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Les paysages anciens aux sols peu évolués sont assez peu différents des formes observées aujourd’hui. Et si les mécanismes climatiques zonaux et azonaux – facteurs essentiels de la genèse du relief – ont patiemment façonné les états de surfaces subactuels, force est de constater qu’ils ne sont pas les plus actifs d’un point de vue morphologique : en se sédentarisant dans la région, l’homme en effet a profondément perturbé l’équilibre préexistant. Son intervention particulière sera décrite de manière circonstanciée dans un paragraphe ultérieur.

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Le golfe nouakchottien de N’Drhamcha a été transformé, au Tafolien, en une lagune évaporatoire de quatre mille kilomètres carrés.

Du sable pour tout horizon

Nouakchott, cité de(s) sable(s)

De sable et de sel, le panorama contemporain offre à petite échelle relativement peu de contraste. Il s’organise autour d’une série de cordons dunaires d’une vingtaine de mètres de hauteur au maximum séparés par des dépressions interdunaires à fonds plats de dimensions variables. Un maigre cordon littoral sableux d’à peine deux cents mètres de large au droit de Nouakchott et haut de un à huit mètres, en arrière duquel s'étendent l'Aftout-es-Saheli et la sebkha N’Drhamcha, protège la ville et l'arrière-pays des incursions marines. Régulièrement pourtant, la mer en exploite les points bas et inonde les terres voisines déprimées. Ces brèches potentielles du système côtier sont, on le verra, à l’origine d’inondations nombreuses dans la capitale. La section la mieux préservée du cordon est située au nord du port des Pêcheurs et doit probablement son état de conservation au début des années 80 à une base large, excédant 400 mètres en moyenne (IGN, 1981). Perdant progressivement de sa puissance et de son amplitude vers le sud, il n’est plus que l’ombre de lui-même à proximité du Port Autonome de Nouakchott (PAN), frêle édifice perclus d’ensellements plus étendus les uns que les autres. Son évolution « forcée » (Wu, 2003) récente75 explique qu’en 2002 ses points bas aient pratiquement disparu entre les ports des Pêcheurs et de l’Amitié, alors qu’ils s’accusaient plus au nord…

D'orientation nord-est/sud-ouest (nord-nord-est/sud-sud-ouest à l’approche de la côte) et larges d'un kilomètre environ, les dunes rouges ogoliennes encerclent la capitale par le nord et l'est. L'erg Trarza et l’Amoukrouz76 présentent de grands dômes sableux fixés et subissent des reprises éoliennes puissantes : la hauteur des édifices varie entre trente et quarante mètres, voire parfois soixante mètres. Des alignements dunaires allongés ou silk au matériel relativement fin séparés par des couloirs intradunaires (goud) plus ou moins ensablés, larges de trois cents mètres à trois kilomètres, complètent le dispositif.

Morphodynamique dunaire : un paysage mouvant, une menace permanente

Le paysage est progressivement et uniformément colonisé par les formes vives : barkhanes, édifices dunaires complexes akléiformes, dunes en traînée ou longitudinales, sont autant de formes façonnées par le vent. De type silk, orientées plein nord, elles sont très fréquentes autour de Nouakchott et inscrivent morphologiquement le balancement quotidien et saisonnier des flux d'alizés. Dans les goud, sur les cordons et leurs flancs, des crêtes mobiles parfois coalescentes en aklé et des dunes barkhaniques apparaissent. Elles résultent de l'action d'un vent dominant

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Les aménagements portuaires achevés en 1987 (port de l’Amitié) et 1991 (épi) ont profondément modifié l’hydrodynamique côtière.

unique tout au long année, la topographie en creux des goud canalisant essentiellement les vents de secteur nord à est. Les phénomènes de brise de terre et de brise de mer, la circulation atmosphérique générale ont de fait une influence remarquable dans la région : l'harmattan, ce vent hivernal chaud et sec, constant, est générateur d'importants transports de sable ; l'alizé maritime, aux rafales parfois violentes, permet l'édification des dunes littorales.

