• Aucun résultat trouvé

FROSSARD Emmanuel 1 , TAMBURINI Federica 1 , BERNASCONI Stefano M 2 , PFAHLER Verena 1 , VON SPERBER Christian 1 et DÜRR-AUSTER Thilo

1

: Institut des sciences agronomiques, ETH Zurich, Eschikon 33, 8315 Lindau,

Suisse, emmanuel.frossard@ipw.agrl.ethz.ch

2

: Institut de géologie, ETH Zurich, Sonneggstrasse 5, 8092 Zurich, Suisse

Cette présentation a pour but de montrer comment les isotopes de l’oxygène associés au phosphate peuvent être utilisés pour l’analyse du cycle du phosphore (P) dans le système sol plante. Après avoir montré comment différents processus (adsorption, désorption, prélèvement par les plantes ou les microorganismes, hydrolyse enzymatique) peuvent modifier la signature isotopique de l’oxygène du phosphate (18O-PO

4), nous

montrons comment l’analyse de 18O-PO

4 du P des sols et les végétaux a permis de mieux

comprendre l’importance de la biomasse microbienne dans le cycle du phosphore pendant les stades précoces d’évolution des sols suivant le retrait d’un glacier.

Le 18O-PO

4 est calculé de la façon suivante :

18O-PO

4échantillon(‰) = 1000x([{18O-PO4/16O-PO4}échantillon/{18O/16O}référence]-1) Eq. 1

Où {18O-PO

4/16O-PO4}échantillon représente le rapport 18O sur 16O du phosphate extrait d’un

échantillon, et {18O/16O}

référence le rapport 18O sur 16O du standard VSMOW.

En absence d’activité biologique et à température ambiante l’échange d’oxygène entre les molécules d’eau et de phosphate est négligeable [1]. La précipitation et l’adsorption du P n’entraine qu’un faible fractionnement isotopique [2; 3]. Par contre en présence d’une activité biologique on observe des échanges importants d’oxygène entre les molécules d’eau et de phosphate. Cet échange peut être associé à des fractionnements isotopiques significatifs [4].

L’enzyme pyrophosphatase présente à l’intérieur des cellules vivantes catalyse cet échange et conduit à un équilibre isotopique entre les oxygènes de l’eau et des phosphates dépendant de la température [5]. L’équation reliant la composition isotopique des oxygènes du phosphate à celle de l’eau et à la température à l’intérieur d’un organisme vivant est la suivante [6]:

T(°C) = 111.4 - 4.3 x (18O-PO

4 - 18O-eau) Eq. 2

Contrairement à ce que l’on observe avec l’activité intracellulaire de la pyrophosphatase, les activités phosphatasiques extracellulaires ont des effets généralement irréversibles sur le 18O-PO

4. L’attaque d’un diester P (R-O-PO2--O-R’) par la

phosphodiesterase conduit à l’incorporation d’un atome d’oxygène provenant de l’eau ambiante dans le groupement phosphate du diester pour produire un monoester P (R-O- PO32-). Ensuite l’hydrolyse de ce monoester par la phosphomonoesterase entraine

l’incorporation d’un second atome d’oxygène dans l’orthophosphate qui est libéré [4; 7]. En plus l’effet de la phosphodiesterase sur le 18O-PO

4 du monoester P produit dépend du

substrat: on observe une incorporation préférentielle de 16O dans les nucléotides libérés de

l’ADN et une incorporation préférentielle de 18O dans les nucléotides libérés de l’ARN [7].

 

69  

solution provenant de l’hydrolyse de l’ADN de celui provenant de l’ARN, en particulier quand la croissance des microorganismes n’est pas limitée par la disponibilité du P.

Des études conduites sur Escherichia coli ont montré que ce microorganisme prélève préférentiellement des phosphates légers, donc enrichis en 16O [4]. Des résultats obtenus

récemment dans notre laboratoire suggèrent que les plantes affectent fortement la composition isotopique de l’oxygène du phosphate. Elles prélèvent apparemment aussi de façon préférentielle des phosphates enrichis en 16O. Ce phosphate est ensuite transporté

vers les feuilles où l’oxygène de l’eau, qui s’est enrichi en 18O suite au phénomène de

transpiration, s’équilibre avec l’oxygène du phosphate pour donner un phosphate « métabolique » (le pool de phosphate localisé dans la feuille qui présente un turnover rapide) enrichi en 18O comparé au phosphate initialement prélevé.

