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MARCHANDISES ET INTÉGRATION RÉGIONALE

4.2. MULTIPLES INTERVENANTS NATIONAU

4.2.1. Acteurs privés du transit routier de marchandises

Les transitaires et les transporteurs ainsi que les commerçants sont des acteurs non institutionnels du transit routier dans les pays sans littoral de l’UEMOA.

4.2.1.1. Transitaires: acteurs sans influence sur le processus d’intégration régionale

D’après l’UEMOA et la CEMAC (2017)90, au 30 Octobre 2017, il y avait respectivement 32,

72 et 11 principales sociétés de transit au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Le transitaire est en effet un auxiliaire du commerce international travaillant pour le compte d’un client importateur ou exportateur. D’après nos entretiens avec les syndicats des transitaires du Mali et du Niger, il est un professionnel chargé d’accomplir les formalités permettant à la marchandise de franchir la frontière du pays. Il achemine ainsi les envois de marchandises (quelle que soient leur importance, leur destination et leur provenance) par le rail ou la route, par fret aérien ou maritime. Il n’a alors aucune influence sur l’application des accords régionaux en lien avec l’intégration régionale. Il existe cependant, selon les différentes responsabilités, plusieurs types de transitaires91:

- le transitaire mandataire

90 http://www.izf.net/ consulté le 30/08/2018. 91 I.Yankené, 2013 et K. Adegbe ,2017.

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Il est un agent de liaison entre deux modes de transport. Il agit sur les instructions de son client. Il exécute les ordres de son mandat. Ce transitaire n’a donc pas le choix des sous-traitants. Il n’est pas responsable de la défaillance de ces derniers, mais il prend toute disposition utile pour préserver les recours de son mandant en cas de constat d’avaries. Il répond d’une obligation de moyens;

- le transitaire commissionnaire de transport

Il est un intermédiaire professionnel qui organise de façon libre et autonome, pour le compte de l’expéditeur, la totalité du transport. Il met en place et coordonne le transport avec les sous- traitants de son choix. Il est donc responsable de leurs fautes éventuelles. Il répond d’une obligation de résultats. On retrouve dans cette catégorie les affréteurs routiers, les groupeurs aériens ou maritimes, les organisateurs de transport multimodaux, les intégrateurs, etc.

Selon O. Sigué (2015), les services de douane exigent que les importateurs passant par les ports ghanéens utilisent des courtiers certifiés, plus connus sous le nom d’« agents en douane» ou «transitaires». Les importateurs remettent tous les documents aux transitaires qui s’occupent du processus de dédouanement des marchandises en leur nom.

Nous convenons alors avec O. Sigué (Ibid) que le transitaire est un intermédiaire et l’un des maillons important de la chaîne internationale de transport de marchandises même si pour le moment il n’influence pas d’une manière visible le processus d’intégration régionale dans l’espace UEMOA.

À l’instar des transitaires, l’étude s’intéresse aux transporteurs et aux commerçants qui sont des acteurs du transport de marchandises dans l’espace UEMOA.

4.2.1.2. Transporteurs et commerçants: entre fusion ou confusion des rôles, des acteurs importants pour l’intégration régionale

Le transporteur92 est chargé de déplacer physiquement la marchandise d’un point A à un point

B. Dans la pratique, il existe souvent une confusion dans l’exercice de leur métier avec les

92Le transporteur peut être considéré comme toute personne qui, en son nom propre, ou par l’entremise d’une tierce

personne agissant en son nom, conclut un contrat de transport, et assure l’entière responsabilité de son exécution. Le transporteur est aussi l’entreprise spécialisée dans le transport. Quant au propriétaire , il est celui qui dispose financièrement du moyen de transport et met à la disposition d’un armateur (la personne qui exploite

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commerçants. Le commerçant est en effet, un petit acteur qui n’intervient pas directement dans le transport international de marchandises. Quant à la profession des transporteurs, elle est aussi considérée comme une activité commerciale; si bien que leur exercice devrait être régi par les textes qui organisent l’activité commerciale afin d’éviter une confusion entre les rôles des différents acteurs. D’après O. Sigué (op.cit., p.98), au Burkina Faso,

la majorité des transporteurs n’est pas professionnelle: 37,33% et 31,33 % des transporteurs sont respectivement des commerçants et des particuliers. 16,67 % des transporteurs sont des mécaniciens, soudeurs, cultivateurs, etc. Et seulement 6,67 % des transporteurs sont bien structurés dans des entreprises de transport.

