• Aucun résultat trouvé

Chapitre IV Responsabilité civile et gestion intéressée

D. AUTRES CAS D'APPLICATION DE L'ART. 423 NON TRANCHÉS

3. Clauses de prohibition de concurrence

La concurrence peut être prohibée pendant la durée du contrat.

Cette interdiction est une émanation du devoir de fidélité imposé notamment au travailleur (art. 321a al. 3), à l'agent (art. 418d al. 2) et à l'associé d'une société simple (art. 536), en nom collectif (art. 561) ou en commandite (art. 598 al. 2).

294 HOLENSTEIN, p. 108.

295 HOLENSTEIN, p. 108-109.

Une interdiction de concurrence peut également être stipulée pour la fin du contrat. La loi le prévoit expressément dans le cadre des contrats de travail (art. 340 ss) et d'agence (art. 418d al. 2). Il n'existe aucune objection de principe à ce que les parties assortissent d'autres contrats d'une telle clause, dans la mesure où celle-ci n'est pas exces-sive (art. 27 al. 2 CC).

Partisan de la définition étroite de l'affaire d'autrui, HoFSTETIER296 semble être d'avis que la violation d'une interdiction de concurrence pendant la durée du contrat peut constituer un acte de gestion d'affaires. Dans cette optique, il faut pouvoir admettre que le créan-cier, par exemple l'employeur, a un droit exclusif au travail de l'employé. Un tel droit existe dans la mesure où le fait de travailler ailleurs empêche l'employé d'exécuter son travail avec soin et fidélité conformément à l'art. 321a al. 1. Le raisonnement est plus direct si l'on adopte la définition large de l'affaire d'autrui. Le droit de l'employeur résultant de la clause est violé lorsque l'employé lui fait concurrence. Il est ainsi porté atteinte à la sphère juridique de l'employeur. La loi confirme cette solution en son art. 464 al. 2 qui prévoit une sorte de délivrance des profits, en instituant pour le chef de maison la possibilité de prendre à son compte les opérations faites par un fondé de procuration pour son compte personnel. L'idée est la même dans les deux cas: le débiteur ne doit pas tirer profit d'opéra-tions faites dans son propre intérêt, alors qu'elles entrent dans le cercle d'activités du créancier.

Le résultat n'est pas choquant, car si le travailleur doit restituer au maître (l'employeur) le salaire de son activité contraire au contrat, il peut soustraire de ce montant la valeur objective de la même activité, soit en vertu du principe de causalité du profit, soit à titre de dépenses conformément à l'art. 423 al. 2297C'est dire que le maître n'obtiendra un certain montant qu'au cas où l'employeur a travaillé pour un salaire plus élevé que la normale.

La violation d'une clause d'interdiction de concurrence valable après la fin du contrat ne peut constituer un acte de gestion selon

296 HoFSTETIER SP, p. 209 n. 5; RSJB, p. 240-241, n'exclut l'application de l'art. 423 qu'en cas de violation d'une interdiction de concurrence après la fin du contrat. On peut donc supposer qu'il l'admet, si la violation a lieu pendant la durée du contrat. Cf. également GAUTSCHI n. 2 b (3) ad art. 423.

297 Cf. supra cha p. Il§ IV 1 A/3/ c).

HoFSTETIER298, car l'employeur n'a plus aucune prétention tendant à une prestation positive de la part de l'employé. C'est la solution oppo-sée qui prévaut si l'on adopte une définition large de l'affaire d'autrui.

En effet, la violation du droit fondé sur la clause a pour effet de lier l'acte du gérant (faire concurrence) à la sphère juridique du maî-tre, de telle sorte que peut être admise l'existence d'une atteinte à la sphère juridique de ce dernier, partant celle d'un acte de gestion. Les objections du gérant sont les mêmes qu'en cas de prohibition de concurrence pendant la durée du contrat.

§ III CONCLUSION

Il résulte des analyses qui précèdent que la définition large

«d'atteinte à la sphère juridique d'autrui» ne conduit nullement à étendre excessivement le champ d'application de l'art. 423. De plus, la comparaison des conditions de la gestion intéressée avec celles de la responsabilité délictuelle (art. 41 al. 1) et contractuelle (art. 97 al. 1) a fait apparaître que l'art. 423 al. 1 est susceptible de trouver applica-tion dans tous les cas d'illicéité ou de violaapplica-tion d'une obligaapplica-tion, dans la mesure où il en résulte à la fois un dommage et un profit. En effet, selon la définition de la gestion d'affaires qui a été ici retenue, l'art. 423 pose la condition objective de l'atteinte à la sphère juridique d'autrui. Or, la sphère juridique est atteinte dès lors qu'un droit sub-jectif absolu ou une norme tendant à la protection des biens du lésé de même qu'un droit relatif sont violés. Il en résulte que l'art. 423 peut être considéré comme un complément des responsabilités délictuelle et contractuelle, qui permet d'éviter qu'un acte illicite ou contraire à une obligation puisse rapporter impunément profit à son auteur.

