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Dans cette quatrième section du cadre théorique, la théorie du choix du Dr William Glasser, reprise par Francine Bélair, sera exposée. Cette théorie est centrale parce qu’elle permet d’englober les concepts préalablement développés, soit l’obésité, le stress physiologique et psychologique et les émotions. La Figure 7 montre la manière dont ces concepts sont incorporés à la théorie du choix. Pour débuter, les besoins fondamentaux seront présentés. Ils seront suivis par l’explication du monde de qualité et du système comportemental. Puis, un concept clé, celui de comportement global, sera décrit. Pour terminer, l’obésité sera vue sous l’angle de la théorie du choix de Glasser.

« Votre bonheur ne dépend pas de ce que les autres font, mais ce que vous choisissez de faire,

et plus vite vous apprendrez cela, plus vous serez heureux » (Glasser, 1997, p. 206).

Contrairement à la croyance populaire voulant que la source de nos problèmes soit imputable au monde extérieur, tout ce que nous pensons, faisons, ressentons est provoqué par ce qui se passe à l’intérieur de nous et non à l’extérieur. C’est ce qu’affirme le Dr William Glasser (1997) dans son ouvrage intitulé La théorie du choix, appelée précédemment Théorie du contrôle, mais connue antérieurement sous la terminologie de Thérapie de la réalité. Cette approche en psychologie du contrôle interne, qui se base sur l’architecture psychologique de l’être humain (Leduc, 1983), permet d’expliquer pourquoi et comment nous faisons les choix qui déterminent nos

comportements et notre vie (Glasser, 1998). Aussi, elle amène la personne à se réapproprier, à se responsabiliser vis-à-vis de ses choix et ainsi à avoir plus de contrôle sur sa vie.

Besoins fondamentaux

Selon Glasser (1997), tous nos comportements cherchent à satisfaire des forces internes très puissantes qui nous poussent à agir : les besoins fondamentaux. Il en mentionne cinq : la survie, l’appartenance (aimer, partager et coopérer), le pouvoir (sur le corps, l’environnement, soi et les autres), la liberté et le plaisir. Le premier, la survie, fait référence à un besoin physiologique et les quatre autres, à des besoins psychologiques. Ces besoins sont universels, puisqu’ils sont inscrits dans nos gènes depuis la nuit des temps. Interreliés et interdépendants, ces besoins sont tous essentiels à notre survie, et la personne se doit de les satisfaire. Toutefois, la manière de les satisfaire varie d’une personne à l’autre et d’un moment de la vie à un autre. Par ailleurs, Bélair (1996) précise qu’il n’y a pas de hiérarchie dans les besoins. « Aucun des besoins n’est plus important qu’un autre. Cependant, dans la vie de tous les jours, on peut facilement observer qu’à un moment donné, pour un individu, un besoin non satisfait deviendra alors le besoin prédominant » (Bélair, 1996, p. 29).

Monde de qualité et système comportemental

L’être humain n’a d’autres choix que de répondre à ses besoins. Pour ce faire, il a appris dès la naissance à utiliser divers comportements correspondant à des images

mentales représentant les meilleures façons de satisfaire ses besoins fondamentaux (Glasser, 1998). Bélair (1996) utilise pour ces images le terme de « représentations spéciales individuelles » qui correspondent à la « reproduction imagée de la satisfaction idéale des besoins » (p. 35). À chaque besoin correspondent alors une ou des images précises, mais pas nécessairement rationnelles, pour le satisfaire. L’ensemble de ces images spécifiques ou représentations spéciales, qui s’élabore tout au long de notre vie, est appelé « monde de qualité ». Selon Glasser (1998), ces images sont regroupées en trois catégories : « les personnes avec qui nous préférons être, les choses que nous voulons par-dessus tout posséder ou expérimenter et les idées ou croyances qui gouvernent une bonne partie de notre comportement » (p. 57). Ce monde de qualité représente la manière particulière de chacun de percevoir la réalité et de ce fait, ce monde est personnel et unique à chacun.

L’ensemble des comportements de l’être humain est donc orienté vers l’atteinte d’objectifs internes que sont ces images associées à des besoins fondamentaux. Par conséquent, « tous nos comportements découlent de nos tentatives constantes pour réduire l’écart entre ce que nous voulons : les images que nous avons dans la tête) et ce que nous avons (la façon dont nous voyons les situations dans le monde réel) » (Glasser, 1997, p. 37). De plus, le choix du comportement, dans une situation donnée, peut alors être bon ou mauvais, sage ou insensé, agréable ou désagréable, moral ou immoral, heureux ou misérable, mais il constitue toujours la meilleure façon de satisfaire le besoin à ce moment précis de notre vie (Bélair, 1996).