Nous avons analysé les teneurs en P et le 18O-PO

4 d’échantillons de sols et de

végétaux prélevés dans une chronoséquence sur granite localisée devant un glacier en retrait dans les Alpes suisses [9]. Cette chronoséquence permet d’analyser le développement du sol pendant ses 150 premières années [9]. Trois pools de P ont été analysés dans les sols : le P minéral extrait à HCl, le P disponible extrait par une résine anionique, et le P microbien extrait par l’hexanol et une résine anionique. Nous avons utilisé le protocole de purification du phosphate pour l’analyse des isotopes de l’oxygène développé par Tamburini et al. [10]. Les échantillons de plantes ont aussi été extraits par HCl pour obtenir une approximation du P métabolique. Enfin nous avons mesuré le 18Ode l’eau du

sol et des plantes. Le P du sol extrait par HCl présente un 18O-PO

4 proche de 7‰. Cette

signature isotopique est celle qui est attendue dans une apatite d’origine métamorphique. Le P métabolique des plantes par contre a des valeurs de 18O-PO

4 proches de 20‰. Le P

microbien et le P résine ont des valeurs de 18O-PO

4 variant entre 11 et 17‰. Ces valeurs de

18O-PO

4 se situent dans la zone d’équilibre isotopique calculée à partir de l’équation 2

quand on prend en compte les températures ambiantes et le 18O-eau mesurés pendant la

période de végétation. Nous déduisons de ces résultats que tout le P extrait par la résine a été métabolisé à un moment ou un autre par la biomasse microbienne du sol. Des calculs prenant en compte les teneurs en P et les 18O-PO

4 des pools de P minéral et de P

microbien des sols et le pool de P métabolique des plantes ont permis d’estimer les flux de P de ces différents pools vers le P résine. Ces calculs suggèrent que le turnover du P microbien est très rapide dans ces sols jeunes (quelques semaines). L’analyse des isotopes de l’oxygène associés au phosphate a permis pour la première fois d’identifier dans le pool de P disponible du sol, des phosphates ayant transités par la biomasse microbienne. Cela suggère que l’importance des réactions (micro)biologiques dans le cycle du P ne doit pas être évaluée sur des périodes courtes, de quelques semaines comme cela est fait dans des études d’incubation au laboratoire, mais sur des périodes beaucoup plus longues (année- décades) [10; 11].

Références

[1] WINTER, E.R.S., et al., Journal of the Chemical Society 32 (1940) 131-138. [2] LIANG, Y., BLAKE, R.E., Chemical Geology 238 (2007) 121-133.

[3] JAISI, D.P., BLAKE, R.E., Geochimica Cosmochimica Acta 74 (2010) 3199-3212. [4] BLAKE, R.E., et al., American Journal of Science 305 (2005) 596-620.

[5] BLAKE, R.E., et al., American Mineralogist 83 (1998) 1516-1531.

[6] LONGINELLI, A., NUTI, S., Earth Planetary Science Letters 19 (1973) 373-376. [7] LIANG, Y.H., BLAKE, R.E., Geochimica Cosmochimica Acta 73 (2009) 3782-3794. [8] BERNASCONI, S.M., et al., Vadose Zone Journal 10 (2011) 867–883.

[9] TAMBURINI, F., et al., European Journal of Soil Science 61 (2010) 1025–1032. [10] TAMBURINI, F., et al., submitted (2012).

[11] FROSSARD, E., et al., (2011). Phosphorus in action-biological processes in soil phosphorus cycling (BÜNEMANN E.K., et al., Eds.), Berlin, Springer-Verlag (2011) 59-91.

Rôle de la composition de l’eau d’irrigation, des interactions avec

Outline

Documents relatifs