L'art. 423 a donc une double fonction: d'abord celle de complément des autres prétentions, qui a été mise en évidence depuis longtemps par la doctrine299Sa deuxième fonction est de sanctionner un com-portement que le droit ne saurait tolérer; lorsqu 'un profit est réalisé

298 HoFSTETIER RSJB, p. 240-241.

299 HoFSTETIER SP, p. 188, 189; WoLF RDS 46, p. 314; FRIEDRICH, p. 24; MERZ RSJ, p. 91; ScHUMACHER, p. 214.

au moyen du patrimoine d'autrui, il doit revenir au titulaire de ce patrimoine, à autrui, et non à l'auteur de l'acte300. Une telle attribution du profit se justifie même s'il apparaît que le lésé lui-même (autrui) n'aurait pas pu ou pas voulu réaliser le profit en cause. Il s'agit en effet de mettre en balance la situation du lésé avec celle du lésant: le premier n'a rien demandé à quiconque, le second réalise un profit en intervenant dans la sphère juridique du premier. Cela étant, il serait bien plus injuste que le lésant tire un profit des affaires d'autrui, qu'il ne serait injuste d'attribuer ce profit à celui dont le patrimoine a permis de le réaliser, même si ce dernier n'y est pour rien.

Ainsi, la solution préconisée ici, c'est-à-dire l'attribution au maître (lésé) du profit découlant d'un acte illicite ou contraire à un contrat commis à son encontre, ne heurte pas le sentiment de justice et d'équité. De plus, ce raisonnement s'impose si l'on veut assurer la double fonction de complément et de sanction de l'art. 423.

300 ATF 34 II 694, 700. HoFSTEITER SP, p. 188-189; RSJB, p. 228; HoLENSTEIN,

p. 160; MosER th., p. 14; RSJB, p. 1; WoLF FJS N° 1077 p. 2, 6; ScHUMACHER,

p. 214-215; FRIEDRICH, p. 24; ÜFTINGER Punkt., p. 33-34.

TROISIÈME PARTIE

1 1

1 1

1 1

1 1

Chapitre V

Rapports entre les prétentions fondées sur les art. 938-940 CC, art. 41, 97, 62 et 423 CO

§ I LES ART. 938-940 CC PAR. R.APPOR.T AUX PRÉTENTIONS DU CODE DES OBLIGATIONS

Cette question ne présente pas de véritables difficultés, dans la mesure où le caractère de lex specialis des art. 938-940 CC est très généralement admis 1

Lorsque les prévisions de ces dispositions sont réalisées, les actions du Code des obligations sont exclues. Il est par conséquent impossible que ces normes entrent en concours. Les art. 938-940 CC sont dans un rapport d'exclusivité avec les dispositions du Code des obligations.

La controverse sur la portée des art. 938-940 CC quant au produit de l'aliénation est ici sans importance. En effet, de deux choses l'une:

soit on admet2 que l'aliénation est régie par ces dispositions et le Code des obligations ne trouve pas application, soit, au contraire, on estime que la disposition de la chose au sens étroit échappe aux art. 938-940 CC, elle est alors exclusivement réglée par le Code des obliga-tions3.

Il faut néanmoins relever que dans une situation donnée, les deux groupes de normes - art. 938-940 CC et art. 41 al. 1, 62 al. 1,

1 Cf. supra chap. Il/§ Il.

2 Avec le Tribunal fédéral (ATF 71 II 90, JT 1945 1 521, 524-528; ATF 79 II 59, JT 1954 1 45, 47) et STARK (n. 18-18 d ad art. 938 CC).

3 Cf. par ex. HoFSTETIER SP, p. 186.

423 al. 1 - pourront s'appliquer. En cas de disposition de la chose d'autrui, les art. 938-940 CC règlent la période d'indue détention (responsabilité du possesseur pour la détérioration de la chose, indemnité pour l'usage de la chose ou les fruits tirés, etc.). L'aliéna-tion de la chose et ses conséquences, en revanche, relèvent du Code des obligations. Il y a donc application concurrente mais non simul-tanée de ces normes puisqu'elles visent des parties différentes du même état de fait.

§II RAPPORTS ENTRE LES ART. 41,97 ET 62 CO