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1. Application à d’autres substrats

a) Groupe directeur oxygéné

Plusieurs exemples d’applications de la réaction de Murai pour l’alkylation de cétones aromatiques particulières ont été rapportés dans la littérature. Par exemple, l’équipe de Grigg a pu réaliser l’alkylation de différents indoles et pyridines acétylés,98 et le groupe de Woodgate a appliqué cette méthodologie à la fonctionnalisation de diterpénoïdes.99 L’équipe de Weber a préparé des polymères de masses molaires élevées à partir de diverses

98 R. Grigg, V. Savic, Tetrahedron Lett. 1997, 38, 5737. 99

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acétophénones et de diènes-α,ω comme le 1,1,3,3-tétraméthyl-1,3-divinyldisiloxane en préactivant le complexe RuH2(CO)(PPh3)3 par chauffage en présence de

triméthoxyvinylsilane (Schéma B-19).100

Schéma B-19 : Préparation d’un copolymère par réaction de Murai

Les fonctions esters et aldéhydes peuvent également complexer le ruthénium et diriger l'activation de liaisons C-H en ortho du groupe fonctionnel.

Dans le cas des esters aromatiques, la présence d'un substituant inductif attracteur (fluoro et surtout trifluorométhyle) est nécessaire pour obtenir une activité catalytique.101 En effet, aucun produit d’hydroarylation n’est obtenu avec des esters tels que le benzoate de tert- butyle, le benzoate de phényle, le 2-méthylbenzoate de méthyle ou le 4-méthoxybenzoate de méthyle, alors que le fluoro- ou le trifluorométhyl-benzoate de méthyle sont alkylés en présence de 6% du complexe RuH2(CO)(PPh3)3 et de diverses oléfines (Schéma B-20).

Schéma B-20 : Alkylation d’esters aromatiques par hydroarylation

Les aldéhydes aromatiques peuvent également participer à la réaction de Murai, mais la réaction concurrente d’activation de la liaison C-H aldéhydique,52a qui peut conduire à une décarbonylation réductrice, limite la gamme de substrats compatibles. Ainsi, alors que le benzaldéhyde est entièrement transformé en benzène en présence de triéthoxyvinylsilane et du catalyseur [RuH2(CO)(PPh3)3], le groupe de Murai a montré que la présence de substituants

encombrants (tert-butyle, triméthylsilyle) en position ortho de l'aldéhyde permet la formation des produits d'hydroarylation du triéthoxyvinylsilane avec des rendements satisfaisants (Schéma B-21).102

Schéma B-21 : Réaction de Murai sur des aldéhydes aromatiques

100 a) H. Guo, G. Wang, M. A. Tapsak, W. P. Weber, Macromolecules 1995, 28, 5686. b) J. M. Mabry, W. P.

Weber, J. Polym. Sci., Part A: Polym. Chem. 2004, 42, 5514 et références citées.

101 a) M. Sonoda, F. Kakiuchi, A. Kamatani, N. Chatani, S. Murai, Chem. Lett. 1996, 25, 109. b) F. Kakiuchi, H.

Ohtaki, M. Sonoda, N. Chatani, S. Murai, Chem. Lett. 2001, 30, 918.

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61 Cette réaction n'est pas limitée à l'activation de liaisons C-H aromatiques. Des accepteurs de Michael, tels que des cétones, des aldéhydes ou des esters α,β-insaturés (généralement cycliques) peuvent aussi être activés par le catalyseur RuH2(CO)(PPh3)3 et

réagir avec différents substrats insaturés pour conduire aux produits d'hydroalcénylation correspondants avec de bons rendements (Schéma B-22).102,103

Schéma B-22 : Alkylation de substrats cycliques par réaction d’hydroalcénylation

Lorsque les substrats sont acycliques, un mélange d’isomères est obtenu (Schéma B-23).103b-c Un exemple d'activation d'un amide α,β-insaturé a également été décrit dans la littérature.103b

