Fonctions usuelles
4.1 Fonctions logarithmes, exponentielles et puissances
4.1.1 Logarithme népérien
Nous verrons au chapitre 13 dans le théorème 13.30 page 525 que toute fonction continue sur un intervalleIdeRpossède une primitive sur cet intervalle (voir 13.30). La fonction x7→1
x définie surR∗+ admet donc une primitive surR∗+. On pourrait montrer, mais c’est difficile, que l’on ne peut exprimer cette primitive avec des fonctions usuelles (fonctions polynômiales, fractions rationnelles, fonctions trigonométriques). Il faut donc introduire une nouvelle fonction.
DÉFINITION4.1 ♥ Logarithme népérien
On appelle logarithme népérien et on notelnl’unique primitive s’annulant en1de la fonction définie surR∗+:x7→1 x.
ln :
R∗+ −→ R x 7−→
Zx 1
dt t
Remarque 4.1 l n(1)=0
THÉORÈME4.4 ♥ Propriétés de la fonctionln – La fonctionlnest continue surR∗+.
– La fonctionlnest dérivable surR∗+et ∀x∈R∗+, ln′x=1 x .
– La fonctionlnest mêmeC∞surR∗+, ce qui signifie qu’elle est dérivable et que toutes ses dérivées sont dérivables.
– La fonctionlnest concave surR∗+
Preuve Les primitives d’une fonction sont, par définition, dérivables. La fonctionlnest donc dérivable surR∗+. Une fonction est continue là où elle est dérivable (voir la proposition 12.2 page 465). Donclnest dérivable et par suite continue surR∗+. Sa dérivée, qui est la fonctionf :R∗+→R,x7→1/xestC∞donc il en est de même deln. Comme la dérivéef delnest une fonction strictement positive,lnest strictement croissante surR∗+. Enfin, pour toutx∈R∗+, f′′(x)= −1/x2est strictement négative surR∗+donclnest concave. Vous pouvez consulter le paragraphe 12.6 page 475 qui traite de ce sujet.
COROLLAIRE4.5
SoientIest un intervalle deRetu: I−→R∗+une fonction dérivable. La fonctionx7→ln(u(x))est dérivable surIde dérivée, pour toutx∈I: (lnu)′(x)=u′(x)
u(x)
Preuve C’est une conséquence directe du théorème de composition des fonctions dérivables.
PROPOSITION4.6 ♥ Propriétés algébriques du logarithme Pour toutx,y∈R∗+etn∈Z
1 ln¡ x y¢
=lnx+lny
2 ln µ1
x
¶
= −lnx
3 ln µx
y
¶
=lnx−lny
4 ln (xn)=nlnx
Preuve ♥
1 La méthode pour prouver cette égalité est classique, il faut la retenir. Fixonsy∈R∗+et notonsθyla fonction θy:
½ R∗+ −→ R x 7−→ ln¡
x y¢
−lnx−lny .
Cette fonction est dérivable surR∗+comme composée et différence de fonctions dérivables. De plus,
∀x∈R∗+, θ′y(x)= y
2 Soitx∈R∗+. Par application de la proposition précédente, on a les égalités 0=ln 1=ln³x
3 Soientx,y∈R∗+, par application des deux dernières égalités ln
PROPOSITION4.7 ♥ Limites aux bornes du domaine de définition lnx−−−→x
→0 −∞ et lnx−−−−−→x→+∞ +∞
Preuve ♥
– La fonctionl nest strictement croissante etln 1=0, doncln 2>0. D’après la dernière égalité de la proposition précédente, pour toutn∈N, on peut écrireln¡
2n¢
=nln 2. On en déduit queln¡ 2n¢
−−−−−→n
→+∞ +∞. La fonctionlnn’est donc pas majorée. Comme elle est strictement croissante, on peut affirmer, par application du théorème de la limite monotone 11.25, quelnx−−−−−→x
→+∞ +∞. – Par application du théorème d’opérations sur les limites et par utilisation de la limite précédente,
lnx= −ln1 x−−−−→
x→0+ −∞. DÉFINITION4.2 Nombre de Néper
On appelle nombre de Néper l’unique réelevérifiantlne=1.
