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Depuis les deux précédentes sections, nous avons commencé d'aborder quelques aspects méthodologiques qui pourront servir à notre étude empirique. Nous avons souligné l'importance de la recherche d'une logique dissimulée derrière le comportement gestuel pour comprendre la constitution de la culture gestuelle tant chez un individu que dans la société. L'analyse de l'appropriation gestuelle est un cas d'étude dans cette optique. Pour ce cadre, décrire la variation comportementale, inscrire l'étude dans une perspective développementale et comparative, sonder l'aspect psychologique sont des points qui peuvent être tirés du travail d'Efron (1972) et des enseignements de l'histoire. Dans la présente section, nous nous intéressons à un point qui n'a pas été abordé par Efron : il s'agit du rapport entre procès d'appropriation et phénomène de compréhension. Autour de ce thème, nous poursuivons notre débat méthodologique.

L'appropriation gestuelle présuppose que le geste est observé par les étrangers, mais on peut difficilement savoir si leur attention est dirigée sur le geste. Nous supposons qu'à la différence des étudiants en rhétorique, les immigrés dans l'enquête d'Efron (1972) n'ont pas eu de formation spécifique pour apprendre les gestes de la communauté d'accueil. Il est aussi difficile d'imaginer que l'éducation gestuelle ait été dispensée dans la famille ou que ces individus aient observé et analysé consciemment la culture gestuelle de la communauté d'accueil pour appropriation. On peut supposer seulement que ce sont la situation de contact qui permet aux immigrés une appropriation gestuelle sur simple observation, et l'expérience sociale de la culture gestuelle de la communauté d'accueil. La nature de cette observation reste pourtant méconnue.

La culture gestuelle a été considérée comme un « code inconsciemment partagé » (Sapir, 1927) ou « inconsciemment appris » (Birdwhistell, 1970) par l'ensemble de la communauté. Cependant, de même que la compréhension du discours est moins étudiée que la production en général, de même les études gestuelles sur la compréhension ont aussi souffert d'un manque certain d'investigations. Tous les travaux que nous avons vus jusqu'à présent, portent sur la production gestuelle. S'agissant de la problématique de compréhension, nous

nous intéressons ici, non pas à la compréhension du geste, mais plutôt au rôle du geste dans la compréhension discursive, étant donné que le geste est produit, dans la plupart des circonstances, avec le discours.

Il se trouve que la place du geste dans le discours n'a pratiquement pas été explorée par les chercheurs tant anciens que contemporains (Kendon, 1994)157. Les travaux empiriques sur ce thème et portant sur les étrangers sont, à notre connaissance, inexistants158. Kendon (1985) s'est donc essayé à une telle analyse avec une méthode qu'on peut appeler « observation-notation-sur-mémoire », c'est-à-dire le recueil de données au moyen de ses yeux, de sa mémoire et de sa propre compréhension, pour savoir quel rôle le geste jouait dans la compréhension du discours. Une telle étude, note-t-il, permet au chercheur d'aborder les gestes sous des circonstances diverses et variées que ne permettent les études expérimentales, bien que Kendon reconnaisse la nécessité d'une analyse plus fine.

D'après Kendon, le geste, par sa projection, joue le rôle de :

1) moyen de relayer la parole dans des circonstances où le bruit rend difficile sa réception (contrainte physico-acoustique) ;

2) moyen de compléter l'énoncé dans lequel quelque chose qui n'est pas complètement acceptable du point de vue social, est en train d'être dit (contrainte sociale) ;

3) moyen de désambiguïser un mot potentiellement ambigu (contrainte sémantique) ;

4) moyen de rendre clair ce dont on est en train de parler en pointant quelque chose dans l'environnement (contrainte pragmatique) ;

5) moyen de donner une dimension supplémentaire du sens à ce qui est dit (forme, taille, localité relative de quelque chose pendant que le mot est utilisé pour le désigner) (contrainte langagière).

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« […] only few studies have appeared since 1983 that deal directly with the question of what contribution gesture makes to the utterance from the recipient's point of view » (Kendon, 1994, p. 176).

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Un nombre important d'études sur la compréhension des gestes conventionnels par les non-natifs existent depuis longtemps (voir § 4.2. et aussi Faraco, 2001 ; Kida, à paraître b) mais elles ne s'inscrivent guère dans notre perspective.

