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cas d’une expérimentation de remblaiement de ballastière dans l’estuaire de Seine

MCHERGUI Chockri1, LANGLOIS Estelle1, AUBERT Michaël1, AKPA-VINCESLAS Marthe1, HUSTE Aurélie1, MARGERIE Pierre1, CHAUVAT Matthieu,

SAMSON Sandrine2 et BUREAU Fabrice1.

1

: Laboratoire ECODIV, EA1293, Université de Rouen, IRESE A, place Emile

Blondel, F-76821 Mont Saint Aignan Cedex, chockri.mchergui@univ-rouen.fr

2

: Service environnement du Grand Port Maritime de Rouen, 34 boulevard de

Boisguilbert, F-76022 Rouen Cedex 3

Les études menées dans les secteurs les moins anthropisés des hydrosystèmes fluviaux européens (Loire, Rhône, Garonne, Rhin et Danube) ont montré la grande diversité biologique des écosystèmes alluviaux constitutifs de la plaine alluviale mais aussi leurs multiples fonctions écologiques (Amoros et Petts, 1993 ; Schnitzler-Lenoble, 2007 ; Barnaud et Fustec, 2007). Compte tenu de leur position au sein du lit majeur, les sols des plaines alluviales constituent le lieu de passage privilégié des flux d'eau et de matière entre les écosystèmes connexes et le fleuve (Pinay et al., 1990 ; Guenat et al., 2003). Ils interviennent ainsi dans la régulation des échanges d’eau et de matière mais aussi des pollutions diffuses par l'azote et le phosphore et influencent corrélativement la qualité des eaux de la nappe phréatique (Sanchez Pérez et al., 1991 ; Piégay et al., 2003). Ces fonctions en rapport avec les cycles biogéochimiques, combinées à la fonction de support de la production primaire, placent les sols de la plaine alluviale au centre des questionnements actuels sur les relations entre biodiversité et fonctionnement des écosystèmes alluviaux. Corrélativement, la prise en compte de cette multifonctionnalité des sols constitue un enjeu majeur dans la compréhension des possibilités de restauration des écosystèmes alluviaux les plus dégradés, notamment des estuaires.

L’estuaire de la Seine qui s’étend de Rouen au Havre est caractérisé par une mosaïque de milieux humides (vasières, roselières, prairies humides, tourbières…) et forme un ensemble écologique de première importance à l’échelle européenne. Par ailleurs, il est occupé par de vastes complexes industrialo-portuaires qui impactent le fonctionnement du système estuarien (cf. résultats du programme Seine Aval). Ainsi, l’estuaire de la Seine a fait l’objet d‘aménagements pour autoriser la navigation jusqu'à Rouen. L’entretien du chenal de navigation nécessite des dragages réguliers et les sédiments collectés sont habituellement déposés à terre dans des chambres de dépôt qui ont une capacité d’accueil aujourd’hui limitée. La plaine alluviale est aussi le lieu d’une importante activité d’extraction de granulats qui impacte, notamment, les marais alluvionnaires. L’obligation légale de réaménager les sites d’extraction de granulats après leur exploitation amène classiquement à la création de plans d’eau. Dans ce contexte, le Grand Port Maritime de Rouen (GPMR) a réalisé une expérimentation originale : remblayer une ballastière à l’aide de sédiments de dragage puis recouvrir ceux-ci de tourbe alcaline issus de découvertes d’exploitation de granulats afin de restaurer des milieux humides (plan d’eau de faible profondeur, mégaphorbaie et prairie humide tourbeuse). Cette expérimentation, autorisée par arrêté préfectorale pris au titre de la Loi sur l’eau, est menée en partenariat avec le Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine Normande (PNRBSN) et en collaboration avec les Carrières et Ballastières de Normandie (CBN). Le réaménagement écologique de la ballastière qui a suivi la phase de remblaiement a débutée en 2008.

