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L’habitat est le reflet des anciennes structures agricoles et de la division fondamentale entre métairies et borderies sur laquelle je reviendrai plus loin. Avec ses 4000 ha, Saint-Hilaire comporte de nombreux hameaux appelés

villages21, habitat dispersé qui donne cette impression de « mitage » caractéristique

du bocage (Martin, 1987, p. 320).

Le nombre des hameaux est important, ce qui n’est pas exceptionnel pour une commune du Bocage (Martin, 1987). Ce nombre a diminué au fil du temps, d’abord en raison des emprises de la ville de Montaigu sur Saint-Hilaire, plus récemment en raison de l’extension du bourg qui a fait disparaître ses « villages » immédiats. En 1891, avant que Montaigu n’ampute Saint-Hilaire de 65 ha, le territoire communal comptait 91 hameaux en plus du bourg. En 1936 il y avait encore 89 hameaux. Aujourd’hui on en compte 86, auxquels s’ajoutent 3 lotissements aux abords de Montaigu.

Trois hameaux ont disparu depuis la seconde guerre mondiale en raison de l’extension du bourg. Encore faut-il relativiser ce fait car, selon certains habitants, l’esprit de hameau persiste toujours, les mêmes familles y résidant depuis longtemps perpétuent d’anciennes sociabilités. Pour chacun d’entre eux, un panneau indique le nom de l’ancien village devenu quartier. Un habitat ancien les caractérise : minuscules maisons d’une ou deux pièces qui abritaient des bordiers,

journaliers ou artisans, grandes maisons « bourgeoises » entourées parfois d’un petit

parc muré, bâtiments de fermes. Le village de la Boninière est rassemblé autour d’une place, ses panneaux de rues sont singularisés vis-à-vis du reste de la commune. Bien que rattachée au bourg, la ferme de la Maritière, dont la cour est entourée de murs, est toujours le siège d’une exploitation agricole.

21 Comme en Bretagne, le hameau est qualifié de village dans le Bocage vendéen, quelle que soit sa taille, que l’habitat soit groupé ou que les fermes soit isolées. Les villages se définissent par rapport au bourg dont l’appellation peut aussi désigner l’ensemble d’une commune. J’utiliserai l’un ou l’autre des deux termes, hameau ou village, pour désigner cette unité de base. Et pour éviter les confusions, je n’utiliserai que le terme de commune pour parler globalement du territoire de Saint-Hilaire.

les fermes à rénover sont recherchées pour devenir dans la grande majorité des cas des résidences principales (44 résidences secondaires pour 990 principales dans la commune en 1990). Un seul hameau est aujourd’hui complètement déserté. Ce n’est pas faute d’acquéreurs des anciennes bâtisses, mais la situation est due aux différends entre propriétaires et au droit de préemption que fait jouer l’unique exploitant du village.

La population des hameaux reste donc nombreuse dans la commune. Elle représente 36% de la population communale en 1990. En 1906 c’était 82% de la population qui habitait les villages et encore 53% en 1975. Le bourg en son centre se transforme peu, il garde son caractère de bourg rural accentué par les Opérations Programmées d’Habitat qui mettent en valeur ses anciennes bâtisses. L’extension

de la commune se fait par les lotissements construits aux pourtours du bourg22.

Trois lotissements sont complètement excentrés, situés en limite de commune, ils prolongent l’agglomération de Montaigu (un quatrième et le premier de ces lotissements avait été rattaché à la commune de Montaigu dans les années 50).

Les hameaux sont de deux types : la ferme isolée, auparavant appelée « métairie », et les hameaux de « borderies », désignant les anciennes fermes des petits propriétaires exploitants. La métairie est un terme générique qui a continué à désigner la grande ferme isolée même lorsqu’elle n’était plus exploitée par des métayers. L’origine féodale des grandes fermes et la prépondérance du métayage jusqu’au milieu du XIXe expliquent cependant le maintien prolongé de l’appellation (Vital, 1987, p. 93). Même si de nos jours on n’emploie plus les termes de métairie et borderie, ceux-ci sont toujours compris par les agriculteurs. En dehors du monde paysan, la métairie évoque inévitablement le statut de métayer et non la grande ferme en général. Le bordier était en général le petit paysan propriétaire de ses terres, il est identifié à des agriculteurs aujourd’hui retraités et qui sont restés en marge de la modernisation agricole.

