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Forces de contrôle: missions de sécurité et d’entrave à l’intégration régionale

MARCHANDISES ET INTÉGRATION RÉGIONALE

4.3. INTERVENANTS LOCAUX DU TRANSIT ROUTIER

4.3.2. Forces de contrôle: missions de sécurité et d’entrave à l’intégration régionale

D’après la BAD (2015), la Directive n°08/20005/CM/UEMOA et la Décision n°15/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 indiquent que les seules forces autorisées à faire des contrôles sur les axes routiers inter-États sont les agents de douane, de la police, de la gendarmerie, des eaux et forêts, des services de contrôle sanitaire, phytosanitaire et zoo- sanitaire. O. Sigué (2015) explique que pour que la réglementation du secteur soit respectée, il faut nécessairement passer par un contrôle routier rigoureux effectué par les agents de ces différents corps. En effet, les services des douanes des pays membres de l’UEMOA s’occupent essentiellement des droits de porte (taxe à l’import et à l’export), de l’élaboration des statistiques nationales et internationales, de la sanction des fraudes. D’après le FMI et al. (2008), l’UEMOA a adopté un « système communautaire de valeur de référence » (Règlement n°4/99/CM/UEMOA) dont l’objectif est de lutter contre les fausses déclarations de valeur et la concurrence déloyale. Les États membres proposent à la Commission de l’UEMOA la liste des marchandises assujetties à cette méthode d’évaluation, en indiquant les valeurs de référence à retenir comme base de calcul des droits et taxes. Ce système ne s’applique qu’aux marchandises non originaires de l’UEMOA.

D’une manière générale, les douanes des pays sans littoral de l’UEMOA restent dans la pratique, focalisées uniquement sur leur mission de recouvrement des droits et taxes (qui représentent à titre d’exemple, environ 50 % des recettes budgétaires annuelles au Niger). Leur mission de facilitation des échanges (qui est en étroite relation avec l’intégration régionale) est en conséquence très négligée (FMI et al, 2008). Le guide des conducteurs routiers du Burkina Faso montre que le contrôle par les agents des douanes sur les routes porte sur les éléments

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suivants: une déclaration en douane (l’Acquit); un bordereau de suivi du trafic; la facture d’achat; le laisser passer pour les véhicules et la carte grise (photo n°10).

Photo 10: pièces à fournir aux postes de contrôle de la douane

Source : www.borderlesswa.com, consulté le 23 /02/2018.

La photo n°10 illustre la multitude de pièces à présenter au poste de douane. L’USAID (2004) révèle par exemple que les mêmes problèmes douaniers qui existent au Mali règnent dans la plupart des autres pays africains. Les douanes infligent des fardeaux supplémentaires injustes aux exportateurs. Les deux grands problèmes douaniers sont la corruption et le manque de clarté. En effet, aux arrêts douaniers de l’intérieur du pays (le Mali par exemple) et aux passages des frontières, les officiers douaniers encaissent les droits d’État qui sont justes ainsi que leurs “droits de facilitation” négociés qui varient de $2,00 à $20,00 (1 150,54 à 11 505,4 FCFA) par transaction. Avant d’arriver à la frontière, un camionneur peut passer jusqu’à cinq postes douaniers à l’intérieur du pays. À chaque arrêt, les agents douaniers font semblant de vérifier des documents qui peuvent ou ne pas exister dans l’objectif d’encaisser leurs droits de facilitation. Lorsque nous avons posé la question aux chefs de postes des douanes dans les trois communes frontalières du Burkina Faso avec la Mali et le Niger, ils réfutent ces faits. Pourtant

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80 % de nos enquêtés se plaignent des tracasseries de la part des forces de sécurité en citant la douane, la police et la gendarmerie. Il est alors nécessaire, en plus de la douane, de s’intéresser aux rôles de la police, de la gendarmerie et des agents des eaux et forêts que l’on rencontre sur les corridors de l’UEMOA.

À l’instar de la douane, plusieurs autres acteurs tels que la police, la gendarmerie, les agents des eaux et forêts et des communes assurent des missions de contrôle dans le transport routier dans l’espace UEMOA. La police, la gendarmerie ainsi que les agents des eaux et forêts101 ont

une mission de contrôle et de sécurisation. Les contrôles concernent théoriquement la vérification des documents administratifs, fiscaux, l’état du véhicule ou de son chargement. Ces forces ont pour mission d’assurer la sécurité des populations. Leur présence sur les corridors permet non seulement d’assurer la sécurité des acteurs du transport routier en réduisant les braquages qui pourraient causer d’énormes pertes au secteur du transport international de marchandises. Leur travail devrait permettre également de s’assurer que les acteurs du transport routier respectent les différentes règlementations en vigueur dans l’espace régional ou national. Sans leur action, il serait impossible actuellement de s’assurer le respect du code de la route, du bon état des véhicules qui circulent afin de limiter les accidents et surtout de vérifier si les marchandises transportées ne constituent pas une menace pour la santé ou la sécurité des populations membres des pays de l’UEMOA. Par exemple, leur présence contribuerait à éviter que les conducteurs fassent entrer des armes, de la drogue ou des produits pharmaceutiques illégaux dans un territoire.

