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métaux de transition

B. Fonctionnalisation de liaisons C-H sp d’alcynes

En présence de complexes métalliques, les alcynes vrais ont une réactivité ambivalente. Ils peuvent en effet former soit des alcynures métalliques, soit des complexes vinylidènes, dont la réactivité est complètement différente (Schéma A-27).

Schéma A-27 : Réactivité ambivalente des alcynes vrais

Les alcynures métalliques peuvent être formés par assistance d’une base qui capte le proton acide ou directement par addition oxydante dans la liaison C-H sp3. Ce sont des espèces nucléophiles susceptibles de s’additionner sur des dérivés insaturés44 (alcènes, alcynes, carbonyles ou imines). Par exemple, l’équipe de Trost a montré que l’utilisation d’acétate de palladium en présence de tris(2,6-diméthoxyphényl)phosphane (TDMPP) à température ambiante dans le benzène permet de réaliser la dimérisation d’alcynes (Schéma A-28).44a

Schéma A-28 : Dimérisation du phénylacétylène catalysée par un complexe de palladium

L’addition d’alcynures métalliques sur des dérivés carbonylés peut conduire à des alcools chiraux.44c Ainsi, le groupe de Carreira a mis au point la propargylation énantiosélective d’aldéhydes catalysée par du zinc en présence d’une base et de la N- méthyléphédrine comme ligand chiral (Schéma A-29).45

Schéma A-29 : Propargylation énantiosélective du benzaldéhyde

44 a) B. M. Trost, M. T. Sorum, C. Chan, G. Rühter, J. Am. Chem. Soc. 1997, 119, 698. b) D. E. Frantz, R.

Fassler, C. S. Tomooka, E. M. Carreira, Acc. Chem. Res. 2000, 33, 373. c) Barry M. Trost, Andrew H. Weiss,

Adv. Synth. Catal. 2009, 351, 963. d) C.-J. Li, Acc. Chem. Res. 2010.

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Les alcynures métalliques peuvent également conduire à des réactions de couplage en présence d’un oxydant pour former des liaisons C-C (couplage de Glaser-Hay) ou C-Hétéroatome.46 Un exemple récent a été décrit par le groupe de Stahl qui a développé un système catalytique permettant la formation d’ynamides à partir de nucléophiles azotés et d’alcynes en présence d’un catalyseur de cuivre, de pyridine et de carbonate de sodium à 70°C dans le toluène sous atmosphère de dioxygène (Schéma A-30).47

Schéma A-30 : Exemple de formation d’un ynamide par couplage oxydant

Le motif vinylidène est une forme tautomère de l’alcyne qui peut être stabilisée par coordination à un complexe de métal de transition. L’atome de carbone complexé au métal possède un caractère électrophile et peut donc réagir avec des nucléophiles par des réactions d’addition.48 Ainsi, l’équipe de Dixneuf a réalisé la première addition anti-Markovnikov d’acides carboxyliques sur des alcynes pour former des esters (Z)-alcènyliques en utilisant des complexes de ruthénium Ru(méthallyl)2(diphosphane) (diphosphane = dppe ou dppb)

(Schéma A-31).49

Schéma A-31 : Addition anti-Markovnikov de l’acide 2-chloroacétique sur le phénylacétylène

La structure de type carbène des complexes vinylidènes permet également de former des métallacylobutanes par cycloaddition [2+2] avec des alcènes ou des alcynes. Cette réactivité a par exemple pu être mise à profit par le groupe de Buono qui a rapporté la formation de benzylidènecyclopropanes à partir du phénylacétylène et de dérivés du norbornène, catalysée par un complexe de palladium (Schéma A-32).50 Après formation du complexe vinylidène et cycloaddition [2+2], une élimination réductrice conduit au produit attendu.

Schéma A-32 : Formation de liaisons C-C par cycloaddition [2+2] sur un complexe vinylidène

46

P. Siemsen, R. C. Livingston, F. Diederich, Angew. Chem. Int. Ed. 2000, 39, 2632.

47 T. Hamada, X. Ye, S. S. Stahl, J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 833.

48 Revue récente : C. Bruneau, P. H. Dixneuf, Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 2176 et références citées.

49 a) H. Doucet, J. Höfer, C. Bruneau, P. H. Dixneuf, J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1993, 850. b) H. Doucet,

B. Martin-Vaca, C. Bruneau, P. H. Dixneuf, J. Org. Chem. 1995, 60, 7247.

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C.

Fonctionnalisation de liaisons C-H sp

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d’aldéhydes

1. Formation de cétones

L’addition sur un alcène ou un alcyne d’un groupe acyle et d’un hydrogène, appelée réaction d’hydroacylation, constitue une approche très directe et économique en atomes pour la formation de cétones (Schéma A-33). Cette réaction fait généralement intervenir une étape d’addition oxydante du complexe métallique dans la liaison C-H aldéhydique formant un hydridoacylmétal qui après insertion-1,2 de l’alcène dans la liaison [MT]-H et élimination

réductrice du complexe formé conduit à la cétone et régénère le catalyseur (Schéma A-33).