La CNUCED (2005) révélait dans le même sens que dans les pays sahéliens comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger, ce qui caractérise la structure professionnelle des transports routiers est l'atomisation du secteur. Par exemple, au Burkina Faso, 95% des transporteurs sont des entreprises individuelles et 5% seulement disposent d'une flotte de plusieurs camions. Quelques transporteurs ont une vingtaine de camions, mais la plupart des entrepreneurs ne dispose que de 1 à 3 véhicules.

Le secteur du transport international de marchandises des pays sans littoral de l’UEMOA est alors dominé par des transporteurs sans professionnalisme, qui exercent à la fois plusieurs autres activités. Les géographes français Jérôme Lombard et Olivier Ninot (2002) estiment dans ce contexte, que l'informatisation du secteur des transports dans la région pose problème. D'un côté, les effets sur l'emploi semblent être un faible contrepoids à l'augmentation de la précarité dans le secteur du transport routier. De l'autre, l'investissement dans le transport routier s'est généralisé, tout en contribuant par la concurrence à la dégradation du service de transport. O. Sigué (2015) ajoute que le secteur est mal structuré et fonctionne dans l’informel, engendrant ainsi beaucoup de difficultés pour l’État à organiser le secteur du transport international de marchandises. Cette situation s'explique en partie par le fait que beaucoup de ces transporteurs individuels sont des commerçants qui transportent pour leur propre compte. Il en résulte une faible capacité entrepreneuriale notamment à passer de véritables contrats de transports de longue durée pour assoir un développement d'une flotte modernisée.

techniquement le moyen de transport). L’armateur pourvoit au bon fonctionnement du moyen de transport: réparation, entretient, avitaillement, équipage, etc. (K. Adegbe, 2017 et O. Sigué, 2015).

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Au cours de nos entretiens avec les syndicats des commerçants et des transporteurs du Mali et du Niger (réalisés à Bamako et Niamey en janvier 2018), il est ressorti que la plupart des transporteurs sont à la fois des propriétaires de camions et des commerçants. Il y a ainsi un risque de disparition de petits transporteurs qui n’ont pas les moyens financiers de pouvoir cumuler à la fois ces fonctions. En effet, au cours de nos entretiens au Mali avec les acteurs du transport de marchandises, les petits transporteurs et commerçants déploraient cette fusion de rôle car ce phénomène est en leur défaveur. Même le syndicat des commerçants (import-export) nous a confirmé l’existence de cette confusion au Niger. Lorsque nous avons évoqué le risque soulevé au Mali lié à la préoccupation de petits acteurs, monsieur le secrétaire général des commerçants du Niger estime que pour le moment il n’y pas une entrave à la réglementation. Selon lui tous ces acteurs travaillent dans un contexte libéral et la loi n’interdit pas explicitement cette pratique en apportant une restriction.

Pour la CNUCED (2005), l'origine de cette situation serait née de deux règles. Les accords bilatéraux de transport de marchandises en transit. D’une part les transporteurs des pays ‘‘enclavés’’ ont des « droits de transport » 2/3 des volumes qui leur sont destinés et le pays de transit dispose du tiers du flux de transit qui traversent son pays. Les Conseils des Chargeurs assurent la gestion de cette répartition (sauf le Mali). D’autre part, le « tour de rôle ». Il consacre la règle du « premier arrivé –premier servi » qui est organisé par les unions des transporteurs aux ports de Lomé et de Tema. Les conséquences de l'application de ces deux règles sont nombreuses. Il y a premièrement le libre choix du transporteur qui est affaibli, empêchant tout accord privé de transport et toute négociation. Ensuite, la survie des transporteurs individuels qui sont selon les règles de fonctionnement habituelles du marché, ne devraient plus opérer sur le transport international. Enfin, la difficulté pour les opérateurs de transport d’assurer un développement économique de leur entreprise. Les accords bilatéraux auraient pu constituer une première étape destinée à favoriser l'éclosion des compagnies de transport avant de libéraliser le secteur, mais l’instauration du tour de rôle prive le marché de la sélection des transporteurs par la qualité des prestations.

