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Doctorante, Université Paris1 Panthéon-Sorbonne, UMR 8215,

jeanne.brancier@gmail.com

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Chargée de recherche,

Inrap, UMR 5140, Equipe Sol-DMOS, AgroParisTech,

cecilia.cammas@inrap.fr

Introduction

Les recherches archéologiques récentes menées notamment par l’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) et plus spécifiquement dans le cadre du programme Couac mettant en jeu différents acteurs institutionnels, tels que le Cirad, l’Inra et l’Inrap, ont révélé des occupations amérindiennes anciennes dans différents contextes géomorphologiques sur le territoire guyanais. Dans la majorité des cas, les sites archéologiques se caractérisent par la présence plus ou moins importante de tessons ou de céramiques entières, de trous de poteaux, ou encore par la présence d’un sol caractéristique d’une ancienne occupation humaine, et décrit, par les archéologues, comme ”un sol épais et sombre”. Or, non loin de là, dans la partie amazonienne du Brésil, du côté de la ville de Manaus (environ 1200 km de Cayenne), les archéologues ont décrit un type de sol présentant apparemment des caractères proches, et l’ont appelé Terra Preta do Indio, ou

Amazonian Dark Earth (ADE). Les nombreux scientifiques qui se sont penchés sur ces sols

ont notamment utilisé la géoarchéologie, et en particulier la micromorphologie, couplée à des analyses géochimiques et sédimentologiques dans le but de décrire ces niveaux sombres, de comprendre leur potentiel archéologique et leurs caractéristiques intrinsèques. Leurs résultats montrent que l’étude de la Terra Preta est nécessaire pour appréhender les occupations humaines anciennes. Ainsi, dans le but de mieux comprendre les anthroposols archéologiques de Guyane française, et, plus largement de documenter la connaissance des interactions société-milieu propres à ces populations, nous avons utilisé une approche géoarchéologique, sur les niveaux sombres mis au jour dans les sites archéologiques de Guyane française, en s’inspirant des protocoles analytiques appliqués aux Terra Preta. Matériel et Méthode

Grâce aux fouilles de l’Inrap, nous avons pu accéder aux coupes archéologiques de deux sites, Chemin-Saint-Louis et Balaté, situés sur la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, dans l’Ouest de la Guyane, à la frontière avec le Surinam. Ces deux sites présentent l’intérêt de se situer dans le même contexte géomorphologique, à savoir sur la plaine alluviale du fleuve Maroni, et d’être proches l’un de l’autre, nous permettant ainsi de pouvoir faire des comparaisons entre ces sites. Des analyses micromorphologiques ont été réalisées sur des blocs orientés non perturbés (15x10 cm) prélevés en colonne stratigraphique continue sur des profils complets, des niveaux de surface, au substrat, afin d’appréhender les variations verticales fines au sein de chaque profil. Cette technique de prélèvement permet également de conserver les limites entre les unités de sol et ainsi de comprendre comment ces sols se sont déposés et agencés. Pour chaque profil nous avons réalisé des prélèvements de sédiments en vracs, afin de réaliser des analyses géochimiques et granulométriques, et de définir la couleur des sédiments en laboratoire en utilisant le Code Munsell.

Les lames minces ont été fabriquées et étudiées au sein de l’unité de micromorphologie de l’INRAP hébergée par l’Equipe Sol-DMOS à AgroParisTech (Thiverval-Grignon, Yvelines).

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Nos premiers résultats mettent en évidence des différences, visibles dans les deux sites, entre les niveaux archéologiques, sombres et comportant des traces de l’activité humaine, avec les niveaux inférieurs, que nous appelons le substrat. Ces différences portent principalement sur la couleur et la texture. Le substrat est à dominante “yellow” (10YR6/8) et présente une texture très argileuse (20% d’argile). Il est aussi caractérisé par la présence de revêtements argileux. Les couches archéologiques sont à dominante “brown” (10YR2/2) et de texture sablo-limoneuse (5% d’argile). Si l’on regarde les constituants anthropiques, dans les niveaux archéologiques, nous avons mis en évidence une quantité importante de résidus d’origine organique, notamment des fragments de tissus végétaux décomposés et des charbons, qui participent à la coloration foncée des sédiments. Il a été observé, également, pour la première fois, que ces sédiments contiennent de grandes quantités de phytolithes, qui peuvent constituer un fort potentiel pour une étude botanique. Plusieurs fragments de céramiques apparaissent également dans nos échantillons. Cela est intéressant pour appréhender les différences de fabrication et d’utilisation des céramiques, en fonction des sites : à Chemin-Saint-Louis, on trouve trois types de céramiques différentes, alors qu’à Balaté, nous en avons repéré deux, dont un ressemblerait sensiblement à l’un de Chemin- Saint-Louis. D’autre part, nous n’avons retrouvé que très peu de restes d’os, dans une qualité très médiocre et seulement à Balaté, probablement du fait de l’acidité importante du milieu (entre 4 et 5).

Discussions et conclusion

Cette première étude sur les sols anthropisés de Guyane française nous donne des renseignements sur la nature de ces sites, et nous montre que ces horizons noirs possèdent des propriétés qui leurs sont propres. Ainsi, après discussions avec les archéologues, nous suggérons d’appeler ces horizons noirs de Guyane française des Guianan Dark Earth (GDE), faisant écho au terme Amazonian Dark Earth existant pour les Terra Preta. D’autre part, en comparant ces premiers résultats sur les GDE, avec les études menées sur les ADE (Arroyo-Kalin, 2004) nous voyons apparaître quelques similitudes, notamment concernant les différences de couleur et de texture entre l’horizon archéologique et le substrat. Toutefois, les Terra Preta semblent comporter davantage de restes d’anthropisation, notamment des agrégats d’argiles brulées, ou de nombreux os. Cette différence peut être liée à la fois à une variation de conservation en fonction du milieu, nous pensons notamment à la différence d’acidité (Terra Preta : pH=6, Terres Noires Guyanaises : pH=4), ou encore aux activités humaines qui seraient différentes entre les sites. Malgré ces différences entre GDE et ADE, il est important de garder en mémoire que ces deux types de sols archéologiques font partie ensemble de la grande famille que forment les sols archéologiques du bassin Amazonien.

À présent, il serait intéressant et nécessaire d’étendre et d’approfondir ces recherches sur les sites archéologiques de Guyane française, afin notamment d’obtenir un référentiel de ces sols anciennement occupés par l’Homme, nous permettant de mieux appréhender l’occupation humaine dans cette région du globe.

Référence

ARROYO-KALIN M. 2004 : Steps towards an Ecology of Landscape : the Pédo-Stratigraphy of Anthropogenic Dark Earth. In GLASER B et WOODS WI (eds), Amazonian Dark Earth:

Microstratigraphies archéologiques : activités anthropiques

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