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3.6 Technique d’analyse

3.6.4 Grilles d’analyse

Les origines et la constitution des grilles d’analyse sont présentées en détail dans cette sous-section. De plus, une version synthétisée sous forme de tableau figure à l’annexe 2 pour chacune d’entre elles.

3.6.4.1 Intégration de systèmes

Nous avons développé une proposition théorique afin d’étudier l’intégration de systèmes dans le contexte forestier. Cette proposition, développée à partir de notre revue de la littérature, articule une conception de l’intégration de systèmes appliquée au secteur forestier. Cette proposition théorique a d’ailleurs été présentée en partie dans Morin et al. (2015).

Proposition théorique : Une tierce partie de type intégrateur-système intervient dans la planification forestière afin de réaliser des tâches d’intégration et de coordination de manière à répondre aux besoins d’approvisionnement d’un groupe d’usines de transformation du bois. (Inspiré de Azouzi et al., 2011, 2012 ; Davies et al., 2007 ; Hobday et al., 2005).

L’intégrateur-système est habituellement un fournisseur de premier tiers dans les chaînes d’approvisionnement des secteurs de l’aéronautique et de l’automobile. La structure organisationnelle semble différente dans le contexte distribué du secteur forestier. Nous visons alors à comprendre les différentes structures organisationnelles que l’intégration de systèmes peut prendre dans les chaînes d’approvisionnement forestier à l’étude. Ensuite, cette entité devrait être en mesure de contribuer à une gestion efficace et efficiente du système d’approvisionnement des usines. Pour y parvenir, nous pensons qu’elle doit détenir une expertise en aménagement forestier afin de pouvoir s’impliquer dans la planification forestière. Elle devrait aussi détenir une expertise en gestion des opérations de récolte et de transport afin de gérer adéquatement l’approvisionnement du groupe d’usines. L’adéquation entre la planification forestière et la gestion des opérations de récolte et de transport constitue un moyen de contribuer pleinement à l’intégration et à la coordination des besoins d’approvisionnement. La tierce partie peut ainsi tenter d’optimiser les différentes activités qui mènent à l’approvisionnement des usines. Elle devrait donc détenir également une expertise en logistique. Pour terminer, la tierce partie joue un rôle stratégique dans les chaînes d’approvisionnement forestier en raison notamment de son implication dans la gestion de l’information et des analyses qu’elle peut réaliser pour ses clients.

3.6.4.2 Performance de la planification

Nous avons remarqué dans notre revue de la littérature que peu d’études se sont intéressées aux dimensions organisationnelles et sociologiques de la planification collaborative dans des

environnements distribués comme celui des chaînes d’approvisionnement forestier du Québec. Afin d’évaluer et de pouvoir comparer convenablement la performance de différents processus de planification, nous avons identifié certains cadres théoriques qui font intervenir des facteurs humains dans l’évaluation de la performance (c. f. section 2.414). Le modèle humain-organisation-technologie

utilisé par Berglund et Karltun (2007) en constitue un exemple. Pour opérationnaliser nos analyses, nous avons ainsi choisi d’utiliser la matrice d’évaluation de la performance de la planification de De Snoo et al. (2011). Cette matrice provient de leur cadre théorique que nous avons présenté dans la revue de littérature (De Snoo et al., 2011). L’attrait de cette matrice réside notamment dans la considération de l’influence du niveau d’incertitude provenant du contexte de planification sur l’évaluation de la performance de la planification. Considérant le niveau d’incertitude associé au secteur forestier, cette attention s’avère appropriée. De Snoo et collaborateurs expliquent que plus l’environnement dans lequel la planification est réalisée est incertain, plus il devient nécessaire de porter une attention particulière au processus de planification. Par exemple, dans un environnement incertain, il est régulièrement nécessaire d’adapter la planification en cours de route, ou bien de la recommencer complètement. Un processus qui permet entre autres de la flexibilité et un temps de production du plan relativement court sera alors nécessaire à une planification performante. Inversement, un processus qui permet la production d’un plan « performant », mais qui s’avère plus long et qui ne permet pas des modifications rapides, ne sera pas d’une grande utilité dans ces circonstances.

