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Rien d’étonnant si Tristram Shandy a été, au XXe siècle, le livre favori des praticiens et théoriciens du roman expérimental… les romanciers modernes et postmodernes ont aussi cherché à sevrer les lecteurs des plaisirs simples que procure une histoire…1

- David Lodge

Une brève étude de Sterne, expérimentaliste dont les écrivains expérimentalistes du 20ème siècle se sont souvent inspirés, devrait nous permettre de tenter de catégoriser les emplois de la deuxième personne possibles au moment où le sens du mot « you » n’était plus en pleine mutation, mais avait commencé à se cristalliser selon son emploi contemporain, vers la moitié du 18ème siècle. C’est une période bien antérieure aux grands débats de la fin 19ème et au début du 20ème siècle, quand les critiques du roman tels que Spielhagen déclaraient que c’était une faute esthétique inadmissible pour un « auteur » de s’adresser directement au « lecteur » dans le texte. Pour Sterne et ses contemporains, nulle crainte de gâcher les règles de l’esthétique en employant de la rhétorique dans un récit. Au contraire : en même temps que le 18ème était l’époque où la deuxième personne commençait à prendre sa configuration contemporaine, c’était aussi une période, tout comme la nôtre, où les apostrophes directes du narrateur (celui qui était souvent présenté et perçu, dans cette période, comme l’auteur lui-même) étaient véritablement à la mode dans le roman, surtout pendant la décennie qui suivit la publication de Tom Jones, les années 1750.

Sterne se situe, en effet, à la toute fin de la période de coexistence du « thou » et du « you », et aussi dans une période où l’apostrophe autoriale était répandue. L’emploi du « thou » dans les textes de Sterne est rare quand il s’adresse au lecteur ; il

est plutôt réservé au langage des personnages dans le récit qui se situe environ cinquante ans avant la situation de narration; quand le narrateur s’adresse (souvent ironiquement) à Dieu et aux dieux grecs, à la Nature, au Ciel, à « Sentiment», aux images en tant que « the Eternal Fountain of our feelings », à la science en tant que personnage, au livre qu’il est en train d’écrire, à l’Angleterre, ou aux femmes (la plupart de temps seulement aux moments où ses narrateurs les idéalisent, et souvent ces « adresses » ne sont pas réellement énoncées directement par les narrateurs homodiégétiques (ou autodiégétiques) à l’intention des femmes diégétiques des récits, mais sont imaginées par ces narrateurs, formant des monologues intérieurs dont la réel but est pour le narrateur de s’exprimer par rapport à un idéal symbolique) – en bref, dans des situations hors quotidien, romantiques, poétiques ou sentimentales. « You » est déjà le mode principal d’expression de la deuxième personne.

Ainsi, son roman Tristram Shandy compte un grand nombre de modes d’emploi, ou catégories, de cette personne qui vont rester stables pendant les siècles suivants. « Thou » apparaît encore et, avec la spécificité croissante de son emploi, porte un sème de plus en plus spécifique et spécialisé, différent de celui du « you » à cette période (sans parler du fait qu’il est toujours uniquement singulier, sans l’ambiguïté inhérente à sa contrepartie). Les exemples du mot « thou » qui persisteraient dans les voix de narrateurs vont soit se transformer en « you », soit disparaître dans les textes au cours du siècle suivant. Nous pouvons ainsi remarquer les nuances entre les deux formes avant que le « you » l’emporte totalement. En somme, il y avait deux catégories grammaticales « de base » de la deuxième personne au 18ème siècle: tout d’abord un « you » traditionnellement pluriel mais de plus en plus singulier selon le contexte, et un « thou » toujours singulier et de plus en plus lié à la

poésie, au surnaturel et aux sentiments personnels, relations intimes, et à l’imaginaire, et qui est déjà en train de disparaître des textes prosaïques non-religieux.