Schéma B-23 : Fonctionnalisation d’un ester acyclique par hydroalcénylation

b) Groupe directeur azoté

Différents groupes directeurs azotés peuvent être utilisés dans la réaction de Murai. Par exemple, les nitriles aromatiques sont efficacement alkylés en position ortho en présence de 5 équivalents de triéthoxyvinylsilane et de 10% de RuH2(CO)(PPh3)3 dans le toluène au

reflux (Schéma B-24).104

Schéma B-24 : Alkylation de benzonitriles par hydroarylation

Lorsque le benzonitrile ou un benzonitrile para-substitué est utilisé, le produit de dialkylation est largement majoritaire, ce qui montre la forte complexation du groupe CN sur le complexe de ruthénium. Cette réaction est cependant limitée aux vinylsilanes puisqu’aucun produit de couplage n’est obtenu avec d’autres oléfines (styrènes, éthylène, acrylates…).

103 a) F. Kakiuchi, Y. Tanaka, T. Sato, N. Chatani, S. Murai, Chem. Lett. 1995, 24, 679. b) B. M. Trost, K. Imi, I.

W. Davies, J. Am. Chem. Soc. 1995, 117, 5371. c) T. Sato, F. Kakiuchi, N. Chatani, S. Murai, Chem. Lett. 1998,

27, 893.

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La réaction d’imines aromatiques en présence du complexe RuH2(CO)(PPh3)3 conduit

aux produits d'hydroarylation avec des rendements moyens et avec une proportion importante de produits de couplage oxydant (Schéma B-25).105 L’utilisation du cluster de ruthénium(0) Ru3(CO)12 permet d'améliorer les rendements et la sélectivité en faveur du produit

d'hydroarylation (Schéma B-25).

Schéma B-25 : Influence du catalyseur de ruthénium pour l'alkylation d'imines aromatiques

De même, l’activation de la liaison C-H en position ortho d’aromatiques porteurs de groupes hydrazones, oxazoles ou oxazines peut être réalisée avec le catalyseur Ru3(CO)12

(Schéma B-26).106

Schéma B-26 : Activation de liaisons C-H dirigée par divers groupes azotés

Un inconvénient majeur de l’alkylation de substrats porteurs de groupes directeurs azotés reste que le produit attendu est généralement accompagné du produit de couplage oxydant, souvent en quantité non négligeable (Schéma B-26, par exemple). L’utilisation de complexes de rhodium (comme le catalyseur de Wilkinson RhCl(PPh3)3, par exemple) dans

ces réactions permet de réduire, voire de supprimer, la formation de ces sous-produits, les produits d’hydroarylation étant alors obtenus avec de bons rendements.106b Plus généralement, en parallèle des complexes de ruthénium, divers catalyseurs à base de rhodium ont été mis au point pour différentes réactions d’hydroarylation et se sont révélés particulièrement efficaces, notamment pour la fonctionnalisation de substrats azotés.20g,i,o,107

105

a) F. Kakiuchi, M. Yamauchi, N. Chatani, S. Murai, Chem. Lett. 1996, 25, 111. b) F. Kakiuchi, T. Sato, T. Tsujimoto, M. Yamauchi, N. Chatani, S. Murai, Chem. Lett. 1998, 27, 1053.

106 a) F. Kakiuchi, T. Sato, M. Yamauchi, N. Chatani, S. Murai, Chem. Lett. 1999, 28, 19. b) F. Kakiuchi, T.

Tsujimoto, M. Sonoda, N. Chatani, S. Murai, Synlett 2001, 948.

