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La dynamique de la restructuration de la production porcine

INDUSTRIALISATION INTERNATIONALE

2.4. LE DEPLACEMENT DE L’ELEVAGE SUR LES SYSTEMES AGRAIRES

2.4.3. Redistribution des charges animales et restructuration du secteur : une organisation spatiale gouvernée par les ressources ou par les

2.4.3.3. La dynamique de la restructuration de la production porcine

Selon les résultats officiels des recensements agricoles, l’élevage porcin est en rapide restructuration. Les petits éleveurs (moins de 10 porcs) étaient plus de 7.4 millions en 1994 contre à peine 3,4 millions en 2011. En revanche, les fermes avec plus de 10 porcs sont passées de 25 000 en 1994 à plus de 560 000 en 2011. Au cours de cette trajectoire, les catégories intermédiaires ont eu leur apogée respectivement en 2001 et en 2006.

Tableau n°33 : Evolution du nombre de fermes selon le niveau de production (millions d’exploitations)

Années Niveau de production

1-2 3-5 6-9 10 et + 1994 6.3 1.1 0.14 0.02 2001 5.1 1.9 0.33 0.22 2006 3.5 1.7 0.52 0.53 2011 2.1 1 0.36 0.56 Source : RAC (1994, 2001, 2006, 2011) Au final, le nombre d’exploitations capables de profiter de la restructuration de la production représente à peine 10% des éleveurs porcins en 2011. Les niveaux intermédiaires qui avaient pu se développer au cours des années 2000 sont aujourd’hui en diminution. Cette coévolution cache une dissymétrie plus profonde entre les niveaux de production en fonction de leur part de marché dans le secteur. En effet, en 2001, les 97% des exploitations porcines du Vietnam détenaient 80% du cheptel structurel. En 2011, les 90% des exploitations n’ont plus que 40% du cheptel. La catégorie des plus de 10 porcs a donc considérablement augmenté au cours de la période 2000-2010, c’est une concentration « économique » de la production. Cette classification officielle du GSO de la structure de production porcine cache une dynamique encore plus inégalitaire.

Entre 2001 et 2011, les fermes entre 10 et 50 porcs ou truies sont passeés de 15% du cheptel à plus de 30%. Les fermes de plus de 50 porcs représentent aujourd’hui 20% de la production alors même qu’elles étaient quasiment inexistantes en 2001. Cependant, la tranche intermédiaire des fermes entre 50 et 100 porcs a des difficultés à exister. Trop grandes pour maintenir une intégration agriculture-élevage et trop petites pour être vraiment rentables et accéder à du foncier, elles semblent être fortement concurrencées par les trang trại qui forment près de 15% du cheptel. Les fermes de 10 à 50 porcs sont entrain de capter une grande partie du marché et remplacent progressivement les petites

Graphique n°47 : Evolution de la part du cheptel porcin détenu par des exploitations en fonction de leur structure de production

Source : RAC (2001, 2006, 2011) Cette représentation peut cacher une restructuration encore plus profonde de la production. Nous discutons ici du cheptel structurel et non de la production réelle or nous savons qu’il existe des grands écarts de productivité entre les petits paysans de la montagne détenant un ou deux porcs de races locales et les fermes intensives hyper-productives avec des races exotiques. Nous n’avons néanmoins pas de chiffre pour prouver cette hypothèse.

La restructuration de la production a une dimension profondément spatiale. En cartographiant la densité porcine de chaque niveau entre 2001 et 2011, nous avons pu observer plusieurs phénomènes. D’abord, les densités porcines de catégories d’exploitation avec un cheptel structurel inférieur à 10 porcs sont en diminution presque partout dans le pays. Très présentes partout dans le pays, leur place dans la géographie de l’élevage porcin vietnamien s’estompe progressivement.