De plus, cette matrice a été utilisée par Gharbi (2014) et Laliberté et al. (2017) afin d’évaluer la performance de la planification forestière opérationnelle au moyen d’un sondage réalisé à l’échelle du Québec. Ces adaptations nous ont servi de modèle pour l’utilisation de la matrice originale dans notre contexte d’étude. La Figure 14 présente la matrice de De Snoo et al. (2011) adaptée à notre contexte d’étude.

14 L’ensemble des cadres théoriques qui sont rappelés dans cette section ont été présentés à la section 2.4 de la

Figure 14. Matrice d’évaluation de la performance de la planification. Elle a été adaptée des travaux de De Snoo et al. (2011). Cette matrice a servi à l’évaluation de la performance de la planification forestière opérationnelle.

La matrice de De Snoo et al. (2011) a donc été utilisée pour évaluer la performance de la planification forestière opérationnelle de nos cinq cas d’étude. Il faut toutefois mentionner qu’il n’a pas été possible de produire une interprétation fiable de la performance des plans. Les réponses des planificateurs forestiers pour ces facteurs étaient généralement peu précises ou évasives. À titre de comparaison, les planificateurs rencontrés ont répondu avec clarté à nos questions qui concernaient la performance du processus de planification. Par exemple, des dates ainsi que des durées « normales » et « anormales » du processus ont été discutées. Le cas d’étude I fait exception puisque les planificateurs forestiers rencontrés nous ont montré des plans et nous sommes parvenus à discuter en détail les facteurs de performance des plans. Par contre, nous ne sommes pas parvenus à réaliser adéquatement une telle évaluation de la performance des plans pour les cas d’étude II, III, IV et V. Par conséquent, le chapitre 4 présente uniquement les résultats pour la performance du processus de planification.

Nous pensons que dans le contexte incertain qui caractérise la planification forestière opérationnelle, une réflexion qui porterait plus en profondeur sur l’équilibre adéquat entre la performance du plan et du processus est à réaliser. La matrice de De Snoo et al. (2011) suggère que lorsque le niveau d’incertitude augmente, une plus grande considération est à porter au processus plutôt qu’aux plans en raison de la nécessité à replanifier fréquemment. En d’autres mots, dans un contexte qui requiert des replanifications fréquentes, il devient préférable de miser sur un processus performant plutôt que sur un excellent plan. Cependant, De Snoo et al. (2011) ne précisent pas davantage les modalités qui encadrent ce compromis entre qualité du processus et qualité du plan. Malgré nos observations, nous n’avons pas poursuivi cette piste de théorisation puisqu’il ne s’agit pas d’un objectif de cette thèse. Toutefois, il semble pertinent pour des secteurs industriels caractérisés par des replanifications fréquentes de s’intéresser au niveau d’effort qui est à investir dans la production d’un plan.

3.6.4.3 Collaboration dans les chaînes d’approvisionnement

Dans leurs travaux, Cao et Zhang (2013) font remarquer que les entreprises tentent de faire face à la compétition « globalisée » en misant notamment sur la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement. Ces auteurs soulignent également que les défis associés à la mise en œuvre d’une collaboration qui génèrent de réels bénéfices demeurent importants. Face à ces constats, Cao et Zhang (2013) ont donc cherché d’une part à mieux comprendre la nature et les caractéristiques de la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement et d’autre part de quelle manière ces facteurs agissent de façon à faciliter l’atteinte des bénéfices de la collaboration suggérés par la littérature. Le résultat de leurs travaux est un cadre conceptuel qui met en relation quatre facteurs jouant le rôle d’antécédents à la collaboration (culture collaborative, confiance, ressources en technologies de l’information et appropriation des systèmes interorganisationnels), sept caractéristiques de la collaboration (alignement des incitatifs, communication collaborative, création conjointe de connaissances, objectifs concordants, partage des ressources, qualité du partage d’information et synchronisation des décisions) et les bénéfices qui en découlent pour les différentes organisations qui composent une chaîne d’approvisionnement. Ce cadre a été présenté à la Figure 5 de la revue de littérature (section 2.3.2, chapitre 2).