Preuve L’existence du nombre de Néper est une conséquence du théorème des valeurs intermédiares qui sera vu dans le chapitre 12. L’unicité est une conséquence directe de la stricte monotonie deln.
PROPOSITION4.8 ♥ Limites usuelles pourln
• «lnxest négligeable devantxquandxtend vers + ∞» : lnx
px ce qui amène, par application du théorème des gendarmes 11.19, lnx x −−−−−→
x→+∞ 0. – Par ailleurs :X ln X======= −x=1/X lnx
x −−−−−→
X→+∞ 0. PROPOSITION4.9 ♥ Limites usuelles pourln
• « La fonctionl nest dérivable en1etln′1=1» ln (x) x−1−−−→
x→1 1 .
• Cette limite s’écrit aussi sous la forme ln (1+x) x −−−→x
→0 1 .
Preuve
– Le taux d’accroissement delnen1est donné par :
∀x∈R∗+\ {1} , ∆(x)=lnx−ln 1 x−1 = lnx
x−1. Commelnest dérivable enx=1et queln′1=1
1=1, on a bien lim
x→0∆(x)=1.
– La seconde égalité se prouve grâce à un changement de variable :ln(x) x−1
X=x−1
=======ln (1+X)
X −−−→
X→0 1 PROPOSITION4.10 ♥ Inégalité de convexité
∀x∈]−1,+∞[ , ln (1+x)Éx
Preuve ♥ Il suffit d’étudier le signe de la fonctionθ:
½ ]−1,+∞[ −→ R
x 7−→ ln (1+x)−x
0 1 2 3
−1
−2
−3
−4
1 2 3 4 5
0 e
x7−→ln(x) x7−→x+1
FIGURE4.1 – Logarithme néperien Remarque 4.2 La tangente en(e, 1)passe par l’origine du repère.
4.1.2 Exponentielle népérienne
PROPOSITION4.11 ♥ Exponentielle népérienne
La fonctionlndéfinie une bijection deR∗+sur son imageR. L’application réciproque est appelée fonction exponentielle népérienne et est notéeexp.
exp :
½ R −→ R∗+ y 7−→ expy
∀x∈R∗+, exp(lnx)=x
∀y∈R, ln¡ expy¢
=y
La fonctionexp
– est strictement croissante et strictement positive.
– est continueR.
– est dérivable surRet∀x∈R, exp′(x)=exp (x) .
– est de classeC∞surR.
x −∞ 0 +∞
exp
0 %1%+∞
Preuve ♥ Posonsf=ln. La fonctionf est :
H1 dérivable surR∗+.
H2 de dérivée strictement positive surR∗+ H3 donc strictement croissante surR∗+
Par application du théorème de la bijection 4.2, on peut affirmer quef est bijective et que sa bijection réciproquef−1est dérivable surRet à valeurs dansR∗+. De plus siy0∈R
f′−1¡ y0¢
= 1
f′¡ f−1¡
y0¢¢= 1 1 f−1¡
y0¢
=f−1¡ y0¢
Notonsexpla fonctionf−1, nous venons de montrer queexp′¡ y0¢
=exp¡ y0¢
. Il est alors clair queexpestC∞surR. De plus, commelnx−−−−→
x→0+ −∞, on aexpx−−−−−→x
→−∞ 0et commelnx−−−−−→
x→+∞ +∞, on aexpx−−−−−→
x→+∞ +∞. Remarque 4.3 exp 0=1etexp 1=e
PROPOSITION4.12 ♥ Propriétés algébriques de la fonction exponentielle Pour toutx,y∈Retn∈Z
1 exp¡ x+y¢
=exp (x) exp¡ y¢
2 exp (−x)= 1 expx
3 exp¡ x−y¢
=exp (x) exp¡
y¢
4 exp (nx)=¡
exp (x)¢n
Preuve ♥ Démontrons la première affirmation. Les autres se prouvent de même. Soientx,y∈R. Commeexpest la bijection réciproque deln, il existex′,y′∈R∗+tels queln¡
x′¢
=xetln¡ y′¢
=y. On peut alors écrire exp¡
x+y¢
=exp¡
lnx′+lny′¢
=exp¡ ln¡
x′y′¢¢
=x′y′=exp (x) exp¡ y′¢
.
