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De la vallée de l’Ohio à l’espace transocéanique

ET AU MILIEU COULE UNE RIVIERE

5. Français ou Américains ?

5. 1. La présence française dans le Corridor Créole

On assimile la plupart du temps l’Amérique coloniale à la présence anglaise dans les treize colonies. La réalité est moins réductrice et plus complexe : au cours des XVIe et XVIIe siècles, les Espagnols fondent des établissements sur le sol des États-Unis. La colonie de San Agustin (Saint Augustin) voit ainsi le jour en 1565. En un siècle, la domination espagnole s’étend aux actuels États de la Floride, du Texas, de la Californie et à une grande partie de l’ouest des États-Unis.

Les Français, quant à eux, pénètrent le continent nord-américain par le Nord, en remontant le fleuve Saint-Laurent. L’expédition de Jolliet et Marquette en 1672 leur ouvre le Mississippi, et dix ans plus tard, le sieur de La Salle atteint le golfe du Mexique. Depuis Québec, la présence française s’étend sur un immense territoire, de la baie d’Hudson jusqu’aux « Grandes Plaines centrales », un territoire nommé Louisiane en l’honneur du roi de France. À l’orée du XVIIIe siècle, des colonies françaises sont établies au sud, à Biloxi et Mobile, ainsi qu’à Fort Pontchartrain (Detroit), au nord du territoire. La vallée moyenne du Mississippi est également investie : Les jésuites s’installent à Cahokia en 1698, et à Kaskakia en 1700. Les deux rives du Mississippi moyen forment le pays des Illinois, une région agricole et minière prospère, où les Français s’adonnent à la traite des fourrures. Le commerce se développe

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également au sud et La Nouvelle-Orléans est fondée en 1718. Le premier établissement français d’importance sur la rive ouest du Mississippi sera Sainte Geneviève, créée en 1750.

Mais le premier traité de Paris met un terme à la Guerre de Sept Ans en 1763 et accorde à l’Empire britannique le territoire situé entre les treize colonies et la rive gauche du Mississippi, un territoire précédemment occupé par l’Espagne et la France. Le second traité de Paris, en 1783, fait de la partie est du Mississippi un territoire américain et les Espagnols en occupent la partie ouest. Même si la Louisiane redevient brièvement française en 1800 suite au traité de San Ildefonso, le Louisiana Purchase en fera définitivement un territoire américain en 1803. La fin du XVIIIe siècle est donc une époque des bouleversements, la fin des empires coloniaux ayant pour conséquence une extrême mouvance des frontières dont témoignent les cartes proposées ci-après :

Carte 17 : Les grands empires coloniaux avant 1763 (Crédit international.loc.gov)

Carte 18 : Possessions espagnoles et britanniques en 1763 (Crédit international.loc.gov)

Carte 19 : Extension des États-Unis suite au traité de Paris (1783) (Crédit international.loc.gov)

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Carte 20 : Les États-Unis après le rachat de la Louisiane en 1803 (Crédit international.loc.gov)81

La présence française demeure cependant solidement ancrée le long de ce que l’historien Jay Gitlin a pu nommer le « Corridor Créole ». Les deux mots composant cette expression qui fait autorité nécessitent explication. Le mot corridor en américain est un faux- ami : il correspond plutôt au français axe, ou mieux encore au mot couloir dans son acception géographique. Les définitions du mot créole sont nombreuses. Au XVIe siècle, sont créoles les Européens nés dans les colonies de parents européens. Mais au début du XVIIe siècle, le sens du mot s’élargit pour désigner les personnes d’ascendance indienne, africaine ou européenne, nées dans les colonies. Nous préfèrerons une acception encore plus large : est créole celui qui est né dans une colonie, de parents venus d’ailleurs ; et nous appellerons « créolisation » le processus de création, suite à un métissage, d’une culture nouvelle qui émerge dans un milieu nouveau. Sont ainsi créoles les Français nés en Amérique de parents français, les métis issus de l’union d’un Français et d’une personne d’origine ethnique différente (afro-américain ou amérindien), ou encore les « Canadiens », plus exactement les Canadiens-français, dont les ancêtres, pour la plupart, sont des colons installés en Nouvelle-France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Tous ne se considèrent peut-être pas comme créoles, mais tous contribuent à la création d’une culture nouvelle, tous participent à la présence française et francophone en Amérique du Nord. Tels sont les habitants du Corridor Créole, établis sur un axe Nord-Sud, le long des vallées du Missouri et du Mississippi, depuis Fort Pontchartrain (Detroit) et la région

