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Encadré 1.1-3. L'étude EPIC

1.4. Fruits et légumes et cancers

1.8.1. Allergies aux fruits et légumes

Christophe Dupont

La réaction allergique décrit une réactivité immunologique aux protéines présentes dans les aliments. Cette réactivité est en général médiée par des immunoglobulines spécifiques, les IgE, et plus rarement par des mécanismes immunologiques non IgE médiés. Les protéines responsables sont propres à chaque aliment, et responsables de symptômes variables, dont le plus sévère est le choc anaphylactique.

Il existe aussi, pur les fruits et légumes, une réactivité croisée avec les pollens : un sujet allergique à un pollen pourra manifester une réaction clinique lors de l’ingestion d’un fruit ou légume dont les protéines comportent des similitudes.

Il semble exister une forte progression du nombre des allergies aux fruits et légumes, qui représentent maintenant près de 60% des cas d'allergies alimentaires tous âges confondus (Deviller and Pauli, 1997).

1.8.1.1. Les allergènes des fruits et légumes

Le séquençage du génome du modèle d’espèce Arabidopsis montre qu’il existe un codage d’environ

25 000 protéines qui, sur la base de leurs fonctions, peuvent se classifier en protéines structurelles et métaboliques, en protéines de protection, qui défendent la plante contre l’invasion des pathogènes ou des parasites et les protéines de stockage, qui fournissent un support nutritionnel à la germination dans les graines. Les protéines qui déclenchent le développement des réponses allergiques au travers du tractus digestif appartiennent essentiellement à deux grandes super familles (Breiteneder and Radauer, 2004; Mills, Jenkins et al., 2004).

La super famille des prolamines comprend les trois groupes majeurs d’allergène végétaux, les albumines, les protéines de transfert lipidique et les inhibiteurs d’alpha amylase et de trypsine de céréales, qui ont des structures liées et sont stables lors des processus thermiques et de la protéolyse. Ce dernier groupe inclut des allergènes majeurs de la noix du Brésil, de l’arachide, des fruits comme les pêches et des céréales comme le riz et le blé.

La super famille des cupines comprend la majorité des globulines, protéines de stockage d’un grand nombre de végétaux. Les globulines sont également des allergènes retrouvés dans les aliments végétaux comme l’arachide, le soja, et la noisette.

La famille des cystines protéases C1 comprend les protéases de type papaye venant des microbes, des plantes ou des animaux. Cette famille contient deux allergènes notables qui sensibilisent au travers du tractus digestif, notamment l’actinidine du kiwi et l’allergène du soja Gly m Bd 30k/P3.

Il est actuellement possible de définir les protéines de structure et la relation au cours de l’évolution de ces familles de protéines de l’allergène qui leur appartient, et de discuter le rôle de la structure protéine dans la détermination de l’allergénicité protéique.

1.8.1.2. Le choc anaphylactique

. Le choc anaphylactique

Le choc anaphylactique est l’une des trois manifestations potentiellement létales de l’allergie, à côté de l’angio-œdème laryngé asphyxique et de l’asthme aigu grave (Moneret-Vautrin, 2007). Le choc

correspond à une hypotension systolique majeure (collapsus). Si le terme français souligne le collapsus, élément majeur de la gravité de l’anaphylaxie, les auteurs anglo-saxons l’englobent plus volontiers sous le terme général d’anaphylaxie sévère, définie par l’atteinte d’au moins deux organes et pouvant être dominée par l’asthme aigu grave ou par l’angio-œdème laryngé.

. La fréquence de l’anaphylaxie sévère

L’anaphylaxie sévère touche 1 à 3 personnes sur 10 000, le chiffre paraissant plus élevé aux Etats-Unis, avec une létalité de 0,6 à 2%, soit une mort par million d’habitants (Moneret-Vautrin, 2007). Il existe, depuis une dizaine d’années, une importante augmentation de fréquence de l’anaphylaxie de toute origine, d’un facteur 2 à 5, d’après les études anglaise, australienne et française. Aux Etats-Unis, l’anaphylaxie alimentaire motive 29 000 passages annuels dans les services d’urgence et rend compte de 125 à 150 décès par an. (Moneret-Vautrin, 2007).

