11 septembre puissent être qualifiées d’actes de belligérance de la part de l’Irak contre
les Etats-Unis. Pour renforcer l’idée selon laquelle le régime irakien représentait un
risque pour la sécurité internationale, les Etats-Unis révèlent que l’Irak disposait des
ADM.
252. Face à cette difficulté évidente, George W. BUSH commence à développer
les perspectives qui peuvent permettre aux Etats-Unis de s’engager dans une « guerre
préventive ». Or, l’utilisation de la dissuasion aurait disparue avec la chute de l’Union
soviétique. En effet, au début des années 1990 Paul WOLFOWITZ l’avait déjà soulignée
dans son Defense Guidance Planning 1992-1994
391. Pour lui, la stratégie des Etats est
constitutive de leur propre menace la plus imminente. Car en effet, la menace des
représailles les empêche d’anticiper l’attaque.
253. Alors que les terroristes de par leur organisation en réseau, ne disposent
guère de base géographique précisément définie. Ils sont donc capables de mener des
attaques simultanément dans plusieurs pays différents. Pour défendre leur cause, ils
sont bien souvent prêts à mourir.
254. Au final, il ressort de cette analyse l’idée selon laquelle la dissuasion
nucléaire est désormais peu opérante dans le strict cadre du terrorisme. Les
théoriciens de l’Administration Bush, au premier rang desquels Paul WOLFOWITZ, en
ont déduit que la meilleure défense dans ces cas de figure serait l’attaque
392.
391 Excerpt from 1992 Draft « Defense Planning Guidance »,
www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/Iraq/etc/wolf.html (La stratégie contenue dans ce document est destinée a être diffusée parmi les responsbles militaires et civils du Département de la Défense pour leur fournir le cadre géopolitique en fonction duquel établir leur planification militaire et budgétaire. Les orientations de cette stratégie ne furent pas acceptées par le Président Bush mais son contenu fut divulgué dans le New York Times du 8 mars 1992 (Nous le traduisons).
392 La doctrine de la guerre préventive s’inspire directement de la légitime défense préventive que l’Etat d’Israël, dont les néoconservateurs sont proches, a invoquée à plusieurs reprises, notamment en 1967 contre l’Egypte, en 1975 contre les camps palestiniens et en 1981, contre l’Irak (bombardement du réacteur Osirak). Tous les pays condamnèrent l’action armée d’Israël en 1975, y compris les Etats-Unis, même si ceux-ci opposèrent leur véto au projet de résolution du Conseil de Sécurité car il ne condamnait pas l’action des terroristes. En 1981, les Etats-Unis votèrent la résolution de condamnation tout en se
255. C’est dans cette optique que l’Administration Bush justifie l’utilisation de
la force préemptive voire préventive
393. L’idée de la guerre préventive est soutenue
sans complexe dans la stratégie nationale de sécurité
394. Elle fut largement soutenue
dans le discours de George W. BUSH à West Point le 1
erjuin 2002
395.
256. Pour sortir de ce piège tendu par le Président George W. BUSH, le
Président Jacques CHIRAC passe à l’offensive. Il expose son plan de bataille au
quotidien américain, New York Times, « Je l’ai dit au Président BUSH (…) dès qu’une
nation s’arroge le droit d’agir préventivement, d’autres feront naturellement de même.
Que diriez-vous si la Chine voulait agir préventivement contre Taiwan ? Ou l’Inde contre
le Pakistan, ou inversement ? ».
257. En effet, pour refuser la « guerre préventive » Jacques CHIRAC doit
accepter l’hypothèse d’une guerre « légitime » approuvée par le CS de l’ONU
396. C’est
sans doute le prix à payer pour être crédible « Rien n’est impossible si c’est décidé par la
Communauté internationale, sur la base de preuves indiscutables »
397. Car l’ONU est
seule détentrice du monopole de la violence physique légitime, tel qu’analysait Max
WEBER. Normalement, les Etats-Unis n’avaient pas le droit d’utiliser ses forces armées
contre l’Irak sans enfreindre le droit international, car la Charte posait les principes de
l’interdiction du recours à la force et du règlement pacifique des différends. Même s’ils
montrant implicitement solidaire des thèses israéliennes. Voir Jean-Pierre COT, Alain PELLET, La Charte des Nations Unies, Economica, Paris, 1991 (2e éd., 1e éd. en 1985) pp. 777-779.