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des Grands Lacs jusqu’à La Nouvelle-Orléans et le golfe du Mexique82. Avant le traité de Paris de 1763, explique Tangi Villerbu, « l’unité politique joue un rôle majeur, quand la très grande majorité des locuteurs du français sont ensemble sous la même souveraineté française. Mais après cette date, quand l’Amérique française vit à la fois une expansion spatiale et démographique, elle se construit en relation avec d’autres réalités. 83»

La carte proposée ci-après présente les différents lieux et dates d’implantation de cette présence française le long du Corridor Créole. Il semble important de préciser que les Canadiens français étaient établis de longue date le long du Saint-Laurent et dans la région des Lacs, hauts-lieux du commerce de la fourrure. Ce second axe d’implantation forme, avec le Corridor Créole, ce que nous nommons le couloir canado-antillais, eu égard à l’extension progressive de la présence française dans les Antilles, en Martinique, en Guadeloupe, puis à Saint-Domingue, depuis le milieu du XVIIe siècle. Cet axe se superpose naturellement au cours des fleuves Saint-Laurent et Mississippi et à celui de la rivière Ohio, ainsi qu’à la région des Grands Lacs. Les Français sont ainsi établis depuis Québec et les Grands Lacs au nord jusqu’à La Nouvelle-Orléans et les Antilles au sud, via le Mississippi et le golfe du Mexique. Lorsque le traité de Greenville ouvrira la vallée de l’Ohio et le pays des Illinois à la colonisation au-delà des Appalaches à partir de 1795, la Belle Rivière connectera la côte Est au Grand Fleuve et intègrera complètement le couloir canado-antillais. On notera enfin, outre la présence des treize colonies britanniques bordant la côte Est, une implantation espagnole qui se développera dans le sud autour d’Espiritu Santo, de Pensacola et de Saint-Augustine. Au sud- est de la carte, on distingue, comme une promesse d’expansion commerciale, une partie des Caraïbes.

82 Sur la question créole, on pourra lire GITLIN Jay, The Bourgeois Frontier : French Towns, French Traders, and American Expansion, New Haven, Yale University Press, 2009, CONFIANT Raphaël, « La créolité contre l'enfermement identitaire », Multitudes, vol. no 22, no. 3, 2005, p. 179-185, KEIN Sybil, Creole: The History and Legacy of Louisiana's Free People of Color, Louisiana State University Press, 2009, http://academicworks.cuny.edu/cc_etds_theses/271 [Consulté le 2 mars 2018], ZAMI Lionel, "The white Creoles of Saint Domingue facing Revolution", Master of Arts 2014, CUNY Academic Works, academicworks.cuny.edu/cc_etds_theses/271 [Consulté le 2 mars 2018].

83 VILLERBU Tangi, « Introduction », TEASDALE Guillaume et VILLERBU Tangi (Dir.), Une Amérique française, op. cit., p. 9-10.

83 Présence britannique Présence française Présence espagnole Corridor créole Couloir canado-antillais Cours de l’Ohio

Carte 21 : Empires coloniaux et lieux de métissage avant 1763 (Denis Vaugeois, America, Septentrion, 2002, MD)

Selon Colin Galloway, l’année 1763 marque le terme d’une période durant laquelle les Français ont construit leur empire nord-américain sur un réseau d’alliances soigneusement entretenues avec les Indiens avec lesquels ils ont la réputation de faire de bonnes affaires. Ils ne peuvent qu’entretenir de bonnes relations avec un peuple dont ils pénètrent le monde, un monde dont la domination permet la réalisation d’un grand projet : celui de relier les établissements du Canada à ceux de l’Illinois et de la Louisiane. Les Français restent cependant faiblement implantés dans l’Ouest et n’y possèdent que de petits établissements, « la présence française consistant en de petits postes de commerce de la fourrure, généralement quelques bâtiments de rondins entourés d’une palissade. 84» Tout est différent après la signature du traité qui permet à l’Angleterre d’étendre son hégémonie à la Nouvelle France, aux Grands Lacs et à la rive est du Mississippi. George Crogham visite Detroit en 1765, lors d’une ambassade auprès de Pontiac.85 Il y est frappé par la présence d’une communauté

