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Nos recherches ont essentiellement concerné la Grande Côte sénégalaise avec comme principales zones d’enquêtes le site de Cayar et celui de Guet-Ndar à Saint-Louis qui constituent deux centres et foyers de pêche dynamiques. Le choix de ces zones répond à un certain nombre de critères :

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- L’existence de différents groupes ou communautés de pêcheurs (migrants et autochtones, pêcheurs et paysans- pêcheurs, différence dans les techniques et engins de pêche)

- La connaissance sur les phénomènes migratoires des pêcheurs de Saint-Louis

- La diversité des acteurs et donc des logiques d’action

- L’organisation autour de l’espace et de la ressource

Pour Saint Louis : nous avons sillonné la Langue de Barbarie où l’on retrouve l’un des principaux et très anciens foyers de pêche : Guet-Ndar. Le site a la particularité de n’accueillir quasiment pas de pêcheurs allochtones. L’essentiel de la population est formé par les Wolofs de Guet-Ndar qui évoluent dans un contexte urbain, et n’ont d’autre activité que la pêche. Ce qui est déterminant dans leurs pratiques et perceptions de la mer et de ses ressources. Le quartier de Guet-Ndar étant constitué de trois sous quartiers dont Lodo, Pondoxolé et Dakk, nous avons pu constater que ces derniers avaient leurs propres caractéristiques comme en témoigne Mbaye (2003) qui dans sa thèse de 3e cycle, à mener une vaste analyse sur les implications de la différenciation des techniques de pêche dans la gestion de la pêche artisanale. Nous avons aussi pris en compte la périphérie du quartier de Guet-Ndar et pour ce faire nous avons surtout ciblé les sites de Goxumbathie où domine le filet dormant et celui de Ndar Toute où les lignes sont plus nombreuses.

Pour Cayar, le choix se justifie par le fait que c’est une ancienne colonie de pêche pour les Saint-Louisiens et que la population a encore la particularité de pratiquer à la fois la pêche et l’agriculture. Formés par les Guet-Ndariens, les Cayarois ont cependant choisi de se spécialiser uniquement dans la ligne et la senne tournante. Ces choix sont révélateurs des enjeux qui se tissent au niveau social mais aussi au niveau économique.

Le site de la Mauritanie et des dynamiques de pêche qui y existent nous ont aussi grandement aidés dans nos analyses. Nous n’avons pas pu nous y rendre mais des lectures bibliographiques nourries d’enquêtes auprès de pêcheurs y évoluant furent menées. La zone mauritanienne présente un grand intérêt car la population n’est pas par essence pêcheurs même si le groupe des Imraguens est reconnu comme pratiquant la pêche artisanale depuis longtemps. Les Guet Ndariens ont été et continuent d’être la communauté la plus présente et aussi initiatrice de l’activité tant du point de vue social qu’économique.

32 I-2-3. Echantillonnage et traitement des données

Le travail effectué ici vise à présenter d’une part les pratiques territoriales et d’autre part la dynamique des conflits. Après avoir déterminé nos zones d’enquêtes, nous avons compte tenu de la diversité des engins de pêches, et choisi deux types de techniques : la ligne et la senne tournante. Le but était de confronter deux méthodes différentes : la ligne est bien localisable car s’exerçant sur des fonds bien définis alors que la senne est une technique mobile qui suit et repère les bancs de poissons. Il nous a paru important de nous appesantir sur l’espace dévolu à la pêche artisanale, de voir comment il est exploité par les pêcheurs et de faire une description sur les sites de pêche et de débarquement. Par ailleurs les moyens mobilisés par les pêcheurs, le type de sortie, et les marchés diffèrent sensiblement. Cependant, outre les informations qui sont recueillies, ces deux techniques nous renseignent sur l’organisation sociale, sur la géographie des déplacements des pêcheurs, et sur les mobilisations locales en relations avec la gestion des ressources halieutiques. Les recherches de Laloë et Samba (1990) nous ont beaucoup éclairé quant à l’espace occupé par les migrants de Saint-Louis et sur les stratégies mises en place, alors que la thèse de Leroux (2005) a permis d’appréhender la construction des territoires de pêche et leur partitionnement.

