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Henri PRÉVOST

Dans le document Actes du colloque (Page 50-55)

Ingénieur général des Mines, ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie

J’ai écrit l’ouvrage Trop de pétroleet il me paraît utile de rappeler que s’il existe un problème d’effet de serre, c’est parce que nous sommes prêts à nous procurer plus d’énergies fossiles que ce que la nature peut nous offrir. Le transport émet des volumes importants de gaz à effet de serre et il est normal de demander aux automobilistes de contribuer à leur réduction par le paiement d’un prix spécifique.

Cependant, je crois, pour ma part, que c’est la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Europe ou d’un pays, dans son ensemble, qui doit constituer notre priorité : si cela passe prioritairement par la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au chauffage, faisons-le. Or il serait extrêmement simple de faire financer par les automobilistes des expérimentations de réseaux de chaleur

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fonctionnant grâce à la biomasse. L’efficacité de la contribution des automobilistes, au regard des biocarburants actuels, serait alors multipliée par trois ou quatre. Cela suppose de faire sauter les cloisons qui séparent les administrations ou certaines directions de la Commission européenne.

Michèle PAPPALARDO

Les politiques mises en œuvre aujourd’hui ne concernent pas uniquement les transports : nous agissons de façon multisectorielle et je participais hier encore à une réunion concernant le secteur du bâtiment. Nous devons limiter nos consommations d’énergies fossiles dans tous les secteurs (transports, agriculture, bâtiment, etc.). Il ressort du Grenelle de l’Environnement le principe d’un programme qui devrait aboutir à une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre liées au bâtiment (contre un objectif de réduction de 20 % pour les transports). Nous avons donc bel et bien une vision transversale, sans exclusive. Le problème d’affectation des recettes liées à la consommation automobile me paraît secondaire. Les citoyens doivent en tout cas être convaincus que le produit de la taxe à laquelle ils sont soumis sera utilisé pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Jacques BARROT

L’heure de vérité viendra : la France voudra-t-elle utiliser l’euro-vignette ? Cela constitue une vraie question. Est-il normal qu’un camion traverse aujourd’hui l’Île-de-France sans payer le moindre droit d’usage ? Si cela ne vous semble pas normal, il faut passer aux actes !

Pour l’essentiel, les autoroutes d’Île-de-France n’exigent pas de péage.

L’utilisation de ces infrastructures très onéreuses est largement gratuite.

Le même problème se pose en Alsace avec une grande acuité. L’Allemagne a eu l’idée judicieuse d’appliquer l’euro-vignette et nous devons nous en inspirer.

Pour le reste, il est vrai que le produit de cette contribution devra être affecté, d’une façon générale, à la mobilité durable, sans qu’il soit nécessaire, à mon avis, de définir une affectation précise des sommes concernées.

Michael CRAMER

Dans la détermination à aller dans la bonne direction, je soutiens naturellement bien volontiers le Commissaire, en me plaçant également en tant que parlementaire. Au cours des dernières années, on a beaucoup investi dans les économies d’énergie au sein de la maison et dans la recherche d’autres sources d’énergie. Nous devons partout diminuer le CO2.

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Les transports confrontés aux défis du changement climatique et du développement durable

Seulement le bénéfice de ce que nous avons investi dans les maisons comme dans les installations industrielles, avec beaucoup de succès, est en partie annulé par la circulation car, depuis 1990, les émissions de CO2 dues à la circulation ont augmenté de 25 % et celles du trafic aérien ont carrément doublé. C’est pourquoi nous devons fixer autrement les conditions réglementaires, et il existe, là aussi, un bon exemple.

En Allemagne, le gouvernement fédéral rouge-vert a présenté en 2000 la loi sur les énergies renouvelables.

Sans fonds publics, en faisant en sorte que les consommateurs sachent que les sources d’énergie qui sont rares et qui ne devront plus être utilisées dans le futur, les sources d’énergie fossile et l’énergie nucléaire étant devenues plus chères, les sources d’énergie renouvelables – à savoir le soleil, le vent, la biomasse, qui fourniront l’avenir, seront favorisées.

