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2.3 Collaboration dans les chaînes d’approvisionnement

2.3.1 Collaboration dans les chaînes d’approvisionnement : définitions générales

La collaboration est devenue depuis le début des années 2000 un sujet d’intérêt dans le domaine de la gestion des chaînes d’approvisionnement (Min et al., 2005 ; Richey et al., 2012). Considérant la nature interorganisationnelle et interfonctionnelle des chaînes d’approvisionnement, Forger (2000) voit dans la collaboration un facteur déterminant du domaine : la gestion efficace d’une chaîne d’approvisionnement passerait par une bonne collaboration entre les partenaires qui forment celle- ci. La collaboration est aussi un élément fondamental à la mise en place de systèmes de production plus performants. En théorie, la collaboration permet aux firmes d’améliorer leurs performances en identifiant et en liant les capacités complémentaires ainsi que les ressources et les processus des différentes organisations qui forment une chaîne d’approvisionnement (Fawcett et al., 2012). Il est ainsi possible de réaliser des développements de produits plus rapidement, d’obtenir davantage de qualité et de générer des coûts moindres (Fawcett et al. 2012 ; Cao et al. 2010). Fawcett et al. (2008) ajoutent que la collaboration concerne également l’habileté à travailler au-delà des frontières organisationnelles de manière à construire des processus communs qui génèrent davantage de valeur ajoutée.

Il semble toutefois exister une certaine divergence concernant le concept de la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement. Soosay et Hyland (2015) expliquent qu’il existe différentes formes de relations dans les chaînes d’approvisionnement et qu’un bon nombre d’auteurs utilisent le terme collaboration de manière parfois non appropriée. Par exemple, un partenariat stratégique ou bien de la coordination ne correspond pas tout à fait à de la collaboration. À partir de leur revue de la littérature systématique, Soosay et Hyland (2015) soutiennent alors que le concept théorique de collaboration dans les chaînes d’approvisionnement se définit comme :

Une stratégie à long terme, basée sur la confiance, qui permet la mise en œuvre de capacités relationnelles uniques. La collaboration permet une planification et une prise de décision conjointe concernant à la fois les questions stratégiques et opérationnelles, le partage des ressources, des bénéfices et du risque. La compréhension mutuelle qui s’opère entre les organisations permet d’établir des objectifs conjoints et la recherche de solutions optimales (Traduction libre de Soosay et Hyland, p. 617, 2015).

Cette définition témoigne de la nature complexe mais également holistique de la collaboration. Sa mise en œuvre fait intervenir plusieurs paramètres simultanément dans une relation collaborative au sein d’une chaîne d’approvisionnement. Des facteurs organisationnels et sociaux qui favorisent la collaboration ont d’ailleurs été identifiés (Barratt, 2004b ; Fawcett et al., 2012). Le développement d’une culture collaborative basée notamment sur la confiance et la disponibilité de l’information nécessaire en sont des exemples.

En complément à la définition proposée par Soosay et Hyland (2015), nous avons identifié dans notre revue de la littérature quatre éléments caractérisant la collaboration qui reviennent régulièrement (Tableau 2).

Tableau 2. Éléments qui caractérisent la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement selon notre revue de la littérature.

Description Auteurs

Partage d’information

Le développement et le maintien de compétences et d’infrastructures en technologie de l’information (TI) ainsi qu’une appropriation de systèmes interorganisationnels (SIO) adéquate contribuent à un partage de l’information efficient. Barratt (2004b), Cao et Zhang (2011, 2013), Gunasekaran et Ngai (2004), Simatupang et Sridharan (2005).

Confiance Pierre angulaire des relations d’affaires, la confiance est également un fondement à une chaîne

d’approvisionnement performante. Toutefois, il s’agit d’un phénomène complexe qui est étudié dans de nombreux domaines. Conséquemment, il est difficile de formuler une définition unifiée.

Cao et Zhang (2013), Chen et al. (2014), Kwon et Suh (2004), Rousseau et al. (1998), Skandrani et al. (2011).

Culture collaborative

Il s’agit des normes sociales encadrant les pratiques collaboratives dans une chaîne d’approvisionnement. La culture collaborative fait intervenir différents facteurs dont notamment l’engagement, une répartition adéquate du pouvoir et le partage du risque au sein du groupe

Barratt (2004b), Cao et Zhang (2013), Fawcett et al. (2012).