84 GALLOWAY Colin G., The Scratch of a Pen, 1763 and the transformation of North America, New York, Oxford University Press, 2006, p. 124, trad. MD.

85 On pourra lire à ce propos : CANGANY Catherine S. : Frontier Seaport: Detroit’s Transformation into an Atlantic Entrepôt, Chicago, University Of Chicago Press, 2014, et TEASDALE Guillaume, «The French of Orchard Country: Territory, Landscape, and Ethnicity in the Detroit River Region, 1680s-1810s», thèse de doctorat, Université York de Toronto, 2010.

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française, qui, par indolence, tire difficilement parti d’une terre pourtant riche au bord de la rivière :

« Les Français sont bien implantés dans la région, leurs plantations s’étendent généralement sur 3 ou 4 acres de large près de la rivière et 80 en profondeur ; le sol est bon et produit beaucoup de grains. Ce sont généralement de pauvres miséreux, […] un peuple paresseux, désœuvré, dépendant principalement des sauvages pour sa subsistance. 86»

Le plan de la ville de Detroit, présenté ci-après et dessiné par le lieutenant John Montresor à l’automne 1763, rend parfaitement compte de l’existence de nombreuses parcelles rectangulaires, de chaque côté de la rivière. Sur la rive gauche, la ville est protégée par des palissades et par des avant-postes jouxtant les villages indiens.

Document 3 : La ville de Detroit en 1763 (Clements Library, University of Michigan)

Crogham conclut sa description en insistant sur la permanence d’une communauté française dont le tissu interethnique demeure intact : « Ils ont à peine de quoi subvenir à leurs besoins, à l’image des Indiens, dont ils ont totalement adopté les us et coutumes, et ils ne peuvent subsister sans eux. Hommes, femmes et enfants parlent parfaitement bien la langue indienne. 87» La partialité du jugement tient au fait que Crogham voit en ces Français d’anciens

86 GALLOWAY Colin G., op. cit., p. 126, trad. MD. 87 GALLOWAY Colin G., op. cit., p. 127, trad. MD.

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ennemis compromis, dans le cadre du commerce des fourrures, avec des « sauvages » dont ils ont appris la langue, copié l’indolence, et souvent, épousé les femmes.

La situation politique a bien changé lorsqu’Alexis de Maisonville, un Français établi dans le comté de Kent dans le Haut-Canada (le futur État d’Ontario), décide de faire parvenir trente boisseaux de farine à un autre résident français, James Baby, établi de l’autre côté de la rivière Detroit. Nous sommes en juillet 1808, les jeunes États-Unis d’Amérique contrôlent le sud de la région et une banale transaction commerciale va se transformer en bataille juridique internationale. Le modeste fermier français du Canada, entendant faire valoir son droit au titre de la tradition commerciale et contrairement à la loi fiscale récemment instituée par les États-Unis, aura finalement gain de cause. La Cour Suprême du Territoire du Michigan, au nom du droit coutumier, autorisera les Français du Haut-Canada à transporter librement leurs céréales à Detroit. La présence et l’influence de la communauté française dans un « espace partagé » sont donc provisoirement sauvegardées. Catherine Cangany, qui a consacré de nombreuses recherches à cette ville qui deviendra un « port de mer de la frontière » et un « entrepôt atlantique », précise, à propos de ce différend, que « la culture et l’économie locales, qui prévalaient cinquante ans après la fin du système français, n’avaient pas à être soumises aux décisions d’un gouvernement, ni à être bornées par les frontières d’un empire. 88» Elle envisage plutôt la région de Detroit comme « une sorte de middle ground politique et culturel, un espace partagé dans lequel les autochtones et les Européens de diverses origines négociaient, s’adaptaient, et parvenaient à s’entendre. 89»

