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La similitude, en terme de réactivité et de sélectivité, des résultats obtenus pour l’hydroarylation d’acétophénones utilisant un précurseur de ruthénium(III) par rapport à ceux observés à partir de ruthénium(II) laisse penser que l’espèce catalytique active est semblable. Ceci implique que le précurseur de ruthénium(III) est réduit au préalable en complexe de ruthénium(II), celui-ci évoluant ensuite en dihydrure de ruthénium(II) puis en complexe de ruthénium(0) selon le mécanisme qui avait été montré précédemment (Partie B.III, p.86).83,84c Or, bien que la réduction de ruthénium(III) en ruthénium(II) ait été largement rapportée dans la littérature,155 il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude mécanistique portant sur cette réduction. Pour notre part, nous avons cherché à montrer la formation intermédiaire de complexes de ruthénium(II) à partir du trichlorure de ruthénium hydraté dans nos conditions réactionnelles.

Dans un premier temps, nous avons cherché à caractériser par RMN du phosphore des complexes de structure RuCl2(PAr3)3. Le complexe RuCl2(PPh3)3 peut être préparé, selon une

méthode décrite dans la littérature, par réaction du trichlorure de ruthénium hydraté avec 6 équivalents de triphénylphosphane dans le méthanol à température ambiante pendant 24h.166 Dans ces conditions, le signal caractéristique du complexe RuCl2(PPh3)3 (δ = 41,4 ppm dans

le chloroforme) a pu être observé en RMN du phosphore (Schéma B-67). La même réaction réalisée avec le ligand P(4-CF3C6H4)3 conduit également à un signal en RMN du phosphore

(δ = 43,6 ppm) que nous avons, par analogie, attribué au complexe RuCl2(P(4-CF3C6H4)3)3

(Schéma B-67).

Schéma B-67 : Caractérisation des complexes de type RuCl2(PAr3)3

Lorsque cette réaction est conduite dans le solvant utilisé pour la réaction d’hydroarylation, le dioxane, dans les mêmes conditions, i.e. en présence de 6 équivalents de ligand à température ambiante pendant 20h, la même espèce est observée que ce soit avec

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T. A. Stephenson, G. Wilkinson, J. Inorg. Nucl. Chem. 1966, 28, 945.

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103 PPh3 ou avec P(4-CF3C6H4)3. Ceci montre donc que la réduction du ruthénium(III) en

ruthénium(II) a également lieu dans ce solvant. De plus, d’après les intégrations,167 il se forme environ 30% de complexe avec le ligand P(4-CF3C6H4)3, tandis que seulement 20% de

complexe sont obtenus avec PPh3. Il semble donc que le ligand P(4-CF3C6H4)3 permette une

réduction plus rapide du ruthénium(III) en ruthénium(II), ce qui pourrait être à l’origine des différents temps d’induction observés précédemment lors du suivi cinétique de la réaction d’hydroarylation en fonction de différents ligands (Figure B-4, p.94).

Nous avons par la suite réalisé cette réaction dans les conditions optimisées. Ainsi, le trichlorure de ruthénium hydraté a été mis en présence de trois équivalents de P(4-CF3C6H4)3

dans le dioxane à 80°C. A cette température, la formation du complexe de ruthénium(II) et plus rapide, et après 1h, le signal caractéristique du complexe RuCl2(P(4-CF3C6H4)3)3 est

détecté en RMN du phosphore, avec une conversion de 48% par rapport à la quantité totale de phosphane (Schéma B-68). Ceci implique que le précurseur de ruthénium(III) est donc bien réduit in situ en complexe de ruthénium(II) dans les conditions de la réaction d’hydroarylation.

RuCl3.xH2O + P(4-CF3C6H4)3

dioxane, 80°C, 1h

RuCl2(P(4-CF3C6H4)3)3

3 éq 48%

Schéma B-68 : Formation d’un complexe de ruthénium(II) à partir de RuCl3.xH2O dans les conditions optimisées pour l’hydroarylation

Dans tous les cas examinés, la formation du complexe de ruthénium(II) s’accompagne toujours de la formation d’oxyde de phosphane. Or, il est envisageable que la réduction de ruthénium(III) en ruthénium(II) soit rendue possible par l’oxydation conjointe du phosphane en oxyde de phophane.158

Cette oxydation pourrait être permise par la présence d’eau (provenant du trichlorure de ruthénium hydraté) dans le milieu.168 Nous avons donc effectué la réaction du précurseur de ruthénium(III) avec trois équivalents de P(4-CF3C6H4)3 dans le

dioxane à 80°C en utilisant le même lot de trichlorure de ruthénium mais « séché » au préalable par chauffage à 200°C sous pression réduite (1 mmHg) pendant 24h. Après 1h de réaction à 80°C, seulement 10% du complexe RuCl2(P(4-CF3C6H4)3)3 sont formés, ce qui

montre que la présence d’eau en faible quantité pourrait intervenir dans la réduction du ruthénium(III) en ruthénium(II).

