• Aucun résultat trouvé

Encadré 1.1-3. L'étude EPIC

1.4. Fruits et légumes et cancers

1.5.3. Bien-être, dépression, santé mentale

1.5.3.2. Arguments biologiques

Les légumes verts à feuilles sont riches en folates qui auraient un rôle contre la dépression. En effet, de nombreuses études ont trouvé une relation entre des niveaux plasmatiques de folates bas et un risque accru de dépression (Reynolds, 2006). Une étude finlandaise a mis en évidence un risque accru de haut niveau de symptomatologie dépressive chez les hommes dans le tercile inférieur de consommation de folates mais il s’agit d’une simple étude transversale (Tolmunen, Voutilainen et al., 2003).

Plusieurs études d’intervention ont montré l’intérêt du traitement adjuvant par les folates chez des patients déprimés, confirmé par méta-analyse (Taylor, Carney et al., 2003). Une revue de littérature conduite en 2006 identifie 6 essais randomisés de traitement par les folates chez des patients présentant des symptômes neuropsychiatriques, dont 5 ont montré une amélioration de l’humeur et de l’intégration sociale (Reynolds, 2006). Cependant il s’agit ici de patients traités et non de prévention primaire. De plus ces études d’intervention sont menées avec des suppléments dont les teneurs en

acide folique (200 μg à 15 mg/j) ou methyl folates (15 à 50 mg par jour) semblent parfois difficiles à

atteindre avec l’alimentation. Synthèse

Les données biologiques permettent d’espérer un effet positif des légumes verts, riches en folates, sur la symptomatologie dépressive. Cependant les données épidémiologiques en faveur d’un effet bénéfique des F&L sur le bien-être reposent sur une seule étude d’intervention qui souffre de limites méthodologiques et doit être reproduite dans d’autres contextes pour apporter des arguments plus concluants.

Tableau 1.5-1. Principales études épidémiologiques longitudinales d’observation de la relation entre consommation de fruits ou légumes et vieillissement cérébral pathologique

Etude N Age Facteur étudié Evénement suivi Résultat (après ajustement)

Kame

(hommes japonais aux Etats-Unis)

(Dai, Borenstein et al., 2006)

3045 ≥ 65 Jus de fruits et légumes (fréquence)

Maladie d’Alzheimer Effet protecteur

RR = 0,24 (IC 0,09 à 0,61) pour ceux consommant des jus au moins 3 fois par semaine

WHICAP (Etats-Unis)

(Scarmeas, Stern et al., 2006)

2258 Légumes (quantité/j) Maladie d’Alzheimer Effet protecteur d’une consommation de légumes supérieure à la médiane en analyse brute RR=0,76 (IC 0.60 à 0.97), NS en multivarié

Nurses’ Health Study (Etats-Unis)

(Kang, Ascherio et al., 2005)

15080 ≥ 70 Fruits et légumes (portions) Déclin cognitif Pas d’association entre fruits et déclin cognitif Effet protecteur des légumes verts à feuilles CHAP

(Etats-Unis)

. (Morris, Evans et al., 2006)

3718 ≥ 65 Légumes Déclin cognitif

PAQUID (France) (Letenneur, Proust-Lima et al., 2007) 1640 ≥ 68 Fruits (quantité/j) Légumes (quantité/j)

Déclin cognitif Pas d’effet significatif propre quand ajusté sur flavonoïdes 3C (France) (Barberger-Gateau, Raffaitin et al., 2007) 8085 ≥ 65 Fruits et légumes (fréquence)

Démence Effet protecteur

HR=0,72 (IC 0.53 à 0.97) pour une consommation quotidienne de fruits et légumes crus et cuits

WHICAP : Washington Heights Inwood Columbia Aging Project CHAP : Chicago Health and Aging Project

PAQUID : QUID des Personnes Agées 3C : Etude des 3 Cités

Tableau 1.5-2. Principales études épidémiologiques longitudinales d’observation de la relation entre consommation de nutriments anti-oxydants et vieillissement cérébral pathologique

Etude N Age Facteur étudié Evénement suivi Résultat significatif (après ajustement)

PAQUID (France)

(Commenges, Scotet et al., 2000)

