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des fruits et légumes

2.2. Les sources de variations biologiques d’ordre agronomique et environnemental

2.2.2. Effets des techniques culturales

De nombreuses recherches s’intéressent aux effets des techniques culturales sur la qualité des fruits et légumes, les principales concernant la fertilisation et l’irrigation étudiées seules ou, le plus souvent, en interaction (surtout dans le cas des cultures sous serre). Les composantes de la qualité considérées sont de façon générale les produits issus du métabolisme primaire (sucres, acides), beaucoup moins fréquemment ceux du métabolisme secondaire auxquels appartiennent les composés bioactifs (phénols, vitamines…).

2.2.2.1. Fertilisation

On considère ici soit la fertilisation classique de type N, P, K, soit des apports de minéraux (d’éléments) mis en œuvre dans un objectif d’enrichissement de la culture traitée - c’est le cas du sélénium. Jusqu’à récemment, les pratiques de fertilisation étaient essentiellement tournées vers l’obtention de rendements importants et ce n’est que depuis peu que l’on s’interroge sur les effets possibles des apports minéraux sur la qualité des produits, plus particulièrement dans le cas du phosphore et du potassium.

La diversité des conditions expérimentales mises en œuvre, les interactions avec des facteurs non contrôlés, rendent souvent difficile l’établissement de lois générales. Les modes d’action des techniques étudiées ne sont pas pris en considération.

Une fertilisation azotée importante tend à diminuer la concentration en vitamine C dans les fruits d’agrumes ou de tomate, ou chez la pomme de terre (une des sources majeures d’apport de vitamine dans l’alimentation humaine (Veit-Kohler et al., 1999). La voie de biosynthèse de la vitamine C est liée au métabolisme des glucides et l’on estime qu’il y aurait concurrence pour les assimilats entre la croissance de la plante et les processus de synthèse et stockage de métabolites secondaires. De ce fait, tout ce qui tendrait à ralentir la croissance serait bénéfique à la synthèse et l’accumulation de composés nutritionnels. Par exemple, une alimentation sub-optimale en azote a pour conséquence l’augmentation de l’accumulation de vitamine C chez les Citrus (Nagy, 1980). Cet antagonisme entre fertilisation azotée et contenu en vitamine C semble assez général, également chez les légumes (Weston et Barth, 1997).

Le contenu en quercétine de l’oignon n’est pas influencé par la fertilisation azotée tout en manifestant une forte variation interannuelle (Mogren et al., 2006).

Premuzic et al. (2002) appliquent à deux cultivars de laitue différentes fertilisations non organiques (nitrates) et organiques (composts) et les comparent à un témoin non fertilisé pour leurs teneurs en nitrates et en vitamine C : l’apport de compost entraîne une moindre accumulation de nitrate mais une plus grande accumulation de vitamine C. Là encore, l’effet de la variété est important comme le

montre le tableau 2-4 (contenu en vitamine C, en mg.100gFW-1) : l’amplitude de variation due au

génotype est plus large que celle liée au traitement. Premuzic et al. (2001) avaient trouvé des résultats analogues sur la tomate cerise : la teneur en vitamine C était plus importante pour une fertilisation organique ou une fertilisation combinant apports minéraux et apports organiques que pour une fertilisation seulement minérale.

Traitements Var. Mantecosa Var. Gallega

Composts 22 18

Témoin 21,3 18

Fertilisation minérale 19 17,5

Tableau 2-4.

Des expériences combinant fertilisation azotée et irrigation ont été conduites sur brocolis cultivés en plein champ par Babik et Elkner (2002). Les doses d’azote appliquées variaient entre 100 et 600 kgN/ha. La fertilisation azotée la plus forte a eu pour conséquence une augmentation de la teneur en sucres et nitrates des têtes de brocoli tout en diminuant le contenu en acide ascorbique et en fibres. De son côté, l’irrigation conduisait à une diminution du contenu en nitrates mais sans avoir d’effet sur les autres nutriments.