Schéma A-33 : Bilan et mécanisme de l’hydroacylation d’alcènes

Depuis la première description de cette réaction par Sakai en 1972, qui prépara la cyclopentanone à partir du pent-4-énal et d’une quantité stœchiométrique de catalyseur de Wilkinson,51 de nombreux progrès ont été réalisés afin de diminuer la quantité de catalyseur, d’étendre la réaction à divers substrats et de la rendre stéréosélective.52 La difficulté principale à surmonter pour développer cette réaction est d’empêcher la réaction concurrente de décarbonylation réductrice qui conduit à la réduction de l’aldéhyde en alcane et à la formation de complexes métalliques carbonylés souvent moins actifs (Schéma A-33). Cette réaction intramoléculaire est d’autant plus délicate à limiter dans le cas de l’hydroacylation intermoléculaire lors de laquelle la complexation de l’oléfine sur le centre métallique est a priori plus lente, favorisant l’extrusion de monoxyde de carbone. Différentes méthodes ont donc été mises au point pour stabiliser le complexe acylmétal et éviter cette réaction concurrente.

Par exemple, lorsqu’un hétéroatome est présent sur le substrat, il peut stabiliser l’acylmétal intermédiaire par complexation, ce qui permet d’obtenir de bons rendements en cétones. Ainsi, le groupe de Willis s’est intéressé à l’utilisation du soufre comme atome

51 K. Sakai, J. Ide, O. Oda, N. Nakamura, Tetrahedron Lett. 1972, 13, 1287.

52 Revue : a) M. C. Willis, Chem. Rev. 2009, 110, 725. b) C.-H. Jun, E.-A. Jo, J.-W. Park, Eur. J. Org. Chem.

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complexant, montrant la possibilité de réaliser l’hydroacylation d’oléfines non substituées (donc peu réactives par ailleurs) en utilisant le DPEphos comme ligand (Schéma A-34).53 La nature flexible et hémilabile de ce ligand lui permet d’adopter différentes géométries et différents modes de coordination qui permettent au catalyseur d’être plus actif.

Schéma A-34 :UtilisationduligandDPEphospourl'hydroacylationpar le 2-(1,3-dithian-2-yl)acétaldéhyde

Une stratégie intéressante pour éliminer la réaction de décarbonylation réductrice est d’éviter la formation de l’intermédiaire acylmétal en utilisant une imine comme aldéhyde masqué. Cette approche est d’autant plus attrayante que l’activation peut être dirigée par un groupe présent sur l’imine ce qui ne nécessite pas de groupe complexant sur l’aldéhyde de départ. En particulier, les imines picolyliques sont très intéressantes puisque l’activation de la liaison C-H de l’aldimine est favorisée par la relation 1,5 entre l’azote du motif pyridine et la liaison C-H (Schéma A-35).54 Le groupe de Jun a pu mettre à profit la réactivité de ces imines dans l’hydroacylation catalysée par le rhodium, tout en s’affranchissant des étapes supplémentaires de synthèse et d’hydrolyse en les générant in situ à partir d’une quantité catalytique de 2-amino-3-picoline et d’acide benzoïque(Schéma A-35).55

Schéma A-35 : Hydroacylation de l’hex-1-ène via la génération in situ d’une picolylimine

Plus récemment, l’hydroacylation catalysée par des complexes de ruthénium a été revisitée indépendamment par les groupes de Ryu56 et Krische57 qui ont décrit la réaction d’aldéhydes avec des diènes-1,3 ou des alcynes en présence d’une quantité catalytique d’hydrures de ruthénium (Schéma A-36). Le mécanisme proposé dans ces conditions réactionnelles diffère de celui considéré jusqu’à présent, faisant plutôt intervenir comme espèce catalytique active un hydrure de ruthénium qui initie le cycle catalytique par hydrométallation de l’oléfine (Z = O, Schéma A-21). Le π-allylruthénium ainsi formé s’additionne sur l’aldéhyde puis la β-H élimination de l’alkoxyruthénium conduit au produit d’hydroacylation et régénère l’hydrure de ruthénium. Ce mécanisme est d’autant plus intéressant qu’il ne fait pas intervenir l’intermédiaire acylmétal susceptible de conduire à la décarbonylation réductrice.

53 a) G. L. Moxham, H. E. Randell-Sly, S. K. Brayshaw, R. L. Woodward, A. S. Weller, M. C. Willis, Angew.

Chem. Int. Ed. 2006, 45, 7618. b) Gemma L. Moxham, H. Randell-Sly, Simon K. Brayshaw, Andrew S. Weller,

Michael C. Willis, Chem. Eur. J. 2008, 14, 8383. c) J. D. Osborne, M. C. Willis, Chem. Commun. 2008, 5025.

