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L’ingénierie tissulaire est l’étude des relations entre les structures et les fonctions des tissus normaux et pathologiques des mammifères permettant de fabriquer des biomatériaux pouvant restaurer, maintenir ou améliorer les fonctions des tissus. Les récents progrès biotechnologiques ont permis de développer in vitro plusieurs tissus/organes tels que le tissu osseux, la cornée, les vaisseaux sanguins, la vessie, la valve cardiaque aortique et la peau [117-125]. En recherche fondamentale, pharmaceutique ou encore cosméceutique, les modèles cutanés reconstruits in vitro deviennent de plus en plus des outils prometteurs afin de limiter l’utilisation de modèles animaux pour les essais de produits chimiques. Par ailleurs, ces substituts biologiques peuvent fournir des informations plus pertinentes comparativement aux modèles animaux, puisque ces derniers ne représentent pas les mêmes caractéristiques physiologiques d’une peau normale humaine. De ce fait, lors du développement de nouveaux médicaments dans le domaine de la dermatologie, il est essentiel d’effectuer des tests sur un modèle de peau se rapprochant le plus possible à celle de la peau humaine. Ainsi, l’ingénierie

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tissulaire de la peau permet d’étudier la toxicité et les activités biologiques d’un grand nombre de molécules potentiellement thérapeutiques et de sélectionner les plus prometteuses. De plus, les peaux reconstruites in vitro permettent l’étude de diverses pathologies, telles que le psoriasis, afin de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les pathologies et ainsi, faciliter le développement de nouveaux traitements.

1.5.1 Modèles tridimensionnels in vitro

De nos jours, différents modèles tridimensionnels (3D) ont été développés pour tester différents produits chimiques, tels que le modèle SkinEthic®, le modèle Episkin® et le modèle EpiDerm®. En ce qui concerne le modèle SkinEthic®, l’épiderme est reconstruit à partir d’un filtre en polycarbonate. Ce modèle est utilisé principalement en laboratoire afin de tester la toxicité des composés chimiques. Le modèle Episkin® utilise une matrice de collagène afin de cultiver les kératinocytes et permet de tester en laboratoire les propriétés irritantes des produits chimiques. EpiDerm® est également une méthode éprouvée pour tester les produits chimiques, pharmaceutiques et les produits de soins de la peau. Celui-ci est un modèle 3D cutané où les kératinocytes humains normaux sont cultivés sur des inserts de culture de tissus spécialement préparés.

Modèles pathologiques in vitro

Des modèles 3D pathologiques in vitro, notamment le modèle psoriasique, ont été élaborés afin d'étudier et de développer éventuellement de nouvelles thérapies. MatTek Corporation, qui a introduit le modèle EpiDerm® sur le marché dans les années 1990, a développé également un modèle cutané psoriasique à partir de la méthode du gel de collagène. Cette méthode consiste à ensemencer des fibroblastes extraits de lésions psoriasiques dans un gel de collagène et une suspension de kératinocytes normaux humains est ajoutée à la surface. Cependant, le principal inconvénient de cette technique est l’utilisation de kératinocytes normaux, alors qu’il est connu de la

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littérature que les kératinocytes psoriasiques sont les principaux constituants de la pathologie. Barker et al. ont également développé un modèle de peau psoriasique produit avec un gel de collagène, mais cette fois-ci avec des kératinocytes et des fibroblastes lésionnels [126]. Cette méthode consiste également à ensemencer des fibroblastes lésionnels dans un gel de collagène sur lequel les kératinocytes lésionnels sont ensemencés. L’avantage de ce modèle est la présence de plusieurs caractéristiques psoriasiques, telles qu’une augmentation du TNF- et de l’IFN-, bien qu’il y ait, toutefois, utilisation de biomatériaux exogènes, un point faible concernant la représentativité de la peau psoriasique in vivo.

L’activité scientifique du Laboratoire d’Organogenèse Expérimentale (LOEX) Grâce aux méthodologies d'ingénierie tissulaire développées et améliorées au LOEX, il existe une nouvelle méthode de production de substituts cutanés bilamellaires autologues exempts de matériaux exogènes : la méthode d’auto-assemblage [127]. Cette technique de culture cellulaire in vitro mise sur la capacité des fibroblastes à produire leur propre matrice extracellulaire en présence d’acide ascorbique. Ainsi, contrairement aux modèles 3D cutanés décrits ci-haut, ce modèle unique en son genre contient uniquement des fibroblastes et des kératinocytes humains prélevés de biopsies de patients sains ou encore, atteints d’une pathologie telle que le psoriasis en plaques [128]. Lors des premières études pilotes visant la découverte de nouvelles molécules actives, les substituts cutanés 3D produits par génie tissulaire sont des outils de plus en plus performants qui permettent un criblage pharmacologique efficace. Par conséquent, il devient possible de créer des banques de molécules démontrant de forts potentiels thérapeutiques. À cet effet, au cours des travaux réalisés dans le groupe de recherche de la Dre Pouliot, plusieurs aspects, notamment au niveau de la réponse pharmacologique, ont été approfondis. Tel que mentionné précédemment, notre groupe de recherche développe un outil, soit un modèle cutané pathologique 3D, afin d’étudier non seulement les

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mécanismes impliqués dans la pathologie, mais également le potentiel pharmacologique de molécules pour développer d’éventuels traitements. Ce modèle cutané 3D psoriasique est un outil expérimental valide et efficace dans le domaine de la pharmacologie, car en plus de présenter de nombreuses caractéristiques physiopathologiques (hyperprolifération kératinocytaire, différenciation anormale des strates de l’épiderme, surexpression de cytokines pro-inflammatoires, sous- et surexpression de marqueurs de différenciation cellulaire comparativement aux substituts sains, perméabilité accrue) [128], ce modèle cutané pathologique répond positivement à la présence d’acide rétinoïque, de même qu’à celle du méthotrexate, un traitement systémique couramment utilisé afin de traiter des cas de psoriasis modérés à sévères [115]. Or, ce modèle cutané facilite les évaluations pharmaceutiques et la découverte de molécules potentiellement thérapeutiques et peut servir, par conséquent, de modèle dans les étapes initiales du développement de nouveaux produits antipsoriasiques destinés à améliorer la prolifération et la différenciation des kératinocytes. Ainsi le groupe de recherche de la Dre Pouliot s’intéresse et se spécialise dans le criblage pharmacologique de composés chimiques qui pourraient avoir un effet bénéfique, voire thérapeutique, au niveau du psoriasis afin de régler la problématique des effets toxiques des traitements actuels. Évidemment, la reconstruction d’un tissu cutané tridimensionnel entièrement autologue représente une tâche ardue et nécessite des conditions adéquates. De plus, la reproduction intégrale d’une peau normale humaine s’avère être un défi de taille, et bien que ce modèle ait démontré ses capacités, il y a toujours place au perfectionnement, notamment en ce qui concerne le temps de production puisqu’il est considérable (63 jours).