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Bien que la cause exacte du psoriasis ne soit toujours pas connue, les analyses histologiques mettent en évidence plusieurs caractéristiques importantes de la pathologie. Ces caractéristiques histologiques comprennent : 1) l’acanthose, 2) l’hyperkératose, 3) la parakératose, 4) une agranulose, 5) une papillomatose, 6) l’infiltration leucocytaire et 7) une augmentation de l’angiogenèse [56-58].

Analyses histologiques de la peau psoriasique

Essentiellement, les anomalies histologiques siègent au niveau de l’épiderme, étant donné que le dysfonctionnement le plus évident concerne l’activité du kératinocyte. Dans une plaque de psoriasis, il est possible d’observer une hyperplasie épidermique, causée par une hyperprolifération et une différenciation anormale des kératinocytes. L’hyperprolifération des kératinocytes psoriasiques provoque un épaississement de la peau, plus particulièrement une augmentation de l’épaisseur de la couche basale et de la couche épineuse de l’épiderme, augmentant ainsi le nombre de couches de cellules (acanthose). Cette hyperactivité kératinocytaire engendre également une accentuation des crêtes épidermiques, où celles-ci s’invaginent profondément dans le derme (papillomatose). Par ailleurs, l’hyperprolifération des kératinocytes s’accompagne d’anomalies dans la cornification du stratum corneum, qui est incomplète due à la persistance anormale des noyaux dans les cornéocytes (parakératose), ainsi que dans la fabrication de la kératine, avec notamment l’apparition de kératines de prolifération (hyperkératose).

Ainsi, le renouvellement accéléré des kératinocytes compromet leur différenciation et leur maturation normales au fur et à mesure de leur ascension dans l’épiderme, puisque les kératinocytes psoriasiques atteignent la surface cutanée en quelques jours seulement, comparativement aux kératinocytes normaux, où leur processus de différenciation cellulaire se

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déroule entre quatre à six semaines [59]. La mauvaise différenciation des kératinocytes entraîne la réduction ou l’absence de la couche granuleuse (agranulose) ce qui affecte la barrière de la peau lésionnelle en augmentant par conséquent, sa perméabilité [60, 61]. Ces anomalies histologiques sont observables macroscopiquement sur une peau de patient atteint par le psoriasis. En effet, au niveau de la peau saine, l’intégrité de l’épiderme est conservée car la croissance kératinocytaire est régulée par la balance entre la survie cellulaire et la mort cellulaire. L’hyperprolifération et la différenciation hâtive des cellules épidermiques pathologiques influent le mécanisme de desquamation, les cellules cornifiées s’accumulent alors à la surface cutanée et une couche de pellicules blanches appelée squames est ainsi formée, ce qui est caractéristique des lésions psoriasiques.

La pathogénèse du psoriasis est également caractérisée par une infiltration excessive du derme et de l’épiderme par des cellules du système immunitaire, telles que les macrophages, les cellules dendritiques, les lymphocytes et les neutrophiles [62]. Les lymphocytes T jouent un rôle prépondérant dans l’initiation et le maintien de l’inflammation dans le psoriasis, ce qui mène à définir cette maladie comme une maladie auto- immune. En effet, les kératinocytes sont stimulés par des cytokines pro- inflammatoires provenant de ces cellules immunitaires, ce qui déclenche le processus inflammatoire. Cet afflux de leucocytes, plus particulièrement l’exocytose de neutrophiles, entraîne la formation de micro-abcès de Munro- Sabouraud caractéristiques du psoriasis dans la couche cornée [63, 64]. Finalement, au niveau du derme papillaire, le psoriasis se caractérise par l’augmentation de l’angiogenèse et la manifestation d’œdème. En fait, au sein de la plaque de psoriasis, les kératinocytes subissent une activation et sécrètent des cytokines qui augmentent l’angiogenèse, un phénomène qui se caractérise par la formation de nouveaux capillaires à partir de vaisseaux sanguins préexistants, ce qui accélère le processus inflammatoire et ainsi, la formation de plaques lésionnelles très rouges [64].

