• Aucun résultat trouvé

3. RESULTATS

3.7 Implications de la présence d’un dérivé de glycoside cyanogénétique dans le fruit

3.7.1 Glycosides cyanogénétiques

Les glycosides cyanogénétiques sont présents dans plus de 2500 espèces végétales, dont les familles botaniques les plus représentées sont Fabaceae, Rosaceae, Linaceae, Asteraceae, etc… Les glycosides cyanogénétiques sont des métabolites secondaires des plantes qui peuvent avoir un caractère chimiotaxonomique. Relevons notamment que de nombreuses espèces appartenant à la sous-classe Core-Eudicot, dont les Fabaceae font partie (cf. Figure 2.3), contiennent des représentants de cette classe de composés. Quelques plantes économiquement importantes de la famille Fabaceae contiennent des glycosides cyanogénétiques : le haricot igname (Sphenostylis stenocarpa Harms), certaines espèces de trèfle (Trifolium spp.), le haricot commun et autres espèces du genre (Phaseolus vulgaris, P. lunatis), le pois (Pisum sativum), Acacia spp., Vicia spp., Lotus corniculatus, Lathyrus sativus, etc... (Jones, 1998).

Malgré le fait qu’un nombre important d’espèces contiennent ce type de composés, seule une quarantaine ont été décrits dans la littérature. En effet, ces composés sont difficiles à isoler à cause de l’instabilité des cyanhydrines : sous l’action du broyage de la plante, les glycosides cyanogénétiques sont mis en contact avec deux enzymes, initialement localisées dans un autre compartiment cellulaire. Dans un premier temps, des β-glycosidases hydrolysent le composé, libérant ainsi le sucre, d’une part, et la cyanhydrine, d’autre part. Une deuxième enzyme, l’α- hydroxynitrile lyase, intervient dans un second temps pour catalyser la libération d’acide cyanhydrique (HCN) (Nakajima et Ubukata, 1998; Vetter, 2000). Il est intéressant de relever que la quantité de ces enzymes peut varier en fonction de l’organe. Ceci a notamment été mis en évidence dans Elaeocarpus sericopetalus F. Muell. (Elaeocarpaceae), dont les fruits et le tronc

ne contiennent pas suffisamment de β-glycosidases, comparativement aux feuilles, pour une hydrolyse complète des glycosides cyanogénétiques (Miller et al., 2006).

Concernant le taux de glycosides cyanogénétiques dans les plantes, il est connu qu’il est extrêmement variable au sein d’une même espèce. Les facteurs responsables de cette variation sont de nature endogène et/ou exogène. Une étude sur le taux de glycosides cyanogénétiques dans Trifolium repens L. (Fabaceae) a montré, par exemple, que ces derniers n’étaient formés que dans le cas où les deux allèles du gène codant pour les glycosides cyanogénétiques étaient dominants. Concernant les facteurs exogènes, il a été observé par exemple, que le taux de glycosides cyanogénétiques était plus élevé dans les lots de Trifolium repens croissant en basse altitude, où la quantité de neige en hiver était peu importante et les températures pas trop basses, et pour lesquelles les précipitations estivales étaient faibles. Une étude sur le manioc (Manihot esculenta Crantz, Euphorbiaceae) a montré que la teneur en glycosides cyanogénétiques dans les racines était généralement inférieure à 100 mg/kg, mais que dans certains cas, elles en contenaient plus de 500 mg/kg. De telles variations ont également été observées pour les espèces du genre Sorghum (L.) Moensch. (Poaceae). Certaines investigations ont montré que le taux de glycosides cyanogénétiques maximal était atteint au stade de maturation du fruit. Notons de plus que le taux de HCN libéré dépend non seulement de la quantité de glycosides cyanogénétiques présents, mais également de la quantité de β-glycosidase et de α-hydroxynitrile lyase (Vetter, 2000).

