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B. ABSENCE DE MANDAT

2. Gestion intéressée consciente (imparfaite)

En matière de gestion imparfaite, l'exigence de la conscience que l'affaire est celle d'autrui a fait l'objet de vives controverses doctri-nales.

a) Opinion majoritaire

Le Tribunal fédéral63 et une partie importante de la doctrine64 considèrent que l'art. 423 ne suppose pas la faute et vise aussi bien le gérant de bonne foi que celui qui est de mauvaise foi. C'est sans aucune justification que le Tribunal fédéral énonce ce principe dans sa jurisprudence sur le calcul des dommages-intérêts en matière de violations de brevets. Or, la faute avait toujours été une condition naturelle de la délivrance du gain puisque, jusqu'à cet arrêt, celle-ci était fondée sur l'art. 41. Avec l'affaire MERCK contre LEISINGER, la délivrance du gain est rattachée, comme une action indépendante, à l'art. 423. A cette occasion, le Tribunal fédéral laisse tomber la condi-tion de la faute sans s'interroger sur l'opportunité de ce changement de régime pourtant lourd de conséquences pour le contrefacteur. Dans l'arrêt MERCK, la manière avec laquelle la question de la faute dans le cadre de l'art. 423 a été tranchée paraît d'autant plus abrupte que le problème ne s'était jamais posé auparavant dans les affaires de gestion imparfaite sans rapport avec la propriété intellectuelle.

b) Opinion minoritaire

Une partie de la doctrine65 estime au contraire que le «gérant» de bonne foi (non fautif) ne doit pas être soumis à la sanction très dure de l'art. 423. Les principaux arguments dans ce sens sont développés par HOFSTETIER66

63 ATF 97 II 169, 177 (cause Merck c. Leisinger, du 16 mars 1971).

64 ÜSER/SCHONENBERGER n. 12 ad art. 419, n. 2 art. 423; BECKER n. 3 ad art. 423;

TROLLER II, p. 995; BLUM/PEDRAZZINI, p. 562; DESSEMONTET Fest., p. 200 ss;

JT, p. 328 (restrictif, p. 344); MosER th., p. 216-217; FRIEDRICH, p. 39 ss, 55;

Th. FISCHER, p. 20, 22 ss; SIMONIUS Fest., p. 66; AMREIN, p. 37-38; v. ÜRELLI, p. 9, 22, 31; TERCIER n. 2135.

65 HoFSTETTER SP, p. 211ss; RSJB, p. 233ss; HoLENSTEIN, p. 168ss, 173ss;

GuHLIMERz/KuMMER, p. 470 ss; BIRRER, p. 102 ss, 109; ScHNEIDER, p. 87;

KAUFMANN, p. 64.

66 HoFSTETTER SP, p. 211 ss.

aa) Selon cet auteur67, le fait de traiter de mamere semblable la bonne foi et la mauvaise foi serait en contradiction avec la loi qui opère une différence entre ces états de fait pour les prétentions com-pensatoires comparables ( «Ausgleichsansprüche» )68 De plus, il ne serait pas conforme au système général d'accorder au maître, en l'absence de faute du gérant, une prétention, le cas échéant, supé-rieure aux dommages-intérêts (par ex. art. 41 al.l, 97 al.l), alors que la seule prétention entrant en ligne de compte lorsque le débiteur n'est pas fautif est l'enrichissement illégitime.

bb) La délivrance des profits prévue à l'art. 423 al. 1 a une fonc-tion de prévenfonc-tion générale. Il s'agit d'éviter qu'un gain puisse être tiré de la lésion d'un droit, nonobstant la réparation du dommage.