Si Tristram Shandy est un roman du type « récit à la deuxième personne » en raison de la prolifération de l’emploi du « you » en dehors des citations, il est avant tout aussi un récit à la première personne. Hopkins et Perkins, parmi d’autres, ont, dans leur étude, montré qu’il n’y a pas de raison que des récits à la première personne ne soient pas inclus dans la catégorie des récits à la deuxième.1 Tristram est un narrateur qui se veut homodiégétique et autodiégétique2 mais qui reste hetérodiégétique par rapport au récit principal.

Les guillemets dans Tristram Shandy ne sont pas utilisés d’une manière régulière. Parfois ils indiquent les paroles prononcées par un personnage, parfois ils indiquent de longues citations, des sermons, soit cités par le narrateur, soit lus à haute voix par des personnages. Souvent les personnages s’expriment en dehors des guillemets, et quand c’est le cas, c’est normalement (mais pas toujours) indiqué par des tirets. Nous commencerons l’analyse du texte en mettant de côté non seulement le niveau métadiégétique, mais aussi tout ce qui est indiqué comme citation diégétique, pour n’examiner que le narrateur et le narrataire/lecteur textuel du texte.

La voix du narrateur s’adresse souvent et directement « à la personne qui lit le texte. » C’est une formule bien connue dans des prologues ou « retractions » (les « apologies » qui se trouvent parfois à la fin des textes de cette époque) des textes anglais depuis quelque cinq cents ans, mais elle l’était rarement jusqu’alors dans un texte entier. The Canterbury Tales de Chaucer constitue un exemple classique de

1 Hopkins et Perkins 1981: 119-32.

2 Termes de G. Genette qui désignent 1) un narrateur qui est aussi personnage dans l’histoire qu’il raconte, et 2) un narrateur homodiégétique qui est le héros de l’histoire qu’il raconte. Genette 1972 : 229.

l’usage de la deuxième personne pendant la période de coexistence du « you » et du « thou », où une adresse « au lecteur » apparaît aussi souvent que la figure du narrateur principal - c’est à dire à deux instants seulement: au début, dans le prologue avec un « yow » et ce qui était à l’époque sa version nominative « ye », et, à la fin, dans la « retraction » à la troisième personne.1 C’est de même vrai pour les exemples de la deuxième personne. La première personne, ainsi que les rares exemples de la deuxième, sera trouvée dans Chaucer (comme dans la plupart des romances, picaresques, et textes populaires qui les emploient du 14ème au 17ème siecles) dans les incipits ou à la fin des épisodes d’action 2. C’est une tendance qui continue jusqu’aux textes contemporains.

Sans aller plus loin, nous pouvons dire que ce texte anglais datant de quelque 400 ans avant celui de Sterne reflète déjà deux perceptions distinctes du public de la part de l’auteur: un public pluriel ou un lecteur isolé auquel il s’adresse directement mais avec politesse (et, donc, de la distance) au début ; et à la fin les critiques et les lecteurs auxquels le texte a peut-être déplu, qui ne sont pas visés directement, mais indirectement, à la troisième personne, et cette fois certainement au pluriel (« hem alle » et « they » (ceux)). Puis tout à la fin du texte, nous retrouvons le « yow » et « ye » une dernière fois.

Avec ce « yow », nous sommes déjà loin de l’adresse directe et familière par laquelle commençaient d’autres récits plus anciens et plus liés à la tradition orale: le « Hwaet! » (littéralement : « Quoi! ») qui annonce le début de Beowulf, par exemple. Dans ce dernier (comme dans plusieurs autres textes de la même époque), ce mot, normalement interrogatif, ouvre le texte. Des traductions contemporaines donnent

1 Ces sont des « frame narratives », comme ceux que Fludernik note dans les textes anglais pré-chauceriens comme presque les seuls exemples de la premiere personne. Fludernik 1996 :94.