Le geste surmonte, selon Kendon, différentes contraintes auxquelles est assujetti le langage oral dans la procédure d'interprétation discursive159. Cette analyse suscite toutefois la question de savoir si la compréhension a été facilitée par la projection du contenu par le geste ou bien par l'inférence logique du déroulement thématique du discours.

Il n'y a pas d'études qui répondent directement à cette interrogation, mais quelques-unes sont éclairantes à ce propos. Par exemple, plusieurs auteurs ont remarqué que l'énoncé était souvent « compris » par l'interlocuteur avant d'être achevé. Beattie et Barnard (1979) pressentent que pour 34 % des énoncés de la conversation téléphonique, la fin de celle-ci est anticipée par l'interlocuteur. Dans ce cas, il ne peut s'agir que d'inférence discursive, puisque l'indice visuel en est absent. Certains auteurs prétendent que la compréhension est facilitée par l'information gestuelle. Pour « l'achèvement interactif » (Schegloff, 1982, 1988 ; Gülich, 1989), considéré comme l'exemple par excellence de l'activité d'inférence discursive, il y a au moins une étude (Bavelas & Coates, 1992) qui a montré l'existence d'une projection gestuelle de ce qui peut suivre dans l'énoncé inachevé. Cette étude devra toutefois être complétée par une analyse sous condition d'indisponibilité visuelle pour déterminer si la projection gestuelle ou l’inférence discursive a contribué à la compréhension du discours. Il arrive aussi que l'interlocuteur hoche la tête avant le mot clé de l'énoncé et ce phénomène a été analysé par quelques conversationnistes (entre autres, C. Goodwin, 1986 ; M. H. Goodwin, 1980 ; Heath, 1992), mais le hochement de tête ne constituerait pas un indice fiable pour mesurer la compréhension discursive (Vion, 1985). Dans l'ensemble, les travaux sur la contribution gestuelle pour la compréhension discursive restent au stade de la supputation. Pour vérifier une telle hypothèse, il faudra mener cette étude dans un cadre d'analyse plus soigné, en manipulant la visibilité entre partenaires de conversation.

Une autre notion qui mérite d'être étudiée pour aborder la compréhension est le malentendu ou la non-compréhension. Dans le cadre de l'interaction tant entre natif et non-natif (entre autres, Kida & Faraco, 2002 ; Kida, 2002 ; Faraco & Kida, à paraître) qu'entre natifs (par exemple, Streeck, 1993, 1994, 1995 ; Streeck

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& Hartge, 1992 ; Krafft & Dausendschön-Gay, 2001), cette notion est souvent associée à la « négociation » ou « co-construction » du sens pour laquelle la contribution mimo-gestuelle a été décrite dans un certain nombre de travaux. Ce type de gestes, produit au cours d'une pause discursive, a pour but de conduire l'interlocuteur à « traduire » le geste en expression linguistique à travers la focalisation de l'attention sur l'« univers visuel » plutôt sur l'apport d'indices visuels « dans le discours ». Mais les études gestuelles portant sur la négociation ou la projection gestuelle se focalisent sur un aspect de la résolution de problème, souvent lexical, par l'indice visuel (« reformulation intermodale » dans le but de la compréhension lexicale des non-natifs, De Pietro, 1988 ; Kida & Faraco, 2002). Il vaut mieux considérer ce type d'études comme s'inscrivant dans une optique autre que les études plus générales sur la compréhension discursive.

Une alternative serait alors d'étudier le déroulement de la négociation en se demandant comment et pourquoi le malentendu a surgi, ce qui a troublé la compréhension et, en particulier, si et dans quelle mesure le geste et d'autres indices visuels ont ou auraient pu contribuer à la compréhension discursive (cf. Roulet, 2000). Autrement dit, au lieu de s'attaquer à la phase de gestion du problème, il vaudra mieux s'intéresser, en amont, à la cause du malentendu ou de la non-compréhension. L'intérêt d'une telle analyse est que, comme un des partenaires s’affronte au problème de compréhension au niveau verbal (une sorte d'« opacité langagière »), on peut s'interroger directement sur le rôle du geste dans la compréhension. D'autre part, l'analyse contextuelle est notamment indispensable pour l'étude de la compréhension chez les étrangers, car le contexte est particulièrement sensible à l'interaction interculturelle, certains savoirs linguistique et socioculturel faisant défaut aux sujets non natifs (Roberts, 1996a, p. 24).

