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Haches à collet et crête, à pointes et à digitations

Un groupe assez homogène de haches trouve sa spécificité dans la présence d’éléments venant prolonger le talon : il peut s’agit d’une crête plus ou moins large et épaisse, ou de pointes multiples de forme variable.

Le degré d’utilité de ces éléments n’est pas connu. La crête n’est pas tranchante, et ne peut servir que de contrepoids, offrant un équilibre86 et donc une maniabilité accrue d’une part, et contribuant au

caractère massif de l’arme d’autre part, augmentant ainsi son efficacité. Toutefois, il est aussi possible qu’elle soit simplement de nature décorative, fruit d’une volonté d’esthétisation des armes de la part des artisans.

Les pointes (ou « flèches ») et digitations, qui occupent sur l’arme une place similaire aux crêtes, présentent les mêmes caractéristiques décoratives et fonctionnelles, mais peuvent aussi, le cas échéant être utilisées de façon offensive87.

Du point de vue typologique, ces haches sont généralement liées aux trois sous-types précédents d’après les caractéristiques morphologiques du collet et de la lame. Toutefois, nous pensons qu’il est pertinent de définir un sous-type à part entière qui comprend tous les éléments à crête et à pointes dans la mesure où cette spécificité nous paraît symboliser plus qu’un simple ajout décoratif. D’autre part, l’analyse précise montre une certaine pertinence au niveau chronologique et géographique.

79 MECQUENEM 1931, p. 336 et 1934, p. 216, fig. 60. 80 VANDEN BERGHE 1968, p. 58.

81 VANDEN BERGHE 1972,p. 29, fig. 6.2. 82 VANDEN BERGHE 1973, p. 24. 83 VANDEN BERGHE 1973, p. 27, fig.9. 84 MALEKI 1964, p. 14, pl. 6.1d. 85 VANDEN BERGHE 1973, p. 31, fig.9. 86 DESHAYES 1960, p. 165-168.

87 DESHAYES 1960, p. 167. La remarque de l’auteur concerne les pics à pointes, mais il en va de même pour les

haches. Il cite également un sceau sur lequel les pointes du pic sont tournées vers un lion combattu par un personnage. Si le sceau est le même que celui publié par R. M. Boehmer (BOEHMER 1965, pl. 20.230), la

Les haches

Fig. 2.9 – Sous-type H 2.D : variantes.

H 2.D.a : Haches à collet, crête simple angulaire et lame plano-convexe (pl. 51)

Seuls deux uniques exemplaires sont connus (519, 4591). Le bord supérieur de la lame est rectiligne tandis que son tranchant et son bord inférieur sont sinueux, comme pour les haches H 2.C. Le manchon est très court et concave à sa base. La crête, située au talon, semble assez fine. Son bord supérieur est perpendiculaire à l’axe du collet et son dos s’arrondit de façon plus ou moins prononcée88

jusqu’à l’extrémité inférieure du collet.

L’une des haches, en argent, est coulée, et l’autre, en cuivre ou en bronze, semble finie par martelage. L. Woolley signale qu’il s’agit d’une forme intermédiaire entre les haches moulées du DA III (H 2.C) et les haches à languette repliée qu’il attribue à la période d’Akkad89. Cette remarque, valide du point

de vue typologique, ne l’est pas du point de vue chronologique, puisque ces haches sont postérieures à l’époque d’Akkad.

En effet, les deux exemplaires connus proviennent du même contexte, à savoir la tombe PG 1422 du cimetière royal d’Ur. Les haches sont déposées à proximité du défunt. Cette tombe est datée de la IIIe

dynastie d’Ur90.

519, 4591

H 2.D.b : Haches à collet, crête angulaire à moulure et lame à bords divergents (pl. 52)

Cette variante est assez homogène : les bords de la lame sont divergents (à une exception près, où ils sont parallèles (4981)), son tranchant légèrement arrondi et sa section rectangulaire. L’inclinaison de la lame est minime. Le collet est de forme cylindrique, généralement concave à sa base, et ses bords

88 Un arrondi très net correspond au type A 8 de L. Woolley alors qu’un arrondi léger à proximité de la base

correspond au type A 9 (WOOLLEY 1934, pl. 223).