Or la sanction que représente la délivrance des profits ne doit pas être subordonnée à des conditions moins strictes que les art. 41 al. 1 ou 62. L'art. 423 est un complément de la responsabilité civile et de l'enrichissement illégitime. Voulût-on y soumettre le gérant de bonne foi que l'enrichissement illégitime serait en réalité corrigé69

cc) En matière de propriété intellectuelle, la plupart des auteurs70 n'exigent pas dans le cadre de l'art. 423 que le contrefacteur soit en faute. Il est admis que l'art. 423 est applicable à la violation d'un bre-vet par renvoi de l'art. 73 al. 1 LBP1Etant donné qu'il s'agit d'un simple renvoi, il n'y a pas lieu d'instituer un régime spécial, propre

67 HoFSTETIER SP, p. 212 a) etc).

68 Par ex. art. 411, 528, 599, 672, 673, 726, 938-940 CC.

69 HoFSTETIER SP, p. 213 e).

70 TROLLER II, p. 995; BLUM/PEDRAZZINI, p. 562; DESSEMONTET Fest., p. 200 ss;

JT, p. 328 (plus restrictif, p. 344). Cf. également Th. FrscHER, p. 20 ss. Contra:

BIRRER, p. 102 SS, 109; SCHNEIDER, p. 87, 92.

71 Cf. également les art. 44 LDA, 24 et 25 LMF, 24 et 26 LDMI. Voir à ce sujet, DESSEMONTET JT, p. 323-324. Dans la doctrine prévaut l'opinion selon laquelle la délivrance des profits est également applicable en matière de droits d'auteur et de dessins et modèles (cf. DESSEMONTET JT, p. 334 ss et réf. cit. n. 41, p. 340 ss et réf. cit. n. 73). Le Tribunal fédéral ne s'est jamais prononcé dans un sens, ni dans l'autre. Il a en revanche clairement exclu cette possibilité pour la loi sur les marques (ATF 83 II 154, 165; 73 II 194, JT 1948 1 271, 275); cette solution a été critiquée (cf. notamment DESSEMONTET JT, p. 342 ss pour les marques; ScHAU-BELBERGER, p. 165 ss, 173 ss, dont les considérations sur l'enrichissement illégi-time peuvent être transposées à la gestion intéressée).

aux droits immatériels72C'est donc au système général de la répara-tion qu'il convient de se référer pour décider s'il faut soumettre le contrefacteur non fautif à l'art. 423. A cet effet, HoFSTETIER73 compare la responsabilité de l'indu possesseur (art. 938-940 CC) à celle du contrefacteur. Grâce aux principes de publicité (assurée par la posses-sion pour les meubles, par le registre foncier pour les immeubles) et du numerus clausus des droits réels, les tiers peuvent avoir connais-sance de l'existence et du contenu des droits réels. Cela étant, le légis-lateur fait une différence entre le possesseur de bonne foi (art. 938, 939 CC) et celui qui ne l'est pas (art. 940 CC). Or, les droits immaté-riels sont plus difficilement reconnaissables et, partant, susceptibles d'être plus facilement violés74En outre, l'inscription au registre des brevets (art. 60 ss LBI) n'a pas le même effet75 que celui attaché à la possession d'une chose mobilière (art. 930 ss CC) ou à l'inscription au Registre foncier (art. 970 al. 3, 971 ss CC).

C'est pourquoi, si le législateur fait une différence entre le posses-seur de bonne et de mauvaise foi, à plus forte raison cette différence s'impose-t-elle lorsque la situation est moins manifeste, comme en matière de brevets d'invention. Ainsi ne convient-il pas de mettre à la charge de celui qui est de bonne foi le risque plus élevé de violation des droits immatériels et de lui imposer une sanction (art. 423 al. 1) qui va plus loin que les dommages-intérêts dus en cas de faute seulement (art. 41 al.l). C'est au titulaire du droit de supporter ce risque -inhérent à son droit - sous réserve d'une prétention en enrichisse-ment illégitime.

On remarquera que, dans ce domaine, la bonne foi ne sera pas admise trop facilement76Il ne suffira pas au contrefacteur d'affirmer qu'il ignorait l'existence du brevet violé. Il lui appartiendra de démon-trer qu'il a fait les recherches nécessaires, au besoin fait appel à un

72 Cf. BIRRER, p. 109. Contra: DESSEMONTET Fest., p. 201 ss.

73 SP, p. 213 (f).

74 HoFSTETTER SP, p. 214.

75 Sous réserve de l'art. 74 al. 4 LBI, pour les brevets délivrés après examen préa-lable, qui ne soumet pas l'action en dommages-intérêts à la faute. On peut tirer de l'art. 74 al. 4 LBI la fiction que le défendeur a connaissance du brevet dès la publication de la demande, ce qui assure une sorte de fonction de publicité au registre des brevets.