La part de l’allergie alimentaire au sein de l’anaphylaxie sévère est très variable selon les études : de 9 à 38% selon les grandes séries publiées. Si l’allergie alimentaire est trois fois plus fréquente dans la population pédiatrique que dans la population adulte, le choc anaphylactique est plus rare que dans cette population que chez l’adulte : 4,9% des allergies alimentaires de l’enfant contre 30% chez l’adulte. La fréquence dépend de l’âge : les données du Centre d’investigations cliniques et biologiques en allergologie alimentaire (Moneret-Vautrin, 2007) portant sur 974 enfants allergiques alimentaires montrent une incidence du choc anaphylactique de 3,4% entre 1 et 3 ans, de 6,4% entre 3 et 6 ans et de 17,8% entre 6 et 15 ans.

. Les aliments en cause

La place de l’arachide et des fruits à coque est universellement reconnue. Le tableau 1.8-1 communique la situation en France, où l’arachide, la noix de cajou, les laits de vache et de brebis, la farine de lupin attirent plus particulièrement l’attention.

Tableau 1.8-1. Etiologie de 110 cas d’anaphylaxies sévères de l’enfant déclarées par le Réseau d’Allergo-Vigilance (2002-2005)

Allergènes identifiés n %

Arachide 27 24,5

Fruits secs à coque 29 26,4

Noix du Brésil 2 Noix de cajou 14 Noix 5 Noisette 2 Pistache 2 Pignon de pin 3 Châtaigne 0 Amande 1 Lait de vache 18 16,3 Lait de chèvre 12 Lait de brebis 3 Crustacés (crevette) 6 Légumineuses 5 4,5 Soja 2 Farine de lupin 2 Lentilles 3 Mollusques (escargot) 5 4,5 Viandes 3 2,7

Volaille (dinde, pintade) 1

Porc 1 Bœuf 1 Sarrasin (croisant avec le latex) 2 1,8

Céleri 3 2,7

Farine de blé 1 0,9

Œuf 1 0,9

Les habitudes régionales de consommation ont des répercussions sur le rang des aliments : par exemple, moutarde et kiwi sont plus fréquemment incriminés dans le Sud-Ouest. La place des allergènes masqués, non étiquetés, échappant à la vigilance parentale, qui était de 12% en 2002 et qui est actuellement chiffrée à 19% des cas, est préoccupante. Les oléosines sont des allergènes majeurs récemment identifiés. Elles ont été responsables d’un choc anaphylactique sévère chez une enfant induit par un arôme dont le support était l’huile de sésame.

1.8.1.3. Le syndrome d’allergie orale

. Le syndrome d’allergie orale (OAS)

Le syndrome d’allergie orale (OAS) est une réaction immunologique à certaines protéines dans une variété de fruits, légumes et noix, qui se développe chez certains sujets présentant une allergie au pollen et touche préférentiellement la bouche et la gorge. Ces réactions ne sont pas liées aux pesticides ou aux métaux lourds.

. Les personnes touchées et les pollens impliqués

L’OAS est presque toujours précédé par le rhume des foins et tend à survenir chez l’enfant comme chez l’adulte. Il est habituellement associé aux allergies au pollen de bouleau mais peut aussi toucher les sujets allergiques aux pollens de graminées, à l’ambroisie (plus fréquent en Amérique du Nord) et à l’armoise (plus fréquent en Europe). Ces réactions peuvent survenir à toute époque de l’année mais sont souvent plus fréquentes au cours de la saison pollinique.

A titre d’exemple, 50 à 70% des allergiques au pollen de bouleau sont sensibilisés aux fruits et aux légumes de la famille des Rosacées (pommes, cerises, pêches, abricots) et des Bétulacées (noisettes), et 50% des allergiques aux Composées (armoise et ambroisie) ont une sensibilisation au céleri.

. Les aliments impliqués

Les aliments impliqués dans l’allergie croisée au bouleau, l’armoise, l’ambroisie et les graminées sont listés dans le tableau 1.8-2. La plupart des réactions sont déclenchées par les aliments crus, puisque les protéines allergéniques sont habituellement détruites par la cuisson (elles sont labiles à la chaleur). Les principales exceptions sont le céleri et les fruits à coque, qui peuvent déclencher des réactions même après cuisson. Certaines parties de la plante, comme la peau, sont plus allergéniques que d’autres, mais les caractéristiques allergiques de certains fruits semblent diminuer pendant la conservation. Les aliments associés à l’OAS qui peuvent aussi déclencher des réactions anaphylactiques sont le kiwi, la noisette, la pomme de terre, le céleri, le persil, les haricots, et le cumin.

