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du « crime monstrueux » du 11 septembre un acte politique […] et qui puisse être, à un titre ou à un autre, revendiqué »156

100. Ce raisonnement abouti à la distinction entre le « bon » et le « mauvais »

terroriste, un peu à l’image du distinguo entre les expressions « guerre juste » et

« guerre injuste »

157

. Ce raisonnement se transforme en une théorie soutenue par

certains auteurs parmi lesquels Ignacio RAMONET. Ce dernier considère que « […] le

terme terrorisme est imprécis. Depuis deux siècles, il a été utilisé pour désigner

indistinctement tous ceux qui recourent, à tort ou à raison, à la violence pour changer

l’ordre politique »

158

.

Cela rejoint l’analyse faite par Brigitte STERN, lorsqu’elle débouche sur un constat

selon lequel : « les terroristes des uns sont souvent les résistants des autres »

159

. Ce

constant est largement partagé par Sophie CLAVET, lorsqu’elle considère que « […] la

subjectivité de la notion même de terrorisme vient augmenter la difficulté de

l’appréhender de manière objective et académique : en effet, un terroriste pour l’un peut

être envisagé comme un héros par l’autre. »

160

.

La glorification du terroriste remonte à une époque lointaine à la nôtre. En effet, en

1863, Serge Stepniak KRAVTCHINSKI écrivait déjà sur la personnalité du terroriste en

ces termes : « Le terroriste est noble, terrible, irrésistiblement fascinant car il combine en

lui les deux sommets sublimes de la grandeur humaine : le martyr et le héros. Du jour où

il jure, du fond du cœur, de libérer son peuple et sa patrie, il sait qu’il est voué à la

mort »

161

. Il décrit la détermination du terroriste pour faire connaître sa cause pour

laquelle il est prêt à se sacrifier avec beaucoup d’admiration et de justification.

156 J. HABERMAS, « Qu’est-ce que le terrorisme », in Le Monde diplomatique, février 2004, p. 17,

http://www.monde-diplomatique.fr/2004/02/HABERMAS/11007

157 G. GUILLAUME dans sa préface au Colloque organisé par le CEDIN de Paris 1, « Le contexte juridique de « l’après » 11 septembre 2001 », Le droit international face au terrorisme, Pedone, CEDIN Paris 1, Cahiers internationaux n° 17, Paris, 2002, p. 5.

158 I. RAMONET, « Buts de guerre », Le Monde diplomatique, novembre 2001, p. 1.

159 B. STERN dans son Rapport introductif au Colloque organisé par le CEDIN de Paris 1, « Le contexte juridique de « l’après » 11 septembre 2001 », Le droit international face au terrorisme, Pedone, CEDIN Paris 1, Cahiers internationaux n° 17, Paris, 2002, p. 7.

160 S. CLAVET, « Les enjeux du terrorisme international. L’impossible définition d’un phénomène protéiforme : le terrorisme international est-il révélateur des faiblesses de l’Etat de droit ? », ERTA, 2006, p. 1.

161 La Russie clandestine (1863), citée par Gérard CHALIAND, Arnaud BLIN, Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Al-Qaïda, Bayard, Paris, 2004, p. 7.

101. En revanche, certaines personnalités politiques trouvent dans la justification

de certains actes terroristes insupportable et ignoble. En effet, Jean-David LEVITTE

déclarait avec force à propos des attaques du 11 septembre lors de la réunion du CS

des NU en date du 12 septembre 2001 que : « [t]ous ensemble, nous devons dire que

rien, jamais et nulle part, ne justifie le recours au terrorisme »

162

. Il a vraisemblablement

été suivi trois semaines après par Lionel JOSPIN, à travers son discours à l’Assemblée

nationale « Le terrorisme ne s’explique pas, et se justifie encore moins, par les inégalités

qui divisent le monde et par les conflits qui le bouleversent »

163

.

102. C’est ainsi que, de fil en aiguille, le CS des NU parvient à conclure

efficacement à travers ses différentes résolutions en déclarant que : « Tous les actes de

terrorisme quels qu’en soient les motifs […] constituent l’une des plus graves menaces

contre la paix et la sécurité internationales »

164

. Dans la résolution du 8 octobre 2004

adoptée par le CS au lendemain des attentats du 11 septembre, L’ONU invite tous ses

Etats membres à se soumettre à l’impératif visant à combattre le terrorisme par tous

les moyens, conformément à la Charte des NU et au droit international, le terrorisme

sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations

165

. Dans sa résolution 49/60

du 9 décembre 1994, le AGNU définissait déjà avant de juger injustifiable les actes de

terrorisme en ces termes : « Les actes criminels conçus ou calculés pour provoquer un

état de terreur dans un grand public, un groupe de personnes ou de personnes en

particulier pour des raisons politiques fins sont injustifiables en toutes circonstances,

quelles que soient les considérations de politique, philosophique, idéologique, raciale,

ethnique, religieuse ou autre nature qui peuvent être invoquées pour les justifier »

166

.