Tous nos comportements sont produits par différentes parties de notre cerveau qui constituent notre système comportemental global, comprenant une grande réserve, quasi illimitée, de comportements complexes organisés, déjà expérimentés. Lorsqu’un signal est déclenché à la suite de l’évaluation d’un écart entre les images de la réalité et celles de notre monde de qualité, il nous pousse à regarder dans notre système comportemental et à choisir le ou les comportements que nous jugeons les plus efficaces pour réduire cet écart à ce moment précis. S’il n’y en a pas, ce système comportemental, en constante réorganisation, a la capacité de créer de nouveaux comportements pour satisfaire le besoin du moment. C’est ce que Glasser (1997) appelle la « réorganisation créative ». Cette création de nouveaux comportements peut s’effectuer « à partir de nos connaissances, de nos rêves, de nos fantasmes, de nos études, de nos lectures, de nos visionnements de films » (Bélair, 1996, p. 82). Par contre, il est toujours plus facile de réutiliser un comportement connu, car créer un nouveau comportement, c’est se lancer dans l’inconnu, ce qui signifie qu’on ne peut prévoir le résultat (Bélair, 1996). C’est ce qui peut expliquer en partie la difficulté des personnes à faire preuve de créativité pour changer un comportement qu’elle sait lui être nuisible.

Comportement global

Dans ses ouvrages, Glasser (1997, 1998) amène le concept de « comportement global ». Pour lui, un comportement est une « façon de se comporter » (1998, p. 87).

Dans cette « façon de se comporter », il y a toujours la présence de quatre composantes inséparables. C’est pourquoi le terme « global » a été ajouté pour faire référence à ces quatre composantes indissociables qui agissent simultanément. Ce sont : l’action (AGIR), la pensée (PENSER), l’émotion (RESSENTIR) et les manifestations physiologiques (RÉAGIR PHYSIOLOGIQUEMENT). Chacune se définit comme suit :

AGIR : ce sont les actions, c’est-à-dire les mouvements volontaires du corps ;

PENSER : ce sont les pensées produites volontairement ou involontairement (discours intérieurs, images, représentations kinesthésiques, rêves) ;

RESSENTIR : c’est la capacité de susciter des émotions agréables ou désagréables lorsque la personne fait ou pense ;

RÉAGIR PHYSIOLOGIQUEMENT : c’est la capacité d’engendrer des manifestations corporelles principalement involontaires et associées à ce que la personne fait, pense ou ressent.

Chaque comportement global est toujours composé de ses quatre composantes. Cependant, une des composantes peut être dominante, et c’est par cette composante que le comportement global est nommé. Pour ce faire, Glasser (1998) conseille d’utiliser un verbe d’action pour l’exprimer afin de mettre l’accent sur l’action, qui montre ainsi une forme de contrôle sur ce qui arrive, plutôt qu’un verbe d’état qui suppose que la personne subit ce qui lui arrive (exemple : « se mettre en colère » plutôt

qu’« être en colère »). En plus, il suggère de faire précéder cette appellation par le verbe « choisir », car pour lui, un comportement est le résultat d’un choix, ce qui laisse de la place à l’espoir, car il n’est pas irréversible et qu’il est possible de le changer (exemple : « je choisis d’avoir peur », plutôt que de dire : « je suis inquiet »).

La compréhension de ce concept constitue un levier important pour apporter un changement dans les comportements. Selon Glasser (1997, 1998), chaque personne possède divers degrés de contrôle sur chacune des composantes. Elle a un « contrôle direct » presque total sur la composante « agir », un « certain contrôle direct » sur la composante « penser » et un « contrôle indirect » sur les deux autres composantes (Glasser, 1998, p. 89). Le contrôle indirect s’explique par le fait qu’en choisissant de changer la composante « agir » ou « penser », les composantes « ressentir » et « réagir physiologiquement » changent par le fait même. Donc, pour changer un comportement global, il faut CHOISIR de changer prioritairement les composantes de « FAIRE » et de « PENSER » (Glasser, 1997, p. 57). Au quotidien, l’expression d’un déséquilibre entre ce que la personne veut et ce qu’elle perçoit se traduit souvent par les composantes « émotions » et « manifestations physiologiques » qui sont prédominantes. Elles sont des signes d’insatisfaction indiquant une perte de contrôle sur sa vie. Pour reprendre ce contrôle, la personne doit remplacer les comportements émotifs douloureux par des comportements d’action, car ils peuvent être choisis à n’importe quel moment. L’analogie de l’auto est utilisée pour expliquer les degrés de contrôle (Bélair, 1996). Les deux roues avant représentent l’action et la pensée. Ce

sont les roues avec lesquelles la personne dirige son comportement (contrôle direct). Les roues arrière sont l’émotion et les manifestations physiologiques, c’est le signal. Ce sont par ces deux roues que le signal d’un déséquilibre est perçu entre ce que la personne veut et ce qu’elle perçoit. Ce déséquilibre l’amène irrémédiablement à se comporter (contrôle indirect).