Pour parvenir à proposer ce cadre, Cao et Zhang (2013) ont d’abord effectué une revue de la littérature du domaine de la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement selon plusieurs perspectives théoriques. Ils ont entre autres exploré la littérature qui mobilise la théorie du management par les ressources (resource based view theory) ainsi que celle des coûts de transaction (transaction cost economics). Ils ont aussi revu des théories moins largement utilisées comme la perspective relationnelle (relational view) proposée par Dyer et Singh (1998). Cao et Zhang (2013) ont par la suite retenu des facteurs théoriques qu’ils ont testés au moyen d’entrevues structurées avec des praticiens de quatre firmes évoluant dans des secteurs manufacturiers. Ces entrevues ont permis aux chercheurs de raffiner les facteurs théoriques proposés ainsi que les liens entre ceux-ci. Finalement, les chercheurs ont validé les relations entre les facteurs théoriques au moyen d’un sondage. Ce sondage visait des gestionnaires, des directeurs, des présidents et des présidents-directeurs évoluant dans des chaînes d’approvisionnement du secteur manufacturier. Un questionnaire a été envoyé à 5000 répondants potentiels. 227 réponses ont été reçues, dont 211 remplis de manière appropriée.

Le cadre conceptuel de Cao et Zhang (2013) constitue une base théorique qui nous permet de répondre aux questionnements associés aux objectifs 2 et 3 de cette thèse. En effet, ce cadre conceptuel combine la perspective organisationnelle et informationnelle afin d’expliquer le phénomène de la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement. Concernant notre 2e objectif

de recherche15, les relations entre confiance, culture collaborative et collaboration dans les chaînes

d’approvisionnement nous ont semblé des pistes appropriées pour cerner les apports de composantes moins tangibles de l’action organisée qui sont à l’œuvre durant la réalisation de la planification forestière collaborative ainsi que l’influence d’une tierce partie sur celles-ci. Concernant notre 3e objectif de recherche16, le partage d’information a été décrit comme un défi important du

secteur forestier (c. f. chapitre 1). Il constitue également un sujet important d’étude dans la littérature en planification collaborative (c. f. chapitre 2). L’analyse du rôle d’une tierce partie dans la gestion

15 2e objectif de recherche : Expliquer et théoriser les interactions entre une tierce partie de type intégrateur-système et

les autres organisations d’une chaîne d’approvisionnement dans l’exercice de la planification forestière opérationnelle en s’intéressant plus particulièrement aux facteurs sociologiques qui influencent la collaboration.

16 3e objectif de recherche : Décrire et comprendre le rôle d’une tierce partie de type intégrateur-système dans la

du partage d’information au moyen du cadre de Cao et Zhang (2013) permettra ainsi d’explorer le potentiel de bénéfices d’une tierce partie pour la planification forestière opérationnelle collaborative. Les facteurs théoriques utilisés pour cette grille d’analyse seront présentés en détail au début des chapitres 5 et 6. Pour le moment, mentionnons que nous avons utilisé les portions « antécédents à la collaboration » et « collaboration dans la chaîne d’approvisionnement » pour encadrer la partie de notre échantillonnage qui correspond au critère « collaboration dans les chaînes d’approvisionnement » (2e section du guide d’entrevue). Nous avons aussi choisi de ne pas

développer de questions à partir des portions « avantage collaboratif » et « augmentation de la performance des entreprises » (c. f. section 2.3.2, chapitre 2). Ces portions du cadre de Cao et Zhang (2013) ne rejoignent pas directement l’objet d’étude de cette thèse. Nous sommes en effet plus particulièrement intéressés par la planification collaborative et comme nous l’avons présenté dans la sous-section précédente, des facteurs ont été sélectionnés pour évaluer la performance de celle-ci. Dans cette perspective, les facteurs associés à l’avantage collaboratif constituent une forme de dédoublement avec l’évaluation de la performance du processus de planification. Concernant la performance des entreprises, les facteurs associés ne font tout simplement pas partie des aspects que nous souhaitons évaluer.