1367 ≥ 68 Flavonoïdes

alimentaires Démence Effet protecteur

PAQUID (France)

(Letenneur, Proust-Lima et al., 2007)

1640 ≥ 68 Flavonoïdes alimentaires

Déclin cognitif sur 10 ans Effet protecteur

Rotterdam Study (Pays-Bas)

(Engelhart, Geerlings et al., 2002) 5395 ≥ 55 Vitamine E Vitamine C β-carotène flavonoïdes alimentaires

Maladie d’Alzheimer Effet protecteur des vitamines C et E

Pas d’effet du -carotène ni des flavonoïdes sauf chez les fumeurs

CHAP (Etats-Unis)

(Morris, Evans et al., 2002)

815 ≥ 65 Vitamine E Vitamine C β-carotène

alimentaires + suppléments

Maladie d’Alzheimer Pas d’effet de la vitamine C ni du -carotène, ni de la vitamine E en suppléments

Effet protecteur de la vitamine E alimentaire seulement chez apoE4 négatifs

WHICAP (Etats-Unis)

(Luchsinger, Tang et al., 2003)

980 ≥ 65 Caroténoïdes Vitamine E Vitamine C

alimentaires + suppléments

Maladie d’Alzheimer Aucune association avec les données alimentaires ni les suppléments

Tableau 1.5-3. Principales études épidémiologiques longitudinales d’observation de la relation

entre consommation de suppléments anti-oxydants et vieillissement cérébral pathologique

Etude N Age Facteur étudié Evénement suivi Résultat (après ajustement)

EPESE (Etats-Unis)

(Morris, Beckett et al., 1998)

633 ≥ 65 Suppléments en vitamines E ou C Maladie d’Alzheimer Effet protecteur de la vitamine C, pas la E. Mais peu de variables d’ajustement. Cache County Study

(Etats-Unis)

(Zandi, Anthony et al., 2004)

3227 ≥ 65 Suppléments en vitamines E (>400 UI) ou C (>500 mg)

Maladie d’Alzheimer Pas d’association avec l’utilisation de vit. E ou C seules mais effet protecteur de l’utilisation combinée vit. E+C

Nurses’ Health Study (Etats-Unis)

(Grodstein, Chen et al., 2003)

14 968 70-79 Suppléments en vitamines E ou C, sauf multi-vitamines

Tests des fonctions cognitives

Meilleures performances avec suppléments vit. E+C combinées, surtout si faible apport nutritionnel en vit. E HAAS

(hommes Japonais à Honolulu) (Laurin, Masaki et al., 2004)

2369 71-92 Suppléments en vitamines E ou C Démence

Maladie d’Alzheimer Démence vasculaire

Aucune association avec consommation de suppléments, à court ou long terme

1.6. Fruits et légumes et maladies oculaires

Cécile Delcourt

Les maladies oculaires liées à l’âge (cataracte, dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et glaucome) sont actuellement les principales causes de cécité au niveau mondial (Resnikoff, Pascolini et al., 2004). La cataracte, caractérisée par une opacification du cristallin (lentille en avant de l’œil, ayant pour fonction la focalisation de la lumière sur la rétine), est la première cause de cécité mondiale, représentant à elle seule 50 % des cas de cécité. Ceci est dû essentiellement à sa plus grande fréquence, à des âges plus précoces, dans les pays en voie de développement, qui n’ont par ailleurs pas les moyens chirurgicaux d’y faire face. Comme dans les autres pays industrialisés, l’extraction du cristallin est l’acte chirurgical le plus fréquent en France, avec environ 400 000 opérations chaque année (Baubeau, Bousquet et al., 2001). La DMLA est la première cause de cécité dans les pays industrialisés, où elle représente 50 % des cas (Resnikoff, Pascolini et al., 2004). Nous avons estimé récemment sur la base de données françaises et internationales, que le nombre de personnes atteintes de la forme symptomatique de la DMLA est d’environ 608 000 (Delcourt, 2007). Le nombre de nouveaux cas a été estimé à 30 000 chaque année en France (Korobelnik, Moore et al., 2006). Malgré des progrès thérapeutiques récents, notamment avec l’apparition de traitements anti-angiogéniques, cette pathologie reste très préoccupante et pour l’essentiel irréversible. Enfin, le glaucome est la troisième cause de cécité au niveau mondial (Resnikoff, Pascolini et al., 2004).