76 HoLENSTEIN, p. 174 ss.

spécialiste, pour s'assurer qu'il était en droit de procéder comme il l'a fait. Mais le principe demeure: le contrefacteur de bonne foi ne mérite pas d'être soumis à l'art. 423.

dd) Certains des auteurs77 qui ne soumettent pas l'art. 423 CO à l'exigence de la mauvaise foi (faute), conscients que le résultat peut être inéquitable, préconisent une limitation de l'obligation de déli-vrance à la partie des profits dont le gérant reste enrichi, à moins qu'il ne s'en soit dessaisi de mauvaise foi (art. 64 par analogie). Une telle construction tend à confondre l'enrichissement illégitime - et par là même le dommage - avec la prétention en délivrance des profits.

Elle est par ailleurs significative du malaise que ressentent ces auteurs à sanctionner, par le biais de l'art. 423, une personne qui est de bonne foi.

Plutôt que d'user d'expédients pour limiter les excès de la théorie dominante, les auteurs cités78 ont posé l'exigence de la faute ou de la mauvaise foi du gérant dans le cadre de l'art. 423.

c) Opinion personnelle

aa) Critique de l'opinion minoritaire

Si, quant au résultat, cette théorie paraît devoir s'imposer, sa moti-vation n'est cependant pas exempte de critiques. Etant donné le texte de l'art. 423 al. 1, comment peut-on parler de faute ou de mauvaise foi, alors que rien dans cette disposition, ni dans le titre

xrvm

de manière plus générale, n'y fait allusion? Détail significatif de la gêne qu'éprouvent les auteurs - et même le Tribunal fédéral80 - à cet égard:

77 WmMER, p. 191; Th. FISCHER, p. 128 ss; FRIEDRICH, p. 47 ss; MosER th., p. 218;

v. ÜRELLI, p. 31. Contra: AMREIN, p. 37 n. 190.

78 Cf. supra b) n. 65.

79 Sous réserve de l'art. 421 («le bénéfice dont il s'est dessaisi de mauvaise foi»), mais qui vise le cas particulier du gérant incapable de s'obliger, dans lequel la mauvaise foi ne se rapporte pas à la gestion comme telle, mais au dessaisisse-ment de son produit.

80 Les plus significatives sont ces phrases du Tribunal fédéral: «Die Herausga-bepflicht setzt zudem nach schweizerischem Recht kein Verschulden voraus und trifft den Gut- wie den Bôsglaubigen in gleicher Weise» (ATF 97 II 169, 177-178) et de HoFSTEITER: «Schuldhaft verletzt der Geschaftsführer die frem-den Rechte auch dann, wenn er sich aus Fahrlassigkeit über die Fremdheit der

(Suite en page 22)

on ne sait si le gérant doit être (ou ne pas être) en faute (comme l'exi-gent par exemple les art. 41 al. 1 ou 97 al. 1) ou de mauvaise foi (par exemple art. 64 CO). Si les situations de fait se recoupent (faute inten-tionnelle et connaissance positive du vice; faute par négligence et ignorance non compatible avec les circonstances), il est pourtant néces-saire, d'un point de vue théorique, de distinguer les notions. En outre, pour pouvoir ajouter une condition non mentionnée par le texte légal, comme le fait notamment HoFSTETIER81, il faudrait admettre que l'art.