pour ce mot « Ecoutez! » ou « Tiens! » ou « Alors! » En fait, il n’est pas un ordre, mais un avertissement qu’un récit commence (en forme de question posée au public). Le plus que nous pouvons dire à propos de ce mot introductif est qu’il indique la prise en compte par l’énonciateur (la différenciation entre le narrateur et l’auteur étant floue encore jusqu’à la fin du 19ème siècle1, nous allons pour l’instant préférer le terme énonciateur) d’un position coénonciatrice dont la pluralité ou la singularité n’est pas indiquée. Le texte continue : « Nous avons entendu l’histoire de… ». Puisqu’il est suivi par « nous, » nous pouvons dire que ce « hwaet » qui marque l’ouverture du discours est lancé vers un public composé d’un ou de plusieurs coénonciateurs et qu’après l’indication initiale du commencement du discours, l’énonciateur s’inclut dans le groupe formé par son (ses) coénonciateur(s) - groupe dont la collectivité est construite par une expérience commune ultérieure qui inclut l’énonciateur : celle d’avoir été les coénonciateurs d’un autre récit. Le reste du texte qui suit l’introduction est récit pur, sans référence directe à l’énonciateur ni au coénonciateur.

Chaucer, lui, prend le temps de s’adresser au(x) lecteur(s): il y a dix-neuf lignes de récit pur dans The Canterbury Tales avant qu’un narrateur ne s’introduise en tant que tel (« I »). Puis il se place dans un groupe avec le pronom possessif « our » (« notre »). Le coénonciateur n’est mentionné que trente-quatre lignes plus tard. Mais, à l’opposé de Beowulf, nous pouvons vraiment dire que le coénonciateur du narrateur extradiégétique de The Canterbury Tales est visé : ici l’auteur le désigne par le mot « yow. » Ce coénonciateur est défini non spécifiquement comme lecteur du texte, mais comme la personne ou groupe de personnes auxquelles « Geffrey Chaucer » (narrateur extradiégétique) « tells » le « condicioun » des personnages qui vont, de

leur propre manière, raconter leurs métarécits.1 Son dessein dans le prologue est, alors, 1) de désigner le lieu de la narration (le cadre) par un récit « pur » ou « objectif » (lignes 1- 19) ; 2) d’établir la situation du discours au niveau extradiégétique (lignes 19-35) ; 3) de définir les personnages diégétiques qui sont en même temps narrateurs et narrataires des contes métarécitiques, processus dans lequel le narrateur extradiégétique est le « personnage focal »2. Cette dernière étape permet au narrataire extradiégétique de visualiser les personnages derrière les futures voix des narrateurs des métarécits.

Dans la deuxième étape, le narrateur extradiégétique reste indéfini de même que le narrataire extradiégétique. Le narrateur du prologue reste extradiégétique grâce à sa position de narrataire ostensiblement auditeur du discours rapporté, et aussi pour avoir enregistré ces actes mot pour mot. C’est par ce narrateur extradiégétique, qui était narrataire des contes – mais ce qui est plus important, enregistreur des contes - que le narrataire adressé dans le prologue « entend » les contes.

Pendant cette « période de coexistence » de « thou/thee » et « yow/ye » nous n’avons pas les moyens de savoir si le narrataire extradiégétique est un lecteur unique adressé formellement ou un groupe des lecteurs. Pour le lecteur contemporain, qui lit le « yow » chaucerien comme un « you » indéfini singulier ou pluriel, l’adresse contient peut-être plus son sens du singulier, car pour lui, le mot ne s’oppose pas au « thou ». La sensation qu’il a de partager l’expérience du récit avec un groupe de lecteurs est diminuée, mais nous ne pouvons pas dire qu’elle n’existe pas. « I », par contraste, donne l’indication d’un narrateur extradiégétique singulier, ce qui n’existait pas dans Beowulf. Dans le texte de Chaucer, ce narrateur extradiégétique est

1 Terme de Genette, indiquant « récit dans un récit ». Genette 1966 : 202.

immédiatement lié au groupe de personnages qui sont tout à la fois diégétiques, narrataires, et narrateurs (par le « nous » qui suit immédiatement le premier emploi de « I »).