Lester et al. (2005) ont montré qu’un apport supplémentaire de potassium par pulvérisation foliaire

pouvait améliorer le contenu en acide ascorbique et β-carotène de muskmelon (Cucumis melo,

reticulatus group) correctement alimenté en K par application au sol. On note alors une accumulation notable de potassium dans les tissus du fruit et des feuilles. Le mode d’action du potassium n’est pas clair ; on relève en particulier une accumulation supérieure de sucre sans augmentation du taux de photosynthèse.

L’apport de phosphore à des plants de tomate d’industrie cultivés en pot en serre n’a pas d’effet notable sur le contenu en lycopène ou en carotène (Oke et al., 2005). Pourtant, un apport supplémentaire de phosphore par pulvérisation foliaire modifie l’activité d’enzymes antioxydantes comme la SOD ou la POX chez la tomate (Ahn et al., 2005). La stimulation de ces enzymes dépend de l’état de développement de la plante et de la saison, donc des facteurs environnementaux. Les résultats de cette étude sont interprétés davantage en terme de conséquences sur l’aptitude à la conservation de la tomate que d’effet favorable sur la santé humaine.

. Enrichissement en éléments

Certaines pratiques visent à augmenter la teneur en composés bioactifs du produit récolté en apportant à la plante des apports importants en certains éléments. C’est le cas, par exemple, du sélénium : il a été montré que cet élément était un agent protecteur contre diverses formes de cancer. Il s’accumule

naturellement dans les feuilles d’espèces du genre Brassica. Des essais d’enrichissement supplémen-taire ont été réalisés avec succès en apportant une fertilisation en Se à des plantes cultivées sur solution nutritive ou sur sol en pot (Hartikainen et al., 1997; Charron et al., 2001; Finley, 2005a).

Ainsi, la teneur en Se de brocolis cultivés en milieu liquide varie de traces indétectables à 750 µg.g-1

en fonction d’une fertilisation au Se variant de 0 à 9 mg.l-1-.

Dans le cas de l’enrichissement, se pose la question de la biodisponibilité des composés ainsi accumulés et des moyens d’apprécier cette biodisponibilité (Finley, 2005b; Finley, 2005a). Par ailleurs, le même auteur a montré que l’enrichissement en Sélénium avait l’inconvénient d’interférer avec le métabolisme dégradatif des glucosinolates dont les produits possèdent également des propriétés bioactives intéressantes. Ainsi, la fertilisation au Se de brocoli conduit à une diminution du sulforaphane, agent protecteur contre le stress oxydatif, qui peut atteindre 75%, et d’acides phénoliques spécifiques (jusqu’à 50%). Finley (2005a) conclut que la production de plantes enrichies, même si elle est techniquement possible, est encore prématurée.

2.2.2.2. Irrigation

L’état hydrique de la plante conditionne sa croissance et sa capacité photosynthétique. Une contrainte hydrique imposée à des plants de tomate cultivés en hors sol sur substrat solide entraîne une augmentation de la concentration en sucres des fruits tout en ralentissant la croissance de la plante et des fruits. Si la contrainte n’est pas trop intense, la synthèse de vitamine C serait stimulée, ainsi que celle d’autres métabolites secondaires. C’est ce qu’observent Veit-Köhler et al. (1999) en imposant des potentiels hydriques de sol de respectivement -0,045 et -0, 065 Mpa à des plants en pots : dans ces conditions on va mesurer sur des fruits à maturité des concentrations en vitamine C respectivement de

0,27 mg.ml-1 et de 0,35 mg.ml-1. De même, une réduction des apports d’eau chez le brocoli conduirait

à une augmentation des teneurs en glucosinolate (Schreiner, 2005).

De nombreuses études s’intéressent aux effets d’une salinité plus ou moins importante de l’eau d’irrigation sur la qualité des produits. Ces travaux sont conduits dans les pays méditerranéens souvent contraints d’utiliser pour l’agriculture des eaux à fort taux de salinité. C’est souvent la tomate qui a fait l’objet de ces recherches (Dumas et al., 2003 pour revue). En augmentant la teneur en matière sèche des fruits, la teneur en métabolites secondaires sera souvent supérieure, lorsque la teneur est exprimée relativement au poids frais (ce qui correspond à ce qui est consommé). Néanmoins, rapportée à la matière sèche, l’augmentation n’est pas systématique.