Deux types d'études ont exploité la notion de malentendu à travers un lien entre indices gestuels et compréhension discursive. Le premier concerne le moment où la cohésion pronominale est ambiguë (dans la mesure où le pronom ne renvoie pas au référent le plus proche). McNeill et Levy (1993) rapportent qu'il y a souvent un geste qui signale une telle « violation » — que Birdwhistell a appelée (1970, p. 234 ; 1981, p. 171) « marqueurs kinésiques » —, même si la

forme de ce geste ne se réfère pas symboliquement à ce qui précède. À ce propos, Brown (1999, p. 189-190) avance que la levée d'une telle ambiguïté nécessite l'adoption d'une même perspective par les participants. Les indices qui peuvent remplir cette fonction sont, en plus du geste, la prosodie, la posture, le jeu de contact visuel (Brown, 1999, p. 191 ; Kida, 2001a).

Le second type d'études s'intéresse à ce qu'on appelle le « solécisme » en rhétorique, c'est-à-dire au cas où le geste ne correspondrait pas au contenu propositionnel du discours (speech-mismatched gesture, McNeill, Cassel & McCullough, 1994). Cette étude, expérimentale, consiste à examiner comment le discours rempli de « faux gestes » influence la compréhension du sujet interprétant. Les sujets enquêtés ont visionné, sur écran, un sujet qui raconte un discours narratif avec de faux gestes et le racontent à leur tour à un autre sujet qui ne connaît pas l'histoire. Pour mesurer l'effet de la contradiction visuelle et verbale sur la compréhension du discours, le contenu du récit des sujets enquêtés a été analysé. Les résultats montrent que les sujets interprétants, ou choisissent l'une des informations, ou intègrent ces informations pour créer une nouvelle scène (p. 234), ou se souviennent mal du contenu (p. 231). Ainsi, la non-correspondance entre ce qui est vu et ce qui est entendu génère des problèmes communicatifs et mnémoniques160, ou bien transforme le récit original en un état syncrétique des informations gestuo-verbales du discours. Cette étude suggère que l'indice visuel fait partie intégrante du discours pour le sujet interprétant (McNeill, 1985).

Dans une autre perspective, il y a des études qui ont analysé directement la portée visuelle sur l'interaction en supprimant la visibilité entre partenaires. Les premiers travaux de ce type, menés en psychologie sociale (pour la revue de ces travaux, voir Drummon & Hopper, 1991 ; Feyereisen & de Lannoy, 1985, p. 105-107), ont porté principalement sur la différence du contenu dans la communication médiatisée (par exemple, la conversation au téléphone)161. À notre

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Les gestes sont en effet utilisés comme aide mémoire du conteur professionnel qui veut mémoriser le conte dans la tradition orale, comme le rapporte Calame-Griaule (1977) sur un conteur touareg : « [l]orsque [le conteur] entend un conte, il a conscience d'observer le conteur en même temps qu'il l'écoute, et il s'efforce de reproduire ensuite ses gestes, en se référant en quelque sorte à un modèle, comme on fait pour la reproduction d'un objet ; la comparaison qui lui vient spontanément à l'esprit est celle de la reproduction du dessin d'une natte. » (p. 310-311).

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En ce qui concerne la production, contre toute attente, il y a peu (ou pas) de différences entre conditions de visibilité et de non-visibilité. De même, l'expérience de l'interaction non médiatisée avec un écran opaque (cf. Rimé, 1984) n'a pas non plus montré de différences notables quant au discours du locuteur (contenu, lexique,

connaissance, il n'y a pas d'étude comparative sur la disponibilité visuelle portant sur les non-natifs, sauf celle de Geis et Harlow (1996), mais qui ne concerne pas la compréhension discursive. Mais les travaux de Graham et Argyle (1975) et de Walker et Nazmi (1979) laissent à penser que l'apport gestuel pour la compréhension discursive peut être sensible à la variation culturelle.