Lorsque Volney, au cours des dernières années du XVIIIe siècle, visite le Poste de Vincennes, les anciennes possessions britanniques sont récemment passées aux mains des États-Unis, et le voyageur-philosophe dresse le portrait, en tous points antinomique, du colon français et du pionnier américain. Estimant vouée à l’échec toute entreprise de colonisation française, Volney livre un tableau, tout aussi désolant que celui dressé par Crogham, de la situation des colons français victimes du bouleversement des empires coloniaux et de l’administration toute militaire des territoires nouvellement conquis :

88 Nous empruntons ces termes à l’article de CANGANY Catherine, in : Une Amérique française 1760-1860…, p. 41, op. cit., trad. MD.

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« Dès mon entrée, je fus frappé de voir l’auditoire partagé en deux races d’hommes totalement divers de visage et d’habitude de corps ; les uns ayant les cheveux blonds ou châtains, le teint fleuri, la figure pleine, et le corps d’un embonpoint qui annonçait la santé et l’aisance ; les autres ayant le visage très maigre, la peau hâve et tannée, et tout le corps comme exténué de jeûne, sans parler des vêtements qui annonçaient la pauvreté. […] D’après les récits des Américains et des Canadiens, pareil état de choses a lieu dans les établissements illinois et de la haute Louisiane ; le découragement, l’apathie, la misère, règnent également chez les colons français de Kaskakias, de Cahokias, de la Prairie du Rocher, de Saint-Louis, etc. ; la nature du gouvernement y a contribué […] en ce que le régime, d’abord français, puis espagnol, étant purement militaire, […] il n’existe aucune liberté, ni de commerce, ni de propriété. 90»

Le jugement de Volney paraît cependant bien sévère. En effet, mus par un étonnant esprit d’entreprise, Pierre Laclède et son beau-fils Auguste Chouteau quittent La Nouvelle- Orléans en 1763 et choisissent, pour développer leur commerce de fourrures avec les tribus indiennes, un site commercialement stratégique en territoire espagnol, au sud du confluent du Mississippi et du Missouri : la ville de Saint-Louis était née. L’écrivain Washington Irving qualifiera d’ « hétéroclite » sa population composée de coureurs des bois, de commerçants, de bateliers, d’Indiens, de métis et de descendants des colons français91. Le caractère français de la cité demeurera cependant longtemps marqué dans l’urbanisme, l’architecture, la religion, les coutumes et la langue. Mais le dynamisme et le développement de la ville de Saint- Louis durant la seconde moitié du XVIIIe siècle sont dus à la famille Chouteau qui, à partir de 1764, utilise les services des Indiens et collecte la très précieuse fourrure dans toute la région. Auguste et Pierre Chouteau connaissent particulièrement bien les Osages dont ils ont étudié la langue et les coutumes depuis leur adolescence. Frederick Fausz, cité ici par Sonia Toudji, a établi que les principales raisons pour lesquelles les Osages accordaient leur confiance aux deux frères étaient qu’ « ils pouvaient penser, parler et vivre comme eux. 92»

La vente de la Louisiane par Napoléon en 1803 va permettre l’extension des États-Unis au-delà du Mississippi. L’Ouest ne sera ni espagnol, ni britannique, ni français : il sera américain. En 1815, suite à la guerre opposant les États-Unis et l’Angleterre, les frontières seront définitivement fixées dans la région des Grands Lacs. Le traité de Pinckney, signé par

90 VOLNEY Constantin, op. cit., p. 705-706.

91IRVING Washington, A tour on the Prairie, Paris, Galignani, 1835, p. 4. 92TOUDJI Sonia, in : Une Amérique française 1760-1860…, p.215-216, trad. MD.

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l’Espagne et les États-Unis en 1796, permet la libre circulation sur le Mississippi jusqu’à La Nouvelle-Orléans et contribue à mettre le jeune État-nation en relation avec le monde.