La densité des effectifs porcins des fermes avec 10 à 49 porcs a fortement augmenté dans les régions de deltas et en périphérie des grandes villes comme Hà Nội et Hô-Chi-Minh-Ville. Les fermes de plus de 50 porcs contribuent aux renforcements de densité porcine dans un nombre limité de districts. La région Sud-Est et la région du delta du fleuve Rouge concentrent la majorité des fermes intensives en 2011. Le delta du Mékong a des poches de densités avec des fermes de plus de 50 porcs dans sa partie orientale. Les districts avec des densités porcines réalisées par ferme de plus de 100 porcs sont plus éclatés dans le delta du fleuve Rouge alors qu’elles se concentrent dans la région Sud-Est. L’influence du système routier sur la localisation de ce type de fermes est significative.

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 2001 2006 2011 [500-+] [100-499] [50-99] [10-49] [1-9]

Carte n°51 : Densités porcines par types de fermes (structure de production) en 2001

Carte n°52 : Densités porcines par types de fermes (structure de production) en 2006

Cette restructuration peut être représentée sous sa dimension « distance aux métropoles ». Les graphiques ci-dessous représentent le cumul des parts de marché pour chaque catégorie de production pour chaque district. Chaque district est classé selon sa distance à Hô-Chi-Minh-Ville et à Hà Nội. Ils ne représentent pas la contribution réelle à la production mais sa contribution relative. L’effet des grandes exploitations est augmenté. Figure n°15 : Part de la production par niveux de production

En 2001, la majorité des communes ont un cheptel détenu à 90% par des exploitations de moins de 10 porcs. Les fermes moyennement intensives (10-49 porcs) se situent autour de Hô-Chi-Minh-Ville. Leur part dans le cheptel total des communes à proximité de la ville représente 40% du cheptel et diminue à mesure que le district se trouve éloigné de la ville. Le phénomène est aussi visible autour de Hà Nội mais reste d’une plus faible intensité. En 2006, près de 90% de la production est détenue par des fermes de plus de 10 porcs autour de Hô-Chi-Minh-Ville et 40% autour de Hà Nội. Leur contribution diminue toujours en fonction de la distance. Les fermes intensives (plus de 50 porcs) représentent 10 à 20% de la production à proximité de Bien Hoa (Đồng Nai). Dans certains districts très localisées, la part des fermes intensives peut dépasser 40% notamment à proximité de Hô-Chi-Minh-Ville et de Bien Hoa. Dans le nord, les systèmes intensifs représentent moins de 10%. A mesure que le district se trouve éloigné de Hà Nội, les fermes de 50 à 99 porcs disparaissent alors même que les fermes de plus de 100 porcs continuent d’exister même si elles ne représentent moins de 5% du cheptel.

En 2011, les fermes de plus de 100 porcs représentent 40% de la structure à proximité de Hô-Chi-Minh-Ville et dépasse en moyenne 20% dans la région de moins de 50 km autour de Ho Chi Minh. On observe un cluster de fermes intensives autour de Bien Hoa avec des taux supérieurs à 60%. Autour de Hà Nội, les exploitations de moins de 10 porcs représentent moins de 20% du cheptel. Les fermes de 10 à 49 porcs représentent environ 60 à 70% de la production. A partir de Thanh Hoa et jusqu’à Buon Ma Thuot, les petites exploitations contribuent entre 70 et 95% de la structure de production.

L’influence des grandes villes sur l’intensification de la structure de production est donc indéniable. Les villes secondaires ont des effets plus localisés sur la structure. Globalement, l’intensification de la structure de production suit une fonction de distance au centre avec une différence nord-sud assez nette. Les exploitations dans la partie sud du Vietnam sont donc plus intensives et concentrées que dans le nord. Un cluster de fermes intensives est observé dans la région Sud-Est. Ce cluster reste très spécifique par rapport à la structure de production nationale. Plus les régions se trouvent éloignées des grandes agglomérations, plus leur structure de production est faiblement intensive. La partie sud du delta du Mékong, les régions littorales et la partie nord des montagnes Tây Bắc et Đông Bắc ont les structures plus moins intensives du pays. L’élevage dans ces régions reste majoritairement le fait de petits paysans. Inversement, dans les régions autour des deux grandes métropoles, la production est réalisée par des exploitations spécialisées allant de structures moyennement spécialisées dans le nord à très spécialisées dans la sud.

