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Vers un contrôle de la reproduction et de la génétique par les grandes exploitations

INDUSTRIALISATION INTERNATIONALE

2.4. LE DEPLACEMENT DE L’ELEVAGE SUR LES SYSTEMES AGRAIRES

2.4.2. L’élevage dans l’espace agricole familial

2.4.2.3. Vers un contrôle de la reproduction et de la génétique par les grandes exploitations

Avec les données du recensement, il est possible de différencier trois types d’exploitations élevant des porcs. Les naisseurs (avec au moins une truie et pas de porcs à l’engrais), les naisseurs-engraisseurs (avec au moins une truie et un porc à l’engrais) et les engrais (sans truie mais avec au moins un porc à l’engrais). Seuls les recensements de 2001 et 2011 donnent ces données à l’échelle des exploitations.

Le nombre d’engraisseurs est passé de 5,2 à moins de 1,8 millions d’exploitations en l’espace de dix ans. Dans le même temps, les naisseurs-engraisseurs ont augmenté passant d’environ 1,1 millions de fermes à près de 1,3 millions de fermes. Il est donc essentiel de réfléchir les exploitations porcines, non comme un ensemble cohérent, mais bien comme un ensemble disparate avec des stratégies économiques différenciées.

Graphique n°37 : Nombre d’exploitations selon le type d’activité porcine en 2001 et 2011

Source : RAR (2001 ; 2011)

Selon Que et al. (2011), le coût de production est plus élevé et les marges beaucoup plus faibles pour les engraisseurs. Les coûts de production sont plus faibles dès que l’échelle de production augmente et les marges s’améliorent. Néanmoins, Les exploitations spécialisées dans cette activité sont beaucoup plus sensibles que les naisseurs ou les naisseurs engraisseurs à la volatilité des prix agricoles (Lapar et Staal, 2010). Les grandes fermes sont plutôt des fermes de naisseurs-engraisseurs. Les grandes exploitations de naisseurs représentent à peine une cetaine d’exploitations. Ces exploitations ont en

Tableau n°31 : Spécialisation des exploitations porcine avec plus de 100 porcs ou truies

Spécialité Naisseurs

Naisseurs-Engraisseurs Engraisseurs

2001 2 735 284

2011 122 7652 2298

Croissance +60 000% +9 400% + 7 100%

Source : RAR (2001 ; 2011) Il est possible de réaliser une typologie de districts en fonction de la représentativité des catégories d’élevage en fonction de la moyenne nationale. Cette typologie a été réalisée sur la part des fermes de naisseurs, naisseurs-engraisseurs et engraisseurs rapportée au total des exploitations porcines. Les résultats sont exprimés en carte pour 2001 et 2011. Ces typologies montrent la véritable relation entre la production porcine et l’organisation spatiale du territoire vietnamien.

Carte n°38 : Typologie des districts en fonction des différentes activités d’élevage porcins (naisseurs, naisseurs-engraisseurs, engraisseurs) entre 2001

Carte n°39 : Typologie des districts en fonction des différentes activités d’élevage porcin (naisseurs, naisseurs-engraisseurs, engraisseurs) entre 2011

L’analyse des cartes une à une et de la comparaison entre la typologie de 2001 et de 2011 montre trois grandes tendances : la différenciation spatiale entre les naisseurs et les engraisseurs, l’effondrement des engraisseurs au profit des naisseurs et des naisseurs engraisseurs et la diffusion spatiale des exploitations de naisseurs-engraisseurs. Le delta du fleuve rouge se spécialise dans l’activité de naisseur et la partie est delta du Mékong sont plutôt des régions de naisseurs pour des raisons de disponibilité de matières premières. Les régions de montagnes demeurrent des zones spécialisées dans l’activité d’engraisseur mais la spécialisation est moins nette qu’en 2001. Ces régions achètent des porcelles aux zones de plaine pour les engraisser. La région Sud-Est passe d’une spécialisation plutôt naisseur à région de naisseurs-engraisseurs. Le secteur s’y est

Les fermes de naisseurs-engraisseurs représentent près de 57% du cheptel structurel en 2011 alors qu’ils formaient à peine 1/3 des effectifs en 2001. Dans le même temps, leur nombre a peu augmenté. Il en résulte une très forte augmentation des concentrations par exploitation.

L’augmentation des concentrations a été particulièrement marquée dans le delta du fleuve Rouge et le nord de la région centre. Les augmentations ont été importantes aussi dans les hauts plateaux, la région du Sud-Est et l’Ouest du Mékong. La dynamique est en revanche négative dans la région de montagne et dans la région centre. Il est possible que les naisseurs-engraisseurs se spécialisent plus dans la première activité laissant des structures plus intensives engraisser les porcelets sevrés.

Carte n°40 : Nombre de porcs par ferme naisseurs-engraisseurs et taux de croissance entre 2001 et 2011

La région du Sud-Est et la périphérie de Hô-Chi-Minh-Ville a une particularité par rapport au reste du pays. Le nombre moyen de porcs par exploitation de naisseurs-engraisseurs dépasse les 5 porcs à l’engrais en structure. Au vue des données des recensements, les paysans ne gardent pas la totalité du cheptel. Si une truie peut mettre bas entre 8 et 12 porcelets, la moyenne nationale des porcs à l’engrais par exploitation de naisseurs-engraisseurs est de 2,5 porcs en 2011 et de 1,5 en 2001.