Suite à la sélection faite autour des sites d’études nous avons effectué un échantillonnage par rapport aux organisations de base. Le milieu de la pêche se caractérise par une palette d’organisations et d’associations nationales et de base. Néanmoins, ces dernières sont soit mal représentées soit discréditées par la population. Il nous a fallu procéder à un échantillon où seules les plus dynamiques et ayant encore voix auprès de la localité et des services déconcentrés de l’Etat sont pris en compte. Pour ce faire, nous avons approché certains responsables locales (notables, comité de gestion,), des services de pêches régionales, des instances de gestion des AMP…

A coté des pratiques territoriales et des faits parfois contrastés qu’offre notre échantillonnage, nous avons également porté une attention particulière à l’étude des conflits. Nous nous sommes inspirés des travaux de Torre (2008), de Charlier (1999) qui bien qu’ayant favorisé l’analyse des conflits d’usage ou ceux liés à l’environnement ont apporté à nos recherches une meilleure compréhension des dynamiques qui transparaissent lors d’une situation conflictuelle. La méthode mise en avant par Cadoret (2006) est aussi empruntée. En effet il s’agit dans un premier temps d’identifier les processus conflictuels et les acteurs impliqués à travers une approche spatio- temporelle. Pour ce point nous avons répertorié des articles (presse, scientifiques…) parlant de conflit dans la pêche artisanale, effectué des entretiens

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auprès des divers acteurs (pêcheurs, mareyeurs, transformatrices) Puis nous avons croisé ces informations tout en tenant compte des perceptions et représentations sociales locales. Nous avons aussi approché certaines instances judiciaires comme la police ou la gendarmerie mais si ces derniers reconnaissent l’actualité des conflits, la présence de procès verbaux ont fait défaut si bien que nous n’avons pas pu avoir des données chiffrées. Un des buts de ce travail fut de faire une typologie des conflits en mettant en exergue ses caractéristiques, de dégager les dynamiques de territorialités qui s’y attachent, et les actions publiques qui existent. Cette mise en évidence, toujours selon la méthode de Cadoret, est utile pour saisir la complexité sociale des territoires de pêche, les stratégies socio- spatiales des acteurs, les relations qui se nouent dans les situations d’opposition. La méthode a permis d’appréhender l’articulation qui va apparaitre entre le(s) conflit(s) et les modes de participation qui seront mis en œuvre par les différentes parties concernées. Il faut y ajouter que chaque élément est traité selon une approche bien spécifique. Ainsi par exemple, une approche qualitative est adoptée pour analyser les espaces et éventuellement les ressources qui sont objets de conflits ainsi que les modes de régulation alors que la cartographie sera plus utile pour illustrer la spatialisation des conflits et les lieux de manifestation de ces crises.

Par ailleurs, la méthode prônée par Mélé est certainement celle que nous avons la plus sollicitée dans la définition et le processus de mobilisations locales, et en utilisant leurs manifestations pour éclairer l’action publique. Avec l’implantation des aires marines protégées (AMP) au sein de territoires de pêche hétérogènes, appropriés et sujets à des conflits, les mouvements locaux de revendication montrent non seulement les limites des projets territoriaux, de la dimension participative et de négociation. Cependant la constitution de groupes et collectifs en dehors des rapports de force qu’ils suscitent sont des indicateurs de bonne gouvernance, de légitimation ou non des acteurs sociaux. Ils remodèlent l’environnement politique local et permettent de nouvelles formes d’institutionnalisation qui dans le cas de la pêche artisanale sont nécessaires pour une efficience des politiques de conservation et de gestion des pêcheries.