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La littérature présente de multiples fondements de la confiance. Pour certains auteurs, il s’agit d’une dichotomie entre confiance et méfiance, entre confiances instrumentale et personnelle (Atkinson et Butcher, 2003), conditionnelle et inconditionnelle (Jones et Georges, 1998), instrumentale et sociale (Tyler, 1996), fragile ou résiliente (Ring, 1996) ou encore impersonnelle ou enfouie (Shapiro, Sheppard et Cheraskin, 1992). De ces lectures, retenons qu’elle s’inscrit, pour ces auteurs, dans un continuum aux extrémités bien définies et qu’elle existe à différents

degrés d’intensité, en fonction de nombreuses conditions externes et internes auxquelles l’individu est assujetti.

La confiance peut être graduelle (McAllister, 1995), c’est-à-dire accordée faiblement ou pas du tout au début, puis modifiée selon le contexte. Selon McAllister (1995), elle est rarement accordée du jour au lendemain et se décrit plutôt comme un phénomène progressif. Aussi, elle peut être absente de la relation, sans pour autant qu’il y ait méfiance ou défiance. Il peut y avoir méfiance même lorsqu’une relation de confiance est établie. En ce sens, elle est dynamique (Akrout et Akrout, 2010 ; Miles et Creed, 1995 ; Rousseau et coll., 1998), dans la mesure où elle peut se développer, se maintenir, diminuer et se briser.

Selon McAllister (1995), la confiance peut reposer sur l’affection ou sur la cognition. Il s’appuie sur des bases de la psychologie sociale pour distinguer la confiance d’ordres cognitif (cognition-based trust) et affectif (affective-based trust). À ce sujet, Quéré (2001) écrit que les réponses entourant les questionnements liés à cette notion ont souvent trait à sa nature cognitive, mais que les descriptions de sa structure sont limitées du point de vue moral ou affectif, étant donné, entre autres, qu’« elles la ramènent trop facilement à une forme ou une autre de connaissance inductive, de calcul prédictif ou de décision rationnelle, ce qui laisse de côté les dimensions qui ne sont pas subsumables sous la dualité connaissance/ignorance » (p.128).

Pour McAllister (1995), la confiance cognitive est forgée par l’information disponible et les justifications personnelles des individus. Dans cette perspective, les informations sur la compétence, la responsabilité, ainsi que la fiabilité et la dépendance sont aussi des éléments importants permettant à l’individu d’accorder ou non sa confiance. Comme l’écrivent Lewis et Wiegert (1985), dans la mesure où l’individu cumule des connaissances sur les autres et sur son environnement, il choisit à qui il l’accorde et dans quelles circonstances.

Quant à la confiance affective, McAllister (1995) écrit qu’elle concerne davantage les liens émotifs qui unissent deux personnes ou une ou des personnes à leur organisation. Pour ce type de confiance, l’investissement personnel accordé à une relation et le soin qui y est porté font que les gens souhaitent dans leur for intérieur que cette situation soit réciproque. Ainsi, c’est le souci de l’autre et la préoccupation interpersonnelle qui forment la base de la relation de confiance. Elle est alors dite basée sur la relation ou sur l’identification à l’autre.

À ces deux types de confiance, Akrout et Akrout (2010) ajoutent la confiance conative qu’ils considèrent comme l’adoption d’un comportement confiant, c’est-à- dire qu’il y aura un effort, une tendance, une volonté, une impulsion dirigée vers un passage à l’action. Elle provient alors de l’intention d’agir et du comportement confiant.

D’autres auteurs (Lewicki et Bunker, 1996 ; Rousseau et coll., 1998 ; Shapiro et coll., 1992 ; Sheppard et Tuchinsky, 1996) ayant travaillé sur les fondements de la notion de confiance en distinguent plusieurs degrés qualitatifs. Leurs modèles suggèrent certains fondements.

Afin d’illustrer ces propos, le tableau ci-après présente les principales expressions utilisées par les auteurs lorsqu’ils parlent des fondements de la confiance et les parallèles pouvant être faits les uns envers les autres, car même si les termes utilisés ne sont pas les mêmes, ils font référence à des réalités similaires (titres des colonnes). Ainsi, les termes utilisés par les auteurs pour désigner les fondements sont organisés en colonnes selon la définition qui se rapproche le plus du sens décrit par les auteurs dans leur texte. Chacun de ces fondements est repris et expliqué par la suite.

Tableau 1 Les fondements de la confiance FONDEMENTS

RETENUS DANS CETTE RECHERCHE/AUTEURS CONFIANCE FONDÉE SUR LE CALCUL CONFIANCE FONDÉE SUR LA CONNAISSANCE

CONFIANCE FONDÉE SUR LA RELATION ET L’IDENTIFICATION À

L’AUTRE McAllister

(1995) Fondée sur la cognition (Cognition-based trust) Fondée sur l’affection (Affective-based trust) Shapiro et coll. (1992) Fondée sur la

dissuasion (Deterrence-

based trust)

Fondée sur la

connaissance (Identification-based trust) Fondée sur l’identification

Quéré (2001) Confiance catégorielle

Lewicki et Bunker

(1995) Fondée sur le calcul

(Calculus-based trust)

Fondée sur la

connaissance (Identification-based trust) Fondée sur l’identification

Rousseau et coll.