89 WOOLLEY 1934, p. 185. 90 REHM 2003, cat. 2.

Les haches

sont soulignés par des moulures marquées simples ou multiples. Le bord supérieur de la crête s’inscrit dans la continuité du sommet de la lame et du collet, avant de former un angle et une courbure joignant la base de ce dernier. Une petite barre moulurée transversale parcourt le milieu de la crête. Trois occurrences d’ornementations sont attestées : la hache 4987 est pourvue de cinq boutons bifides à l’arrière de la crête, la hache 2621 porte des décors de chevrons incisés sur les moulures de la crête et du sommet du collet. La lame de l’exemplaire 940, crachée par une gueule de lion, comporte des frises de chevrons sur ses faces de même que sur la moulure de la crête.

Les exemplaires provenant de contextes clairs sont rares. La hache de Suse provient d’un niveau « Ur III »91. Celle d’Araban92 fut trouvée dans un dépôt dont la plupart des armes sont datées de la fin du

Bronze Moyen93. Toutes les autres proviennent du Luristan, excepté un exemplaire publié comme provenant de Syrie centrale94.

D’après la datation des pics à crête (voir p. 233-234) et de la hache de Suse (1114) ainsi que les caractéristiques morphologiques, une attribution aux derniers siècles du IIIe millénaire est avérée.

Cette variante, qui fut perçue comme exclusivement due aux artisans du Luristan95, a peut-être été diffusée ou exportée d’une façon ou d’une autre plus à l’ouest. La présence de la hache dans l’assemblage d’Araban demeure toutefois difficile à expliquer étant donnée sa datation basse. Il peut s’agir d’une arme plus ancienne collectée (par pillage ou transmission ?) et déposée.

940, 1114, 2621, 2650, 4577, 4743, 4981, 4987

H 2.D.c : Haches à collet, crête en arc de cercle et lame à bords divergents (pl. 53)

Trois sous-variantes se distinguent d’après l’aspect général de l’arme (lame, collet) et de la crête. La première se caractérise par une lame à bords divergents, un collet mouluré à base concave et une crête large et assez fine (H 2.D.c1). Les haches de la seconde ont une lame plus courte, rectangulaire épanouie ou plano-convexe, un collet mouluré à base rectiligne et une crête étroite souvent large, souvent perçue comme une simple excroissance du talon (H 2.D.c2). La troisième variante comprend deux objets très différents mais comportant une crête fenestrée (H 2.D.c3) soit sous forme de tige courbée en epsilon, soit sous une forme évoquant une hache fenestrée96.

Différents types d’ornements sont connus et indépendants de la sous-variante. Les plus fréquents sont des moulures horizontales au milieu de la crête (2599, 4466), des boutons bi- ou tripartites apposés sur le bord de la crête (957, 2569, 2598, 4466, 4492, 4983, 4985). Des moulures en zigzags (957, 4983) et des filets incisés (2598, 4492) sont aussi attestés, de même qu’un œil circulaire placé au sommet de l’amorce de la lame, conférant à la hache – dont la crête est alors festonnée – l’aspect d’une tête de cheval.

91 TALLON 1987 (A), p. 79. 92 MÜLLER-KARPE 1994, pl. 94.1. 93 BILGI 2004, p. 87. 94 PETRIE 1917, pl. 74.119. 95 TALLON 1987 (A), p. 79.

96 Cette dernière hache est publiée comme une hache double (HUOT 1971, p. 163, fig. 1) mais les dimensions de

la partie arrière sont contraires à une quelconque fonction (4,6 cm sur 2,4 cm). Nous proposons donc de la considérer comme un crête, éventuellement inspirée des haches fenestrées.

Les haches

Nous ne connaissons l’origine précise que de quatre haches : la plus ancienne provient de la tombe PG 1054 d’Ur et date du DA III ; elle est du modèle le plus simple, apparenté au type H 2.C. La seconde fut trouvée à Tepe Giyan97, hélas sans contexte clair, la troisième appartenait au mobilier funéraire de

la tombe 17 de Tepe Djamshidi (niveau IV) datée du dernier tiers du IIIe millénaire98. La quatrième est une miniature trouvée à Shurkh Dum99. Par comparaison, les exemplaires du Luristan datent

probablement de la fin du Bronze Ancien, éventuellement du début du Bronze Moyen100. Il s’agit par conséquent d’une variante essentiellement produite au Luristan au cours du dernier tiers du IIIe

millénaire.

