— contraindre indument des pouvoirs publics ou une organisation internationale à
accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ou ;
— gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques,
constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation
internationale… ».
122. L’adoption de ce texte juridique a été suscitée grandement par l’ampleur des
attentats du 11 septembre
193. Il n’en demeure pas moins que l’impulsion donnée par
ces évènements a fortement précipité l’adoption de la Décision-cadre
194. En effet, dans
la conclusion du Conseil européen tenu le 21 septembre 2001, la lutte contre le
terrorisme fut présentée comme étant plus que jamais un objectif prioritaire de l’Union
192 J. O., L 164 du 22 juin 2002, pp. 3 et s. v. aussi A. BAUER, J.-L. BRUGUIERE, Les 100 mots du terrorisme, Que sais-je ? PUF, Paris, 2010, pp. 7-8.
193 M.-A. BEERNAERT, « 10. Le décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme », RIDP, vol. 77, 2006/1, p. 2.
194 Rappelons que la proposition de la décision-cadre a été présentée par la commission le 19 septembre 2001 (J. O., C 332 E du 27 novembre 2001, pp. 300 et s.). L’accord politique sur le texte fut obtenu lors du Conseil "justice et affaires intérieures" des 6 et 7 décembre 2001—quant à l’adoption formelle, elle eut lieu lors du Conseil du 13 juin 2002. Dans un sens comparable, voy. aussi S. BOSLY et M. VAN RAVENSTEIN, « L’harmonisation des incriminations », in ADPE, sous la direction de D. FLORE, dossiers de la RDPC, n° 9, La Charte, Bruxelles, 2003, p. 45.
européenne
195. Cependant, les comportements susceptibles d’être qualifiés
d’infractions terroristes doivent en outre, de par leur nature dangereuse ou
contextuelle potentiellement capables de « porter gravement atteinte à un pays ou à
une organisation internationale ». Faut-il rappeler que le caractère objectif d’un tel
élément ne modifiait nullement l’appréciation de l’auteur de l’acte mais de celle du
juge
196.
123. Quant à la Ligue des Etats arabes, l’adoption au Caire en 1998 de la
Convention arabe pour la suppression du terrorisme par le conseil des ministres arabes
de l’intérieur et le conseil des ministres arabes de la justice ont contribué à leur façon à
la définition de la notion de terrorisme. Ils définissent le terrorisme en ces
termes : « "Terrorisme" s’entend de tout acte ou menace de violence, quels que soient leur
motifs ou buts, qui viserait à semer la terreur dans la population, à lui inspirer de la peur,
en lui portant préjudice ou en mettant sa vie, sa liberté ou son indépendance en péril, à
causer des dommages à l’environnement, ou à une installation ou un bien, tant public que
privé, à occuper ces installations ou ces biens ou à s’en emparer, ou à mettre en danger
une ressource nationale »
197. Cette définition met plus l’accent sur l’un des principes
sacro saints du droit international public (DIP), c’est-à-dire celui relatif aux violations
de l’intégrité territoriale de l’Etat qui serait constitutive du casus belli ; comme ce qu’on
observe en Syrie et en Irak avec le contrôle du pétrole de ces pays par Deach
198.
195 A. WEYEMBERGH qui souligne que la décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme—comme d’ailleurs celle sur le mandat d’arrêt européen—a « très clairement bénéficié de "l’élan" consécutif au choc produit par les attentats du 11 septembre », (« L’impact du 11 septembre sur l’équilibre sécurité/liberté dans l’espace pénal européen », in Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, sous la direction de E. BRIBOSIA et A. WEYEMBERGH, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 159.
196 D. FLORE, « La loi du 19 décembre 2003 relative aux infractions terroristes : Genèse, principes et conséquences », in Question d’actualité de droit pénal et de procédure pénale, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 213 ; L’auteur qualifie cette exigence complémentaire d’élément "contextuel" et, à son estime, « en visant au pays ou une organisation internationale dans la globalité, la norme place la barre très haute ». « Quel est l’acte », s’interroge-t-il en effet, « qui, pris isolément, par sa nature même est susceptible de porter gravement atteinte à un pays ? », (D. FLORE, « La loi du 19 décembre 2003 relative aux infractions terroristes : Genèse, principes et conséquences », in Question d’actualité de droit pénal et de procédure pénale, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 213 »).