Leurs études consistent, toutes deux, en une comparaison de la compréhension discursive entre situations avec geste et sans geste chez des sujets de cultures italienne et britannique. La tâche des sujets, dans leurs études, consiste à dessiner des figures géométriques à partir d'une explication verbale donnée par un locuteur. Pour mesurer l'impact de l'information visuelle, le locuteur est autorisé à utiliser le geste sous une condition, et ne l'est pas sous une autre. Graham et Argyle (1975) trouvent que, bien que la réalisation du dessin par les Britanniques ne se différencie pas sous les deux conditions, les Italiens ont réalisé leur dessin nettement mieux lorsque l'interlocuteur voyait le locuteur-gesticulateur. Dans l'étude de Walker et Nazmi (1979), les Italiens se rappellent mieux le dessin face au locuteur qui utilise le geste. Ces études montrent que les Italiens appuient davantage leur compréhension sur le geste (du moins pour ce qui est du contenu pictural) et tirent mieux profit du contenu visuel que les Britanniques. Autrement dit, l'apport communicatif et mnémonique de l'information gestuelle pour la compréhension discursive est en fait culturellement variable. Tout comme Efron (1972) a démontré la différence interculturelle du rôle que joue le geste dans le processus de communication, ces études confirment l'hypothèse de Birdwhistell (1970, p. 28) selon laquelle la perception gestuelle peut être culturellement modelée.

En somme, divers types de contribution visuelle pour la compréhension discursive ont été pressentis, et l'existence d'un tel phénomène semble se confirmer. Cela suppose que l'étude de la compréhension discursive ne peut ignorer, comme ce fut le cas de la prosodie en linguistique générale, la place de l'information visuelle. Par ailleurs, la variation culturelle de cet apport permet d'émettre l'hypothèse selon laquelle les interlocuteurs natifs et non natifs sont différents quant à l'attention qu'ils prêtent à la contribution visuelle. Enfin, tout

syntaxe, et structure grammaticale) ou quant aux aspects affectifs et interpersonnels. Le seul aspect ayant été affecté est la régulation de l'interaction (plus de carambolages, silences, pauses remplies).

comme l'étude de la compréhension discursive, l'analyse de l'apport visuel dans l'interaction exige un examen soigneux. Une des exigences méthodologiques sera l'analyse du discours dans le déroulement de l'interaction. Elle nécessite notamment une élaboration de cadres d'analyse spécifiques pour démontrer que l'information visuelle fait partie intégrante du discours.

Mais le rapport entre compréhension et appropriation n'est pas chose établie. La problématique de la compréhension peut pourtant être importante, du moins pour l'appropriation d'une langue seconde par les étrangers. Par exemple, William Labov (1996, p. 246-247) a écrit à ce propos : « [a] number of early observations convinced me that one key to understanding the difference between second and first language speakers is to be found in the asymetry of production and perception ». Selon Labov, alors que les sujets natifs produisent ce qu'ils « perçoivent » (probablement des phonèmes pour Labov), ce que les sujets non natifs produisent est assez différent de ce qu'ils entendent. Cette remarque qui parle de l'aspect qualitatif de la langue, s'applique aussi à l'aspect quantitatif tel que le vocabulaire162.

La perception des sujets non natifs, selon Labov, est donc imparfaite, du moins différente de celle des sujets natifs. Labov suppose qu'une perception imparfaite influe sur la façon dont les apprenants entendent les données extérieures, cette imperfection donnant lieu aux « fossilisation » et « pidginisation » de la langue. C'est-à-dire (Labov, 1996, p. 250) : « […] misperceptions may give rise to an asymetry between the first and the second language learner's pool of probabilities upon which the learning process depends ». Labov explique ainsi le problème de l'appropriation d'une langue seconde chez les apprenants par une thèse « probabiliste » de la perception.

Si on interprète la proposition de Labov au sens large, la compréhension serait une piste de réflexion pour rendre compte du phénomène de l'appropriation d'une langue seconde. Or, le domaine de l'acquisition d'une langue seconde ne s'est pas suffisamment penché sur cette problématique. Depuis les années 70, plusieurs modèles ont été proposés, tels que le « foreigner talk » (Ferguson, 1971),

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C'est-à-dire, le vocabulaire passif des sujets non natifs dévoué à la compréhension discursive est souvent nettement plus développé que leur vocabulaire actif. Cela n'est toutefois pas le cas de certains apprenants, par exemple, ceux qui sont hautement scolarisés en une langue étrangère (chercheurs ou universitaires).

l'« input compréhensible » (voir Krashen, 1994), l'« interaction modifiée » ou « input négocié » (voir Long, 1996), mais ils n'ont pas affronté le problème de la compréhension discursive des non-natifs. Les chercheurs ont souvent privilégié la description des traits spécifiques du discours du locuteur natif, considérés comme facilitateurs de la compréhension pour les non-natifs.

