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1. LA RECHERCHE-ACTION : DÉFINITION ET MODALITÉS

1.2. Définition et caractéristiques de la recherche-action

De manière générale, « La recherche-action est une stratégie d’intervention dynamique à caractère social; elle vise donc principalement le changement au travers d’une démarche de résolution de problèmes susceptible de contribuer à améliorer une situation jugée problématique » (Morrissette, 2013, p. 37. Dans cette définition, c’est le processus de changement, de résolution d’un problème qui est mis en avant ; pour autant, la dimension de production de connaissances n’est pas absente de la RA, celle-ci devant articuler visée de changement et visée de compréhension :

La recherche-action est une action politique en quête de savoir. Elle articule au sein d’un même modèle les visées de la politique (approche praxéologique) et une approche scientifique. Dans le premier cas, on recherche la prévision; l’approche est réalisée pour agir; elle est un instrument singulier de maîtrise de l’interaction complexe en vue de provoquer le changement. Dans l’autre cas, on vise la prédiction; l’approche est réalisée pour connaître; elle est un instrument universel de bornage causal des interactions complexes pour analyser le changement. Les deux logiques sont donc d’orientation différente et ont longtemps été dissociées, opposées. La recherche-action tente de les confronter pour mieux pénétrer la complexité : accroître le savoir par l’action et rendre l’action plus efficace par le savoir. (Pourtois et al., 2013, p. 27)

En fait, le processus lui-même de résolution du problème devient source de connaissances d’une part, mais aussi, d’autre part, opportunité d’un changement de manière − manière de faire, manière de voir, voire manière de penser. La RA est une recherche interactive, une des interactions se situant entre action et pensée au cours du processus de changement, de résolution du problème initial :

Personnellement, j'opte en faveur d'un changement qui transforme et résout un problème ou le pose sous un nouvel éclairage ; il peut transformer le jugement, la pensée, parce qu'elle est mieux informée. L'action et la pensée sont transformantes. L'action, parce qu'elle pose un problème, suscite souvent des résistances et impose une réalité à la pensée. La pensée parce qu'elle veut être

créatrice profite de forces vives pour procéder à la découverte de solutions. (Morin, 1985, p. 35)

Cette interaction, relevant parfois de la négociation, s’avère un des lieux de production de connaissance, de création et de saisie de nouveaux savoirs, de nouveaux points de vue, pour reprendre un terme que Mezirow (1997) utilise à propos de l’apprentissage transformateur. Finalement, ce qui définit la RA tient pour beaucoup dans la conjonction des trois visées distinctes mais interactives que sont le changement de la pratique, la participation des acteurs et une démarche de recherche :

Nous pourrions maintenant identifier ainsi les trois fonctions possibles de la recherche-action: 1'explication, l'application et l'implication. La fonction d'explication associe la recherche-action aux visées de la recherche fondamentale, soit à la construction de systèmes théoriques. La fonction d'application met en évidence l'élément action et prend souvent la forme de stratégies de résolution de problèmes ou de changements sociaux. La fonction d'implication met en évidence la participation des acteurs et leur formation. (Lessard-Hébert et Goyette, 1988, p. 113)

Ce qui permet à certains chercheurs de préciser différentes finalités et dimensions possibles, conjointes ou non, pour la RA :

Le trait d'union entre recherche et action pourrait être remplacé par les prépositions sur, pour et par. Comme plusieurs chercheurs se réfèrent à la préposition avec pour définir la recherche-action (avec les acteurs, avec l'action), Desroche (1981c) explique ainsi la signification de sur, par et pour dans sa matrice: le sur est un avec de pénétration (comprendre l'action de l'intérieur pour l'expliquer) le pour est un avec de destination (une recherche pour des acteurs présents et futurs) le par est un avec de coopération avec des coefficients variables (p. 212). (Lessard-Hébert et Goyette, 1988, p. 113)

Gauthier (1992) suggère d’ailleurs plusieurs définitions de la RA selon que l’on s’attache à l’un ou l’autre de ses axes comme priorité. La RA se caractérise également par la spécificité de son déroulement, qui ne s’inscrit pas dans le format hypothético-déductif et qui, du fait de son ancrage sur le terrain, doit permettre un processus interactif et non linéaire entre observation, action et réflexion, ce qui

aboutit à un format constitué de récurrences et à une certaine adaptabilité du processus :

Enfin, ce qui est primordial dans la conduite d’une recherche-action, c’est une souplesse relative à la planification de la démarche, relative aux choix méthodologiques. Comme le note Coenen (2001), il est impossible de travailler au début de la recherche à l’aide d’un objectif et d’une problématique fixés dans les moindres détails; la démarche se construit selon les successions de réflexions posées sur l’action, et le problème est redéfini en fonction des nouveaux éclairages qui se dégagent de l’expérimentation continue. (Morrissette, 2013, p. 40)

D’où le déroulement par cycles évoqué par Morrissette : « une démarche de recherche selon une spirale de cycles de planification, d’action, d’observation et de réflexion » (2013, p. 39). C’est ce qui nécessite la souplesse envisagée plus haut; la planification ne pouvant d’emblée être arrêtée de manière définitive :

Il y a place pour des discussions sur les actions à partir des dialogues qui doivent tenir compte des conséquences des actions en cours. Ainsi, le chercheur négocie une planification assez générale des différentes étapes avec le respect des conditions essentielles du déroulement de l'action et de la pensée. En recherche- action, il n'y a pas de doute, la négociation est essentielle. (Morin, 1985, p. 40)

En guise de synthèse, je peux résumer ce qui, d’après Savoie-Zajc (2012), caractérise la RA, « au-delà de la divergence des modèles et des appellations » (p. 74), en cinq dimensions principales : une visée d’amélioration de la pratique, un caractère participatif − « une recherche avec et non une recherche sur » (Ibid.) −, une structure cyclique « en spirale faite d’une succession de boucles constituées par les trois processus de base : l’action, l’observation et la réflexion » (Ibid.), une visée de production de différents types de savoirs, c'est-à-dire des savoirs académiques, des savoirs de pratique et des savoirs d’expérience » (Ibid.) et enfin le développement d’une communauté d’apprentissage. La primauté accordée par le chercheur à telle ou telle caractéristique pourra faire émerger des formes particulières de recherche- action ; par exemple la recherche-action participative ou encore la RI (Allard-Poési et Perret, 2004). On voit donc que la RA se définit notamment par ses visées et sa méthodologie. Elle se caractérise également par les rôles particuliers endossés par le

chercheur, rôles nouveaux rendus nécessaires par la multiplicité des dimensions de la recherche-action.