• Aucun résultat trouvé

Evolution du tonnage de la pêche industrielle

CATEGORIE UICN

III- 4-4 La gouvernance des aires marines protégées du Sénégal

Suite au Sommet de la Terre tenu à Johannesburg en 2002, et face aux nouveaux défis de conservation de la zone marine et côtière, le gouvernement du Sénégal décide d’initier une démarche protectionniste de son littoral et de ses ressources. Le premier acte sera jeté suite au 5e Congrès mondial sur les Parcs qui eut lieu en 2003 à Durban qui préconise notamment la création et l’extension d’un réseau d’aires marines protégées afin d’assurer la couverture de 30% des océans. L’Etat prenant l’engagement de redresser le niveau de dégradation des ressources halieutiques et de sécuriser le bien être des populations, il soutient le projet

« Narou Heuleuk » porté par l’ONG Océanium et fina

en 2003 le Bamboung un bolong de 7000 ha qui représente la première aire marine protégée au Sénégal Il s’en suivra en 2004, quatre autres AMP que sont

Fadiouth et Abéné, issues de l’action con

Marine et Côtière (PRCM). Ce réseau d’AMP sera officialisé par décret présidentiel n°2004 1408 du 4 novembre 2004. Il vient donc s’ajouter à un ensemble d’aires protégées mis en place dès les années 1960 comme les p

Fig. 9 : Réseau des aires protégées au Sénégal

III-4-4-1. L’implantation des AMP

La création des AMP au Sénégal relève d’un processus consultatif. En effet, aussi bien pour l’AMP du Bamboung que pour celles qui suivront en 2004, la démarche adoptée fut la sensibilisation et l’implication des populations locales riveraines.

III-4-4-1-1. L’AMP du Bamboung

En 2002, le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) décide d’appuyer la mise en place d’Aires Marines Protégées le long du littoral sénégalais. Ce projet intitulé

» porté par l’ONG Océanium et financé par FFEM. Ce projet

le Bamboung un bolong de 7000 ha qui représente la première aire marine protégée au Sénégal Il s’en suivra en 2004, quatre autres AMP que sont Saint-Louis

Fadiouth et Abéné, issues de l’action concertée du Programme régional pour la Conservation Marine et Côtière (PRCM). Ce réseau d’AMP sera officialisé par décret présidentiel n°2004

Il vient donc s’ajouter à un ensemble d’aires protégées mis en omme les parcs nationaux ou les réserves de biosphères.

: Réseau des aires protégées au Sénégal (Source : Direction des Parcs Nationaux

(DPN)

L’implantation des AMP : un processus consultatif de mise en œuvre

La création des AMP au Sénégal relève d’un processus consultatif. En effet, aussi bien pour l’AMP du Bamboung que pour celles qui suivront en 2004, la démarche adoptée fut la sensibilisation et l’implication des populations locales riveraines.

L’AMP du Bamboung

En 2002, le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) décide d’appuyer la mise en place d’Aires Marines Protégées le long du littoral sénégalais. Ce projet intitulé

99

. Ce projet met en place, le Bamboung un bolong de 7000 ha qui représente la première aire marine protégée Louis, Cayar, Joal- certée du Programme régional pour la Conservation Marine et Côtière (PRCM). Ce réseau d’AMP sera officialisé par décret présidentiel n°2004- Il vient donc s’ajouter à un ensemble d’aires protégées mis en

arcs nationaux ou les réserves de biosphères.

: Direction des Parcs Nationaux

: un processus consultatif de mise en œuvre

La création des AMP au Sénégal relève d’un processus consultatif. En effet, aussi bien pour l’AMP du Bamboung que pour celles qui suivront en 2004, la démarche adoptée fut la

En 2002, le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) décide d’appuyer la mise en place d’Aires Marines Protégées le long du littoral sénégalais. Ce projet intitulé

100

« Préservation des ressources halieutiques par les communautés de pêcheurs – Narou Heuleuk » ou « La part de demain » sera porté par une ONG Océanium, une association de

protection des milieux marins, et vise la sensibilisation des populations à une gestion durable des ressources marines et la création de quatre AMP de type communautaire : le Bamboung dans la communauté rurale de Toubacouta sise dans le delta du Saloum, celle du Cap Manuel dans la commune d’arrondissement de Dakar- Plateau, sur la petite côte entre Nianing et Ngasobil et l’AMP de Rufisque Bargny entre Tiawlène et Ngoud.