423 comporte une lacune ce que le même auteur nie expressément82 bb) Interprétation des art. 419 ss, en patticulier de l'art. 423

Avant de conclure à l'existence d'une lacune de la loi, ou d'exclure celle-ci, il convient d'interpréter le texte légal (art. 1 al. 1 CC). Selon le Tribunal fédéral, la loi doit «s'interpréter en premier lieu pour elle-même, c'est-à-dire selon sa lettre, son esprit et son but ainsi que les valeurs sur lesquelles elle repose. Lorsque les dispositions légales sont obscures ou incomplètes, il se justifie d'examiner les travaux prépara-toires pour aider à discerner la signification d'une règle»83

Le texte de l'art. 423 ne mentionne au nombre de ses conditions ni la mauvaise foi, ni la faute. Ce n'est que par le biais du comblement d'une lacune (art. 1 al. 2 CC) que ces notions pourraient être intro-duites à l'art. 423. Or, comme on va le voir, l'art. 423 ne comporte pas de lacune.

Si l'on considère le titre XIVe dans son ensemble, la notion même de gestion d'affaires au sens de l'art. 419 comporte un élément subjec-tif: la conscience du gérant de gérer une affaire d'autrui. Cette condi-tion première est tellement évidente qu'elle n'est pas exprimée à l'art. 419 (elle ne l'est d'ailleurs pas non plus à l'art. 394).

Geschafte irrt. Dieser Geschaftsführer ist bôsglaubig» (SP, p. 211 ). Les auteurs suivants parlent indifféremment de mauvaise foi ou de faute: HoLENSTEIN, p. 168, 175; BIRRER, p. 108, 109; AMREIN, p. 38 n. 191; TERCIER n. 2135; PS, n. 3348. Ne parlent que de faute: SCHNEIDER, p. 92; BLUM/PEDRAZZINI, p. 562;

TROLLER II, p. 995; DESSEMONTET JT, p. 328. Ne parlent que de mauvaise foi:

MosER th., p. 217, 234; GuHL/MERz/KuMMER, p. 470-471; ÜSER/ScHONENBER-GER n. 2 ad art. 423.

81 SP, p. 211.

82 SP, p. 208.

83 Cf. not. ATF 112 II 1, JT 1986 I 633,635 ss; ATF 103 la 288, JT 1978 I 611, 612; ATF 100 II 52, JT 1975 I 258, 262ss.

En effet, l'obligation principale du gérant, statuée par l'art. 419, de gérer l'affaire «conformément aux intérêts et aux intentions présu-mables du maître», suppose que celui-ci sache que l'affaire gérée est celle d'autrui84De même, la responsabilité pour «toute négligence ou imprudence» (art. 420 al. 1), la gestion d'une affaire pour prévenir un dommage dont le maître était menacé (art. 420 al. 2) et la ges-tion entreprise contre la volonté manifestée par le maître (art. 420 al. 3) ne peuvent viser un gérant qui n'a pas conscience de gérer l'affaire d'autrui. Or, ces dispositions sont applicables à tous les cas de gestion d'affaires85, car les art. 419 à 424 forment un tout. C'est pourquoi la condition fondamentale de la conscience du caractère étranger de l'affaire vaut pour tous les cas de gestion, donc également pour l'art. 423. Si cette condition n'est pas davantage mentionnée à l'ati. 423 qu'elle ne l'est à l'art. 419, c'est qu'elle s'impose d'elle-même.

Aucune autre conclusion ne résulte de la ratio legis de l'art. 423.

Cette disposition a pour but d'éviter que le «crime» ne profite à son auteur86, c'est-à-dire que celui-ci retire de son acte un avantage que la réparation du dommage (art. 41 al. 1 ou 97 al. 1) n'a pas épuisé.

L'idée de pouvoir impunément en conserver les profits ne doit pas être une incitation à violer la sphère juridique d'autrui. Dans ce sens, l'art. 423 a une fonction de prévention générale et de sanction de com-portements contraires au droit87. Or ces considérations ne valent que pour le gérant qui a conscience d'agir contrairement au droit. La ratio legis, elle aussi, de l'art. 423 impose la condition tirée précédemment des art. 419 et 420.

