• Aucun résultat trouvé

Encadré 1.1-3. L'étude EPIC

1.3. Fruits et légumes et diabète

Marie-Jo Amiot-Carlin

A l'opposé du diabète de type I, qui est une affection immunitaire de la cellule ß du pancréas, le diabète de type II est une maladie nutritionnelle largement liée à la situation de pléthore alimentaire et de faible activité physique. Il se caractérise par un déficit d'sécrétion et une insulino-résistance, les 2 mécanismes conduisant à l'hyperglycémie chronique. Le déficit d'insulino-sécrétion résulte d'altérations complexes mettant en jeu la réduction de la masse des cellules ß, la gluco- et la lipotoxicité et le stress oxydant. L'hyperglycémie chronique a des conséquences délétères importantes, principalement sur les micro-vaisseaux (microangiopathies). Celles-ci sont responsables des compli-cations vasculaires (rénales, oculaires, cardiaques, artérite des membres inférieurs) qui font la gravité de la maladie. De plus, l'hyperglycémie chronique est fréquemment associée à une dyslipidémie qui se caractérise par plusieurs anomalies athérogènes des lipides et des lipoprotéines plasmatiques liées les unes aux autres : élévation des triglycérides, baisse du HDL cholestérol, apparition de particules LDL et HDL petites et denses, riches en triglycérides.

A côté du diabète, classiquement caractérisé par la présence d'une hyperglycémie à jeun ou permanente, il existe une phase précoce de la maladie, l'insulino-résistance, qui représente un enjeu majeur de santé publique. En effet, l'accroissement de la disponibilité nutritionnelle, notamment à travers des aliments à haute valeur énergétique, associé à divers changements sociologiques (faible dépense énergétique) conduisent à une augmentation de la masse du tissu adipeux menant à la surcharge pondérale ou à l'obésité. Il a été bien montré qu'il existe une relation inverse entre la sensibilité à l'insuline et la masse du tissu adipeux. L'insulino-résistance, ou premier stade de la maladie métabolique qui conduira potentiellement au diabète de type II, est caractérisée par la nécessité d'une sécrétion d'insuline plus forte pour maintenir la glycémie, qui elle est encore normale ou subnormale. Cette insulino-résistance, associée à une hypertension artérielle, à une dyslipidémie et à une microalbuminurie a été regroupée en un syndrome que l'on appelle parfois le syndrome X, ou plus récemment le syndrome métabolique. L'évolution de ce syndrome se fait vers un "épuisement" pancréatique, c'est-à-dire une insuffisance de la sécrétion d'insuline, et un diabète de type II.

Compte tenu des conséquences lourdes en termes de santé publique, la prévention primaire du diabète passe par des changements de style de vie, dont l'alimentation. Il a été très largement montré que la réduction du poids associée à la pratique d'une activité physique suffisante étaient très efficaces dans l'amélioration, voire la correction de l'insulino-résistance et de ses conséquences évolutives. De fait, à côté de diverses médications, la prescription de règles hygiéno-diététiques demeure au centre de la prise en charge de ces sujets. En France, la prévention du diabète fait l'objet de la politique nutritionnelle menée dans le cadre du Programme national nutrition et santé (PNNS) mis en place par le Ministère de la Santé et de la protection sociale en 2001, pour notamment réduire la prévalence du surpoids et de l'obésité chez l'adulte et chez l'enfant, facteur de risque important du diabète.

1.3.1. Les études épidémiologiques

Plusieurs études prospectives ont cherché à évaluer si la consommation de fruits et légumes était associée à une prévention du diabète de type II. Une plus grande consommation de fruits et de légumes est apparue associée à une diminution du risque de développer un diabète chez les femmes de la cohorte "National Health and Nutrition Examination Survey" (Ford and Mokdad, 2001). Une telle association n'a pas été retrouvée chez les hommes. Le risque est diminué de près de 40% chez les femmes consommant au minimum 5 portions de fruits et légumes par jour (RR: 0,65, IC 95% : 0,42-0,88) par rapport à celles qui n'en consomment pas. Dans cette même cohorte, il a été montré que la consommation de fruits et de légumes était plus faible chez les sujets ayant un syndrome métabolique.

Chez ces sujets, les concentrations plasmatiques en divers micronutriments (vitamines C, β-carotène,

lutéine/zéaxanthine) sont significativement (très) inférieures à celles des sujets n'ayant pas de syndrome métabolique (Ford, Mokdad et al., 2003). Dans une cohorte finlandaise, un apport plus

conséquent de fruits et de petits fruits (>136g par jour versus <33 g par jour) est associé également à une réduction du risque d'environ 30% (RR: 0,69, IC 95% : 0,51-0,92). Dans cette même étude, aucun effet n'a été observé pour l'apport en légumes (Montonen, Jarvinen et al., 2005). Mais si ces deux études sont apparues prometteuses dans la prévention du risque, d'autres sont sans effet (Lundgren, Bengtsson et al., 1989; Feskens, Bowles et al., 1991; Colditz, Manson et al., 1992; Meyer, Kushi et al., 2000; Liu, Serdula et al., 2004).

