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2. VERS UNE RECHERCHE-INTERVENTION

2.2. Formats de recherche correspondant aux critères évoqués

D’une manière générale, mon projet s’inscrit dans la lignée de la RA telle que présentée plus haut. Il s’agit en effet d’intervenir en institution, pour faire face à une problématique donnée (les problèmes d’écriture des étudiants et la charge d’accompagnement individuel dans l’écriture des mémoires que cela implique), avec une dimension participative. Si l’on s’en tenait, par exemple, à la classification proposée par Gauthier, on pourrait tendre vers la RA « évaluative » (1992, p. 529), qui « valorise un cadre de compréhension dans une recherche entreprise par le chercheur » (Ibid.). Toutefois quelques nuances émergent qui m’incitent à préciser le cadre envisagé et à situer mon projet en regard de certains types de recherche, proches ou issues de la RA, mais qui s’en démarquent néanmoins par certaines nuances de finalité ou de méthodologie.

2.2.1. Recherche-développement

Je peux par exemple évoquer une dimension de développement. En effet, je souhaite m’inscrire dans le prolongement de « l’atelier d’écriture de loisir didactisé »

de Lafont-Terranova (2014a) et j’envisage de mettre à profit ce projet de recherche pour explorer, développer ou affiner certains outils de l’atelier. Ensuite je souhaite investir plus spécifiquement l’axe du rapport à l’écriture (Barré-de Miniac, 2001, 2008; Chartrand et Blaser, 2008) et tenter d’éveiller ou favoriser une CRÉ (Beaufort, 2007; Rinck, 2012; Russel et al., 2009; Wardle, 2009), c'est-à-dire trouver des moyens de concrétiser ces visées en développant des outils spécifiques. Pour autant, je ne saurais attribuer à mon projet le qualificatif de recherche-développement (Loiselle et Harvey, 2007, 2009; Van der Maren, 1999), car, dans le cas présent, il ne s’agit pas de mener à terme le développement d’un produit fini, qui serait opérationnel à l’issue de la recherche, réutilisable en l’état et qui répondrait à une demande institutionnelle précise.

A ce stade, je ne peux affirmer que les problèmes posés (les difficultés d’écriture des étudiants et le temps important consacré à l’accompagnement individuel des rédactions de leurs mémoires), relèvent exclusivement de l’absence d’un outil et donc de son développement. Pour moi, il s’agit plutôt d’observer ce qui se passe lors de la mise en œuvre d’un dispositif en évolution, d’expérimenter celui-ci dans un milieu spécifique et d’observer les manifestations que génère cette mise en œuvre.

2.2.2. Recherche collaborative

Mon projet de recherche pourrait également se reconnaitre dans les visées d’une recherche collaborative. Toutefois, certains paramètres ne concordent pas avec cette dernière: si mon projet inclut une dimension participative, celle-ci ne constitue pas pour autant un élément central de la recherche.

La recherche collaborative met l’acteur de terrain au centre du projet, c’est sa pratique professionnelle qui est objet d’étude, c’est d’elle que sont extraites les nouvelles connaissances (Desgagné, 1997). Il s’y produit une co-construction de savoirs au sein de laquelle le chercheur tient avant tout un rôle d’accompagnateur du processus d’extraction de connaissance (Lenoir, 2012; Morrissette, 2013). D’une

certaine façon, la recherche-collaborative devient un instrument de formation continue des praticiens (Desgagné, Bednarz, Lebuis, Poirier et Couture, 2001).

Or, ma recherche, d’une part, ne porte pas sur la pratique des acteurs ni n’étudie l’accompagnement individuel des étudiants tel qu’il est mené par les enseignants concernés; plus encore, il y a introduction par le chercheur d’un dispositif extérieur au programme habituel de la formation. D’autre part, mon projet ne se donne pas comme objectif central d’accompagner des praticiens dans une démarche d’analyse de leur pratique, ni à faire d’eux des chercheurs, fut-ce le temps d’une recherche. Même si cet objectif n’est pas absent, il n’est pas premier, il s’apparente davantage à un moyen qu’à un but. Par ailleurs, le rôle dévolu au chercheur dans mon projet ne consiste pas à accompagner un processus d’analyse de pratique, mais à en être acteur.

2.2.3. Recherche-intervention

Selon Paillé (2004), la RI est « à la fois intervention au niveau de pratiques problématiques et recherche sur ces pratiques et sur l’intervention menée » (p. 224). Me concernant, la problématique appelant l’intervention est complexe, implique une communauté d’acteurs − les étudiants − et ses manifestations nécessitent d’être mieux cernées, mieux comprises. Pour ces raisons, la dimension exploratoire me semble primer sur la dimension résolutoire. Or, c’est là une des distinctions apportées entre RA et RI : la RA vise à résoudre les problèmes, là où la RI cherche davantage à les comprendre à travers le processus de résolution (Duchesne et Leurebourg, 2012; Méniri et Ponté, 2008).

Les travaux de chercheurs tels que Lafont-Terranova (2008, 2009, 2014a) et Niwese (2010) soulignent déjà les apports indéniables d’un atelier d’écriture en milieu universitaire ou en formation, même si leur travail de recherche est en cours et continue à produire des résultats d’analyse (Lafont-Terranova, 2014a, 2014b; Lafont- Terranova et Niwese, 2014). Donc, pour moi, il s’agit d’inscrire mon projet dans un

mouvement de recherche en plein déploiement et d’observer ce que génère un tel dispositif d’atelier, ou plus précisément une évolution d’un tel dispositif, dans le cadre spécifique de la maitrise en pratiques psychosociales de l’UQAR, visée qui s’accorde là encore avec le profil de la RI.

Par ailleurs, au cœur de mon projet, le chercheur ne se positionne pas comme extérieur au processus de recherche, ni comme accompagnateur de ce dernier, mais bien comme intervenant, par le biais du dispositif d’intervention notamment, de sa conception comme de sa mise en œuvre. La RI soutient en effet que c’est l’implication du chercheur dans l’action qui lui permet d’accéder à certaines informations et de produire une connaissance inatteignable autrement (Méniri et Ponté, 2008). Selon Duchesne et Leurebourg, « le chercheur en RI s’inscrit, pour sa part, comme l’un des éléments déterminants de la démarche instaurée » (2012, p. 5). Il participe même du processus de construction de sens, qu’il infléchit et influence du fait même de son intervention; ainsi, selon Moisdon (2010) : « Les conclusions sont en fait fondées sur l’intime conviction du chercheur, qui se retrouve dans l’arène pour éprouver lui-même les champs de force qui traversent l’organisation et qui la mettent en tension » (p. 217). C’est bien le cas en ce qui me concerne puisque je propose à la communauté concernée un dispositif en réponse à sa problématique, puisque j’œuvre à sa mise en place, puisque que je mène et interprète les observations au cours du processus d’intervention. La RI s’avance donc bien comme le format le plus adapté aux spécificités de mon projet et du terrain dans lequel il va prendre place, aussi vais- je maintenant préciser sa définition et ses modalités.