Suivi des performances

Nécessité pour les organisations d’une chaîne

d’approvisionnement de se fixer des objectifs communs et de mettre en place des systèmes de mesure de la performance en conséquence. Ces systèmes de mesure de la performance permettent de lier la synchronisation des décisions, le partage de l’information et l’alignement des incitatifs afin d’atteindre les niveaux de performance souhaités.

Fawcett et al. (2012), Simatupang et Sridharan (2005), Eriksson et al. (2015).

Le partage d’information a d’abord été jugé comme un élément fondamental qui contribue à la mise en œuvre de la collaboration (Cao et Zhang, 2011, 2013 ; Barratt, 2004b ; Gunasekaran et Ngai, 2004 ; Simatupang et Sridharan, 2005). Les différentes organisations qui composent une chaîne d’approvisionnement doivent échanger de l’information afin d’être efficaces et efficientes dans la coordination des activités qu’elles réalisent et qui concernent l’ensemble du système de production de la chaîne. Le développement et le maintien de compétences et d’infrastructures en technologie

de l’information (TI), ainsi qu’une appropriation adéquate des systèmes interorganisationnels (SIO) est alors jugée comme nécessaire afin de permettre un partage d’information efficient.

Un second aspect mentionné fréquemment dans les travaux sur la collaboration est la confiance entre les partenaires. La confiance est régulièrement perçue comme la pierre angulaire des relations d’affaires (Chen et al., 2014 ; Skandrani et al., 2011). C’est également un élément à la base d’une chaîne d’approvisionnement performante (Kwon et Suh, 2004). Cao et Zhang (2013) précisent toutefois que la définition de la confiance est souvent très attachée au contexte, ce qui résulte en une absence de définition unifiée dans la littérature en administration des affaires. De plus, Rousseau et al. (1998) ajoutent que la confiance est un objet d’étude complexe qui est abordé par différentes disciplines (notamment l’économie, la psychologie et la sociologie), ce qui peut en complexifier l’étude dans les domaines plus appliqués tels que l’administration des affaires, l’ingénierie et l’aménagement forestier. La confiance est tout de même jugée essentielle à la collaboration au sein des chaînes d’approvisionnement (Chen et al., 2014 ; Cao et Zhang, 2013). Abordée de manière extensive dans la littérature en administration des affaires, la confiance n’a cependant pas été traitée abondamment dans la littérature portant sur la planification collaborative en recherche opérationnelle. La confiance dans les relations de collaboration au sein de chaînes d’approvisionnement mérite alors d’être approfondie afin de mieux comprendre de quelle manière elle influence les processus de planification collaborative.

Quelques auteurs soulignent également l’importance du développement d’une culture collaborative (Cao et Zhang, 2013 ; Barratt, 2004b ; Fawcett et al., 2012). La culture collaborative correspond aux normes sociales qui encadrent les pratiques collaboratives dans une chaîne d’approvisionnement. Cette notion fait intervenir différents facteurs dont notamment l’engagement, une répartition adéquate du pouvoir et le partage du risque au sein du groupe. Un autre élément important qui favorise la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement est le suivi de la performance (Fawcett et al., 2012 ; Simatupang et Sridharan, 2005). Afin d’assurer un succès de la collaboration au sein d’une chaîne d’approvisionnement, la littérature nous informe que les organisations devraient se fixer des objectifs communs et mettre en place des systèmes de mesure de la performance en conséquence. Ces systèmes de mesure semblent ainsi permettre de lier la synchronisation des décisions, le partage de l’information et l’alignement des incitatifs. De cette manière, les organisations d’une chaîne d’approvisionnement devraient se sentir encouragées par des résultats

positifs et également poussées à intégrer davantage leurs processus avec les autres entreprises (Simatupang et Sridharan, 2005).