22 Suivant un schéma directeur établi en 1983 par la municipalité avec l’appui d’un architecte urbaniste.

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Illustr. 1 - Vue aérienne de Saint-Hilaire-de-Loulay en 1945

(On reconnaît ici le paysage de champs clos du bocage. En bas de la photo, sous le bourg et à droite, les deux domaines de La Filolière et du Fonteny sont reconnaissables à leur parc boisé. On peut voir le contraste entre les grands champs cultivés qui les entourent et les petites parcelles de village, notamment autour du

Illustr. 2 - « Chemin creux » au départ d’un sentier pédestre

Illustr. 3 - A proximité d’un ancien village de bordiers : petite parcelle entourée de haies

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Illustr. 4 - Vieille haie du bocage le long d’un lotissement

Illustr. 6 - Le bourg vers 1950

(dominé par l’église et la cure à sa gauche)

Illustr. 7 - Une partie du centre-bourg aménagé

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Illustr. 8 - La route nationale

(traversant la commune et le bourg de Saint-Hilaire de part en part)

Illustr. 10 - Ancien village de bordiers des Bretèches

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Illustr. 12 - Anciennes maisons de bordiers - journaliers à la Choriandière Illustr. 13 - Un « creux de maison »

(« La maison de la Chironne » à la Burgaudière : une seule pièce, sombre et noircie de fumée, et un grenier. Les bâtiments appartiennent au couple Gouraud, pris sur la photo, anciens bordiers dont la maison est voisine de celle-ci)

généralement allongée, comporte plusieurs pièces abritant 2 ou 3 ménages d’une communauté familiale élargie. Les bâtiments agricoles sont séparés de la maison et leur volume est à la mesure des récoltes et du cheptel (Vital, 1987, p. 94). A Saint-Hilaire, une ferme isolée contenait, avant les regroupements fonciers de l’après-guerre, de 20 à 65 ha de terres, en moyenne autour de 30 ha.

Les hameaux de borderies offrent un tout autre visage. Les vieilles maisons sont plus nombreuses et généralement petites. Parfois elles ne se composent que d’une seule pièce où vivait un vivait des familles simples ou des

personnes seules. Ces « grands villages » comme on les nomme à Saint-Hilaire,

forment des agglomérations désordonnées de maisons auxquelles s’accolent les

granges et les étables, « maison-bloc, image d’une activité restreinte dont les éléments

sont souvent logés sous le même toit » (Vital, 1987, p. 94). L’impression de bourg miniature est renforcé par les rues et ruelles qui séparent les blocs de maisons et d’ateliers. Ces hameaux abritaient les petits propriétaires-paysans, mais aussi la main-d’oeuvre pauvre des journaliers, cumulant métiers artisanaux et une activité agricole sur de minuscules propriétés ou dans les grandes exploitations voisines. On trouvait plutôt les principaux ateliers dans le bourg et les hameaux proches du bourg ou de Montaigu.

Comme je l’ai déjà signalé pour ceux qui jouxtent le bourg, chaque village a sa propre vie sociale et exprime un sentiment d’appartenance qui distingue ses habitants des autres. Dans certains de ces villages on organise toujours un pique nique annuel qui rassemble tous ses habitants. Là où la population est nombreuse, la vie sociale reste intense, prolongeant d’anciennes solidarités qui n’excluaient cependant pas de violents conflits de voisinage. Dans les cantons du nord-est vendéen, certains villages possédaient encore dans les années 60 une école et des commerces et atteignaient 200 habitants (Renard, 1966). L’esprit solidaire de l’ancien village de bordiers a pu même, paradoxalement, retrouver de sa vigueur avec la modernisation agricole de l’après-guerre, devenant le lieu de formes de résistance à la modernité, par les refus des changements techniques et le maintien de l’esprit de communauté. Ces villages étaient le siège de structures d’exploitations

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inappropriées, or, en même temps qu’ils se vidaient de leurs forces vives, on y a affirmé davantage qu’ailleurs les vertus de la « tradition » paysanne avec son mode de vie et sa sociabilité propres.

L’examen des données chiffrées extraites des listes de recensements, entre 1911 et 1936, permet de retrouver la double structure fermes isolées / villages

de borderies dans la répartition des feux23. En 1911 par exemple, 48 hameaux sur

les 89, soit un peu plus de la moitié d’entre eux, ne comptent que un ou deux feux. Il s’agit, dans leur grande majorité, des hameaux de fermes isolées (quelques grandes fermes sont situées parmi plusieurs petites exploitations et inversement quelques villages d’un ou deux feux ne sont pas des fermes). La structure des groupes domestiques y diffère fondamentalement de celle des borderies (voir des exemples aux chapitres V et VI) : les foyers, aux ménages multiples, comptent une moyenne de 10 à 15 personnes. Les hameaux de bordiers sont plus diversifiés : ils comptent de 2 à 22 feux avec une population allant jusqu’à 58 habitants pour le plus peuplé en 1911.