Examinons de près ces modèles. D'abord, le cadre du « foreigner talk » ou « xénolecte » (Ferguson, 1971) a décrit l'ajustement linguistique (grammatical ou non) du discours natif. Les traits caractéristiques de l'ajustement ont été décrits163, mais n'impliquent pourtant pas la considération de la compréhension des non-natifs. Quant au cadre de « l'input compréhensible » — théorie accordant apparemment plus d'importance à la compréhension dans le procès d'appropriation —, le processus de compréhension des non-natifs n'a pas été assez amplement discuté. Par exemple, pour une compréhension optimale (en termes krashenniens, pour que l'input ou « donnée », se transforme en intake ou « saisie »), la théorie considère que les conditions nécessaires (mais non suffisantes) sont la compréhensibilité de l'input et la baisse du filtre affectif. La notion de filtre affectif tente de rendre compte de l'aspect psychologique du processus de compréhension, puisqu'il arrive fréquemment à n'importe quel locuteur de ne pas percevoir ce qu'il entend pour des raisons psychologiques (par exemple, fatigue, distraction, manque d'affinité thématique ou sociale). Certes, il doit y avoir un mécanisme similaire à ce que Krashen entend par « filtre affectif », mais on ne sait pas comment mettre en évidence le filtre affectif. Le problème est alors d'ordre méthodologique.

De même, la notion d'input compréhensible n'est pas non plus expliquée par rapport au fait réel de la compréhension. Pour Krashen, la compétence « i » de l'apprenant devient « i+1 » grâce à la compréhensibilité de l'input, c'est-à-dire le discours pédagogique « i+1 ». Comment comprendre « i+1 » avec la compétence de « i » ? Krashen répond que c'est grâce à la connaissance du monde et/ou à l'information extralinguistique (Krashen, 1982, p. 21). Or, ce domaine

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Pour l'ajustement grammatical, ce sont, entre autres, la suppression de certains éléments (par exemple, l'article, la copule, la flexion, le pronom nominatif). Pour ce qui est de l'ajustement non grammatical, l'ajustement s'étend sur la longueur et la complexité syntaxique de l'énoncé, le choix lexical, le débit ralenti, l'usage inhabituel de formules, l'évitement de pronominalisation ou la répétition (Larsen-Freeman & Long, 1991, p. 117 sq.).

extralinguistique semble ne pas avoir fait l'objet d'une analyse ou d'une réflexion méthodologique ou théorique. Ainsi, l'implication extralinguistique dans la compréhension discursive est restée inexplorée dans la théorie de Krashen. Autrement dit, les travaux autour de la théorie de l'input compréhensible concernent la compréhensibilité d'un input particulier dans le discours du natif, et non le fait de compréhension du discours en général chez les non-natifs. C'est dire que la perspective krashennienne néglige la place de l'apprenant au sein de l'interaction sociale (Færch & Kasper, 1986, p. 262).

En revanche, le modèle de « l'interaction modifiée » tient mieux compte de la place de l'interlocuteur non natif, puisque la notion d'interaction présuppose une négociation avec un non-natif, considéré comme un interactant recevable. Ainsi, elle vise à mettre en évidence la détection du trouble de communication, l'achèvement de l'intercompréhension, les notions de co-construction du sens et d'étayage linguistique. Le discours de l'interactant natif, selon ce modèle, se décompose, à la suite d'un trouble, en des énoncés moins complexes au cours de la négociation, et cette modification facilite la compréhension de l'interactant non natif. En termes discursifs, ce sont la prise et les réparations comme la demande de confirmation, la reformulation, la reprise, la gestion de la compréhension. Il a été avancé que tous ces traits discursifs présentent une vertu « potentiellement acquisitionnelle » (De Pietro, Mattey & Py, 1989), puisque l'attention de l'apprenant est focalisée sur un problème linguistique précis (à la suite de quoi le