négociants d’aliments. Les fermes avec des contrats d’intégration ont des effectifs de truies supérieures à 200 têtes alors que les éleveurs avec des contrats informels ont plutôt entre une et dix truies. Il y a néanmoins peu d’information sur le nombre exact de fermes avec des contrats formels au Vietnam.

La compagnie CP est bien connue pour développer des fermes sous contrats (Goss, et al., 2000). Les éleveurs, qui ont un capital financier et une terre pour construire une ferme, peuvent aller demander un contrat de prestation à la compagnie. Cette dernière, si elle accepte, fournira la génétique, l’aliment, les soins vétérinaires et l’expertise pour assurer la production. Le propriétaire devra en contrepartie organiser le recrutement des ouvriers et régler les frais liés à l’énergie et à l’eau. Le traitement des déchets est à la charge du propriétaire. Une fois que les porcs sont élevés à maturité, la compagnie vient les reprendre pour les vendre ou les abattre. Le propriétaire recevra une part fixe pour chaque porc élevé. Selon l’activité, naisseurs, naisseurs-engraisseurs, engraisseurs, le prix fixe sera plus ou moins élevé.

Ces systèmes sous contrat permettent aux industries d’assurer la vente d’aliment et de génétique animale. Ces fermes sous contrat servent aussi de fermes expérimentales pour prouver aux paysans que l’aliment et la génétique fonctionnent bien comme prévu s’ils développent l’expertise suffisante. Le modèle d’intégration est invariant d’un pays à l’autre et correspond exactement au schéma ci-dessous :

Figure n°16 : modèle d’intégration verticale de la compagnie CP

Selon Tiongco et al. (2009), les fermes sous contrat officiel sont à 20% des naisseurs et 80% des engraisseurs. Les naisseurs-engraisseurs sont plus sur des contrats informels. En revanche, l’échelle de production n’est pas neutre dans la formalisation d’un contrat avec un intégrateur. Il semble que les compagnies soient principalement intéressées par des fermes intensives à plus de deux voire trois cents têtes (Lapar et al., 2008).

L’apparition des grandes fermes sous contrat et des grandes fermes intensives pose la question du rôle de ces fermes dans le système de production régionale ou nationale. Ont-elles pour fonction de produire des porcs pour le marché ou de faire naitre des porcelets pour des engraisseurs ? En quoi elles impactent-elles la trajectoire génétique de l’élevage au Vietnam ? Travaillent-elles avec des races locales, des races exotiques ou hybrides ? Comment les systèmes paysans se positionnent-ils dans cette transformation de la reproduction et de la génétique ?

Photographie n°41 : Elevage hors-sol à Thống Nhất (Đồng Nai, Sud-Est)

(Crédit : JDC, 2014) L’augmentation des densités porcines est liée à différents types de restructuration de la production. Dans le nord, les petites structures contribuent encore de manière significative aux fortes densités porcines alors que dans le sud, ce sont les grandes exploitations qui favorisent l’essor des concentrations. Ces restructurations sont guidées par la proximité au marché. Cependant, une trop grande proximité est aujourd’hui synonyme de faible durabilité dans le système agricole nationale pour d’extension des surfaces artificialisées et de déconnexion élevage-agriculture.

Au-delà de l’aspect réglementaire, la principale raison de ces éloignements est à chercher dans l’impact sur l’environnement de l’activité d’élevage. La restructuration entraîne un accroissement des concentrations animales par exploitation. Il faudrait savoir si cette

2.4.4. Dynamique de l’intégration agriculture-élevage dans les systèmes

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