Au lieu d’un prologue adressé « au(x) lecteur(s) » indéfini(s), par un narrateur indéfini, Tristam Shandy est, à première vue, entièrement destiné à un lecteur singulier et spécifié: le prologue prend la forme d’une lettre de dédicace, écrite à la deuxième personne du singulier dans sa forme de politesse, adressée à un Mr. Pitt, dont les traits caractéristiques restent très vagues : c’est un homme ; il est en quelque sorte un gentleman (mais au 18ème siècle le « right honorable » qui le décrit n’est pas forcément la marque d’une classe distincte) ; il est anglais (il est, avec l’auteur, « Fellow-subject » du roi). C’est un renversement d’une formule traditionnelle de l’époque, où souvent le corps du roman prend une forme épistolaire ou celle d’un journal intime, et seule son introduction s’adresse directement au lecteur, parfois avec l’emploi du « you, » mais plus souvent avec l’emploi de la troisième personne (« au lecteur »). Cette forme d’introduction prend aussi souvent l’aspect d’une préface de l’éditeur, créant à partir de la figure de « l’éditeur » une sorte d’auteur textuel substitut et reléguant l’auteur lui-même au rôle du narrateur. La « retraction » de Chaucer appartient à cette catégorie, même si elle se trouve à la fin du texte, et si l’auteur réel ne trouve pas de substitut dans un « éditeur ». Renversement total, donc, ici, par Sterne: au lieu d’une adresse au lecteur à la troisième personne par un « éditeur », utilisé par l’auteur pour présenter le texte au lecteur, nous trouvons une adresse « de l’auteur » à la deuxième personne à une personne spécifique dont le rôle n’est pas simplement celui de coénonciateur ou récepteur de l’œuvre, mais celui du distributeur potentiel à un public plus vaste.

Si « l’éditeur » des préfaces traditionnelles sert de substitut pour l’auteur qui présente le texte au lecteur, ici « l’auteur » (celui qui est, en fait, l’auteur textuel) confie son texte littéraire à un personnage qui en est le lecteur textuel et le moyen espéré de distribution. Cela implique, si nous suivons notre Figure 4 à la lettre, que le lecteur réel prenne le rôle du narrataire. Mais nous pouvons imaginer que le lecteur réel s’identifie aussi avec ce Mr. Pitt : si « The Author » nous affirme que c’est Mr. Pitt qui lira le texte à venir, en fait c’est nous – lecteur - qui tournons la page pour commencer à lire l’ouvrage. En l’absence notable de cet intermédiaire qui est convoqué mais qui ne répond pas à l’appel (Mr. Pitt), sa place reste vide pour le lecteur réel.

La première mention d’un coénonciateur de Tristram Shandy, narrateur, n’est pas une adresse à la deuxième personne. Elle est (au niveau intratextuel) indirecte, à la troisième personne, et au singulier: « the reader » (p. 9). Sur la même ligne, nous trouvons ensuite « good folks, » puis, plus loin, « many of you, » et « you all. » Ensuite vient le premier « you, » seul, qui suit directement le « you all, » pluriel du même pronom. Est-ce à dire que « the reader » est autre que les « good folks » ? Sûrement, puisqu’il est singulier. Est-ce qu’il se trouve, alors, parmi les « good folks » ? Et est-ce que ce « you » indéfini qui vient après représente encore un autre, ou « the reader », ou les « you all » déjà mentionnés?

Catégoriser les emplois de la deuxième personne, c’est essayer de définir le plus précisément possible le rapport entre leurs destinateurs et leurs énonciateurs. C’est un travail binaire: il y a les destinateurs tels qu’ils sont perçus par l’auteur, et les destinateurs tels qu’ils sont perçus par le lecteur du moment. Il y a aussi, éventuellement, les destinateurs tels que le lecteur imagine que l’auteur aurait voulu

les montrer. Avec un pronom qui ne compte d’indications ni masculines, ni féminines, ni singulières, ni plurielles en lui-même, nous sommes obligés de nous référer au contexte de la phrase.

