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Une géographie quantitative de terrain : comment gérer la question du changement d’échelle ?

La géographie agricole a pour tradition de manipuler des statistiques à travers des représentations cartographiques depuis le XIXe siècle (Grigg, 2003). Avec la généralisation des recensements agricoles aux Etats-Unis et en France, les données statistiques se sont progressivement étoffées. Il existe aujourd’hui une histoire de la cartographie agricole dans le monde qui commence aux Etats-Unis autour de la seconde moitié du XIXe siècle14 et se perpétue dans de nombreux pays. En France, l’Atlas général de Paul Vidal de la Blache (1894) est le premier ouvrage de géographie avec une approche dite multi-scalaire (Robic, 2004). « L'idée que la Terre est un tout, dont les parties sont

coordonnées, fournit à la géographie un principe de méthode dont la fécondité apparaît mieux à mesure que s'étend son application », écrivait Vidal de la Blache en 1896.

Avec l’arrivée des bases de données informatiques, des méthodes de statistique analytique et des systèmes d’information géographique, il est possible de réaliser des analyses spatiales multifactorielles pour distinguer des ensembles socio-économiques et géographiques cohérents afin de monter en généralité quant à la structure géographique de la production agricole d’un pays (Daniel, 2003). Tout un courant dit régionaliste apparaît

2005). La géographie quantitative s’inspire de l’économie spatiale et vice versa. Elle cherche à comprendre le monde en modélisant des dimensions simples (Sanders 2001) (Grasland et Hamme 2010) puis recherche les causes et les conséquences plus complexes. Cette démarche dite « hypothético-déductive » fait un aller-retour entre la question de recherche, l’hypothèse, l’expérience, l’analyse des résultats pour formuler une nouvelle question de recherche. Parce que cette recherche privilégie le nombre rapport au réel, les géographes se divisent à nouveau entre les acteurs du local et les aménageurs du global (Brunet 1989).

Depuis, les capacités technologiques ont changé. Les technologies de recensement se sont améliorées, les outils d’analyse spatiale et de cartographie ont évolué permettant d’aller encore plus en profondeur dans l’analyse des données agricoles (Mohammad 1992) (Dorin et al., 2011). Aujourd’hui, l’agriculture « intelligente et connectée » fonctionne sur le principe du Big Data (Ye et al. 2014). Certains pensent que c’est une nouvelle piste pour adapter rapidement les systèmes agricoles aux crises climatiques à venir (Hammond et al. 2016). La masse d’informations disponibles est croissante aussi bien au niveau national qu’au niveau local. Cependant, cette dichotomie entre les géographes de terrain et les géographes de données entraîne un débat sur la question de l’existence même d’une géographie quantitative de terrain. Comment utiliser des données nationales afin de comprendre les processus locaux et, inversement, comment utiliser des données locales pour les extrapoler au niveau national ? Le monde des données correspond plus à une accumulation de strates d’informations, plus ou moins agrégées entre elles, mais qui dialoguent peu ou pas. Cette thèse tente de montrer comment utiliser des données nationales pour parler du local et comment des données locales permettent de comprendre des processus à l’échelle nationale.

Tableau n°1 : Les données statistiques utilisées dans la thèse

Echelles géographiques

Internationale National District Local Terrain FAOstat Banque Mondiale TradeMap EarthExplorer (LandSat) GSO Trang chủ chăn nuôi (DLP) Rapport département d’Agriculture Rapport département de l’environnement Recensement agricole Comptage personnel Estimation projettée par enquête

200 enquêtes sur 4 districts 5 exploitations industrielles Période 1961-2012 1995-2015 2013-2015 1994/2001/2006/2011 2013-2015 Echelle d’observation Pays 64 provinces Districts / communes

Dizaine de millions de ménages et dizaine de milliers de fermes

spécialisées (trang trai)

Au-delà des bases de données supranationales des instances internationales, nous allons particulièrement nous intéresser aux appareils statistiques du Vietnam. Les statistiques agricoles au Vietnam sont diffusées au niveau national par le Bureau Général de la Statistique (GSO). Ces données du GSO peuvent être recoupées avec la base de données de la FAO, les deux sources d’information devraient théoriquement correspondre.

