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3. ORGANISATION DE L’ADMINISTRATION SCOLAIRE CHEZ LES AUTOCHTONES DU QUÉBEC

3.1 Gouvernement fédéral

Le gouvernement fédéral s’occupe de l’éducation primaire et secondaire des Autochtones dans les réserves. Son pouvoir (en ce qui a trait aux questions touchant « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ») découle du paragraphe 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867 en vertu de laquelle il a adopté plusieurs lois, dont la Loi sur les Indiens. Cette Loi ne permet pas aux communautés autochtones d’établir et de diriger leurs propres écoles et elle ne mentionne aucune responsabilité des conseils de bande et des autorités autochtones en matière d’éducation ou de gestion de l’éducation.

Au palier fédéral, c’est le ministère des AANC qui est responsable de l’éducation grâce à son programme d’éducation primaire et secondaire qui soutient les services d’enseignement dans les écoles des réserves, à des mesures de remboursement des frais de scolarité aux élèves des réserves qui fréquentent les

écoles provinciales, ainsi que d’autres mesures de soutien relatives au transport et à l’aide financière.

Selon Carr-Stewart (2009), en dépit de l’intention du gouvernement fédéral de fournir un système d’éducation comparable aux Autochtones et au reste des Canadiens, l’éducation des premiers continuerait à être « a fractured image of the provincial system and does not furthermore build on the indigenous education practices, culture and languages of Canada’s First peoples »6 (Carr-Stewart, 2009, p.2). Le système fédéral, selon elle, manque de structures de gouvernance, de législations et de politiques afin de soutenir des écoles efficaces et de promouvoir l’éducation des élèves autochtones.

Aussi, selon Mendelson (2008), ce financement ne serait pas suffisant et non comparable à celui des provinces. En réalité, écrit-il, il n’y a pas de données collectées régulièrement pour comparer le financement provincial et le financement fédéral et il n’y a aucun mécanisme dans le processus d’établissement du budget pour l’éducation des Autochtones afin de s’assurer que les niveaux de financement sont en effet comparables à ceux des provinces. Toujours selon cet auteur, la parité devrait devenir le critère raisonnable pour établir le financement de l’éducation des réserves par le fédéral.

Mendelson (2008) écrit aussi que, malgré la législation, le ministère, depuis les trois dernières décennies, aurait davantage limité son rôle au financement des services en éducation. En fait, sur papier, il est toujours responsable de l’éducation sur le plan légal et constitutionnel (il est toujours responsable de l’éducation selon la

Loi sur les Indiens), mais pour Mendelson (2008), il laisse plutôt aux communautés et

autres organismes le soin de gérer les différents programmes selon le principe de

6 Traduction française : « une image fracturée du système provincial et qui n’est pas construit sur les pratiques éducatives autochtones, la culture et les langues des Premières nations du Canada. »

prise en charge des Autochtones de leur propre éducation, tandis que lui résumerait son rôle à celui de bailleur de fonds.

Au sens où l’entend Pelletier (2001), il s’agirait ici d’une forme de dévolution, c’est-à-dire une forme encore plus poussée de décentralisation, notamment politique, car accordant une relative autonomie de gouverne.

Elle consiste à la remise à d’autres organismes à caractère public ou privé des responsabilités et des services qui pourraient être assumés par un gouvernement central. […] Les instances dévolues disposent généralement de compétences propres, de sources de financement originales et de postes forts d’autorité. (Pelletier, 2001, p.7)

D’autres formes de décentralisation peuvent aussi être perçues lorsqu’il s’agit des pouvoirs dévolus et de l’autonomie accordée aux nations autochtones. Pour Agbo (2005), la décentralisation est une occasion pour les Autochtones d’avoir droit de parole en ce qui a trait à la gouvernance de leurs écoles. Selon lui, il s’agit d’une solution qui répondrait mieux aux besoins des élèves et qui impliquerait davantage les parents, tout en constituant un mouvement vers l’autodétermination des Autochtones. Toutefois, pour y arriver, écrit-il, le gouvernement doit déterminer les objectifs et les politiques pour chaque communauté par une structure spécifique qui concorde avec la réalité de chaque communauté (Agbo, 2002).

