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: LAMETA, Montpellier SupAgro, 2 place Viala 34060 Montpellier cedex 2,

grolleau@supagro.inra.fr

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: LAMETA, ADEME-INRA, 2 place Viala 34060 Montpellier cedex 2,

beretti@supagro.inra.fr

L’effet de biais cognitifs et comportementaux sur les politique publiques liées aux sols

Epley, Mak et Idson (2006) démontrent expérimentalement que le choix relativement simple des individus de dépenser ou d’épargner une somme d’argent qui leur est allouée peut dépendre en grande partie du terme utilisé pour décrire cette somme d’argent supplémentaire : ils ont ainsi observé que 73% des étudiants qui ont reçu un « remboursement » (tuition rebate) de 50$ ont épargné intégralement cette somme, tandis que 36% seulement de ceux qui ont reçu un « bonus » (bonus income) du même montant ont épargné ce dernier en totalité. Ce phénomène peut s’expliquer par un changement de point de référence. Dans les deux cas, l’individu a affaire à une augmentation de son revenu, mais dans un cas il s’agit d’une augmentation simple et dans le second cas il s’agit de la compensation d’une perte préalable. Or, un individu fera plus d’effort pour éviter une perte que pour acquérir un gain de même valeur, biais cognitif plus connu sous le nom d’aversion aux pertes (Kahneman et Tversky, 1979).

Plus généralement, les biais comportementaux, ou distorsions dans la façon de percevoir la réalité, sont considérés comme des biais car ils constituent des déviations par rapport au modèle de rationalité économique. Ces biais sont systématiques et souvent prévisibles et les ignorer conduit à réduire l’efficacité de la décision publique

Les écosystèmes fournissent des services indispensables au fonctionnement de nos sociétés. L’évaluation économique d’un service écosystémique est un exercice difficile, étant donné que ceux-ci échappent généralement aux transactions de marché traditionnelles et ne sont souvent pas directement mesurables. La perte, la diminution ou la détérioration de la qualité de ces services et la nécessité de leur restauration voire de leur remplacement par des solutions de substitution capitalistique permettent parfois de se rendre compte de leur importance considérable. En combinant différentes méthodes d’évaluation, Costanza et al. (1997) ont estimé que la valeur du capital naturel et des services écosystémiques rendus par la nature était de l’ordre de 16 à 54 billions (1012) de US$ avec une moyenne de 33 billions de US$ par an, soit près du double du PIB mondial. A titre d'exemple, le coût des dégradations des sols pour l'Europe des vingt-cinq pourrait atteindre 38 milliards d'euros par an (Commission Européenne, 2006). Les ordres de grandeur avancés sont souvent considérés comme des estimations minimales, ces services étant considérés comme indispensables au maintien de la vie et donc in fine d’une valeur quasi-infinie du point de vue de la survie.

Particulièrement dans le cas des services écosystémiques fournis par les sols, l’évaluation est difficile, voire inexistante. Les dégradations interviennent de façon presque imperceptible, mais leur accumulation sur des horizons temporels plus grands engendrent des dégâts considérables, parfois irréversibles. La préservation et la restauration de ces services est un enjeu majeur pour le développement durable et l’avenir de nos sociétés.

 

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L’effet des points de référence et des causes alternatives

De nombreux économistes et psychologues ont remis en question l’idée que l’utilité d’un agent dépend exclusivement du résultat et des conséquences et ont suggéré que le point de référence et les causes d’une situation donnée associés au résultat forment l’utilité (Gregory et al., 1993; Bulte et al., 2005). Selon Kahneman et Tversky (1979), les points de référence vont déterminer si le changement proposé est formulé en tant que gain ou en tant que perte, et va au final influencer la façon dont l’individu évalue les différentes options. L’asymétrie de la fonction d’évaluation implique que les pertes depuis un point de référence ont un plus grand impact sur la prise de décision qu’un gain de taille équivalente à partir du même point de référence. L’aversion aux pertes signifie que les gens ont plus de motivation et consentent à payer davantage pour éviter une perte que pour acquérir un gain de la même importance.

En parallèle, il existe une littérature, modeste mais croissante, qui souligne que le consentement à payer (CAP) pour résoudre un même problème environnemental diffère selon que le problème ait des causes humaines ou bien des causes naturelles (Walker et al., 2009; Bulte et al., 2005).

Néanmoins, l’analyse combinée de ces deux paramètres – les points de références et les causes alternatives – est rare dans la littérature. L’objectif de notre contribution est de combler ce manque en utilisant une enquête quasi-expérimentale pour tester si les points de références et les causes alternatives affectent l’intérêt et le consentement à payer des répondants pour résoudre un problème environnemental. Cette contribution comporte trois aspect originaux. Premièrement, nous associons les points de références et les causes alternatives dans la même enquête quasi-expérimentale sur un échantillon représentatif de la population française. Nous prétendons que les individus ne prennent pas en compte les points de références en soi de façon isolée mais qu’ils considèrent également le contexte, tel que des causes alternatives. En d’autres termes, à points de référence identiques, les individus sont susceptibles de réagir différemment selon les causes alternatives conduisant à ces points (Bulte et al., 2005). Deuxièmement, à la différence de l’eau et de l’air, le sol n’a pas bénéficié de la même attention dans la littérature en économie de l’environnement, ainsi que dans la décision publique. Pourtant, des politiques environnementales sont en cours d’élaboration, telle que le United States Department of Agriculture 2011 Soil and Water Resources Conservation Act, ainsi que la Directive Cadre Sol de la Commission Européenne (COM(2006)232) qui a pour objectif d’assurer « un niveau de protection adéquat pour tous les sols en Europe ». Troisièmement, l’analyse de ces problématiques permet d’informer de façon pertinente les décideurs publics sur des manières d’améliorer le design des politiques publiques, en considérant des interventions à faible coût pouvant générer des effets de premier ordre.

Notre expérience permet de mettre en évidence deux principaux résultats :

- les individus participent significativement plus à l’expérience lorsque l’amélioration environnementale est formulée comme la restauration d’une perte préalable plutôt que comme un gain net de la même amplitude

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l’intérêt déclaré pour la mise en place d’un programme de restauration des sols est significativement supérieur lorsque la dégradation est d’origine humaine que lorsque celle-ci est causée par des facteurs naturels.

Perception des fonctions du sol par les usagers de

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