107 Revue récente sur l’utilisation de complexes de rhodium pour la formation de liaisons C-C dirigée par un

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2. Utilisation de complexes d’autres métaux de transition

a)Complexes de rhodium

Il existe dans la littérature peu d’exemples de fonctionnalisation de substrats oxygénés par réaction d’hydroarylation catalysée par le rhodium. Ainsi, seul le complexe [Cp*Rh(C2H3SiMe3)2] décrit par l’équipe de Brookhart s’est montré actif pour

l’hydroarylation dans le cyclohexane à 120°C de différentes oléfines par des cétones aromatiques, en particuliers des benzophénones (Schéma B-27).108

Schéma B-27 : Alkylation de cétones aromatiques catalysée par un complexe de rhodium

Ces résultats permettent de comparer la réactivité, dans la réaction de Murai, de ce complexe de rhodium avec celle des complexes de ruthénium vue auparavant. Dans les deux cas, les conditions réactionnelles sont similaires en terme de solvant, de température et de taux catalytique. La régiosélectivité observée avec les différentes oléfines est également comparable, avec l’obtention du produit anti-Markovnikov. De plus, l’utilisation d’oléfines linéaires s’accompagne, dans les deux cas, d’une isomérisation partielle, bien que les rendements en produit de couplage soient meilleurs avec le rhodium. De plus, de manière analogue aux résultats décrits par l’équipe de Murai,23 le suivi de la réaction de l’acétophénone-d8 en présence du complexe [Cp*Rh(C2H3SiMe3)2] à différentes températures

montre que l’activation C-H n’est pas cinétiquement déterminante.108 Une différence importante cependant réside dans le mécanisme d’activation C-H par les deux catalyseurs. En effet, alors que des expériences de deutération ont permis de conclure que le complexe de ruthénium active sélectivement les liaisons C-H en ortho de la cétone (Schéma B-10), Brookhart a montré que toutes les liaisons C-H aromatiques sont activées par le complexe de rhodium. Ceci montre que la complexation du groupe carbonyle au métal n’est pas décisive pour l’activation de la liaison C-H mais qu’elle permet d’abaisser la barrière d’activation de l’élimination réductrice qui est donc cinétiquement déterminante et responsable de la sélectivité ortho de l’alkylation (Schéma B-28).

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Schéma B-28 : Mécanisme proposé pour l'hydroarylation catalysée par le rhodium

L’alkylation d’imines aromatiques catalysée par le rhodium s’est révélée beaucoup plus performante et compatible avec un plus grand nombre de substrats par rapport à ce qui avait pu être décrit avec le ruthénium. Ainsi l’équipe de Jun a utilisé le catalyseur de Wilkinson RhCl(PPh3)3 pour activer sélectivement des cétimines aromatiques et obtenir les

produits d'hydroarylation d’alcènes aliphatiques avec de bons rendements (Schéma B-29).109 De plus, à la différence des résultats obtenus avec des complexes de ruthénium, il est possible d'effectuer l'hydroarylation d'oléfines substituées par des groupements électroattracteurs (Schéma B-29).110

Schéma B-29 : Alkylation de cétimines aromatiques

Alors que l’alkylation d’aldéhydes aromatiques est limitée par la réaction concurrente de décarbonylation réductrice, les aldimines peuvent être efficacement fonctionnalisés en présence d’un système catalytique composé de [RhCl(coe)2]2 et de tricyclohexylphosphine.

Bien que la gamme d’oléfines soit assez restreinte (l’utilisation d’une oléfine autre que le 3,3- diméthylbutène conduit à de faibles rendements), des aldéhydes aromatiques diversement substitués peuvent ainsi être alkylés, via la formation préalable puis l’hydrolyse de l’imine correspondante.111

Afin de mettre à profit la réactivité intéressante des imines tout en s’affranchissant des étapes de formation et d’hydrolyse, l’équipe de Jun a montré que l’utilisation d’une quantité catalytique d’amine permet la formation in situ de l’imine à partir de la cétone aromatique

109 C. H. Jun, J. B. Hong, Y. H. Kim, K. Y. Chung, Angew. Chem. Int. Ed. 2000, 39, 3440. 110 S.-G. Lim, J.-A. Ahn, C.-H. Jun, Org. Lett. 2004, 6, 4687.

111 a) Y.-G. Lim, J.-S. Han, S.-S. Yang, J. H. Chun, Tetrahedron Lett. 2001, 42, 4853. b) Y.-G. Lim, J.-S. Han,