Le GSO diffuse sur son site Internet un ensemble de statistiques sur un nombre très varié de sujets : unités administratives, utilisation du sol, climat, démographie, comptes nationaux, investissement et construction, entreprises, agriculture, industrie, commerce, transport, éducation et santé. Ces données peuvent être cartographiées le plus souvent à l’échelle des provinces. Les statistiques agricoles sont disponibles pour la plupart pour la période 1995-2014. Elles concernent des sujets aussi variés que le nombre de fermes spécialisées (trang trại), l’utilisation du sol (en 2014), les cultures annuelles (production, surface, rendement) pour plusieurs produits. Les effectifs au 1er octobre sont connus pour les espèces principales comme les buffles, les vaches, les porcs et les volailles. Il y a quelques autres données agrégées au niveau national.

Depuis 1994, La FAO et le GSO organisent tous les cinq ans des recensements agricoles et ruraux (RAR) exhaustifs. Il y en a eu quatre en : 1994 / 2001 / 2006 / 2011. Le prochain recensement agricole est en train d’être réalisé depuis le 1er juillet 2016 et apportera son lot de compléments à l’ensemble des analyses menées dans cette thèse. Les résultats de 2016 ne seront pas intégrés dans cette thèse mais fera, nous l’espérons, l’objet de travaux complémentaires.

Photographie n°1 : Une enquête auprès d’un agriculteur pour le RAR en 2011

Photographie n°2 : Réunion d’organisation du RAR de 2016

Source : http://baodansinh.vn/ Source : http://www.baoquangbinh.vn/ Le recensement agricole et rural de 1994 marque le début de la statistique agricole de la nouvelle République socialiste du Vietnam. Le seul document accessible au public se

A partir de 2001, le recensement agricole passe sous format électronique et intègre une base de données où l’échelle de l’observation est le ménage rural et/ou agricole. Un ménage « rural » est défini par son lieu de résidence. Si la commune est rurale alors le ménage est automatiquement défini comme rural. Dans les communes urbaines, un village doit avoir au moins 100 ménages agricoles pour être considéré comme tel. En dessous de ce seuil, les ménages ne sont pas comptabilisés dans le recensement. Les bases de données sont découpées par province. Chaque ménage a un code spécifique qui peut se concaténer avec les codes du sous quartier, quartier, village, commune, district pour obtenir un identifiant unique par ménage. Les unités administratives d’agrégation supérieure sont le sous-quartier, le quartier, le village, la commune et le district.

Pour chaque ménage, une multitude d’informations existent : nombre de personnes dans les ménages, âges, activités économiques, superficies agricoles, types de cultures, nombres d’animaux, matériels agricoles, etc. A partir de 2011, le recensement agricole différencie quatre unités de production : les ménages (nông họ), les fermes spécialisées (trang trại), les coopératives (hợp tác xã) et les entreprises (doanh nghiệp). La distinction entre ces quatre unités de production est essentielle pour comprendre la réorganisation à l’œuvre dans les campagnes du Vietnam. Ces différences seront présentées par la suite mais il faut d’abord fusionner 4 bases de données pour obtenir les superficies et les effectifs recensés par unité administrative.

Figure n°10 : Exemple du Modèle conceptuel de données du recensement de 2001

Une question centrale dans cette thèse va être de mesurer la cohérence des chiffres fournis par les services de l’Etat à travers la diversité des bases de données. Il est tout à fait possible que les données se recoupent exactement ou bien alors qu’elles ne se correspondent pas. Pour tester leur cohérence des données, nous utilisons une méthode de comparaison de 5 sources d’informations : l’appareil statistique national, les données des recensements, l’appareil statistique au niveau local, les mesures satellitaires et les observations de terrain. Chacune de ces données est géoréférencée.

Figure n°11 : Système personnel de comparaison des données statistiques, de terrain et satellitaire mis en place dans le projet Revalter

En agrégeant les données des recensements, il est possible de les comparer avec les données estimées par le GSO au niveau provincial. Il faudra aussi regarder la cohérence

1.4.5. Les terrains du projet Revalter : des districts représentatifs du

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