Le choix des AMP relèvera d’un travail prospectif mené par les équipes du CRODT et de l’IRD, partenaires au projet, et dans le cas du Bamboung qui sera finalement la seule AMP édifiée, l’Océanium avec l’appuie de l’Etat initie un long travail de sensibilisation pour l’acceptabilité de l’AMP. L’objectif était d’attirer l’attention des populations sur les activités exerçant une pression sur les ressources (pêche et récolte de coquillages) et à opter pour des techniques et méthodes de prélèvement moins dommageables pour l’écosystème de mangrove. Adoptant une démarche participative l’Océanium a pu fédérer l’ensemble des populations des 14 villages de la communauté rurale autour du projet et à leur faire accepter la fermeture du bolong par consensus mutuel. Ces dernières sont aussi impliquées dans la prise de décision à travers l’élaboration d’instance de gestion (comité de gestion, assemblée générale) qui regroupe l’ensemble des parties prenantes et représentants des 14 villages48. Par ailleurs, conscient du risque de perte de revenus pour les riverains, le projet met aussi en œuvre des mécanismes compensatoires tels que la création d’un campement écotouristique « Keur Bamboung » qui devra ainsi générer des emplois et des revenus pour la communauté et couvrir les frais de fonctionnement de l’AMP.

III-4-4-1-2. Les AMP initiées dans le cadre du programme du WWF

Outre les actions initiées par l’Océanium, le PRCM entreprendra des actions de protection du littoral sénégalais. Ce programme est le fruit d’un partenariat entre des ONG environnementales telles que le WWF, l’UICN, la FIBA, le Wetlands International ou encore la CSRP pour veiller à la sauvegarde des ressources marines dans la région ouest africaine. En amont de ce projet de création des AMP au Sénégal, le WWF impliquera des acteurs institutionnels de l’Etat tels que la Direction des Parcs Nationaux, la Direction des Pêches Maritimes, les collectivités locales, les organisations nationales de base (FENAGIE, CNPS,…), mais aussi des institutions de recherche scientifique comme le CRODT. Ce

48 A sa mise en place, l’AMP du Bamboung polarisait 14 villages, cependant en 2013 le village de Bassoul se

101

processus participatif avait pour but d’identifier, grâce à une approche pluridisciplinaire et par consensus, les sites potentiels et définir des critères pertinents pour la création d’AMP. Ainsi, des critères économiques, sociaux, scientifiques, écologiques et des critères de faisabilité seront retenus et 33 sites pré- choisis. Pour chaque critère, des objectifs cruciaux et secondaires sont établis et ceci va conduire à une réduction du nombre de sites à 11 dont Kalissayes, Fambine, lagune de Toubab Dialaw, Abéné, Joal, Saint-Louis, Mbour, Mbodiéne, Lac Ouye, Cayar et Bamboung. Des missions de terrains seront par la suite organisées afin d’informer les populations des sites retenus et recueillir leur avis quant à la mise en place d’une AMP.

Ces séances de restitution permirent aussi de repérer des personnes clés et de les impliquer plus tard de manière plus effective à la prise de décision. En définitive, quatre sites sont retenus et viennent s’ajouter à l’AMP du Bamboung : Abéné (119km²), Joal- Fadiouth (174km²), Saint-Louis (491km²) et Cayar (171km²). Ce réseau d’AMP caractéristique des habitats marins et côtiers (mangrove, canyons et sols marins, et larges étendues d’eau) prend en considération les zones de biodiversité sensibles telles que les sites de frayères et de ponte de diverses espèces marines et aviaires et offre aux populations locales l’autorité et la possibilité de gérer leur environnement côtier selon leurs propres besoins et valeurs.

III-4-4-2. Le cadre de gestion des aires marines protégées au Sénégal

Jusqu’au début des années 2000, la gestion des ressources halieutiques au Sénégal relevait entièrement de l’Etat. Aujourd’hui bien que la pêche ne soit pas une compétence décentralisée, le gouvernement accorde une certaine autorité aux populations dans la gestion de leurs pêcheries. Ainsi, la gouvernance développée autour des aires marines protégées s’inspire largement de ce modèle participatif. L’analyse du cadre de gestion des AMP montre un système essentiellement tripartite mais aussi syncrétique en raison de l’originalité des espaces préservés.

III-4-4-2-1. Identification des acteurs

La gestion des AMP en raison de leur nouveauté et de la nécessité d’implication d’acteurs capables de porter le processus de création de ces entités de conservation de la biodiversité marine voit l’émergence de divers acteurs.

102

L’Etat sénégalais : constituant l’un des principaux acteurs, il est représenté par deux de ses services déconcentrés que sont le service des pêches relevant du Ministère des Pêches Maritimes et la Direction des Aires Marines Communautaires Protégées qui relève du Ministère de l’Ecologie. L’implication de ces deux services se justifie par le fait que les ressources halieutiques ont de tout temps été gérées par le Ministère de la Pêche alors que la conservation de la nature et de ses écosystèmes est dévolue à l’environnement. En effet les parcs ont une longue tradition de protection des aires, expérience que ne possèdent pas les services et direction de la pêche. Cependant, cette cohabitation fut loin d’être évidente comme nous le verrons plus tard.