Le rôle des facteurs nutritionnels soulève un grand intérêt pour la prévention de la cataracte et de la DMLA, alors que le glaucome ne semble pas fortement lié à l’alimentation. Les principaux facteurs de risque connus sont, pour la cataracte, le tabagisme, le diabète, l’utilisation de corticoïdes oraux et l’exposition aux ultraviolets (Asbell, Dualan et al., 2005); pour la DMLA, il s’agit du tabagisme (Thornton, Edwards et al., 2005) et du polymorphisme du gène du Complement Factor H (impliqué dans l’immunité innée) et de l’apolipolipoprotéine E (impliqué dans le métabolisme lipidique) (Haddad, Chen et al., 2006). L’intérêt pour la nutrition en ophtalmologie est récent et a été décuplé par la publication en 2001 des résultats d’un grand essai randomisé, démontrant l’efficacité de la supplémentation en antioxydants vis-à-vis de la prévention de la DMLA (Areds, 2001). Les fruits et légumes pourraient ainsi avoir un rôle important dans la prévention de la cataracte et de la DMLA, au travers de deux mécanismes principaux : un effet antioxydant global (notamment apports en vitamines C et E), et un effet passant par les apports en caroténoïdes. En effet, l’œil accumule spécifiquement deux caroténoïdes, la lutéine et la zéaxanthine (qui sont isomères), à l’exclusion des autres caroténoïdes présents dans le plasma (alpha- et béta-carotène, lycopène, béta-cryptoxanthine). La lutéine et la zéaxanthine sont présentes à très fortes concentrations dans la partie centrale de la rétine, où elles forment le pigment maculaire, qui a donné son nom à cette zone de la rétine (macula lutea : tache jaune). Le rôle du pigment maculaire est de filtrer physiquement la lumière bleue (qui a des effets toxiques sur la rétine au travers de réactions photochimiques entraînant la production d’un stress oxydant) ainsi qu’un effet directement antioxydant, comme tous les caroténoïdes (Whitehead, Mares et al., 2006). La lutéine et la zéaxanthine sont également les deux seuls caroténoïdes présents dans le cristallin, où elles pourraient avoir un rôle similaire (Bernstein, Khachik et al., 2001). La lutéine et la zéaxanthine proviennent uniquement de l’alimentation, et principalement de la consommation de légumes verts à feuille (épinards, chou frisé, etc.). Un effet préventif de l’apport en fruits et légumes est actuellement supposé pour la DMLA et la cataracte, bien que les données épidémiologiques et interventionnelles restent limitées dans ce domaine.

1.6.1. Données épidémiologiques

L’épidémiologie des maladies oculaires est une discipline assez récente. L’intérêt pour le rôle des facteurs nutritionnels étant encore plus récent, il existe encore relativement peu d’études au niveau mondial sur ce sujet. Elles sont pour l’essentiel anglo-saxonnes (Etats-Unis et Australie). Les résultats

obtenus ne sont donc pas toujours aisément extrapolables aux populations européennes, en raison d’habitudes alimentaires différentes, et en particulier d’une utilisation bien inférieure de compléments alimentaires. De plus, il existe encore peu de données provenant d’études prospectives, seules à même de démontrer que les habitudes alimentaires ont bien précédé l’apparition de la maladies, et d’éliminer la possibilité que les habitudes alimentaires soient le reflet de changements dus à la maladie elle-même. Ces aspects sont cependant un peu moins déterminants dans le cas des maladies oculaires que pour d’autres pathologies. En effet, les maladies oculaires entraînent moins de changement de comportement que d’autres pathologies plus sévères (cancer, déficits cognitifs) et n’entraînaient pas, jusqu’à très récemment, de recommandations diététiques pouvant biaiser les estimations (comme pour les maladies cardiovasculaires ou le diabète). Les études prospectives restent cependant plus fiables, bien que souvent associées à une faible puissance statistique due au faible nombre des cas incidents, ceci pouvant expliquer l’absence d’association souvent observée dans ces études.