Jusqu'à trente ou quarante kilomètres de la capitale le long de la route de l'Espoir, ces formes vives gouvernent. Toutefois, la dégradation semble moins avancée à l'est de la ville : des

goud bien conservés et encore très végétalisés résistent, notamment à la hauteur de Idini. Si la

variation de la nature du substrat donne lieu à des changements dans les modelés dunaires, la faible densité du couvert végétal constitue quant à elle un facteur discriminant pour l'édification de dunes larges. Elle est souvent, rappelons-le, la conséquence d’une mobilité accrue des édifices côtiers qui provoquent le déracinement et l'ensevelissement de la végétation, l’apparition de rebdou77, de nebka à flèche ou buissonnantes. Ces formes d'accumulation précaires de taille restreinte (quelques décimètres d’élévation en moyenne) prolifèrent dès lors que du sable s'accumule sous le vent d'un petit obstacle ou que des herbacées – en particulier,

Stipagrostis pungens – capturent le matériel remobilisé par le vent. Problématique, la

raréfaction des buttes à Tamaris sp. sur le cordon entraîne le surcreusement de couloirs de déflation. Enfin, la constitution de pavages coquilliers, par enlèvement de grains de sable, accompagne fréquemment le remaniement des dunes côtières.

Éminemment mobile, en particulier lorsqu’elle est de taille réduite (Clos-Arceduc, 1969 cité par Frérot et al., 1998 : 62), la barkhane représente dans la région une menace permanente : sa rapidité de formation et de progression en fait une forme difficile à contenir, susceptible de participer à l’ensablement de la ville. Dièdres barkhaniques dans les goud, crêtes barkhaniques colonisant les flancs et sommets dunaires, sont façonnées à partir de sable provenant des cordons ogoliens et couloirs intradunaires. Elles procèdent souvent de reprises éoliennes successives. En périphérie orientale de la capitale, au niveau du jardin de Tel Zaatar, comme au nord du château d’eau (CSFD, 2006 : 9), un champ de sifs de réactivation s'est mis en place derrière les premiers édifices sableux. Ces sifs obéissent à un régime de vent bidirectionnel (i. e. à l'harmattan et à la brise marine). À Ten Soueilim, Bouadhida, Toujounine, à proximité de la route de l'Espoir et de celle de Rosso, les dunes envahissent les aires à substrat lisse et dur des

goud dont le sol a parfois évolué en reg coquillier. « Bien vivant[s] » (Zimmermann, 1909 :

279) selon la description de R. Chudeau en 1908, les massifs littoraux affichent eux aussi un modelé typiquement éolien ; ceux, vifs, de l'Amoukrouz changent de forme au gré des saisons

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Le rebdou est un édifice limono-sableux généré par le vent par piégeage de particules.

anémométriques, séparés des premiers par une surface nouakchottienne plane, uniforme, assez peu végétalisée et où les dépôts coquilliers atteignent jusqu’à 1.20 mètre d’épaisseur.

Des plaines salées aux plages

Fonctionnant comme une sebkha, l'Aftout-es-Saheli [cf. Fig. III-1] est une étroite plaine littorale de trois à cinq kilomètres de large et d’altitude moyenne inférieure au niveau de la mer. Formation complexe, polygénique, il a pour principale origine l'évaporation des eaux marines, pluviales et d'inondation du fleuve Sénégal. Il est colonisé en de nombreux endroits par de petites formations dunaires isolées ou coalescentes de type nebka phytogéniques et des dunes linéaires. Cette bande de terre aux sols sablo-argileux salifères, argileux ou argilo-sableux, s'étire sur près de deux cents kilomètres entre le zbar et l'erg Trarza, jusqu'à l'ancienne embouchure du fleuve Sénégal (chott Boul). La surface argileuse de la sebkha est en période sèche recouverte d'une croûte salée et d'un voile sableux. La ville de Nouakchott est située à la terminaison méridionale de la vaste sebkha N'Drhamcha qui prolonge l'Aftout-es-Saheli vers le nord.

Étendues sur plus de trois cent cinquante kilomètres, les plages mauritaniennes au tracé concave largement ouvert sur l’océan s'appuient sur des pointements rocheux et isolent fréquemment des lagunes. Leur pente est faible mais leur dynamique vigoureuse, leur topographie fluctuant au gré de la reprise éolienne. Le haut de plage joue quant à lui un rôle majeur dans l'équilibre des échanges entre l’avant-côte, la plage et des dunes bordières couramment endommagées par l'urbanisation et fragilisées par la péjoration climatique ayant affecté le couvert végétal. L'abondance de sable sur l'estran, l'intensité et la fréquence des vents du large, la capacité des plantes psammophiles à s’acclimater sur les amoncellements sableux au-dessus de la limite atteinte par la mer, en commandent l’évolution.