Schéma B-69 : Utilisation de RuCl3 séché au préalable

Ces expériences préliminaires nous ont permis de montrer que le précurseur de ruthénium(III) peut être réduit in situ en ruthénium(II) qui évolue ensuite selon la voie qui avait été mise en évidence dans le cas du [RuCl2(p-cym)]2. Néanmoins, la participation du

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Ce calcul a été réalisé en considérant que seul le pic observé en RMN du phosphore intègre pour 3 ligands, ce qui est à relativiser dans la mesure où il existe des équilibres en solution entre ce complexe et des formes dimériques. Voir : a) K. G. Caulton, J. Am. Chem. Soc. 1974, 96, 3005. b) P. R. Hoffman, K. G. Caulton, J. Am.

Chem. Soc. 1975, 97, 4221.

168 Par analogie avec la réduction de l’acétate de palladium en palladium(0) par les phosphanes : a) C. Amatore,

A. Jutand, M. A. M'Barki, Organometallics 1992, 11, 3009. b) C. Amatore, E. Carre, A. Jutand, M. A. M'Barki,

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formiate de sodium lors de la réduction ne peut pas être totalement exclue. Nous avons également pu observer que le ligand P(4-CF3C6H4)3 permet d’accélérer la réduction du

ruthénium (par rapport au triphénylphosphane), et que la présence d’eau en faible quantité paraît nécessaire pour cette réaction. Des expériences supplémentaires et complémentaires seraient néanmoins nécessaires pour confirmer ces résultats ainsi que pour proposer un mécanisme de cette réaction de réduction.

Nous avons ainsi montré qu’un système catalytique composé de formiate de sodium, de P(4-CF3C6H4)3 et du complexe RuCl3.xH2O comme précurseur de ruthénium permet de

réaliser l’hydroarylation du triéthoxyvinylsilane par des cétones aromatiques ou hétéroaromatiques diversement substituées dans le dioxane à 80°C. Il est également possible d’utiliser d’autres vinylsilanes et le styrène comme oléfines ainsi que de fonctionnaliser des accepteurs de Michael comme le crotonamide de tert-butyle. Les rendements sont généralement supérieurs à 80% et les sélectivités sont comparables voire supérieures aux résultats obtenus à 140°C avec le précurseur [RuCl2(p-cym)]2. De plus, le complexe

RuCl3.xH2O étant la ressource de base la moins chère et la plus accessible de ruthénium, son

utilisation est particulièrement intéressante d’un point de vue économique. D’autre part, cette démarche s’inscrit dans les principes de la chimie verte puisqu’elle permet de réduire la quantité de déchets et de solvants utilisés pour la synthèse et la purification des complexes de ruthénium(II) ou (0) utilisés habituellement dans les réactions d’hydroarylation.

V.

Conclusion

Nous avons mis au point des conditions efficaces pour l’hydroalcénylation de vinylsilanes par des accepteurs de Michael grâce au système catalytique composé du [RuCl2(p-cym)]2, de formiate de sodium et de P(4-CF3C6H4)3. Outre le produit conjugué

attendu, un isomère contenant un motif allylsilane a pu être obtenu. Les conditions réactionnelles ont alors été optimisées pour former l’allylsilane avec de bons rendements et une très bonne sélectivité. Cette méthode constitue une voie d’accès particulièrement directe à ces intermédiaires très utilisés en synthèse. Nous avons par ailleurs montré que ces allylsilanes γ-disubstitués pouvaient être utilisés pour l’allylation du benzaldéhyde, conduisant ainsi à des alcools chiraux possédant deux centres stéréogènes de stéréochimie contrôlée.

Nous avons par la suite pu améliorer les conditions réactionnelles mises au point au laboratoire pour l’hydroarylation de vinylsilanes par diverses cétones aromatiques en conduisant cette réaction dans l’isopropanol, un solvant très peu toxique. La réaction peut alors être réalisée à une température de seulement 80°C, par rapport aux 140°C nécessaires dans le toluène. En particulier, un choix judicieux du ligand et du cosolvant a permis de supprimer la réaction secondaire de réduction et d’obtenir les produits d’hydroarylation avec de très bons rendements en présence du précurseur [RuCl2(p-cym)]2.

Enfin, nous avons montré la possibilité de réaliser ces réactions d’hydroarylation et d’hydroalcénylation directement à partir du précurseur RuCl3.xH2O qui est la ressource de

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105 être obtenus à 80°C sur une large gamme de cétones aromatiques diversement substituées et avec différentes oléfines.

Nous avons par la suite cherché à développer de nouvelles réactivités en utilisant la flexibilité de ce système catalytique et nous avons notamment imaginé des processus permettant de mettre à profit les hydrures de ruthénium générés in situ.

Partie C.

Partie C.

Partie C.

Partie C.

Formation de liaisons CFormation de liaisons C----O et CFormation de liaisons CFormation de liaisons C

O et CO et CO et C----C C C C