En outre, ce résultat est éminemment souhaitable dans la perspec-tive d'une intégration de l'art. 423 dans le système de la réparation constitué par les art. 41 al. 1, 97 al. 1 et 62. La personne soustraite à la responsabilité aquilienne et contractuelle vu son absence de faute, soumise à l'enrichissement illégitime dans la mesure limitée de l'appauvrissement du créancier (maître), pourrait-elle se voir obligée à restituer tous les profits de l'affaire alors qu'elle a agi en toute bonne conscience? La réponse doit clairement être négative. La distinction

84 HAGENBÜCHLI, p. 39.

85 Cf. MosER th., p. 242.

86 WoLF FJS N° 1077 p. 2, 6; HoFSTETTER SP, p. 188-189; RSJB, p. 228.

87 Cf. infra cha p. IV/§ III.

entre la faute et l'absence de faute (art. 41 al. 1, 97 al. 1), la mauvaise foi et la bonne foi (art. 938-940 CC, art. 64) doit être maintenue dans le cadre de l'art. 423. C'est ainsi que peut être réalisée l'intégration harmonieuse de l'art. 423 dans le système général des prétentions à caractère indemnitaire.

Cette intégration oblige à aller plus loin dans le raisonnement. La faute (art. 41 al. 1, 97 al. 1) se décompose en faute intentionnelle et faute par négligence. De même à la mauvaise foi (connaissance positive du vice juridique) est assimilée la bonne foi non compati-ble avec l'attention que les circonstances permettent d'exiger (igno-rance du vice par manque d'attention, art. 3 al. 2 CC)88Ainsi, la loi traite de la même manière celui qui l'a «fait exprès» et celui qui n'a pas «fait attention». Il se justifie également dans le cadre de l'art. 423 de conserver cette dualité. Celui qui, par manque d'atten-tion, intervient dans la sphère juridique d'autrui doit être traité comme celui qui en a conscience89L'idée est la même que celle expri-mée à l'art. 3 al. 2 CC, sans que cette disposition soit directement applicable puisque les art. 419 ss ne font pas dépendre la nais-sance ou les effets du droit du gérant (art. 422 et 423 al. 2) ou du maître (art. 420 et 423 al. 1) de leur bonne foi. Il s'agit par consé-quent d'assimiler l'absence inexcusable de conscience du caractère étranger de l'affaire à la conscience de ce fait (art. 3 al. 2 CC par analogie).

A noter que l'intention, la mauvaise foi et la conscience se recou-pent dans les faits, de même que la négligence, la bonne foi non invo-cable et l'absence inexcusable de conscience, mais la distinction est importante pour l'interprétation des art. 419 ss. L'application par analogie de l'art. 3 al. 2 CC permet d'harmoniser les dispositions mentionnant la faute (art. 41 al. 1, 97 al. 1, etc.), la bonne ou la mau-vaise foi (art. 64, art. 938-940 CC) et les art. 419 ss, singulièrement l'art. 42390

Ce résultat est conforme au but général du titre XIVe, la protection du maître contre l'ingérence non désirée de tiers dans sa sphère

juridi-88 DESCHENAUX, p. 212 n. 32; JAGGI n. 29, 40, 107 ad art. 3 CC.

89 La question ne se pose pas pour la gestion parfaite, car celui qui veut agir pour autrui sait nécessairement que l'affaire est celle d'autrui.

90 Dans le même sens, HOFSTETIER SP, p. 211 n. 14, et HOLENSTEIN, p. 174, qui se placent sur le terrain de la bonne ou de la mauvaise foi.

que91Le maître est seul habilité à s'occuper de ses affaires et n'a pas à tolérer l'intervention de tiers, sauf situations spéciales. C'est pour-quoi, les tiers doivent se montrer particulièrement attentifs lorsque la sphère juridique d'une autre personne est en cause, de manière à ce que soit préservée le plus possible la sphère juridique de celle-ci.

Il résulte de l'interprétation du texte légal que l'art. 423 ne com-porte aucune lacune. Cette disposition est soumise à la même condi-tion que les articles du titre

xrve

de manière générale, c'est-à-dire la conscience ou l'absence inexcusable de la conscience du caractère étranger de l'affaire.

cc) Les travaux préparatoires

L'interprétation des textes légaux ayant conduit à un résultat acceptable, il ne se justifierait pas, selon le Tribunal fédéral, d'exami-ner les travaux préparatoires92Or la construction traditionnelle, qui repose sur l'idée que l'art. 423 ne suppose aucune condition subjec-tive, est notamment tirée de l'étude des travaux préparatoires. C'est pourquoi il s'avère malgré tout nécessaire de les examiner, afin de découvrir s'ils contiennent une réponse au problème posé.