H 2.D.c1 : 2599, 3857, 4466, 4484, 4502, 4984, 4985 H 2.D.c2 : 2598, 2659, 3610, 4492, 4590, 4983, 4987 H 2.D.c3 : 4496, 4989

H 2.D.c’ : 6423

H 2.D.d : Haches à collet, manchon pourvu de pointes courtes et lame à bords divergents (pl. 55) Ces haches sont assez homogènes. La lame, de section rectangulaire, a des bords divergents et un tranchant légèrement arrondi. Le manchon cylindrique comporte souvent des moulures simples ou multiples à ses extrémités. Une colonne de petites pointes bipartites est apposée au talon. La longueur du manchon varie (6,8 cm à 15,2 cm) de même que le nombre de pointes (de 6 à 11). La base du manchon est généralement droite mais peut être concave.

Les cinq exemplaires intégrés à la base de données ne représentent qu’une partie d’un corpus plus large qui brille essentiellement par l’absence systématique de contextes. La région d’origine est à n’en pas douter le Luristan. Seuls les critères typologiques contribuent à préciser la datation : la forme de la lame et les caractéristiques du collet rappellent les types H 2.B.b et H 2.D.b-c, ce qui permet de dater cette variant des derniers siècles du IIIe millénaire.

958, 4488, 4500, 4503, 4982

H 2.D.e : Haches à collet, manchon pourvu de pointes/digitations larges et lame à bords divergents (pl. 56)

Ces haches s’apparentent aux pics du type 3, mais sont semble-t-il moins fréquentes. Les cinq exemplaires présentés ici diffèrent en plusieurs points, mais leur conception est identique. La lame, de forme trapézoïdale plus ou moins prononcée, n’est pas ou peu inclinée. Le collet cylindrique, souvent concave à sa base (voire à son sommet) est souvent bordé de moulures multiples. Le talon comporte trois ou quatre excroissances perpendiculaires généralement pointues. Deux exemplaires sortent un peu des normes : le premier se caractérise par une lame crachée par la gueule d’un reptile, et le

97 DUSSAUD 1930, p. 248, fig. 6.

98 CONTENEAU et GHIRSHMAN 1935, pl. 79.17.80. 99 MUSCARELLA 1988, p. 135, fig. 214.

Les haches

recourbement des deux pointes extérieures vers la pointe centrale (935). Le second présente quatre têtes d’oiseaux obliques à la place des pointes (936).

Bien que la plupart des haches soient connues comme originaires du Luristan, la seule découverte en contexte provient de la tombe 24 d’Assur datée de la période paléo-assyrienne par le fouilleur101, mais J. Deshayes et R. Maxwell-Hyslop l’attribuent à la période d’Ur III102 avec justesse si l’on se fie aux

parallèles archéologiques connus (en particulier les pics). Il pourrait éventuellement s’agir d’un exemplaire particulièrement tardif.

Quoi qu’il en soit, cette variante semble pouvoir trouver sa place au cours des deux derniers siècles du IIIe millénaire – avec une possible mais incertaine continuité au tout début du IIe millénaire.

935, 936, 2623, 2699, 4501

Chronologie et répartition du sous-type H 2.D (Carte 21)

Il n’est guère évident de présenter une synthèse qui repose sur des données trop incomplètes et trop disparates, ainsi que sur un corpus hétérogène qui reste à ce jour assez mal connu. Les haches à crête semblent apparaître autour du milieu du IIIe millénaire, mais se développent essentiellement au cours

du dernier quart de celui-ci. Les haches à pointes apparaissent plus tardivement, à l’époque d’Akkad, et se développent à l’époque d’Ur III.

Qu’elles soient de provenance connue ou inconnue, ces haches sont surtout attestées au sud-ouest de l’Iran (Luristan et Suse) et n’apparaissent que très occasionnellement en Mésopotamie (Assur et Ur). Étant donné l’état de la documentation, il n’est pas possible d’argumenter actuellement en faveur d’une invention due aux artisans de l’occident iranien. Toutefois, ils en sont les principaux producteurs à partir de la fin du troisième millénaire. Bien que ce sous-type ne soit plus attesté par la suite, il fait école au Luristan et évolue vers les types à pointes connus à la fin de l’âge du Bronze.

Comme nous l’avons déjà souligné, la présence d’une crête ou de pointes est en partie fonctionnelle, servant à équilibrer l’arme, voire même à ajouter une utilisation offensive du talon. Cependant, il semble s’agir d’une spécificité régionale caractéristique d’un certain savoir-faire, d’une mode, d’un goût esthétique et de plusieurs éléments symboliques qui correspondent – nous semble-t-il – à une culture bien définie, celle du Luristan vers la fin du Bronze Ancien.