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Le groupe SU(2)

Dans le document Champs Quantiques Relativistes (Page 124-128)

9.2 Sym´ etries de jauges non ab´ eliennes

9.2.1 Le groupe SU(2)

Ces id´ees furent introduites `a l’origine par Yang et Mills en 1954. Ils avaient alors en tˆete la sym´etrie de l’isospin que nous avons utilis´ee pour introduire les concepts au tout d´ebut de ce cha-pitre. On parlera donc de th´eories de Yang-Mills. Le groupe SU(2) n’engendre pas directement d’interaction dans le Mod`ele Standard, mais c’est l’exemple le plus simple de groupe non-ab´elien int´eressant. L’int´erˆet `a d´evelopper cette th´eorie est double : d’une part, elle illustre tous les concepts pour les th´eories de jauges non ab´eliennes, d’autre part, elle mettra en ´evidence la n´ecessit´e d’in-troduire un m´ecanisme de brisure des sym´etries (qui sera d´evelopp´e au chapitre suivant).

Partons du Lagrangien libre de deux spineurs de mˆeme masse, r´eunis en un vecteur `a huit composantes, not´e aussi Ψ, comme dans le cas du nucl´eon :

L =iΨγµµΨ−mΨΨ. (9.13)

Nous avons d´ej`a not´e que le groupe SU(2) est un groupe de sym´etrie de cette th´eorie, pour des matrices U ∈SU(2) constantes, i.e. des transformations globales. A nouveau, imposons la trans-formation locale U(x) ∈ SU(2), ce qui signifie que la transformation infinit´esimale U(x) s’´ecrit aussi

U(x) =I+iαa(x)Ta, (9.14)

o`u Ta∈su(2).

Le terme cin´etique devient :

iΨγµµΨ −→ iΨU(x)γµ(U(x)∂µΨ +∂µU(x)Ψ) =iΨγµµΨ +iΨγµU(x)∂µU(x)Ψ. (9.15) Ainsi, il apparaˆıt `a nouveau un terme suppl´ementaire, qu’il s’agira de faire disparaˆıtre. Introduisons la notation

Bµ(x) =iU(x)∂µU(x), (9.16)

de sorte que le terme en question s’´ecrive

ΨγµBµΨ. (9.17)

CeBµ est donc l’analogue de∂µαen ´electrodynamique, mais avec trois degr´es de libert´es, i.e. trois fonctions ind´ependantes de x. Montrons d’abord queBµ∈su(2), autremement dit, montrons que

Bµ =Bµ, (9.18)

Tr [Bµ] = 0, (9.19)

o`u la trace est bien sˆur prise sur l’espace des matrices 2×2. En effet, (i) : U U =I =⇒ ∂µ U U

= 0 =⇒ U ∂µU

+ (∂µU)U = 0 ; (ii) : soitU =I+iαa(x)Ta, alors∂µU =i∂µαa(x)Ta,

d’o`u, au plus bas ordre,Bµ=i(I−iαa(x)Ta) (i∂µαa(x)Ta) =−∂µαa(x)Ta et donc Tr [Bµ] =−∂µαa(x)Tr [Ta] = 0.

Nous sommes prˆets `a continuer dans l’´etablissement de la th´eorie. Il suffit d’appliquer une proc´edure identique `a celle qui conduit `a l’´electrodynamique. Le but principal ´etant, rappelons-le, d’ajouter suffisamment d’´el´ements au Lagrangien pour rendre ce dernier sym´etrique par rapport au groupe SU(2). Pour cela, il faudra

1. introduire un champAµ; 2. d´efinir une d´eriv´ee covariante ;

3. imposer la bonne loi de transformation deAµ sous la transformation de jauge ; 4. identifier le bon Lagrangien libre pourAµ.

On obtiendra alors directement les termes d’interaction du champ de jauge et du champ spinoriel.

Plus explicitement :

1. On introduit le nouveau champ de jauge pour ´eliminer le terme suppl´ementaire. Il doit donc ˆetre de la mˆeme nature que ce dernier. Donc

Aµ(x)∈su(2).

On peut donc le consid´erer de mani`ere ´equivalente comme matrice 2×2, ou comme trois champs vectorielsAaµ(x).

2. D´efinissons la d´eriv´ee covariante

Dµ =I2µ−iAµ. (9.20)

3. Choisissons la loi de transformation deAµ qui annule le terme enBµ :

Aµ −→ U AµU−i(∂µU)U. (9.21) 4. Par analogie avec l’´electrodynamique, d´efinissons le tenseurFµν par

−iFµν = [Dµ, Dν] . (9.22)

V´erifions que nous avons bien d´efini les diff´erents objets. Tout d’abord, Dµ est bien une d´eriv´ee covariante :

DµΨ −→ ∂µ−iU AµU−(∂µU)U

= (∂µU) Ψ +U ∂µΨ−iU AµΨ−(∂µU) Ψ =U(∂µ−iAµ) Ψ

=U DµΨ.