Récemment, dans la cohorte EPIC, il a été établi qu'un "bon" profil alimentaire (plus de fruits, moins de viandes, de légumineuses et de pain blanc) a des effets favorables sur des biomarqueurs plasmatiques associés à une plus grande protection du diabète de type II : HDL cholestérol et adiponectine plus élevés et, à l'opposé, hémoglobine glycosylée HbA1 et protéine C-réactive CRP plus basses (Heidemann, Hoffmann et al., 2005). Dans l'étude des infirmières "Nurses' Health Study II", une augmentation des marqueurs d'inflammation et du risque de développer un diabète de type II est associée à un profil alimentaire considéré comme défavorable : plus de sucres simples, de céréales raffinées, plus de viandes et moins de légumes riches en caroténoïdes et en glucosinolates (Schulze, Hoffmann et al., 2005). Plus récemment, Lindstrom et ses collaborateurs (2006) rapportent qu'un apport plus élevé de fibres (correspondant à une alimentation plus riche en céréales complètes, en fruits et en légumes) associé à un plus faible apport en lipides, notamment saturés, conduit à une diminution du poids et réduit le risque de développer un diabète de type II chez les sujets obèses. Des modifications de style de vie appliquées dans des études d'intervention ont donné des résultats convaincants sur la prévention du diabète de type II (Tuomilehto, Lindstrom et al., 2001; Knowler, Barrett-Connor et al., 2002; Lindstrom, Eriksson et al., 2003; Lindstrom, Louheranta et al., 2003). Bien que l'apport plus important en fruits et légumes ait été une composante forte de ces études, il est impossible d'évaluer les effets propres à ce groupe d'aliments.

1.3.2. L'index glycémique

L'index glycémique est un paramètre qui a été, et reste encore, mis en avant pour essayer de caractériser le caractère potentiellement délétère de certains aliments. Il s'agit de mesurer la réponse glycémique chez l'homme, consécutive à l'ingestion d'un aliment (ou d'un groupe d'aliments). Bien sûr, ce paramètre n'a de sens que si on le rapporte à la quantité d'hydrates de carbone ingérés. Le but étant d'avoir l'index glycémique le plus bas pour un apport glucidique élevé, ce qui caractérise les sucres dits "lents" par rapport aux "rapides". Si ce paramètre est indéniablement intéressant pour caractériser des aliments comparables, il est clair que tout ce qui ralentit l'absorption digestive des sucres "améliore" l'index glycémique. Ainsi la présence de fibres joue un rôle important pour réduire l'index glycémique, mais l'apport lipidique aussi.

Différentes études prospectives récentes ont étudié les relations entre l'index glycémique de l'alimentation, ou le plus souvent le rapport entre l'index glycémique et la charge en hydrates de carbone et, la prise alimentaire (effet satiétogène), la tolérance glucidique (réponse à une charge glucidique), l'insulino-sensibilité ou divers autres paramètres reliés à l'insulino-résistance ou au diabète de type II. Une influence de l'index glycémique sur la prise alimentaire n'a pas été retrouvée par Jimenez-Cruz et coll (2003). Par contre, ces auteurs ont retrouvé dans le régime ayant le plus faible index glycémique une réduction de l'hémoglobine A1c, paramètre témoignant de l'intensité de l'hyperglycémie chronique. Alfenas et coll ont également étudié les relation entre index glycémique et prise alimentaire avec un résultat négatif, mais celui-ci a donné lieu à un vigoureux débat dans la littérature, témoignant des faiblesses de cette étude et de la conviction de la majorité des auteurs d'une relation faible entre index glycémique et satiété.

Dans une autre étude interventionnelle portant sur 5675 sujets ayant pour objectif de déterminer l'influence de l'index glycémique sur la sensibilité à l'insuline (mesurée à l'aide d'un algorithme appelé HOMA-IR pour "homeostasis model assessment of insulin resistance"), Lau et coll ont montré que l'amélioration de la sensibilité à l'insuline retrouvée avec un régime à faible index glycémique était surtout le fait de la présence de fibres, et que lorsque ce paramètre était pris en compte l'effet propre des fruits et légumes était bien moindre.

Enfin, des études récentes ont montré que des interventions nutritionnelles visant à augmenter la part de fruits et légumes avaient des effets significatifs sur l'expression de différents gènes dans le tissu adipeux chez l'Homme. Bien sûr, les impacts sur la santé de telles études ne peuvent être que déductifs (Beulens et coll, Takeda et coll).

1.3.3. Conclusions

Les relations entre alimentation et insulino-résistance ou diabète de type II sont claires. Il est notamment établi que la surcharge pondérale, et donc l'excès d'apport énergétique, est le principal facteur explicatif de cette pathologie. Cependant, il n'est pas possible de retrouver dans la littérature la démonstration claire et univoque qu'un apport riche en fruits et légumes est associé à la diminution du risque de développer un diabète de type II. De plus, le risque relatif étant ajusté sur l'IMC (indice de masse corporelle) dans toutes les études, il est impossible de séparer les effets du régime et les facteurs confondants susceptibles d'influer sur le poids. Par contre, la réduction de l'index glycémique des aliments, notamment par l'introduction de fibres, semble améliorer la sensibilité à l'insuline.