393 Selon D. S. YOST : « Une attaque préemptive consiste en une action immédiate sur la base de preuves indiquant qu’un ennemi est sur le point de frapper, tandis qu’une guerre préventive implique des opérations militaires entreprises pour empêcher un risque futur plausible mais hypothétique, tel qu’un déséquilibre inacceptable de puissance, une situation de vulnérabilité accrue, voire même un assujettissement potentiel ou la possibilité d’un transfert d’ADM à un groupe terroriste. Ce dernier risque a été l’une des principales justifications avancées par le gouvernement américain pour entreprendre la campagne militaire contre le régime de Saddam HUSSEIN en Irak, en avril 2003 ». [http://www.nato.int/docu/review/2003/issue4/french/art4.html,20-04-2004]
394 P. 6 « Nous n’hésiterons pas à agir seuls, si nécessaire, pour exercer notre droit à l’autodéfense, de façon préventive », telle est, en un résumé saisissant, la nouvelle doctrine des Etats-Unis.
395http://www.whitehouse.gov/news/releases/2002/06/print/20020601-3.html,23-04-2004
396 « Lorsque le Conseil de Sécurité des Nations Unies adopte une résolution, il est vu comme parlant pour (et dans l’intérêt de) l’humanité dans son ensemble et en faisant cela, il confère une légitimité respectée par les gouvernements du monde et habituellement par leur opinion » (« When the UN Security passes a resolution, it is seen as speaking for (and in the interests of) humanity as a whole, and in so doing it confers a legitimacy that is respected by the world’s governments, and usually by their publics. ») S. THAROOR, « Why America still the United Nations », Foreign Affairs, septembre/octobre 2003.
n’étaient pas membres des NU. Cette interdiction est considérée par la CIJ comme étant
« un principe de droit international coutumier, non conditionné par les dispositions
relatives à la sécurité collective »
398.
258. Toute la subtilité de la position française est de ne pas exclure la guerre
pour mieux l’éviter. Cette idée de la « guerre préventive » est d’ailleurs en
contradiction frontale avec tous les fondements du système de sécurité collective mis
sur pied au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Mais pour éviter qu’une telle
menace d’une échelle graduellement aigue, constituée par le risque que les terroristes
et les Etats voyous s’emparent d’ADM, pour mener de nouvelles attaques identiques à
celles du 11 septembre 2001. C’est au nom de ce danger que faisait planer les
supposées ADM que, le Président George W. BUSH s’arrogeait le droit de considérer
que les Etats-Unis se trouvaient en situation de légitime défense suite à ces attaques
terroristes.
259. Pour ce faire, une thèse finalisée dans un document de trente-trois pages
sera alors soumis en septembre 2002 au Congrès des Etats-Unis et intitulé : La
stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis. Dans lequel on pouvait y lire : « Nous
n’hésiterons pas à agir seuls, si nécessaire, pour exercer notre droit à l’autodéfense, de
façon préventive ».
260. Force est de constater que, l’existence d’un tel droit de légitime défense
préventive risque d’être mise en cause
399. Or, la Charte des NU admet la légitime
défense uniquement lorsqu’un membre est victime d’une agression
400. En plus, une
interprétation restrictive du droit à la légitime défense s’impose également parce qu’il
s’agit d’une exception à une règle fondamentale et impérative du droit international.
261. En effet, au XIX
esiècle, un précédent s’inscrivant dans le cadre de la
légitime défense opposait déjà les Etats-Unis à la superpuissance de l’époque : le
Royaume-Uni. Ce dernier justifiait la destruction par une attaque armée du navire
398 CIJ, 27 juin 1986, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, Rec. 1986, p. 100, 186.
399 Y. DINSTEIN, War, Aggression and self-defense, New York, 2e éd., Grotius, pp. 182-187.