23 Analyses structurales de la peau psoriasique

Le dysfonctionnement kératinocytaire dans le psoriasis trouble le plan architectural de la peau. Dans une peau saine, la CG témoigne de la bonne différenciation et s’avère être incomplète, voire même absente dans une peau psoriasique. Ceci est caractérisé, entre autres, par la réduction en nombre, de même qu’en taille, des grains de kératohyaline et des filaments de kératines qu’elle contient. Ce phénomène résulte en effet de l’hyperprolifération kératinocytaire qui engendre une différenciation anormale de ces cellules de l’épiderme. Étant donné que les grains de kératohyaline jouent un rôle important au niveau de la formation de l’enveloppe cornée, de par leur synthèse de diverses protéines (profilaggrine et loricrine), et que les filaments de kératines assurent l’imperméabilité et la protection vis-à-vis les agressions externes, il est aisé de concevoir que cette modification physicochimique de la peau altère l’homéostasie du tissu et, par conséquent, ses fonctions.

Tout d’abord, il est connu de la littérature que la perméabilité d’une peau psoriasique est augmentée, comparativement à la peau saine. Dans la CG d’une peau pathologique, les corps lamellaires sont réduits en nombre et leur contenu est prématurément déversé par exocytose (jusqu’à la 4ème

couche antérieure à l’interface CG-CC) [65]. De ce fait, la transformation des bicouches lipidiques en lamelles lipidiques matures reste incomplète dans la partie inférieure de la CC. Par conséquent, les bicouches lipidiques restent dans une configuration globulaire, agrandissant les espaces intercornéocytaires. Par le fait même, le nombre insuffisant de corps lamellaires entraîne, à l’occasion, une absence complète de lipides dans les espaces intercornéocytaires, ce qui provoque inévitablement la perte de barrière de l’épiderme.

Cette barrière protectrice naturelle qu’est la peau est notamment altérée, tel qu’indiqué ci-haut, par des anomalies protéiques. En effet, les marqueurs de différenciation précoces, tels que l'involucrine et la transglutaminase l, sont

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surexprimés dans la peau de patients atteints par le psoriasis, tandis que les marqueurs de différenciation tardifs, tels que la filaggrine et la loricrine normalement détectées dans la couche granuleuse de l’épiderme, sont sous- exprimé [66, 67]. La faible expression de la loricrine et de la filaggrine concorde avec les analyses biochimiques et structurales, puisque la maturation de la filaggrine et la synthèse de la loricrine dépendent des grains de kératohyaline, en moindre quantité dans la peau psoriasique. La faible expression de ces protéines dans la peau psoriasique contribue donc négativement à la fonction barrière cutanée, puisque la filaggrine est impliquée dans le façonnement de la couche cornée, conférant à cette dernière la capacité de retenir l’eau, alors que la loricrine est un des précurseurs protéiques permettant de produire l’enveloppe cornée.

La kératinisation est un processus continu qui se produit depuis les cellules souches et ce, tout au long de la maturation cellulaire (Figure 1.2). Dans une peau atteinte par le psoriasis, il existe un trouble au niveau de la kératinisation. Normalement, la localisation des kératines synthétisées par les kératinocytes diffère entre les couches épidermiques. Habituellement, dans la peau saine, les cellules de la CB synthétisent les cytokératines 5 et 14 (K5/K14), et les cellules suprabasales expriment les cytokératines 1 et 10 (K1/K10) qui remplacent les K5/K14 [15]. Toutefois, dans le psoriasis, l’hyperactivité des kératinocytes entraîne une modification dans le processus de kératinisation. L’expression des K5/K14 est augmentée et elles se trouvent partout dans l’épiderme, alors que l’expression des K1/K10 est diminuée dans les couches suprabasales de l’épiderme. Cette diminution de l’expression de K1 et K10 est justifiée par la formation d’une nouvelle paire de kératine nommée K6 et K16, également exprimée dans d'autres maladies hyperprolifératives [68]. Il est également possible de détecter dans les couches suprabasales la présence de la K17, également impliquée dans la pathogenèse de nombreuses maladies auto-immunes, y compris le psoriasis [47, 48]. En fait, l’interleukine 17 (IL-17) induit la production de cytokines pro-

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inflammatoires dans divers types cellulaires, telles que l’IL-6 dans des fibroblastes [49].

Cependant, nombreuses sont les questions qui restent encore à élucider autour du dysfonctionnement de la barrière cutanée dans le psoriasis.