54 J. W. Suggs, J. Am. Chem. Soc. 1979, 101, 489.

55 C.-H. Jun, D.-Y. Lee, H. Lee, J.-B. Hong, Angew. Chem. Int. Ed. 2000, 39, 3070.

56 S. Omura, T. Fukuyama, J. Horiguchi, Y. Murakami, I. Ryu, J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 14094.

57 a) F. Shibahara, J. F. Bower, M. J. Krische, J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 14120. b) V. M. Williams, J. C.

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Schéma A-36 : Hydroacylation catalysée par des hydrures de ruthénium

2. Formation de dérivés d’acides

La liaison C-H sp2 d’aldéhydes peut également être fonctionnalisée par des dérivés oxygénés ou azotés pour conduire respectivement à des esters ou des amides. De tels procédés sont particulièrement attractifs puisqu’ils permettent de transformer directement les aldéhydes sans devoir les oxyder en acide carboxylique évitant ainsi d’avoir recours à des esters activés via l’utilisation d’agents de couplage générateurs de sous-produits.

La formation d’esters ou de lactones à partir d’aldéhydes, par exemple, appelée réaction de Tishchenko, constitue une voie privilégiée d’accès aux esters symétriques puisqu’elle est totalement économique en atomes et ne génère aucun déchet. Cette réaction est notamment utilisée à l’échelle industrielle dans certains pays comme le Japon ou l’Allemagne pour la production d’acétate d’éthyle à partir d’acétaldéhyde.58 Différents catalyseurs à base d’aluminium, de lanthanides ou de métaux de transition ont été mis au point pour cette réaction que nous approfondirons ultérieurement (Partie C.I, p.109).59 Par exemple, un système catalytique utilisant un complexe de nickel associé au carbène N-hétérocyclique IPrCl a été récemment développé par l’équipe d’Ogoshi et s’est montré très efficace pour la dimérisation d’aldéhydes (Schéma A-37).60

Schéma A-37 : Réaction de Tishchenko catalysée par le nickel

Bien que moins nombreux dans la littérature, plusieurs exemples de formation catalytique d’amides à partir d’aldéhydes ont été rapportés61

notamment avec des complexes de Ru, Pd, Rh, Ni, Mn. Deux mécanismes différents ont pu être proposés suivant les cas. L’amine peut réagir sur l’aldéhyde pour former intermédiairement un hémiaminal qui conduit à l’amide après β-H élimination. Ainsi, le groupe de Beller a montré que l’utilisation d’un complexe cationique de rhodium en présence de N-méthylmorpholine (NMO) et d’une

58 Industrial Organic Chemistry; 3rd ed.; K. Weissermel, H.-J. Arpe, Eds.; Wiley-VCH: Weinheim, 1997. 59 Revues : a) O. P. Törmäkangas, A. M. P. Koskinen, Recent Res. Dev. Org. Chem. 2001, 5, 225. b) T. Seki, T.

Nakajo, M. Onaka, Chem. Lett. 2006, 35, 824. c) K. Ekoue-Kovi, C. Wolf, Chem. Eur. J. 2008, 14, 6302.

60

S. Ogoshi, Y. Hoshimoto, M. Ohashi, Chem. Commun. 2010, 3354.

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Ru : a) J. W. W. Chang, P. W. H. Chan, Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 1138. b) D. Gnanamgari, R. H. Crabtree, Organometallics 2009, 28, 922. Pd : c) Y. Tamaru, Y. Yamada, Z.-I. Yoshida, Synthesis 1983, 474. d) M. A. Ali, T. Punniyamurthy, Adv. Synth. Catal. 2010, 9999, NA. Rh : e) H. Fujiwara, Y. Ogasawara, K. Yamaguchi, N. Mizuno, Angew. Chem. Int. Ed. 2007, 46, 5202. f) A. Tillack, I. Rudloff, M. Beller, Eur. J. Org.

Chem. 2001, 2001, 523. Ni : g) K. Nakagawa, H. Onoue, K. Minami, Chem. Commun. 1966, 17. Mn : h) N. W.

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quantité catalytique de base permettait la formation de divers amides avec de bonnes conversions (Schéma A-38).61f

Schéma A-38 : Formation d’amide catalysée par le rhodium

Un autre mécanisme fait intervenir l’hydroxylamine qui se combine à un aldéhyde pour former un nitrile qui est alors hydrolysé pour générer l’amide correspondant. Par exemple, l’équipe de Punniyamurthy a pu obtenir les amides primaires à partir d’aldéhydes et de chlorure d’hydroxylammonium en présence de base et d’une quantité catalytique de Pd(OAc)2 dans un mélange eau/DMSO (Schéma A-39).61d

Schéma A-39 : Formation de l’hexanamide à partir de l’hexanal catalysée par Pd(OAc)2