Les Organisations Non Gouvernementales environnementalistes : à l’instar de l’Océanium et du WWF, elles jouent un grand rôle au sein des AMP non seulement dans le processus de leur implantation, l’octroi de financements pour leur fonctionnement et la création d’activités alternatives génératrices de revenus (AAGR), et la réalisation de plan d’aménagement et de gestion. Les ONG ont aussi contribué à l’élaboration des instances de gestion et à l’organisation des parties prenantes. Les acteurs locaux ont ainsi été formés à une gouvernance participative et à une plus grande prise en compte des enjeux de leur environnement.

Les populations locales : elles sont représentées par leurs organisations locales de base (GIE, Associations…) et par leurs principaux acteurs locaux (société civile, collectivités locales…). Constitués en parties prenantes, ces acteurs peuvent ainsi défendre leurs intérêts et partager leurs points de vue dans un cadre de concertation plus conventionnel.

III-4-4-2-2. Le processus de gouvernance

Le système de gestion des AMP sénégalaises se révèle très complexe du fait de deux facteurs : la pluralité des normes et l’absence d’un cadre juridique stable et efficient.

La pluralité des normes

La mise en place d’AMP est l’une des mesures phares de la protection de la biodiversité marine. Mises au point au sein des grandes instances internationales, elles font l’objet de lignes directrices qui tentent de définir le concept et les réalités qu’elles recouvrent. Néanmoins, ramenée dans les contextes des pays en voie de développement, comme le Sénégal, la catégorisation de ce type « officiel » d’AMP se heurte à la réalité locale. Il se pose

103

dés lors la question de l’ajustement des normes internationales aux spécificités nationales et sociétales. Dans le cas du Delta du Saloum, par exemple, les droits coutumiers, les droits d’usage et d’accès aux ressources ont très prégnants et ne sont cependant pas souvent considérés comme ayant une valeur juridique au regard des textes de loi. Les AMP sont aussi confrontées à ce que Weigel et Féral (2007) appellent « l’effet mille- feuille ». Elles comprennent à la fois des espaces terrestres et marins sur lesquels s’appliquent diverses normes juridiques. D’une part on a une multiplication des échelles de protection : très souvent, les AMP se situent dans des aires de conservation qui ont plusieurs statuts (réserves de biosphères, sites Ramsar, parc national…) se qui rend difficile la définition de règles juridiques. De plus, l’espace protégé est soumis à divers codes : code de l’environnement, code de la pêche, textes légiférant sur la chasse, sur des espèces emblématiques (tortues, espèces aviaires, mammifères marins…), ce qui ne permet une véritable cohérence des politiques de gestion.

Un cadre institutionnel peu défini

Si le modèle de gestion des AMP est clairement établi, il s’est toutefois heurté à un conflit de compétence entre ministères qui a pendant de longues années paralysé son fonctionnement. Dans l’optique de poser un cadre juridique et réglementaire, le Ministère des Pêches Maritimes et le ministère de l’Environnement ont été cooptés au sein d’un organe institutionnel le Comité Technique Interministériel (CTI). Ce comité, créé en 2006, avait principalement deux missions : veiller au respect des orientations de l’Etat, à la validation des initiatives de création et de gestion des AMP et être le garant du bon fonctionnement du système de gestion en adaptant les politiques publiques aux réalités de terrain.

Toutefois, il ne sera jamais fonctionnel en raison de dissensions entre les deux ministères et en 2009 il sera dissous sans avoir tenu une seule réunion. Après l’éclatement du CTI, les deux ministères vont se livrer une longue bataille afin de s’assurer la tutelle des AMP. Mais au- delà, de cette crise institutionnelle c’est l’objectif assigné à une AMP qui est en cause. Le ministère de l’Environnement, à travers la Direction des Parcs Nationaux, a une vision protectionniste, l’AMP est avant tout un outil de conservation de l’environnement marin et de restauration de ses habitats naturels. Le ministère des Pêches quant à lui considère les AMP comme une politique d’aménagement des pêcheries, l’exploitation des ressources naturelles par les populations est mise en avant et une gestion participative est recherchée dans les instances locales de gestion des AMP. Cette vision se traduira en 2009 par la création de la

104

Direction des Aires Communautaires (DAC) qui aura en charge la gestion des AMP et des récifs artificiels. Ces conflits de compétences illustrent bien l’éparpillement juridique et le vide institutionnel qui accompagnent la création des AMP. Sur le terrain, cette léthargie au niveau des hautes instances de l’Etat va se manifester par la main mise des ONG. Ces dernières devant le statu- quo des services déconcentrés serviront de relais entre l’Etat et les populations locales. Ils dérouleront par ailleurs leurs propres objectifs à travers leurs programmes. L’importance de leur apport financier et technique leur donne une légitimité qui surpasse celle de l’Etat.