✎ Notation 4.1 D’après la formule 4,exp(n)=exp(1.n)=en, on conviendra de noter pour toutx∈R,ex=exp(x). PROPOSITION4.13 1
∀x∈R, expxÊ1+x
Preuve ♥ Il suffit d’étudier le signe de la fonction θ:
½ R −→ R
x 7−→ expx−(x+1) PROPOSITION4.14 ♥ Limites usuelles pourexp
• «expxest prépondérant devantxquandxtend vers+∞» : expx x −−−−−→x
→+∞ +∞ .
• «expxest négligeable devant 1
x quandxtend vers−∞» : xexpx−−−−−→x→−∞ 0 .
• «expxest dérivable enx=0de dérivée égale à1» : expx−1 x −−−→x
→0 1 .
Preuve ♥
– Commeexpxx =======x=ln X ln XX = ln X1
X
, il vient lim x→+∞
expx x = lim
X→0+ 1 ln X
X
= +∞. – La seconde limite se démontre de la même façon.
– Ecrivons le taux d’accroissement∆deexpen0. Pour toutx∈R∗
∆(x)=expx−exp 0
x−0 =expx−1
x .
Commeexpest dérivable en0et queexp′(0)=exp (0)=1,∆(x)−−−→
x→0 1et la dernière limite est prouvée.
1 2 3
−1
−2
−3
−4
1 2 3 4 5
−1
−2
−3
−4 0
e
x7−→ln(x) x7−→x+1 x7−→exp(x)
FIGURE4.2 – Exponentielle et Logarithme néperien
4.1.3 Logarithme de base quelconque
DÉFINITION4.3 Logarithme de basea
Soita un réel strictement positif et différent de1:a∈R∗+\ {1}. On appelle logarithme de base al’application notée logadéfinie par
logax:
R∗+ −→ R x 7−→ lnx
lna
Remarque 4.4
– Sia=10, on obtient le logarithme décimal qu’on notel og. – Sia=e,loga=ln.
– loga1=0etlogaa=1. PROPOSITION4.15
Soienta∈R∗+\ {1},x,y∈R∗+etn∈Z..
1 loga¡ x y¢
=logax+logay 2 loga
µ1 x
¶
= −logax
3 loga µx
y
¶
=logax−logay 4 logaxn=nlogax
Preuve Ces différentes égalités se démontrent en revenant à la définition deloga et en utilisant les propriétés du logarithme néperien.
PROPOSITION4.16
Pour touta∈R∗+\ {1}, la fonctionlogaest de classeC∞surR∗+et
∀x∈R∗+ log′a(x)= 1 xlna – Sia∈]1;+∞[,logaest strictement croissante et concave.
– Sia∈]0; 1[,logaest strictement décroissante et convexe.
Preuve Soita∈R∗+\ {1}. La fonctionlogaest de classeC∞surR∗+comme quotient de fonctionsC∞surR∗+. De plus, pour tout x∈R∗+,log′a(x)=1/ (xlna) et log′′a(x)= −1/¡
x2lna¢ .
– Si a∈]1;+∞[, alorslna>0,log′a est donc strictement positive etlog′′a est strictement négative. Doncloga est strictement croissante et concave.
– Sia∈]0;1[, alorslna<0,log′aest donc strictement négative etlog′′aest strictement positive. Donclogaest strictement décrois-sante et convexe.