L’usage de la langue française est un marqueur important de la présence française dans l’Amérique du Nord du XVIIIe siècle. La Basse Louisiane et La Nouvelle-Orléans, terre d’accueil des réfugiés de Saint-Domingue à partir de 1791, ont maintenu l’usage du français durant les XVIIIe et XIXe siècles, malgré la domination espagnole et la vente du territoire aux États-Unis. Nathalie Dessens évoque à ce propos le fait qu’en 1832 « le journal Le Courrier de la Louisiane publiait toujours, dans les deux langues, les lois votées par le Congrès des États-Unis. 93» De même, l’instituteur Charbonnier met au point, en 1830, une méthode d’apprentissage du français destinée aux francophones, qui permet aussi « aux étrangers a leur apprendre par sa simple méthode et ses bons principes la langue française correctement et promptement qu’il en a eu un très grand débit dans cette ville. 94» La francophonie constitue donc un indicateur puissant du maintien de liens culturels importants avec la France, et « le XIXe siècle témoigne d’un balai incessant d’allers et retours entre La Nouvelle-Orléans et la France, du maintien d’intérêts commerciaux forts entre l’ancienne colonie et son ancienne métropole, de l’intérêt persistant des francophones pour la politique française. 95»

Mais les réseaux se tissent à différents degrés : celui des commerçants francophones de la vallée de l’Ohio se connecte au couloir canado-antillais. Pour preuve, l’activité débordante de Joseph Barbaroux. Cet ancien colon de Démopolis installé à Louisville, où il veille de très près aux affaires de son beau-père Martin-Picquet, envisage d’élargir prochainement sa zone d’action jusqu’au confluent du Mississippi et du Wisconsin, situé à quelque huit cents miles au nord de Louisville par voie d’eau :

« Vous me croyiez au haut du Mississipi pour aller à la Prairie du Chien, voyage que je désirerais beaucoup à entreprendre et que j’ai encore essayé, mais vainement, lorsque j’étais dernièrement à Saint-Louis. Les 3 Rapides qui (sic) faut passer m’en ont empéché, les eaux étaient trop basses, ce voyage aurait été très lucratif & pas du tout si long que l’on s’imagine, il ne faudrait pas plus de 20 à 25 jours pour aller & revenir. 96»

93DESSENS Nathalie, in : Une Amérique française 1760-1860…, p. 91, 92, 94-95. 94DESSENS Nathalie, op. cit., ibidem.

95DESSENS Nathalie, op. cit., ibidem.

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Au moins aussi ancien que l’histoire nationale américaine, le phénomène migratoire est indissociable de la colonisation. Si le substantif immigrant est employé pour la première fois dans l’American Geography97 de Jedidiah Morse parue en 1789, le verbe to immigrate appartient depuis longtemps à la langue anglaise. Colons venus d’Angleterre ou Amérindiens, les premiers habitants de l’Amérique sont tous des immigrants ou des descendants d’immigrants.

La présence française en Amérique du Nord remonte au début du XVIe siècle : les expéditions de Jacques Cartier au Canada et en Floride ont pour but de trouver un passage vers les Indes. Au XVIIe siècle, Samuel de Champlain développe le commerce de la fourrure, Jolliet et Marquette remontent le Mississippi, et en 1697, par le traité de Ryswick, l’Espagne cède à la France la partie occidentale de l’île de Saint-Domingue. Entre Louisiane et Grands Lacs, les établissements français jalonnent « le Corridor Créole ».98 La fin des empires coloniaux et l’extension des États-Unis au-delà des Appalaches au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, s’ils amenuisent l’importance relative de cette présence, sont loin de la réduire à néant, du fait des flux successifs des migrations anglo-américaine et européenne qui augmentent très sensiblement la population de la jeune république99.

La plupart du temps, les Français s’installent d’abord sur la côte Est pour élargir par la suite le champ de leurs investigations à la Louisiane, aux Antilles ou à la vallée de l’Ohio. Peut- on parler à leur égard d’acculturation et d’assimilation ? La présence de Français installés de longue date dans ces régions favorise par « créolisation » l’émergence d'une culture nouvelle dans ce milieu nouveau. Américains, Français et Créoles s’enrichissent de leurs similitudes et diversités dans une relation qui, selon Jean-François Blanchard « s’inscrit dans une dynamique