(1998) (Calculus-based trust) Fondée sur le calcul Fondée sur la relation (Relational trust)

Confiance fondée sur le calcul : Selon Shapiro et coll. (1992), le premier fondement de la confiance est la dissuasion (deterrence-based trust), c’est-à-dire l’estimation par une des parties que l’autre partie est digne de confiance, et ce, parce que le cout des conséquences en cas de rupture du lien est plus élevé que les bénéfices potentiels à retirer d’un comportement opportuniste. Pour Lewicki et Bunker (1995), ce fondement se rapporte plutôt à un calcul (calculus-based trust) et il se définit comme l’importance accordée aux conséquences résultant de la création et de la durabilité d’une relation et des couts associés à la rupture du lien de confiance. À ce stade, la confiance est faible ou inexistante.

Entre cette confiance dissuasive et calculée et la suivante, un seuil est traversé. En effet, lorsque les soupçons de l’individu quant à la bienveillance de l’autre s’amenuisent, ils tendent alors à être remplacés par des attentes positives envers cet autre. C’est à ce moment, selon Dietz et Den Hartop (2006) qu’on commence à parler de « vraie » confiance. Ensuite, au fur et à mesure que les attentes seront satisfaites, des degrés plus forts peuvent être développés.

Confiance fondée sur la connaissance : Peut alors être discuté le fondement s’appuyant sur la connaissance de Shapiro et coll. (1992) et de Lewicki et Bunker (1995). Pour Rousseau et coll. (1998), il provient d’un choix rationnel, c’est-à-dire que l’individu qui accorde sa confiance le fait parce qu’il perçoit que l’autre a l’intention de réaliser une action qui lui est bienveillante. Pour appuyer cette perception, l’individu se base sur l’information crédible qu’il possède quant aux intentions ou aux compétences de l’autre. Pour Rousseau et coll. (1998), il s’agit d’une confiance qui doit se limiter à des échanges particuliers, non personnels. Ici, pour obtenir l’information dont il a besoin, l’individu se fie à la réputation ou à sa connaissance personnelle de l’autre, bâtie notamment grâce à une communication fréquente. C’est précisément cette connaissance qui explique qu’un individu peut prédire le comportement fiable ou non de l’autre partie et prendre ainsi sa décision d’accorder ou non sa confiance. À cet effet, Quéré (2001) parle de confiance « catégorielle », expression qu’il emprunte de Nooteboom (2001) et qu’il explique comme consistant

à accorder sa confiance à quelqu’un sur la base de son appartenance à un groupe, à un collectif ou à une catégorie, étant entendu que la fiabilité et la loyauté figurent dans les propriétés attribuées à ce groupe ethnique ou à telle religion, etc. parce que je connais les traditions et les valeurs de ces collectifs ou la réputation, qui est celle de leurs membres en général, d’être loyaux et dignes de confiance (p.134).

Confiance basée sur la relation et l’identification à l’autre : Quant au dernier fondement de la confiance, selon Shapiro et coll. (1992) et Lewicki et Bunker (1995) il s’appuie sur l’identification (identification-based trust). Il renvoie à l’internalisation des préférences et des valeurs de l’autre et à une prise de décision qui est dans l’intérêt des deux parties. L’individu s’identifie alors aux désirs de l’autre. De plus, leur compréhension mutuelle le pousse à agir pour lui ou, du moins, dans son sens. Rousseau et coll. (1998) décrivent ce fondement comme s’appuyant sur la relation (relational trust) et provenant d’interactions positives répétées depuis un

certain temps. La fiabilité et le sérieux démontrés lors de ces interactions amènent alors des attentes positives au sujet des intentions de l’autre partie (Rousseau et coll., 1998).

En résumé, la confiance s’inscrit dans un continuum en trois temps. Elle est dynamique, évolutive et répond à une progression temporelle qui dépend de facteurs cognitifs et affectifs : (1) la dissuasion et le calcul qu’un individu peut faire de sa relation ; (2) les connaissances et l’information qu’il détient sur l’autre partie et qui l’aideront à juger de sa fiabilité ; et (3) l’identification à l’autre en matière de valeurs et de préférence.

Elle n’est pas en opposition à la méfiance (ou vigilance) qui peut être présente à différents degrés ou absente entre un individu et un autre individu ou envers une organisation ou une institution. Elle peut également être absente. Aussi, plus l’individu s’abandonne dans la confiance, plus il est vulnérable et plus le risque qu’il prend est grand. Cette dynamique suit une logique où la confiance est basée à différents degrés sur la cognition ou sur l’affect (Lewis et Wiegert, 1985 ; McAllister, 1995 ; Quéré, 2001). Ainsi, des caractéristiques cognitives et affectives dans lesquelles s’inscrit la dynamique de confiance interagissent avec plus ou moins d’importance selon le contexte et influencent la profondeur de la relation. Ces éléments suggèrent une relation non statique dans le temps qui évoluera en fonction des conditions associées à la construction de relations de confiance qui sont présentées dans la section suivante, à savoir les caractéristiques institutionnelles, organisationnelles, relationnelles et individuelles.

Cette dynamique confirme le caractère complexe et multifactoriel de la confiance dans la relation entre les actrices et les acteurs d’une même organisation et des actrices et des acteurs évoluant autour de cette organisation et l’influençant à divers degrés. Aussi, la construction de relations de confiance se réalise via un

processus difficile à déterminer exactement, puisqu’il existe plusieurs conditions susceptibles de l’influencer.

2. DIFFÉRENTES CONDITIONS ASSOCIÉES À LA CONSTRUCTION DE