Or, le choix du comportement repose sur l’évaluation (cognitive) de l’efficacité que la personne en a faite, pour satisfaire ses besoins du moment (Glasser, 1997, p. 74). Pour Bélair (1996), l’autoévaluation représente la clé de voûte du succès de la démarche de changement, mais c’est également une opération difficile. Difficile, car il est douloureux pour la personne de s’avouer que le comportement disponible à ce moment précis de sa vie est inefficace, qu’il l’éloigne de la satisfaction d’une image de son monde de qualité ou empêche la satisfaction d’une autre image.

Maladies psychosomatiques

Parce qu’il existe un lien étroit entre l’esprit et le corps, des maladies dites « psychosomatiques » peuvent se développer. Sont qualifiées de maladies psychosomatiques34 celles dont la cause est en partie psychologique ou émotionnelle. Parmi ces maladies, Glasser (1997) inclut, entre autres, les maladies coronariennes, la

34 « Affections, manifestations, perturbations, désordres psychosomatiques, qui, étant eux-mêmes de nature organique, physiologique, sont causés ou aggravés par des facteurs psychiques » (Robert et al., 2017).

colite35, l’eczéma, l’arthrite rhumatoïde, les ulcères d’estomac et la fatigue généralisée. Il les nomme aussi maladies créatives, car d’après lui, elles « prennent naissance dans une action de notre corps tentant désespérément de reprendre un réel contrôle sur certaines situations de notre vie qui échappent à notre contrôle de façon chronique » (Glasser, 1997, p. 124). Pour Glasser, le contrôle est un moyen utilisé pour répondre à nos besoins fondamentaux. Selon lui, la personne CHOISIT des comportements douloureux ou autodestructeurs, comme les maladies psychosomatiques. Pour expliquer ces choix, il invoque les raisons suivantes : pour maîtriser une colère qui est souvent peu efficace comme comportement ; pour échapper à un contrôle exercé par une autre personne, ce qui est une forme de rébellion inconsciente ; pour amener les autres à l’aider sans avoir à le demander, ce qui correspond à une sorte d’appel au secours ; pour excuser un refus de faire quelque chose de plus efficace ; pour prendre ou reprendre du contrôle sur sa vie. Pour sortir de ces choix douloureux, la solution la plus efficace réside toujours dans le choix d’un comportement d’« agir » ou de « penser » qui apportera une satisfaction, si petite soit-elle. De surcroît, plus la personne recouvrera un peu de contrôle, plus elle prendra de l’assurance et obtiendra la certitude qu’elle peut en obtenir davantage.

Par ailleurs, il arrive, et c’est inévitable, qu’il y ait dans une situation donnée un conflit entre des besoins fondamentaux ou entre deux aspects (images) d’un même besoin. La personne ressent alors un grand déchirement interne indiquant une perte

35 « Maladie chronique, souvent sans origine connue et provoquant une diarrhée mêlée de mucosités et de sang » (Office québécois de la langue française, 1979b).

totale de contrôle, car peu importe ce qu’elle fait, il y a toujours une différence entre ce qu’elle a et l’une ou l’autre image qu’elle veut dans son monde de qualité. Pour reprendre le contrôle, cette situation amène le système comportemental à être de plus en plus créatif pour trouver constamment des solutions, ce qui peut entraîner de la fatigue, de l’épuisement et même conduire à la maladie, si la personne n’écoute pas les signes de son corps. Glasser (1997) parle alors d’un vrai conflit. Pour illustrer le vrai conflit, il nous parle d’un homme qui se voit offrir une promotion à son travail à condition de déménager dans une autre ville, mais sa conjointe ne peut abandonner ses parents âgés, car elle est fille unique. Il est donc pris entre la satisfaction de ses besoins de pouvoir et de liberté et celui d’amour. Glasser distingue le vrai conflit du faux conflit par le fait que dans ce dernier, il existe un comportement susceptible de résoudre le conflit, mais la personne n’est pas prête à faire les efforts nécessaires et préfère se plaindre, demeurer dans l’inaction et dans la souffrance. Par exemple, une personne malheureuse qui voudrait aller à l’université, mais se dit ne pas pouvoir, car elle doit travailler. Il est à souligner que Glasser croit qu’il y a peu de véritables vrais conflits et que la plupart sont de faux conflits. Ce sont alors des conflits de représentations spéciales, de « vouloirs », mais pas de besoins. Pour terminer, il nous rappelle que le choix de la souffrance et de l’incapacité ne nous aide pas et ne nous permet pas d’aider les autres personnes engagées dans un conflit.

Figure 6. Schématisation de la théorie du choix de William Glasser.

Perception d’une image réelle par des filtres :

sensoriel, des connaissances et valuatif

SYSTÈME