2.2.2.3. Autres éléments de l'itinéraire technique

L’itinéraire technique est constitué par l’ensemble des techniques élémentaires mises en œuvre selon une chronologie et des combinaisons bien définies afin d’obtenir un objectif de production quantitatif et, de plus en plus, qualitatif. De nombreuses techniques, certaines innovantes (par exemple, films réfléchissants disposés sur le sol des vergers), ont ainsi fait l’objet d’études souvent très ponctuelles, pour mettre en évidence leurs éventuels effets sur la qualité des produits.

Date de semis. Un semis de tomate réalisé sous tunnel plastique à la fin de septembre permet

d’obtenir un rendement au mètre carré plus important qu’un semis réalisé à la mi-octobre (7,85 kg.m-2

contre 3,65 kg.m-2). Par contre, la teneur en vitamine C du semis de septembre est plus faible que celle

du semis d’octobre (19,4 mg.100g-1 contre 35,5 mg.100g-1). L'ampleur des écarts mesurés varie d’un

génotype à l’autre, tout en restant dans le même sens (Peyvast, 2001).

Utilisation de films réfléchissants en verger. L’emploi de tels films a pour premier objectif

d’améliorer la coloration de certaines variétés de pomme comme Fuji en augmentant la quantité de rayonnement au sein de la couronne de l’arbre. La coloration rouge est déterminée par l’accumulation d’anthocyanes dans l’épiderme du fruit mais d’autres pigments interviennent comme les flavonoïdes, la chlorophylle et les caroténoïdes.

En fonction des propriétés réfléchissantes des films, on peut obtenir une augmentation du rayonnement allant de 30 à 70%. Les films les plus réfléchissants entraînent une augmentation de l’accumulation

des anthocyanes (0,176 mg.gFW-1 pour des fruits à l’extérieur de la couronne sans film, 0,366

mg.gFW-1 pour des fruits en position identique dans le cas du film le plus réfléchissant).

Corrélative-ment, le contenu en chlorophylle diminue (0,091 mg.gFW-1 pour le témoin, 0,056 mg.gFW-1 pour le

film le plus réfléchissant). La concentration en flavonoïdes reste stable en toute situation (position du fruit dans la couronne, présence ou absence de films) (Ju et al., 1999).

Il est difficile d’interpréter l’effet de l’augmentation de la lumière : soit effet indirect par l’accroissement de la photosynthèse donc une fourniture plus importante de substrat nécessaire à la synthèse des anthocyanes, soit effet direct de stimulation de la synthèse des anthocyanes du fait que la plupart des enzymes des voies de synthèse des anthocyanes sont inductibles par la lumière.

Effets de la charge chez les arbres fruitiers. La charge en fruits est connue comme pouvant moduler

la qualité de ces derniers (teneur en sucre, acidité). Chez la variété de pommier Jonagold, il a été montré qu’une charge légère avait pour conséquence un plus grand contenu en polyphénols totaux (de

1300 mg.kgFW-1 pour les témoins à 1680 mg.kgFW-1 pour les arbres les moins chargés) associé à une

apparence plus attractive et une meilleure qualité organoleptique. L’acide ascorbique ne varie pratiquement pas (Stopar et al., 2002). Là encore, la sensibilité à la charge peut varier de façon importante d’un cultivar à l’autre : Elstar répond moins bien que Jonagold à l’éclaircissage.

Chauffage des serres. Des expériences destinées à étudier l’effet d’un système de chauffage placé à

proximité des fruits de tomates cultivées sous serre, montrent qu’un chauffage de +1°C par rapport à la

température ambiante diminue significativement les contenus en vitamine C, lycopène et β-carotène

des fruits en fonction de leur position sur la plante et de l’intensité des compétitions pour les photoas-similats obtenues en manipulant le rapport feuilles/fruits (approche de la charge) (Gautier et al., 2005).

Type de tunnel (couverture). Le type de couverture des tunnels plastiques conduit à une modification

du rayonnement autour de la culture comparé aux conditions naturelles. En ce qui concerne la laitue, la réduction du PAR et du rayonnement UV ainsi obtenue diminue le contenu en phénols par rapport à la culture en plein champ (Zhao et al., 2007). Cependant, l’ampleur de cette diminution est susceptible de variation avec le cultivar et la saison de culture.