Il a été démontré à plusieurs reprises que le rôle des glycosides cyanogénétiques était de défendre la plante vis-à-vis des prédateurs (parasites, mollusques, insectes, vertébrés). Cependant, certains animaux, dont les hommes, ont la capacité de détoxifier l’acide cyanhydrique, lorsque les doses sont relativement faibles. En ce qui concerne l’homme, on distingue cinq voies de détoxification différentes, dont la principale fait intervenir les enzymes sulfurtransférases. Afin que cette voie de détoxification soit optimale, il est nécessaire que le régime alimentaire soit riche en acides aminés soufrés. Ainsi, lorsque la quantité de protéines consommée est faible, les intoxications chroniques à l’acide cyanhydrique surviennent plus facilement. En ce qui concerne la dose létale de HCN pour l’homme, elle est de 0.5-3.5 mg/kg de poids corporel. Notons encore que la sensibilité des animaux vis-à-vis du HCN varie considérablement en fonction de l’espèce (Jones, 1998).

Mécanisme de toxicité et traitement

Le mécanisme de toxicité de l’acide cyanhydrique consiste à empêcher l’utilisation de l’oxygène par les cellules en inhibant la cytochrome C oxydase, complexe enzymatique de la chaîne respiratoire mitochondriale. Les tissus dépendant fortement de l’apport en oxygène (système nerveux central et système cardiaque) sont ainsi touchés en premier lieu. La seule manifestation caractéristique de ce type d’intoxication est l’odeur d’amande amère que dégage l’haleine du patient. Cependant, certaines personnes n’ont pas la capacité de sentir cette odeur. Relevons que les intoxications au cyanure sont plus fréquentes et plus grave par inhalation que par ingestion. Les symptômes d’une intoxication aiguë sont : polypnée, vomissements, hypotension, rougeur généralisée, céphalée, tachycardie, acidose métabolique, œdème pulmonaire, convulsions, coma et mort en quelques heures. Une intoxication chronique se manifeste par des troubles digestifs et psychiques, perte de poids, asthénie, bronchite chronique, conjonctivite (Fattorusso et Ritter, 1998).

Les mesures d’urgence à prendre, lors d’une intoxication par ingestion, consistent en premier lieu à effectuer un massage cardiaque, une ventilation assistée avec de l’oxygène 100 % et inhalation de nitrite d’amyle pendant 20-30 secondes, chaque minute. Les antidotes peuvent être une injection intra-veineuse rapide de tétracémate dicobaltique, ou une perfusion de nitrite de sodium (3 %) suivie d’une perfusion de thiosulfate de sodium à 25 %. Le lavage gastrique est différé jusqu’à ce que la ventilation assistée soit mise en place et que les antidotes aient agi (Fattorusso et Ritter, 1998).

Bon nombre d’aliments consommés à travers le monde contiennent des glycosides cyanogénétiques. Pour la plupart d’entre eux, cependant, la partie consommée n’en contient pas. C’est le cas pour de nombreuses céréales (Triticum spp., Hordeum vulgare L., Avena sativa L., Sorghum spp., Poaceae), pour lesquelles la graine est consommée, alors que ce sont les feuilles qui contiennent des glycosides cyanogénétiques. Il existe cependant de nombreuses plantes, pour lesquelles la partie consommée est aussi celle qui contient les glycosides cyanogénétiques. Citons les amandes et autres espèces du genre Prunus L. (Rosaceae), les haricots (Phaseolus vulgaris L., Fabaceae), le bambou (Dendrocalamus spp., Bambusa spp., Poaceae), les fruits de la passions (Passiflora edulis Sims, Passifloraceae), les noix de macadamia (Macadamia ternifolia F. Muell., Protaceae), etc... Grâce à sa capacité à se détoxifier vis-à-vis de HCN, l’homme a donc la possibilité de consommer ces aliments. Cependant, leur consommation doit se faire lentement et en quantité suffisamment faible pour permettre au corps une détoxification progressive. Quant à la racine de manioc (Manihot esculenta Crantz, Euphorbiaceae), aliment

largement consommé sur le continent africain, sa teneur très élevée en acide cyanhydrique nécessite une cuisson longue avant de pouvoir être consommée.

Nous avons maintenant les éléments nécessaires pour la reconsidération des données des cas d’intoxication par le fruit toxique de D. senegalense

3.7.2 Reconsidération des données de la littérature concernant les