Entre-temps, ces sources d’énergie seront devenues concurrentielles. C’est un bon exemple que nous devons transposer à la circulation et, concernant celle-ci nous faisons exactement l’inverse.

Les sources d’énergie ou les modes de transport dont nous ne voulons pas, nous les rendons artificiellement bon marché par l’argent de nos impôts. Et ceux qui sont valables pour l’avenir, nous les rendons artificiellement plus chers par des impôts et par d’autres mesures.

Et quand le péage s’applique partout au rail et pas à la route, alors nous sommes véritablement sur la ligne de front. J’espère que le péage s’appliquera à la route, le plus vite possible, dans toute l’Europe, au moins pour tous les camions, au mieux pour tous les véhicules et sur toutes les routes. Merci beaucoup.

Un autre participant

Comment voyez-vous l’acceptabilité d’une taxe qui serait payée par les utilisateurs individuels ? Une fiscalité écologique me paraît incontournable. La difficulté consiste à savoir comment la mettre en œuvre, en évitant des effets antiredistributifs qui seraient particulièrement mal vécus.

Michael CRAMER

Il existe un péage pour le rail. La conséquence en est qu’il est moins cher aujourd’hui, pour une famille, d’aller en avion de Berlin à Majorque, que d’aller dans le Harz ou en Alsace en partant de Berlin. C’est fou.

Il y a quelques années, nous avons introduit, en Allemagne, le péage pour les poids lourds. Il a été largement accepté, même par le syndicat des transporteurs.

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L’étendre aux camions plus petits, pour éviter les effets de transfert et l’étendre également à toutes les routes aurait été largement accepté par la population.

Ce projet doit, bien sûr, être défendu de façon offensive. La politique ne peut pas consister à suivre l’opinion de la majorité de la population, et c’est ainsi que je me comporte. La politique, c’est voir clair pour l’avenir, entretenir un dialogue avec la population et lui expliquer le pourquoi des choses.

Jusqu’à présent, j’ai réussi à convaincre chaque famille lorsque je dis que je m’engage pour que leurs enfants et leurs petits-enfants aient encore une chance de vivre sur cette planète.

Cela est réalisable, beaucoup d’exemples le montrent. La Suisse l’a fait par une votation populaire (ou référendum). En large majorité, les Allemands au sein de la population, au sein du Parlement, savent que cela est possible. J’en suis convaincu car cela est nécessaire.

Jacques BARROT

Je n’aime pas beaucoup le terme de « taxe » et je crois que nous gagnerions à inventer un autre mot pour désigner la contribution des utilisateurs. Le système d’échange des droits d’émission a un sens. Cette politique a fait progresser nos entreprises industrielles vers un plus grand respect de l’environnement.

Le transport aérien doit entrer dans cette voie et je suis de ceux qui pensent que nous aurons peut-être à appliquer ce principe pour la route également.

Il n’est pas exclu, en effet, que nous puissions bâtir un système permettant d’inciter à l’utilisation de véhicules plus propres, à travers l’échange de droits d’émission. Un effort de pédagogie est en tout cas indispensable pour expliquer que ceux qui polluent doivent payer afin de corriger les effets de leur comportement. Si l’on parle de taxe et qu’il s’agit, de surcroît, d’une taxe à la française, non affectée, il est clair que nos efforts de pédagogie seront vains.

Michèle PAPPALARDO

Il faut connaître les enjeux, en termes d’émissions de gaz à effet de serre, liés à chacun de nos systèmes de transport. Il est par ailleurs indispensable de pouvoir utiliser des systèmes de transport alternatifs : l’absence de choix, notamment au travers de transports en commun fiables et performants, rendra les efforts de pédagogie peu opérants.

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Dans le document Actes du colloque (Page 50-55)