En 2012, la problématique de la tutelle des AMP sera réglée par la création d’une nouvelle direction : la Direction des Aires Marines Communautaires Protégées (DAMCP) qui relève du Ministère de l’Ecologie et de la Protection de la Nature (ex Ministère de l’Environnement). Cette direction initie une nouvelle approche des AMP en y ajoutant le concept de « communautaire ». Dorénavant la création d’AMP peut relever de la seule initiative des populations locales, tranchant avec l’approche étatique et des ONG internationales qui ont été à la base de l’implantation des premières AMP. Depuis le réseau d’AMP s’est agrandi avec l’AMCP de Somone, la réserve de Palmarin, l’Aire du Patrimoine Communautaire de Kawawana dans la communauté rurale de Mangagoulak en Casamance, les Aires du Patrimoine Autochtone Communautaire (APAC) du Petit Kassa, l’AMCP de la Pointe Saint- Georges en Basse Casamance. Celles de Dindifélo et du Boundou devront bientôt s’y ajouter, alors que les AMP de Gandoul, Sangomar, et Laga dans la région de Fatick et de Loumpoul dans la région de Louga sont en cours (DPN, 2013).

Aujourd’hui l’implantation d’une AMP et de sa gestion soulève de nombreux questionnements. La terminologie a évolué sans que ne soit clairement défini les objectifs. D’Aire Marine Protégée on est passé à l’appellation Aire Marine Communautaire Protégée (Bamboung, Somone) puis à Aire du Patrimoine Autochtone et Communautaire (Petit Kassa et Pointe Saint- Georges, Kawawana). La DAMCP tente d’initier une nouvelle stratégie auprès des organes de gestion qui seront mieux restructurés et mieux orientés.

Les organes de gestion

La mise en place des organes de gouvernance passe par la reconnaissance des principaux acteurs locaux qui sont ainsi considérés comme parties prenantes directes ou parties prenantes

105

indirectes. Les parties prenantes directes sont les acteurs qui ont une ou des activités directement liées à l’AMP par usage de la ressource. Ce sont généralement les pêcheurs, femmes transformatrices, mareyeurs, exploitants des coquillages,… les parties prenantes indirectes sont plutôt les entités publiques ou privées qui appuient l’AMP (Etat, ONG, chefs de quartier…).

A l’échelon local, la gouvernance de l’AMP est portée par deux organes : l’assemblée générale et le comité de gestion :

L’assemblée générale (A.G.) constitue l’instance de gestion participative des espaces et des ressources naturelles de l’AMP. Elle détermine les orientations politiques et stratégiques au comité de gestion, adopte les décisions sauvegardant les intérêts collectifs des parties prenantes. Elle peut trancher sur les questions non résolues au niveau des autres instances de gestion.

Lieu d’information, d’échange et de réflexion sur les problématiques de l’AMP, le comité de gestion (C.G.) représente l’organe exécutif du système et la principale instance de décision. Il regroupe l’ensemble des parties prenantes (organisations locales de base, notables, organisations socio- professionnelles, services de l’Etat) qui peuvent ainsi débattre et affiner les questions inhérentes au processus de gestion de l’AMP (surveillance, application des sanctions…). Le C.G. est constitué d’un bureau et de différentes commissions. Le bureau est créé sur vote des parties prenantes directes du Comité de gestion. Bénéficiant d’un mandat de deux ans renouvelable, le bureau a deux principales missions : l’exécution des décisions et résolutions du C.G. et la supervision des activités des commissions. Les commissions sont des instances secondaires qui prennent en charge certaines fonctionnalités de l’AMP telles que la surveillance, la gestion des conflits, la communication, la gestion de l’environnement et des ressources naturelles.

Malgré ce cadre formel, la gestion des AMP au quotidien demeure problématique. Les organes sont plus ou moins fonctionnels et sont grevés par des questions de légitimité et de leadership. Le renouvellement des instances s’effectue difficilement provoquant la méfiance, la contestation voire le rejet des populations qui souvent s’identifient mal à leurs porteurs de voix. La gouvernance des AMP au Sénégal reste encore inachevée et son évolution est fortement conditionnée par les réalités locales.

106