On décrit aussi les syndromes identifiés : "bouleau-armoise-céleri", "pollens de graminées-tomate", "ambroisie-melon-banane", "céleri-épices", "ambroisie-kiwi", "pollens de graminées-pollens de céréales", et les allergies croisées entre les différentes légumineuses : pois-soja", "arachide-lentilles", "arachide-lupin".

. Les bases de la réactivité pollens-aliments

Ces associations d'allergies alimentaires et polliniques sont expliquées par des communautés antigéniques : les profilines, protéines du cytosquelette végétal communes à ces différents végétaux ainsi qu'au latex, lui-même d'origine végétale (Radauer and Breiteneder, 2007).

On invoque aussi le rôle de diverses protéines communes à différents végétaux : protéine PR, protéines de transfert lipidique, protéines de stress (mises en jeu lors d'agressions infectieuses ou parasitaires), panallergène de 60 kDa commun à de nombreux végétaux susceptible d'expliquer l'apparition d'allergies inattendues à des aliments nouvellement introduits. Les chitinases de classe I sont des allergènes (30 à 45 kDa) impliqués dans les réactions croisées entre le latex et les fruits (avocat), mais pas dans les allergies isolées au latex ou aux fruits.

. Les symptômes et leur apparition

Les symptômes comprennent le prurit et le gonflement des lèvres, de la bouche et de la gorge, la conjonctivite, le nez qui coule et les éternuements. Pour certains sujets, le simple fait de toucher le fruit ou de le peler peut entraîner une éruption (rash), un prurit ou un gonflement lorsque le jus touche la peau.

Des réactions plus sérieuses peuvent prendre la forme de papules d’urticaire ou de gonflement du pharynx et des voies respiratoires. Dans de rares cas, des réactions allergiques sévères ont été rapportées sous la forme de vomissement, de diarrhée, d’asthme, d’urticaires généralisées et de choc anaphylactique. Les symptômes se développent dans les minutes qui suivent la consommation ou l’approche de l’aliment, beaucoup plus rarement plus d’une heure plus tard.

Tableau 1.8-2. Aliments les plus fréquemment associés aux allergies aux pollens de bouleau, d’ambroisie, de graminées et d’armoise

Allergie au type

de pollen Peut aussi déclencher une réaction allergique à ces aliments :

Bouleau Fruits : kiwi, pomme, poire, prune, pruneau, pêche, nectarine, abricot, cerise

Légumes : céleri, carotte, panais, persil, aneth, anis, cumin, coriandre, fenouil, pomme de terre, tomate, poivron vert, lentilles, pois, haricot, cacahuète

Noix : noisette, noix, amande Graines : tournesol

Ambroisie Fruits : banane, pastèque, cantaloup, honeydew Légumes : courgette, concombre

Graminées Fruits : melon, pastèque, tomate, orange, kiwi Armoise Fruits : pomme, pastèque, melon

Légumes : céleri, carotte

1.8.1.4. Les réactions allergiques non IgE-médiées

Certains enfants présentent au cours des premières années de la vie un état de poly-allergie alimentaire, au cours duquel une alimentation extrêmement restrictive est seule tolérée. Ces poly-allergies alimentaires peuvent toucher tous les aliments, notamment les céréales, fruits et légumes. Elles ne s’associent pas obligatoirement à un mécanisme IgE-médié et le seul moyen diagnostic est la réalisation de patch tests, au cours desquels l’application sur la peau de l’aliment pendant 48 heures permet de déclencher une réaction locale retardée, à l’image de la réaction retardée induite par l’ingestion de l’aliment chez l’enfant.

Les symptômes de ces poly-allergies alimentaires chroniques associent la survenue d’un malaise général au cours de l’ingestion de l’aliment, des vomissements et de la diarrhée à répétition.

Le traitement de cette poly-allergie alimentaire est l’utilisation pendant une période parfois relative-ment longue de formules à base d’acides aminés, dont la consommation par l’enfant est prolongée jusqu’à l’apparition d’une tolérance qui survient généralement au-delà de l’âge de 3 à 4 ans.