Premièrement, il nous sera utile de déterminer si le « you » est singulier ou pluriel. Sterne montre déjà l’ambiguïté inhérente au pronom pendant cette période, et fournit une solution (ce qui n’aurait pas été nécessaire cent ans auparavant) avec les « tags » « many of you » et « you all ». Ce sont là des exemples de la « deuxième personne du pluriel » en tant qu’elles sont bien spécifiées comme telles. Mais Sterne laisse l’ambiguïté à la fin de la phrase: le dernier « you » n’est pas identifié, et nous sommes déjà dans une période où le « you » peut très bien indiquer un coénonciateur unique. Est-ce parce que Sterne imagine qu’après plusieurs instances des « you » identifiés, il n’est pas nécessaire de dire que « you » se réfère à l’identifiant précédemment mentionné? C’est un moment opportun non seulement pour catégoriser ces exemples, mais aussi pour définir la conception du public dans l’esprit de l’auteur, celui qui est représenté par « you » à cette époque, avec comme dans la nôtre, sa connotation ambiguë de singulier et de pluriel.

Pour répondre à la dernière question – l’ambiguïté de la singularité et de la pluralité de ce « you » - le linguiste Ken Safir va nous fournir une solution simple. Si le contexte ne change pas, la morphologie de la deuxième (et de la première) personne est constante.1 Cette théorie, défendue par Kaplan dans les années 1980, et généralement acceptée aujourd’hui même par des écoles non-chomskyennes, est applicable de même au pôle artistique et au pôle esthétique : la deuxième occurrence d’un emploi de la deuxième personne fait toujours une référence anaphorique à la première. Le narrateur Tristram Shandy, alors, avec ce premier emploi de « you »

sans spécification ajoutée, s’adresse au même groupe des lecteurs adressé auparavant – au public. Il ne faut pas ignorer, quand-même, qu’il y a une distinction à faire entre 1) « many of you » : « il y a un grand nombre de gens que je distingue parmi un groupe de gens encore plus vaste, et je m’adresse seulement à ce groupe situé a l’intérieur d’un autre » et 2) « you all » : « je m’adresse au groupe entier, sans indication qu’il existe des gens extérieurs à lui ». Ce premier « you », sans précision directe, a une relation anaphorique à « you all », qui est le dernier « you » avec un « tag » donnant d’avantage d’information sur le mot. Selon Safir et Kaplan 1, le lecteur dans des circonstances normales ne devrait pas se tromper sur cette référence anaphorique, et identifiera ce « you » en tant qu’adressé au groupe pluriel « you all » - et donc, non au rôle singulier du lecteur textuel qu’il joue lui-même, mais à un groupe des narrataires pluriels, ou à un groupe des « lecteurs » dont il fait partie. Cette anaphore supposée est, selon Wales 2, décrite traditionnellement comme le rôle d’un pronom – un substitut pour un nom déjà mentionné. L’apparition de « good folks » entre « the reader » et les occurrences de « you » qui suivent indiquent la distinction entre un lecteur unique et le public. Ici, c’est au public que s’adresse le narrateur avec le pronom, pas au lecteur.

Les premières occurrences de « you » ont toutes des liens avec des verbes décrivant des « processus intérieurs »3 qui annoncent une situation d’énonciation plutôt qu’ils ne décrivent des actions: « un grand nombre des personnes parmi vous pouvez penser », « vous avez tous entendu que… », « vous pouvez me croire ». Hamburger a noté que les verbes décrivant des processus intérieurs sont des

1 Ibid.

2 Wales 1996.

« marques du Je-Origine, c’est-à-dire de la fictionnalisation des personnages. »1 Ici elles sont adoucies par « peut-être » dans la première instance. Mais si nous suivons la logique de Hamburger, Sterne est déjà en train de suggérer – fût-ce légèrement - que ce public visé par « you » est un public fictionnel. Alors que ces adresses donnent l’illusion que nous sommes en face d’un narrateur qui raconte son histoire fictionnelle à des coénonciateurs réels, le fait que les verbes ici décrivent tous des processus intérieurs est une indication que ces coénonciateurs sont aussi fictionnels que la diégèse elle-même. Que ce n’est pas une adresse propre aux coénonciateurs réels, mais déjà la création des coénonciateurs extradiégétiques fictionnels.

L’occurrence suivante de « you » est relative à un verbe qui désigne, par