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CHAPITRE 3 CADRE CONCEPTUEL

3.1 Fondements de l’approche socioconstructiviste

Le socioconstructivisme est un paradigme épistémologique de la connaissance issu du constructivisme. La particularité de l’approche socioconstructivisme est l’importance qu’elle accorde aux diverses relations sociales de l’individu dans sa construction du savoir. Dans le cas du constructivisme, les connaissances de l’individu sont construites par lui-même tandis que dans celui du socioconstructivisme, bien que l’individu demeure le seul responsable de la construction de ses connaissances et de ses savoirs, les notions de réflexion et d’interaction s’ajoutent à celle de construction (Jonnaert, 2009 ; Lafortune & Deaudelin, 2001). Les lignes suivantes apportent un éclairage sur chacune de ces notions.

Glaserfeld (1994) explique que dans une perspective constructiviste, la personne se base sur ses expériences et ses connaissances antérieures pour structurer ses connaissances. Cela signifie qu’une situation donnée n’aura pas la même signification pour des personnes différentes, puisque le sens que donnera une personne à la situation dépend de son passé. En d’autres mots, les connaissances ne peuvent pas être transmises d’une personne à une autre. Ainsi, le rôle de l’enseignant qui « enseigne » certaines notions à ses élèves devant « apprendre » perd tout son sens. Chaque personne interprète

une situation selon ses expériences passées ainsi que ses connaissances, c’est-à-dire tout ce qu’elle a pu apprendre jusqu’à présent. Le Moigne (1995) ajoute que les connaissances sont construites projectivement et qu’il n’y a pas de différence de statut entre les connaissances objectives et les connaissances philosophiques ou acquises à la suite d’une expérience.

Lafortune et Deaudelin (2001) vont un peu plus loin. Ces auteurs précisent également que chaque personne construit ses propres connaissances et que c’est en reliant les nouvelles aux antérieures qu’elle pourra utiliser ses apprentissages dans des situations réelles de sa vie. En plus, elles ajoutent qu’il est nécessaire que la personne soit placée dans un état conflictuel pour qu’un changement conceptuel soit provoqué. Cette notion d’état conflictuel sera revue lorsque la culture sera définie, un peu plus loin dans ce chapitre.

La définition qu’apporte Jonnaert (2009) du socioconstructivisme est celle qui est retenue dans ce mémoire. Il explique que

pour les constructivistes, les connaissances sont construites par le sujet lui- même à travers les expériences qu’il vit dans son environnement, au départ de ce qu’il y a déjà vécu et à travers les interactions avec les autres. Le savoir, même codifié dans les programmes scolaires, n’est pas transmissible pour les constructivistes. L’apprenant se construit lui-même des connaissances à propos de ces savoirs. (Jonnaert, 2009 : 66)

Cet auteur ajoute également que selon le modèle socioconstructiviste, l’apprentissage comporte une activité réflexive et dialectique, qui « forme une boucle autour des connaissances du sujet » (Jonnaert, 2009 : 71) et met celles-ci en interaction avec ce qu’il doit apprendre. Une condition est toutefois nécessaire pour que cette activité réflexive et dialectique puisse être possible : les connaissances doivent être « mises en interaction avec l’environnement physique » (Jonnaert, 2009 : 72).

Bruner (1996) apporte une explication semblable à la façon dont l’individu construit ses connaissances. Il précise que les connaissances que se construisent les

jeunes en dehors de l’école servent leurs apprentissages en classe et ceux de leurs camarades. La présence de chacun, avec sa propre réalité et ses propres connaissances, a un impact sur les apprentissages que feront tous les élèves, puisqu’ils sont également forgés par leurs relations. Ce que précise Bruner (1996) et qui doit être retenu dans ce chapitre, c’est que les connaissances construites ne sont pas statiques, mais actives. Elles sont construites et dépendantes de ce que la personne crée et de la culture de laquelle elle provient. Ainsi, les connaissances que se construisent des étudiants dans un contexte peuvent être reformées et modifiées dans un autre afin d’être utilisées dans une nouvelle situation.