Par ailleurs, les défis de la décentralisation sont vastes. Pour Agbo (2002), même dans le cas d’une décentralisation, il y aurait nécessité de formuler des objectifs et des standards, des méthodes d’évaluation et des processus afin de rendre des comptes aux différents groupes d’intérêts. Il faut déterminer qui a la responsabilité de quoi, comment sont utilisés les fonds publics et qui prend les décisions.

L’argument de l’efficacité pour la décentralisation, explique Agbo (2002), concerne la croyance que la communauté et l’administration des écoles connaissent

davantage les besoins et les fonctions de l’école qu’une autorité centrale et qu’ainsi les décisions prises seraient plus efficaces et permettrait l’amélioration de l’école. Dans ce cas, continue-t-il, il faudrait cependant se questionner à savoir comment les écoles prendraient leurs décisions et comment elles obtiendraient leurs informations, entre autres choses.

Dans le contexte du passage du contrôle de l’éducation aux Autochtones, Brady (1995, cité dans Agbo, 2002, p.289) écrit que peu aurait été fait en réalité pour leur transférer le contrôle législatif de l’éducation. Pour Hall (1992), le transfert s’est fait vite et était très peu planifié. Agbo (2002) ajoute que les mécanismes de contrôle local n’auraient pas toujours été clairs et dans certains cas contestés. Dans les faits, « community people indicated that there is no clear assignment of responsibilities, school authorities do not seem to have information on finance and performance, and there seem to be no effective mechanisms in place by which to hold decision makers accountable »7 (Agbo, 1996, cité dans Agbo, 2002, p.290).

Toutefois, Agbo (2002) écrit que la décentralisation favoriserait mieux l’efficience des structures dans les communautés, car (1) le contrôle local crée ou mobilise des ressources que les gouvernements ne peuvent pas générer et parce que (2) les bandes locales peuvent utiliser les ressources disponibles plus intelligemment et plus efficacement.

Il semble donc que la décentralisation des écoles des réserves et ses différentes formes (la dévolution, notamment) ne constituent pas en soi une solution parfaite, malgré plusieurs avantages. Pelletier (2001) écrit :

7 Traduction française : « Les gens de la communauté ont indiqué qu’il n’y a pas d’attribution claire des responsabilités, que les autorités scolaires ne semblent pas disposer d’informations sur les finances et le rendement et qu’il semble n’y avoir aucun mécanisme efficace permettant de rendre les décideurs imputables ».

(…) si dans le cadre de conditions appropriées, certaines formes de décentralisation peuvent susciter une participation politique accrue des citoyens et être le moteur d’une relance socioéconomique en simplifiant les excès de bureaucratisation et en développant une plus grande sensibilité aux conditions locales, d’autres formes de décentralisation peuvent conduire à une perte de vue des intérêts de l’ensemble de la collectivité. (p.11)

Si on considère cette position actuelle vers une décentralisation — partielle — de certains pouvoirs aux communautés autochtones, il semble selon Agbo (2002) que les autorités fédérales n’ont pas réussi à donner du pouvoir aux écoles et aux communautés dans un cadre qui fournira une éducation qui est spécifiquement adaptée aux Autochtones. De plus, poursuit-il, les ressources humaines et matérielles seraient limitées et les autorités locales auraient du mal, compte tenu de cette situation, à ajuster l’éducation aux conditions locales. Comme l’écrivent Hare (2007), Carr-Steward (2006) et Mendelson (2008), les compétences des Autochtones en matière d’éducation ne seraient pas optimales et les conséquences de cette prise en charge, sans les ressources nécessaires, pourraient être importantes dans un domaine aussi fondamental que l’éducation.

Selon Agbo (2002), les conseils de bande devraient développer une approche systématique pour le développement d’un processus collaboratif de prise de décision encourageant la participation des parents, des enseignantes et des enseignants et des élèves à l’école. Pour que la décentralisation fonctionne, écrit-il, les communautés doivent clairement déterminer leurs tâches et doivent être capables de fournir un moyen de lier l’allocation des ressources aux priorités d’apprentissage des élèves, ce qui implique la mobilisation et la participation de ressources humaines locales.

Enfin, quant à la centralisation, au contraire, elle permettrait peut-être l’uniformité des pratiques scolaires, des procédures, des salaires, et ce, peu importe les disparités locales. Cependant, il résulte souvent d’un tel système une bureaucratie qui devient lourde et qui peut engendrer la dépersonnalisation des besoins des élèves.