Le guide du conducteur routier du Burkina Faso donne une idée des documents qu’un conducteur doit avoir pour le transit routier à travers le territoire:

- aux postes de contrôle de la police ou de gendarmerie, les documents suivants sont contrôlés: les cartes grises; la carte d’affiliation; le certificat de visite technique; un certificat d’assurance (carte Brune CEDEAO pour les véhicules étrangers); une carte de transport; une patente; un permis national de conduire; un carnet de vaccination (pour les étranger) (photo n°11);

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Photo 11: Quelques pièces à présenter aux forces de police ou de gendarmerie

Source : www.borderlesswa.com, consulté le 23 /02/2018

Les conducteurs doivent présenter aux postes de contrôle de la police ou de la gendarmerie ces documents présentés dans la photo ci-dessus. Mais selon la nature des marchandises transportées, ils sont souvent contrôlés par les agents des eaux et forêts;

- au poste de contrôle des agents des Eaux et Forêts

Les agents de contrôle des Eaux et Forêts, exigent certains documents ci-après en fonction de la nature des marchandises: un certificat d’origine; un permis d’exportation; une licence d’importation et d’exportation pour le poisson; un certificat d’accréditation; un certificat phytosanitaire; un permis de coupe et de circulation pour le charbon de bois; un permis de capture, certificat de détention (pour les animaux); une autorisation d’importer, une autorisation de les utiliser pour les matériels de radio sécurité;

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- dans les communes traversées

Dans les localités traversées, les conducteurs sont obligés de payer des taxes de stationnement ou de traversées de territoires et de péages. Il convient de souligner qu’à l’exception des frais de péages qui sont une contribution pour la construction et l’entretien des routes, les deux autres taxes que nous verrons dans la troisième partie de la thèse sont illégales. Au cours de nos entretiens avec les syndicats des conducteurs routiers, certains chauffeurs et leurs apprentis nous ont confié que certaines communes les obligent à payer des taxes (1000 FCFA par exemple pour le stationnement dans une commune au Burkina Faso). Un conducteur qui quitte Niamey pour transiter au Burkina Faso et se rendre en Côte d’Ivoire doit payer plusieurs péages. De Niamey à Kantchari (frontière du Burkina Faso avec le Niger), le péage coute 1 250 FCFA (à travers cette portion du territoire du Niger). De Kantchari à Bobo-Dioulasso en passant par Ouagadougou le péage coute 25 000 FCFA pour cette portion du corridor à l’intérieur du Burkina Faso. Ils devront encore payer 5 000 FCFA de Bobo-Dioulasso à Yénéré (Frontière du Burkina Faso avec la Côte d’Ivoire). Sur le territoire ivoirien, ils doivent s’attendre à payer à Yamoussoukro et à Abidjan la somme de 10 000 FCFA. Le péage leur coute alors 41 250 FCFA avec 30 000 FCFA sur le territoire burkinabè.

En plus de ces services de sécurité et de la mairie, il y a très souvent des agents de santé, phytosanitaires, des Offices Nationaux des Sécurités Routières (ONASER) et même les syndicats des conducteurs routiers qui contrôlent sur les corridors du Burkina Faso voire dans tous les pays de l’UEMOA. Les taxes imposées par les syndicats des conducteurs routiers sont déplorables par non seulement leur caractère illégal mais surtout par leur caractère obligatoire; car l’adhésion à un syndicat ne peut être obligatoire. Ces derniers qui devraient travailler à défendre les intérêts des conducteurs sont eux-mêmes un véritable problème. Ils entravent ainsi le processus d’intégration régionale en cours. Ces syndicats qui dénoncent les pratiques anormales des forces de sécurité, n’offrent guerre un bon exemple à travers le prélèvement de leurs taxes obligatoires à chaque passage des conducteurs comme nous l’avons déjà évoqué. Au regard de la multiplicité des intervenants et des pièces exigées et surtout des tracasseries routières (dont nous aborderons davantage dans le sixième chapitre) il est impossible de démontrer que les actions des forces de sécurité ou des autres agents de contrôle favorisent l’intégration régionale. Mais au-delà de cette multitude d’intervenants dans les pays sans

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littoral, les conducteurs routiers sont ceux que l’on rencontre à toutes les échelles de l’espace régional.

4.4. CONDUCTEURS TROUTIERS: VÉRITABLES ACTEURS