L'art. 479 du Projet de CO II de 187593 correspondant à l'actuel art. 423 prévoyait le texte suivant: «Si celui qui a géré sans ordre ne peut prétexter l'intérêt du propriétaire, ou s'il a cru par erreur ou voulu par dol agir pour son compte personnel, le maître peut réclamer pour soi tous les avantages de l'affaire, sans avoir néanmoins à indemniser le gérant des frais de sa gestion au-delà de ce qu'il en aura profité. En outre, et pourvu qu'il y ait quelque intérêt, il peut exiger que les choses soient remises en leur premier état, et même prétendre, au besoin, une juste indemnité.»

La gestion parfaite était définie de manière large: «lorsque le gérant a entrepris la gestion dans l'intérêt du maître, ... » (art. 477 du même Projet).

91 L'ordre juridique a le choix entre la favorisation de l'aide à autrui et la protec-tion contre l'ingérence indésirée de tiers. Le législateur a opté pour le second terme de l'alternative: FF 1881 I 220 (ad art. 480); WoLF FJS N° 1077 p. 5 ss;

HoFSTEITER SP, p. 203 n. 18.

92 Cf. supra bb) n. 83.

93 Projet établi d'après les conclusions d'une commission du 22-28 octobre 1869 et du 6-13 octobre 1872, imprimé en 1876.

Le Projet de 187794 conserva cette version au fond des deux arti-cles avec quelques modifications mineures de texte95 •

En revanche, le Projet du Département fédéral de Justice et Police de 1879 modifia sensiblement le texte en le simplifiant et le schémati-sant.

Art. 480 (art. 477 du précédent projet): «Lorsque la gestion a été entreprise en vue de l'intérêt du maître, ... ».

Art. 482 (art. 479 du précédent projet): «Lorsque la gestion n'a pas été entreprise en vue de l'intérêt du maître, celui-ci peut néanmoins s'approprier les avantages qui en sont la conséquence».

Le système est clair et exhaustif. La gestion est entreprise en vue de l'intérêt du maître ou elle ne l'est pas. Mais que faire de la partie que le projet de 1879 a abandonnée: «S'il a cru par erreur ou voulu par dol agir pour son compte personnel»? L'adjonction était-elle si évidente qu'elle n'a plus été mentionnée? Cependant, le texte précé-dent semblait se référer à trois situations bien distinctes comme le lais-sent entendre les «ou» liant les membres de phrases entre eux, alors que le projet de 1879 ne conserve que la première. D'autre part, les termes «cru par erreur» (projets de 1875 et 1877) correspondent-ils à l'ignorance par négligence (erreur inexcusable) ou à l'ignorance non fautive (erreur excusable)96, par opposition à l'intention («voulu par dol»)? Autant de questions que laisse sans réponse le message du Conseil fédéral du 27 novembre 187997, puisqu'il ne mentionne même pas les articles sur la gestion d'affaires.

Les textes finalement adoptés le 14 juin 188 !98 sont les suivants:

Art. 472 (

=

art. 480 de 1879, art. 477 de 1875 et 1877): «Lorsque l'intérêt du maître commandait que la gestion fût entreprise, ... »

94 Projet élaboré sur les bases arrêtées par une commission (16-21 mai; 18 septem-bre-? octobre 1876), imprimé en 1877.

95 Art. 479: «Lorsque celui qui a géré sans mandat ne peut prétexter l'intérêt du maître, ou lorsqu'il a cm par erreur ou voulu par dol agir uniquement pour son compte personnel, le maître est autorisé à s'approprier tous les avantages

95 Art. 479: «Lorsque celui qui a géré sans mandat ne peut prétexter l'intérêt du maître, ou lorsqu'il a cm par erreur ou voulu par dol agir uniquement pour son compte personnel, le maître est autorisé à s'approprier tous les avantages