Il convient cependant, de ne pas dramatiser cette situation car O. Sigué (2015, p.109-110) explique que:

le risque de faillite peut amener certains transporteurs à adopter des stratégies de variation des activités. En plus d'être transporteurs, ils sont aussi commerçants de céréales, éleveurs, vendeurs de cycles, propriétaires immobiliers, importateurs de produits divers, etc. On assiste, à travers

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cette stratégie, à une gestion unique pour plusieurs activités: les recettes et les dépenses qui découlent de ces différentes activités sont confondues de sorte qu’un déficit dans l’activité de transport est comblé par l’excédent réalisé sur l’activité de commerce par exemple. Dans la logique de cette stratégie, les différentes activités menées par un même entrepreneur ont un capital commun, des recettes communes, des dettes communes... On comprend donc bien la longévité de certaines entreprises de transport. Le transporteur pris individuellement ne tombe en faillite que si l’ensemble de ses activités connaissent le même sort.

L’auteur ajoute que la difficulté mais aussi l’efficacité d’une telle gestion des activités est à la mesure de celles des fonds investis. Les petits transporteurs avec peu de fonds sont souvent plus vulnérables car ils n’ont pas encore suffisamment de capital pour étaler les risques sur plusieurs activités. Dans cette stratégie de différenciation des activités, en dehors du cas où l’activité de transport peut être rentable, cette façon de gérer a pour conséquence qu’une entreprise de transport peut connaître plusieurs exercices déficitaires sans que l’entrepreneur ne s’en rende compte ou en tout cas ne puisse mesurer toute l’ampleur du déficit.

Ainsi, la fusion ou la confusion entre ces acteurs directs ne sont pas uniquement un inconvénient en termes de menace pour les petits acteurs, car elle peut être considérée comme une résilience des acteurs directs pour faire éventuellement face aux multiples défis imprévisibles du secteur. Cette confusion n’est alors pas un obstacle au développement de ce secteur ou une entrave au processus d’intégration régionale en cours dans l’espace UEMOA. Nous pensons que l’exercice de leur métier est essentiel pour le renforcement de l’intégration régionale car ils travaillent indirectement au renforcement des échanges au sein de la région. Leur rôle dans l’intégration régionale est surtout visible dans les zones transfrontalières où ils assurent une dynamique territoriale grâce au développement du commerce entre deux ou plusieurs pays. Même si l’une des faiblesses de leur activité soit leur manque de professionnalisme et surtout le caractère très souvent informel de leurs activités, les populations bénéficient des résultats de leurs mobilités entre les pays de la région. Leurs activités permettent aux populations de bénéficier des produits des territoires voisins et souvent à un prix plus abordable que les prix dans les centres urbains éloignés de leur pays. La proximité géographique dont le corollaire influence généralement la distance et de ce fait le prix des marchandises pourrait être une explication.

Même dans le transit de marchandises du Mali et du Niger en passant par le Burkina Faso, cette situation est une réalité dans les zones frontalières telles que Koloko, Faramana, Kancthari, Bittou, etc. Dans ces localités où nous avons mené des investigations, le commerce transfrontalier est développé grâce à l’emplacement des postes de contrôle. L’arrêt très souvent

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prolongé des camions occasionne des activités commerciales entre les populations et les acteurs du transport en transit.

Les acteurs non institutionnels sont alors importants pour l’intégration régionale même si certains ne sont pas préoccupés pour la réalisation de cet objectif régional. Toujours dans les pays sans littoral de l’UEMOA, des acteurs institutionnels œuvrent à l’échelle des États dans le transit routier de marchandises.