197 Article premier al. 2.
198 Deach contrôle un territoire à cheval entre la Syrie et l’Irak en mettant la main sur une dizaine de champs de pétrole, http://www.lefigaro.fr/le-scan-eco/decryptage/2005/11/26
124. Toute cette constellation de définition sur le terrorisme nous renvoie vers
l’interrogation de Mario BETTATI. Ce dernier se demande légitimement « si notre boîte
à outils juridiques était devenue inadaptée. Il ajoutait que la boîte à outils est
l’instrument des bricoleurs et relevait que les Etats, depuis le 11 septembre, avaient
effectivement bricolé des résolutions plus ou moins claires et jonglé avec les concepts au
gré des circonstances »
199. Force est de constater que ce « bricolage » étatique n’a fait
que conforter la définition universelle du terrorisme dans ce statut introuvable
200.
125. Il convient de noter que l’usage systématique de la violence ayant la capacité
de semer la terreur au sein de la population et, par ce biais, d’interpeler les institutions
juridiques et politiques, reste au cœur même de l’action terroriste. L’action terroriste
est souvent caractéristique d’une gravité exceptionnelle orientée vers une destruction
massive. Elle broie par conséquent tous les instruments juridiques internationaux de
protection et aux valeurs fondatrices de la Charte des NU. Elle prétend enfin justifier ce
qu’elle réclame à travers un discours politique ou religieux radical de nature
idéologique.
Dans ce contexte, il est quasiment impossible à l’heure actuelle de parvenir à une
définition universelle du terrorisme. Dit autrement, il est impossible d’extraire une
telle définition de tout jugement normatif, en ce sens que chaque définition du
terrorisme comporte un certain degré de subjectivité. Car enfin, le terrorisme est un
phénomène multiforme, complexe, évolutif, qui logiquement dépasse le cadre d’une
définition simple et concise.
126. En outre, l’absence d’une définition claire, précise et universellement
acceptée ne remette pas en cause l’existence d’instruments juridiques internationaux
consacrés à la répression du terrorisme. Toutefois, cette absence de définition
universelle claire et précise nuit considérablement à la clarté de l’action des Etats dans
la lutte contre le terrorisme.
199 G. GUILLAUME dans sa préface de l’ouvrage Le droit international face au terrorisme, Pedone, CEDIN Paris 1, Cahiers internationaux n° 17, Paris, 2002, p. 8.
200 B. STERN dans son Rapport introductif au colloque organisé par le CEDIN de Paris 1, « Le contexte juridique de « l’après » 11 septembre 2001 », Le droit international face au terrorisme, CEDIN Paris 1, Cahiers internationaux n° 17, Pedone, Paris, 2002, pp. 3-32, spéc. pp. 13 et s.
Ceci étant, la nécessité d’une définition universelle claire et précise reste l’une des
préoccupations de la Communauté internationale. L’ONU serait la garante du « […]
maintien de la paix et de la sécurité internationales »
201.
Enfin, les Etats demeureront les seuls sujets de droit international et continueront
à disposer du monopole de la « violence légitime ». Ils resteront dans ce contexte
particulier épaulés par le terrorisme international comme seuls remparts légitimes
contre la terreur terroriste. Encore, faut-il qu’ils agissent dans le respect du DIH dans
leur recours à la force, c’est-à-dire en s’interrogeant sur une possible applicabilité de
celui-ci ; et d’accepter son application dès lors que toutes les conditions sont réunies.
127. Quoi qu’il en soit, que la « guerre contre le terrorisme » se poursuive dans le
cadre d’un conflit armé au sens juridique du terme, et qu’elle soit dirigée contre des
membres de forces armées d’un Etat ou contre des civils d’un réseau terroriste.
Cependant, le droit international aura pour rôle de garantir la jouissance d’un
minimum des droits fondamentaux auxquels toute dérogation n’est possible que dans
un cadre prédéfini reconnu à toute personne impliquée dans cette « guerre contre le
terrorisme ». Ces droits fondamentaux découleront de certaines branches spécifiques
de droit dont le DIH ou de sa combinaison avec un autre
202.
128. De ce point de vue, Le DIH était-il applicable à la « guerre contre le
terrorisme » déclarée par le Président George W. BUSH au lendemain des attentats du
11 septembre 2001?
129. La « guerre contre le terrorisme » est incontestablement une nouvelle forme
de « guerre » qui n’avait pas été envisagée lors de l’adoption des CG. Force est de
constater que, l’applicabilité et l’application de ce droit dans la « guerre contre le
terrorisme » semblent controversées, notamment en ce qui concerne le statut des
personnes arrêtées puis détenues par les Etats-Unis. Toutefois, la constante du DIH
veut qu’il soit applicable dès qu’une situation de violence se transforme en conflit
armé. Dit autrement, il doit s’appliquer dès lors que l’on est en présence d’un CAI.
201 Art. 24 de la Charte des Nations Unies.