Au total, les exploitations familiales, qu’elles soient trang trại ou simples exploitations, détiennent environ 90% du cheptel national (couleur bleu). Les fermes spécialisées « non familiales » ont environ 6% du cheptel (rouge), les entreprises (vert) et les coopératives (violet) ont 4% du cheptel national. Par contre, les fermes spécialisées non familiales, les entreprises et les coopératives ont environ 23% du cheptel de truies et 60% du cheptel de verrats. Le secteur fait face à privatisation progressive de la génétique porcine.

Tableau n°32 : Répartition des cheptels de porcs, truies et verrats par catégories d’exploitation

Cheptel porcin Cheptel de truies Cheptel de verrats

23,03 millions de têtes 3,8 millions de têtes 222 000 têtes

Selon Molénat et Tran The Thong (1991), l’amélioration traditionnelle de la génétique porcine au Vietnam s’appuie sur la diversité locale et le croisement avec des races exotiques. Cette diversité est d’abord géographique.

Carte n°41 : Répartition des races porcines Carte n°42 : Histoire du croisement génétique

Famille

trang trai

Doang Nhiep

Dans les régions de montagnes, la diversité est plus élevée que dans les régions de plaines. Les races « rustiques » sont plus facilement conservées dans les vallées inaccessibles que dans les zones de plaines.

Photographie n°32 : lợn rừng Photographie n°33 : lợn Mường Khương

Crédit : www.lonrung.com Crédit : vn.wikipedia.org

Photographie n°34 : lợn mán Photographie n°35 : lợn i

Crédit : thangcanh3mien.com Crédit : vn.wikipedia.org

Photographie n°36 : Lợn Ba Xuyên Photographie n°37 : Lợn Thuộc Nhiêu

La création de nouvelles races provient d’un effort de sélection et de croisement séculaire avec des races importées. Le schéma de sélection de la race Ba Xuyen et Thuoc Nhieu provient respectivement de 3 et 4 niveaux de croisement allant des années 1900 jusqu’aux années 1960. Les races Boxu, Ba Xuyen et Thuoc Nhieu deviennent de plus en plus productives sur un temps de moins en moins long. Le Thuoc Nhieu peut monter jusqu’à 100 kg en un an et peuvent atteindre 130 kg au bout de 2 ans, alors que les races Mong Caï ne dépasseront pas les 100 kg dans la même période. Les races importées, Large White Yorkshire, Landrace, Duroc, Cornwall et Berkshire, ont des niveaux de croissance nettement supérieurs aux races locales et croisées. Un large White Français monte à 200 kg en un an et atteint 300 kg sur 24 mois. Cependant, les races importées sont, dans les années 1990, assez difficiles à élever dans des contextes paysans. Ces races demandent une alimentation avec des taux de protéines et d’énergie très supérieure aux matières premières localement disponibles. A l’inverse, les races locales et croisées acceptent des rations moins riches tout en maintenant leur productivité.

Les recherches en génétique animale se poursuivent mais adoptent une stratégie plus internationale avec une plus de différenciation au sein du secteur vietnamien. L’apparition des fermes privées de génétique est un fait nouveau. Avant les années 1990, l’Etat vietnamien était le seul acteur dans le domaine. Depuis les années 2000, la génétique animale, notamment porcine, est devenue un fait de firme. Les compagnies comme CP, Monsanto ou Japfa investissent dans des fermes dites « nucleus » de multiplication des génétiques performantes. Le cas de la ferme Hypor Japfa de Binh Long est pour le coup typique de cette évolution48. Créée en 2012, la ferme détient 700 truies spécialisées dans la reproduction de truies et de porcs à l’engrais. Cette ferme est éloignée de toute zone résidentielle dans une région à faible densité humaine. Leur système de production, hyper-industrielle est à la pointe des technologies d’élevage. Des fermes comme celle de Hypor se multiplient dans le pays.

Photographie n°39 : Vue en direction du Nord-Ouest de la ferme Hypor (Japfa) Localisation : Xã Minh Tâm, Huyện, Hớn Quản, Bình Phước

Photographie n°40 : Vue aérienne de la ferme de génétique Hypor (Japfa) Localisation : lat -11.612136 long - 106.49846

En 2014, la compagnie Austeed et JSR a importé 50 grands-grands parents (GGP) passant à un cheptel de 1200 GGP et GP dans la ferme de Hung Viet au nord du Vietnam49. Il est évident que le marché de la génétique au Vietnam se transforme en profondeur. Maintenant, qui en profite ? Il semble que les fermes intensives soient privilégiées par rapport aux élevages paysans. La génétique est vendue dans un paquet technologique avec l’alimentation animale. Pour accéder à la génétique, il faut déjà pouvoir accéder à l’alimentation, ce qui n’est pas le cas de tous les éleveurs. La survie des petits éleveurs de montagne se trouve dans la la diversité génétique de ces troupeaux. A l’inverse, les éleveurs avec la génétique locale et exotique des porcs blancs vont subir la compétition directe des grandes exploitations..

49 JSR Genetics signs deal to supply stock to establish nucleus herd in Vietnam (consulté le 30/80/2016)

2.4.3. Redistribution des charges animales et restructuration du secteur :

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