La mise en œuvre de la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement s’est régulièrement avérée un défi organisationnel à réaliser (Barratt, 2004b; Fawcett et al. 2012). Relativement peu de firmes ont démontré une habileté à collaborer de manière constante et soutenue sur le long terme à l’image des exemples des compagnies Honda et Toyota avec leurs propres chaînes d’approvisionnement (Fawcett et al., 2015). Daugherty et al. (2006) ajoutent que la collaboration représente une expression populaire (un buzz word) à laquelle différents avantages et bénéfices sont associés, mais dont les connaissances concernant sa gestion demeurent encore relativement vagues. Barratt (2004a) précise que les difficultés d’implantation proviennent notamment de la surdépendance envers les technologies de l’information (TI), des difficultés d’implantation aux différents niveaux hiérarchiques, ainsi que le manque de confiance entre les partenaires de la chaîne d’approvisionnement. Concernant les difficultés d’implantation aux différents niveaux hiérarchique, la collaboration ne doit pas être perçue comme simplement la mise en place d’un partage intense d’information basé sur un partenariat au niveau opérationnel. Barratt (2004a) avance qu’il est possible d’intégrer les processus uniquement au niveau opérationnel entre des organisations partenaires, mais que les performances seront par conséquent limitées si les niveaux tactiques et stratégiques ne sont pas eux aussi considérés. Les chaînes d’approvisionnement soucieuses d’obtenir des performances améliorées et qui mettent en œuvre des processus collaboratifs devraient considérer davantage que l’intégration aux niveaux opérationnels. Lambert et al. (1999) ajoutent qu’il est important pour les partenaires d’une chaîne d’approvisionnement de se doter d’une vision stratégique commune. Les partenaires bénéficieraient à s’entendre sur des orientations stratégiques ainsi que des processus d’affaires clés qui supportent cette vision stratégique. Par ailleurs, Soosay et Hyland (2015) remarquent qu’au cours des dernières années de recherche dans le domaine de la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement, la plupart des études ont adopté une perspective dyadique mettant par exemple en relation une organisation manufacturière avec son ou ses fournisseurs. Les auteurs ajoutent que la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement est un concept multientreprise, pour laquelle des bénéfices sont attendus pour toutes les organisations. Ils suggèrent alors d’adopter une approche plus holistique afin de mieux saisir les multiples facettes du phénomène de la collaboration. L’utilisation d’une méthode de recherche qualitative s’avère une stratégie de recherche permettant d’y parvenir.

Fawcett et al. (2012) suggèrent quant à eux que les conflits entre les organisations, les objectifs non alignés qui mènent à des comportements opportunistes entravant la confiance ainsi que l’incapacité ou le manque de volonté à partager de l’information sensible nuisent à l’établissement de la collaboration. Dans la même veine, Soosay et Hyland (2015) ajoutent qu’il n’est pas tout à fait clair de quelle façon les firmes gèrent l’échange d’information considérant les variations du niveau de confiance des partenaires, les dynamiques de pouvoir en place et les structures de gouvernance des chaînes d’approvisionnement. Il s’agit d’une lacune de la littérature qui rejoint nos questionnements et que nous cherchons à combler. En effet, nous avons d’abord souligné dans la problématique présentée au chapitre 1 qu’une grande quantité d’information doit circuler entre les différentes organisations afin de permettre la réalisation d’une planification forestière qui répond aux contraintes et aux besoins des parties. Nous avons par la suite mentionné qu’un défi à la base de la planification collaborative est la conciliation des pouvoirs décisionnaires distribués dans les différentes organisations (Frayret, 2009). Plus spécifiquement pour le contexte à l’étude, quels modèles de gouvernance « collaboratifs » permettraient d’adéquatement concilier la tension entre le désir d’autonomie des différentes usines s’approvisionnant sur un même territoire et les interdépendances entre celles-ci. La prochaine sous-section présente le cadre conceptuel de Cao et Zhang (2013) qui s’intéresse en partie à ces questions. Le cadre conceptuel de Cao et Zhang (2013) articulent le rôle des systèmes interorganisationnels (SIO), de la confiance et de la culture collaborative dans un contexte collaboratif de chaînes d’approvisionnement. Leurs travaux s’inscrivent dans le questionnement soulevé par Fawcett et al. (2012) ainsi que Soosay et Hyland (2015). Il rejoint également notre problématique à l’étude.

2.3.2 Collaboration et partage d’information : le cadre conceptuel de Cao et