Autrement dit, aucun motif ne saurait justifier de tels actes.

103. La vulnérabilité des Etats-Unis a contraint certains Etats à s’interroger sur

l’efficacité de leurs mécanismes de prévention et de répression contre ce phénomène.

162 Doc. ONU, S/PV/4370, p. 8.

163 Cité par C. TREAN, « Le premier ministre défend la "légitimité" d’une riposte américaine », Le Monde du 5 octobre 2001, p. 3.

164 Les résolutions adoptées par le CS des NU au lendemain des attentats du 11 septembre 2001: 1373 (2001) du 28 septembre 2001 ; 1566 (2004) du 8 octobre 2004.

165 Cf. Résolution du CS des NU, 1566 du 8 octobre 2004.

Par conséquent, il semblerait qu’il serait impossible d’endiguer le terrorisme sans

chercher à le définir

167

. Encore faut-il le faire tout en appliquant rigoureusement et

objectivement le DIH comme le préconise Katia BOUSTANY ; afin de permettre au droit

international de parvenir à dégager une définition du terrorisme acceptée par tous

168

.

Dit autrement, le mécanisme de répression contre le terrorisme ne saurait être efficace

en aval que s’il est doté d’une définition juridique universelle du terrorisme en amont.

La définition de certaines notions juridiques le prouve clairement. C’est le cas

notamment des notions telles que : crime de guerre, crime contre l’humanité etc.

169

.

104. Cette complexité à définir la notion de « terrorisme » amène le Professeur

Jean-Marc SOREL à s’interroge avec beaucoup d’intérêt sur notre capacité à parvenir à

une définition concise

170

. Cette interrogation montre combien même la définition du

terrorisme reste extrêmement difficile en droit en général et en particulier en droit

international. L’existence d’une pluralité de définitions prouve une fois de plus cette

complexité à trouver sereinement une définition consensuelle du terrorisme de portée

universelle. En effet, entre 1936 et 1981, Charles W. KEGLEY est parvenu à recenser

109 définitions consacrées au terrorisme dont chacune d’elles mettaient en avant une

multitude d’interprétations

171

.

105. Enfin, toute cette multiplicité de définitions portant sur la notion de

« terrorisme » aurait eu le droit de cité si elle parvenait à l’internationalisation d’au

167 M. SASSOLI, « La définition du terrorisme et le droit international humanitaire », RQDI, 2007, p. 29.

168 K. BOUSTANY, D. DERMOY, dir. , Humanitaires entre conflit Perspectives, droit(s) et action, Bruxelles, Bruylant, 2003 ; Katia BOUSTANY, Daniel DERMOY, Génocide (s), Bruylant, Bruxelles, 1999 ; Katia BOUTANY, « Brocklebank : a Questionable Decision of the Court Martial Appeal Court of Canada » (1998) 1 Y.B. Int’l Human. L. 371 ; Katia Boustany, Le conflit intraétatique au Liban : problèmes de maintien de la paix, Bruylant, Bruxelles, 1994.

169 - crime de guerre : Violation des lois et coutumes de guerre (Pillage, assassinat, exécution d’otages). - Crime contre l’humanité : exécution d’un plan concerté (génocide, exportation, extermination, réduction en esclave) inspiré par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux perpétré à l’encontre de tout ou partie d’un groupe de population civile. Acte répréhensible lourd de conséquences.

- Crime de guerre ou crime contre l’humanité : Sont des crimes de droit international définis en 1945 par l’organisation des Nations Unies. Les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. Ceux qui ont été commis pendant la Seconde guerre mondiale furent jugés par le Tribunal international de Nuremberg.

170 J.-M. SOREL, « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme », K. BANNELIER, T. CHRISTAKI, O. CORTEN, B. DELCOURT (dir.pub), Le droit international face au terrorisme, après le 11 septembre 2001. p. 35.

171 G. KARACS, H. BRUNO (dir.), « Le terrorisme et l’Union européenne », in Közpolitika, Budapest, 2002,

moins d’une d’elles, c’est-à-dire à la délibération d’une définition consensuelle

mondialisée. Faute de quoi, la nécessité d’une définition juridique universellement

acceptée demeure vivement souhaitée.

106. Le volontarisme de la Communauté internationale visant à combattre le

terrorisme n’est pas une démarche animée par une volonté récente. En effet, depuis

quelques années, la notion de « terrorisme » s’est confortablement installée dans notre

vocabulaire juridique commun

172

. Mais, malgré la multiplicité d’initiatives, et

l’adoption des instruments juridiques internationaux sous les auspices des NU, la

Communauté internationale n’est jamais parvenue à l’adoption consensuelle d’une

définition commune de ce phénomène. Car en effet, il n’existe actuellement aucun

traité globale des NU sur le terrorisme, ni aucune définition universelle contraignante

du terrorisme

173

.