En particulier, on a aussiDµ→U DµU. Avec ceci, il est ais´e de montrer que le groupe SU(2) local est bien un groupe de sym´etrie du Lagrangien (sans consid´erer pour l’instant le terme libre pour Aµ). En effet,

iΨγµDµΨ −→ iΨUγµU DµΨ =iΨγµDµΨ,

ce qui est naturel puisque nous avons pr´ecis´ement choisi le champ Aµ et sa loi de transformation dans ce but. De la d´efinition (9.20), on trouve que le terme d’interaction fermion-champ de jauge est donn´e par

LI = ΨγµΨAµ, (9.23)

et il de la forme de l’interaction d’un courant associ´e au spineur avec le champ de jauge Aµ. Il nous reste `a construire le Lagrangien du champ de jauge seul. De la d´efinition du tenseurFµν, on en tire sa loi de transformation :

Fµν =i[Dµ, Dν] −→ i

U DµU, U DνU

=iU[Dµ, Dν]U=U FµνU. (9.24)

Par analogie avec le cas ab´elien, et afin d’assurer l’invariance de Lorentz, on cherche un terme quadratique enFµν, qui soit de plus invariant sous les transformations de jauge. CommeFµνFµν → U FµνFµνU, la seule possibilit´e est

LA=CTr [FµνFµν] , (9.25)

puisque la cyclicit´e de la trace permettra d’´eliminer lesU r´esiduels apr`es transformation de jauge.

Pour d´eterminer la constante, nous allons maintenant choisir la repr´esentation deAµ comme trois champs vectoriels. Pour chacun d’entre eux, nous allons logiquement imposer que le terme libre soit ´equivalent `a celui du champ vectoriel de l’´electrodynamique. Comme Aµ ∈ su(2), on peut le d´ecomposer de la mani`ere suivante :

Aµ=gAaµτa

2 . (9.26)

De plus, on peut donner la repr´esentation explicite du tenseur Fµν en terme du champAµ : Fµν =∂µAν−∂νAµ−i[Aµ, Aν] . (9.27) Ainsi, ce tenseur fait aussi partie de l’alg`ebresu(2), on peut donc l’´ecrire de mˆeme

Fµν =gFµνa τa

2 . (9.28)

On peut alors ins´erer la d´ecomposition (9.26) dans l’eq. (9.27), puis en identifiant les termes, calculer la repr´esentation deFµνa en terme de champsAaµ :

Fµν =gτa

2 ∂µAaν−∂νAaµ

−ig2 τb

2,τc 2

AbµAcν

=gτa

2 ∂µAaν−∂νAaµ

+g2bcdτd

2 AbµAcν=gτa 2

µAaν−∂νAaµ

+gabcAbµAcν , d’o`u

Fµνa = ∂µAaν−∂νAaµ

+gabcAbµAcν. (9.29)

Alors

CTr [FµνFµν] =Cg2

4 Fµνa Fµν bTr τaτb

| {z }

=2δab

=Cg2

2 Fµνa Fµν a. On choisit doncC=−2g12.

Nous avons donc obtenu une th´eorie compl`etement SU(2)-local invariante, avec deux spineurs et trois champs de jauge. Rassemblons en un seul tableau tous les r´esultats :

L =− 1

2g2Tr [FµνFµν] +iΨγµDµΨ−MΨΨ, (9.30)

o`u Dµ=∂µ−iAµ, (9.31)

et Fµν =∂µAν−∂νAµ−i[Aµ, Aν] ; (9.32) jauge :

Aµ −→ U AµU−i(∂µU)U,

Ψ −→ UΨ. (9.33)

Nous avons d´ej`a mis en ´evidence le terme d’interaction qui provient de la d´eriv´ee covariante.

Parall`element, on observe que la structure non commutative de l’alg`ebre su(2) induit directement des termes d’interactions entre les trois champs vectoriels. En effet,

Fµνa Fµν a= ∂µAaν−∂νAaµ

(∂µAν a−∂νAµ a) + 4gabcµAaνAµ bAν c+g2abcadeAbµAcνAµ dAν e,

o`u on a bien les termes cin´etiques traditionnels, mais en plus deux types d’interaction `a trois et `a quatre champs de jauge. C’est l`a une diff´erence fondamentale avec l’´electrodynamique quantique o`u les photons ´evoluent de mani`ere ind´ependante les uns par rapport aux autres. La figure 9.2 montre les trois vertex possibles, avec leur facteur respectif.

Fig.9.2 – Les trois vertex de la th´eorie de jaugesu(2).

Finalement, on peut r´e´ecrire le Lagrangien (9.30) plus explicitement avec tous les indices. On obtient une expression passablement plus compliqu´ee, mais tout `a fait ´equivalente et plus r´ev´elatrice du contenu physique de la th´eorie :

L =−iΨ∂Ψ/ −MΨΨ−1

4 ∂µAaν−∂νAaµ

(∂µAν a−∂νAµ a) +gAaµΨγµτa

2 Ψ +gabc(∂µAaν)Aµ bAν c−1

4g2abcadeAbµAcνAµ dAν e. (9.34) A nouveau, il est int´eressant de noter qu’il n’y qu’une seule constante de couplage en jeu, la sym´etrie de jauge ayant impos´e une relation stricte entre les diff´erents termes du Lagrangien d’interaction.

Remarque Historiquement, Yang et Mills tent`erent d’appliquer ceci `a la th´eorie de l’interaction forte et de d´ecrire ainsi les m´esons vectoriels comme le tripletρ0, ρ±. Malheureusement, ce fut un

´

echec, puisque ces particules sont massives et que les bosons de jauge Aaµ sont sans masse. Il est d’ailleurs impossible d’ajouter des termes de masse dans le Lagrangien qui respecteraient toutes les sym´etries pr´esentes ici. Nous verrons par la suite comment r´esoudre ce probl`eme essentiel : comment conf´erer aux bosons interm´ediaires une masse non nulle ? On devra faire appel `a un principe nouveau, la brisure spontan´ee de sym´etrie et le m´ecanisme de Higgs.

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