 

29 Dans ce cadre, le laboratoire ECODIV de l’université de Rouen a été chargé des suivis écologiques et notamment du suivi de la dynamique du sol reconstitué dans la ballastière destinée à recevoir la prairie humide tourbeuse. L’objectif de ce suivi est de déterminer si le sol reconstitué retrouve les fonctions typiquement attribuées aux sols des écosystèmes humides. Pour réaliser cet objectif, la démarche employée consiste à combiner la mesure des caractéristiques physico-chimiques et biologiques du sol reconstitué avec le suivi d’indicateurs permettant de quantifier les fonctions écologiques qui revêtent une importance particulières dans les sols périodiquement inondés (stockage/déstockage de carbone organique, dénitrification). Ces indicateurs de fonctionnement, relatifs à la dynamique du carbone et de l’azote, sont quantifiés in situ et en conditions contrôlées au laboratoire afin de mesurer le niveau réel et potentiel des fonctions prospectées. Les résultats des suivis réalisés in situ sur le sol reconstitué de la prairie humide dès 2008 sont présentés et discutés lors de cette communication.

L’un des premiers résultats est la mise en évidence de deux types d’HISTOSOLS reconstitués dans la prairie humide : un HISTOSOL mésique occupant la majeure partie de la surface et, plus localement, un HISTOSOL interstratifié. La répartition spatiale de ces deux types d’HISTOSOLS sur le site est directement en relation avec la variabilité des processus de mise en place des sédiments et de la tourbe par voie hydraulique. Le remblaiement par voie hydraulique est donc à l’origine d’un gradient topographique et sédimentaire. Il existe donc une hétérogénéité initiale des caractéristiques édaphiques qui influence le fonctionnement du sol.

Globalement, les patrons de variation du dégagement de CO2 in situ des HISTOSOLS

reconstitués suivent les mêmes patrons de variations que ceux de l’HISTOSOL recouvert d’une prairie pâturée et fauchée adjacente à la ballastière, prise comme élément de comparaison.  Dans les HISTOSOLS reconstitués, la minéralisation de la tourbe est globalement restée assez faible sur la période considérée, malgré le positionnement du matériel tourbeux en surface du sol. La minéralisation nette in situ de l’N dans l’horizon de surface (0-10 cm) des sols reconstitués varie fortement selon la localisation du prélèvement. Elle égale voire dépasse à certaines dates et pour certaines localisations celle de la prairie, prise comme élément de comparaison. S’il existe ponctuellement une immobilisation de l’azote, on observe une tendance à la production nette d’azote minéral sur la période de mesure. Au final, les patrons de variation de la minéralisation de l’N dans les sols reconstitués ne suivent donc pas forcément ceux du sol en place de la prairie adjacente. La dénitrification in situ dans l’horizon de surface (0-10 cm) varie également fortement selon la localisation du prélèvement. Pour l‘HISTOSOLS mésique reconstitué, les valeurs de dénitrification sont les plus élevées dans la zone où la durée d’engorgement en eau est la plus longue. Au final, les patrons de variation de la dénitrification dans les sols reconstitués de la prairie humide ne suivent pas forcément ceux de l’HISTOSOL recouvert de la prairie adjacente et sont très dépendants des conditions locales d’engorgement en eau.

Cette expérimentation dans la basse vallée de Seine constitue donc une étude de cas innovante sur les possibilités de restauration des sols dans un système estuarien fortement anthropisé. Elle a déjà permis la mise en place d’une collaboration entre scientifiques, utilisateurs et gestionnaires des zones humides en basse vallée de Seine. A moyen terme, elle fournira des résultats fondamentaux sur la dynamique des sols d’écosystèmes humides entièrement reconstitués. Sa réussite pourrait également permettre de valider à la fois une nouvelle voie de valorisation des sédiments de dragages pour le GPMR, une alternative possible au réaménagement habituel en plans d’eau des anciennes ballastières pour les carriers et une possibilité de recréation d’écosystèmes humides caractéristiques de la plaine alluviale pour le PNRBSN, écosystèmes dont les services écologiques sont aujourd’hui reconnus (biodiversité, stockage de C, rôle épurateur).

Dans quelle mesure la minéralogie des argiles affecte-t-elle

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