefois mentionner que le P.I.B.I.D. dans la forme que nous avons connue au début des recherches conduisant à cette thèse a été interrompu et va être remplacé par un autre programme. La situation au mois de mai 2018 est encore confuse. En 2017, le président du CAPES, Abílio Neves, a annoncé qu’il disposerait d’une allocation budgétaire pour le programme en 2018, mais le programme a néanmoins été fermé en

février de cette année et le nouvel appel d’offres, lancé le 1er mars 2018, ne

commencera ses activités qu’en août 2018. Pendant cette période, les activités du

P.I.B.I.D. seront interrompues.

46Disponible sur le site :

http://portal.mec.gov.br/index.php?option=com_content&view=article&id=232&Itemid=459) consulté le 26 avril 2018.

80 Le CAPES et le syndicat des Avocats Généraux de l’Union União (AGU - Advocacia Geral da União) se sont tournés vers la justice fédérale en intentant une action contre le ministère public fédéral pour faire continuer le P.I.B.I.D.. Un jugement a été rendu le 13 mars 2018 qui semble provisoirement donner raison au CAPES, en attente de la réponse du ministère public fédéral (Justice fédérale 2018) (voir § II.3.7.).

II.3. Le P.I.B.I.D., Programme Institutionnel de Bourses pour