107. Certes, les Etats membres des NU travaillent sans relâche à l’élaboration

d’une Convention internationale sur le terrorisme international qui contiendra in fine

une définition générique et internationale du terrorisme

174

. Le CS des NU n’hésite pas

de rappeler l’une de ses résolutions adoptées au lendemain des attentats du 11

septembre. Il s’agit notamment de la résolution 1566 que le terrorisme représentait un

ensemble d’« actes criminels, notamment ceux dirigés contre des civils dans l’intention de

causer la mort ou des blessures graves ou la prise d’otages dans le but de semer la terreur

parmi la population, un groupe de personnes ou chez des particuliers, d’intimider une

population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à

172 Cf. Le résumé de l’ouvrage de Johann SOUFI, Vers une définition universelle du terrorisme ? Saarbrücken, Deutschland/Allemagne, Editions universitaires européennes, 2015.

173 Cf. Programme de formation juridique contre le terrorisme, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), Service de la prévention du terrorisme, NU, New York, 2010, p. 3.

174 Des négociations se déroulent depuis quelques années en vue d’une Convention globale contre le terrorisme au sein de la sixième Commission et le comité spécial crée par la résolution 51/210 de l’Assemblée générale des NU. En dépit des accords sur les comportements à incriminer comme " actes de terrorisme ", aucun consensus n’a pu être trouvé. Quant au champ d’application de cet instrument, les questions sont toujours débattues ont trait aux interférences complexes entre les instruments internationaux de droit pénal et les normes applicables lors des conflits armés (droit international humanitaire), en particulier pour déterminer si la Convention globale devrait couvrir explicitement les actes commis par les parties à un conflit armé lorsqu’elles ne sont pas les forces armées régulières d’un Etat. Cependant, en cas de consensus ou d’adoption, la Convention globale ne rendras pas automatiquement caducs les traités anti terroristes existants. Au contraire, ces derniers demeureront applicables en tant que l’ex specialis.

accomplir un acte ou à s’abstenir de la faire (…) »

175

. Cette définition rejoint la

Décision-cadre prise par le Conseil de l’Union européenne en mettant, elle aussi, l’accent sur la

contrainte faite au gouvernement ou à une organisation internationale (OI).

108. La problématique relative à la qualification du terrorisme reste quasiment

entière. C’est cet état de choses qui rend cette définition presque introuvable

176

. Le

maintien de cette problématique par le droit international est clairement résumé par

Pascale MARTIN-BIDOU « Le droit international ne donne pas de définition du

terrorisme. Cependant il élabore des règles qui visent à lutter contre les actes terroristes

et les Etats coopèrent par l’adoption de conventions internationales. Si le cadre universel

de l’Organisation des Nations Unies semble approprié, il n’est pas véritablement mis en

œuvre et il est parfois difficile de trouver un fondement juridique solide à l’emploi de la

force par les Etats dans leur lutte contre le terrorisme »

177

. Particulièrement, le DIH ne

délivre non plus une définition explicite du terrorisme. En revanche, il interdit certains

actes commis durant les conflits armés susceptibles d’être qualifiés d’ « actes de

terrorisme » dès lors qu’ils sont commis en temps de paix. C’est en cela que, A. P.

SCHMID considère que « Le terrorisme est l’équivalent d’un crime de guerre en temps de

paix »

178

. Le DIH interdit à travers une allusion toute mesure d’intimidation ou de

terrorisme

179

. De même, il interdit formellement des actes ou menaces de violence

dont la finalité est de terroriser la population civile

180

. Force est de constater que le

DIH interdit clairement des actes de terrorisme, mais il ne détermine pas la notion

même du terrorisme.

109. Les difficultés rencontrées par le droit international à définition le terrorisme

ont ajouté un degré supplémentaire de complexité. C’est cette difficulté que Gilbert

GUILLAUME considère comme le fait des rédacteurs des conventions internationales.

175 Conseil de sécurité des Nations Unies, résolution 1566 du 8 octobre 2004.

176 B. STERN dans son Rapport introductif au colloque organisé par le CEDIN de Paris 1, « Le contexte juridique de « l’après » 11 septembre 2001 », Le droit international face au terrorisme, Pedone, CEDIN Paris 1, Cahiers internationaux n° 17, Paris, 2002, pp. 3-32, spéc. pp. 13 et s.

177 P. MARTIN-BIDOU, Maître de conférences à l’université Panthéon-Assas (Paris II), dans, « Droit international et terrorisme », p. 1, http://www.riseo.fr/IMG/pdf/2-2015/04-Martin-Bidou-Terrorisme-et-DI-1.pdf

178 A. P SCHMID, expert des Nations Unies.

179 Art. 33 de la CG IV.

Selon lui, « le droit international s’était bien gardé d’user de ce terme et d’en fournir une