L’action d’un individu, tant en ce qui concerne ses comportements que ses façons de réagir, de réfléchir ou d’apprendre, est déterminée par son passé, c’est-à-dire par les connaissances qu’il a, les expériences qu’il a vécues, les personnes qu’il a rencontrées. C’est à partir de ce passé que l’individu détermine de quelle façon il se comportera face à une situation donnée, à un nouvel objet. « Les interactions influencent la construction de sens qui, à son tour, oriente l’action humaine, laquelle découle à la fois de la subjectivité et des interactions vécues par la personne » (Pilon, 1993 : 82). C’est dans le mouvement que l’on peut le mieux comprendre l’approche socioconstructiviste, puisqu’il s’agit d’un paradigme qui n’existe que par les interactions internes et externes ayant lieu chez un individu. Jonnaert (2001) ajoute d’ailleurs que « dans une perspective

socioconstructiviste, on estime que les connaissances, tout comme les compétences, s’élaborent en contexte, plus précisément dans celui de situations éducatives variées à l’intérieur desquelles des sujets réalisent des projets d’apprentissages » (p.27). Selon

cette approche, un projet de stage coopératif à l’étranger devient une situation d’apprentissage pour les élèves qui y participent, d’où la pertinence d’utiliser l’approche socioconstructiviste pour étudier les retombées de la participation à un tel projet.

3.2 Socioconstructivisme et réforme du programme de formation de l’école québécoise (PFEQ)

Étant donné que l’objet de cette étude relève d’un projet scolaire, il est important de prendre en considération les fondements du nouveau PFEQ de 2006. La réforme de ce dernier s’est basée sur des travaux dont se sont dégagées trois orientations pour les nouveaux besoins de formation. La première de ces orientations était de viser une formation globale et diversifiée. La seconde, de favoriser une formation à long terme et la troisième, d’offrir une formation ouverte sur le monde. Le ministère de l’Éducation du Québec (2006) estime que

[…] ces visées devraient permettre de préparer les citoyens de demain à mieux relever les défis auxquels ils devront faire face, [soit] celui d’une collectivité pluraliste où chacun a sa place, celui de l’accessibilité à un marché du savoir en perpétuel changement et celui de la globalisation des économies (MELS, 2006 : 2).

Pour atteindre ces objectifs, le MELS (2006) a donné aux écoles la mission d’instruire, de socialiser et de qualifier les jeunes de diverses façons, afin de répondre à leurs besoins en tenant compte des différences et des particularités de chaque élève. Il a également proposé un programme de formation axé sur le développement de compétences et qui reconnaît l’apprentissage comme un processus actif. En ce qui concerne ce même programme axé sur les compétences, Jonnaert (2009) apporte un éclairage sur la place que l’approche socioconstructiviste a prise dans la réforme scolaire de 2006 :

Les connaissances sont situées dans un certain contexte social et physique. Nous pouvons également établir que les compétences ne peuvent se définir qu’en fonction de situations, elles sont donc tout autant situées que les connaissances dans un contexte social et physique. Le concept de situation devient alors l’élément central de l’apprentissage : c’est en situation que l’élève se construit, modifie ou réfute des connaissances situées et développe des compétences tout autant situées.17 (Jonnaert, 2009 : 76)

Ainsi, les milieux scolaires doivent maintenant donner l’occasion aux élèves de se retrouver dans des situations variées, qui leur permettront de se construire des connaissances. Ces connaissances permettront à leur tour aux élèves de développer des compétences dans la situation donnée ainsi que dans d’autres situations semblables. Par la suite, la compétence développée servira de critère pour juger de la pertinence des connaissances construites. Le contenu disciplinaire n’est donc plus déterminant pour les apprentissages. Il cède la place aux « situations dans lesquelles l’élève peut utiliser ses connaissances […] comme ressources parmi d’autres, pour se montrer compétent en situation » (Jonnaert, 2009 : 76). Depuis la réforme du PFEQ, chacune des étapes d’un projet de stage coopératif à l’étranger vécu dans le milieu scolaire devient le point de départ d’activités d’apprentissage variées pour les élèves qui y participent. À la fin du projet, les élèves jugent si les différents apprentissages réalisés au cours de leur séjour à l’étranger sont pertinents ou non. S’ils considèrent que c’est le cas, ils seront réutilisés dans leur vie future et serviront également à évaluer la pertinence d’autres apprentissages réalisés ultérieurement.