4.1.4 Exponentielle de base
a PROPOSITION4.17 Exponentielle de baseaSoita∈R∗+\ {1}. La fonctionloga définie une bijection deR∗+surR. On appelle exponentielle de baseaet on note expa, la fonction définie deRdansR∗+comme application réciproque deloga.
∀x∈R∗+, expa(lnax)=x
∀y∈R, lna
¡expay¢
=y De plus,exp′aestC∞surRet
∀x∈R, exp′a(x)=lnaexpa(x)
Preuve Soita∈R∗+\ {1}. Posonsf =loga. La fonctionf H1 est dérivable surR∗+.
H2 possède une dérivée surR∗+strictement positive sia∈]1;+∞[et strictement négative sia∈]0;1[
H3 et est donc strictement croissante surR∗+sia∈]1;+∞[et strictement décroissante surR∗+sia∈]0;1[.
Par application du théorème de la bijection 4.2, on peut affirmer que f possède une bijection réciproquef−1dérivable surRet à valeurs dansR∗+. De plus siy0∈R
f′−1¡ y0¢
= 1
f′¡ f−1¡
y0¢¢= 1 1 lna f−1¡
y0¢
=lna f−1¡ y0¢
.
Notantexpala fonctionf−1, on vient de montrer que :exp′a¡ y0¢
=lnaexpa¡ y0¢
. Il est alors clair queexpaest de classeC∞sur R.
PROPOSITION4.18 Soita∈R∗+\ {1}. On a
∀y∈R, expa(y)=exp(yln(a)) .
Preuve Soity∈R. Posons x=expa¡ y¢
. On a loga(x)=y ou encore lnx
lna =y ce qui donne lnx=ylna et en passant à l’exponentiellex=exp¡
ylna¢
. On a bien prouvé queexpa(y)=exp(yln(a)) PROPOSITION4.19
Pour touta∈R∗+\ {1},x,y∈Retn∈Z:
1 expa0=1etexpa1=a 2 expa¡
x+y¢
=expa(x) expa¡ y¢ 3 expa¡
x−y¢
=expa(x) expa¡
y¢
4 expa(nx)=¡
expax¢n 5 expaxexpbx=expabx 6 expax
expbx=expa
bx
Preuve Il suffit d’appliquer la formule précédente et les propriétés des fonctions logaritme et exponentielle.
✎ Notation 4.2 S’inspirant de la dernière égalité de la propriété précédente, sia∈R∗+\ {1}et six∈R, on notera ax=expa(x)=exp (xlna) .
Remarque 4.5
– On retrouve la notation précédenteexpx=ex. – Remarquons aussi que1x=exp (xln 1)=1.
Avec ces notations, la propriété précédente devient : PROPOSITION4.20 ♥
Pour touta,b∈R∗+x,y∈Retn∈Z:
1 a0=1eta1=a 2 ax+y=axay 3 ax−y=ax
ay
4 anx=(ax)n 5 (ab)x=axbx 6
³a b
´x
=ax bx
1 2 3 4
−1
1 2 3 4
−1
−2
−3
−4 0
x7−→ax 0<a<1 x7−→ax 1<a FIGURE4.3 – Exponentielles de basea
4.1.5 Fonctions puissances
DÉFINITION4.4 ♥ Fonction puissance
Soita∈R. On appelle fonction puissance d’exposantala fonction définie surR∗+par ϕa:
½ R∗+ −→ R
x 7−→ xa=exp(alnx)
Remarque 4.6
– ϕ0est la fonction constante égale à1. – ϕ1=Id. algébriques
PROPOSITION4.21 ♥ Propriétés algébriques des fonctions puissances Pour touta,b∈R,x,y∈R∗+
1 xa+b=xaxb 2 x−a= 1
xa 3 ¡
x y¢a
=xaya
4 (xa)b=xab 5 x0=1 6 1a=1 7 ln (xa)=alnx
Preuve C’est une conséquence directe de la définition et des propriétés des fonctions logarithme et exponentielle.
PROPOSITION4.22 ♥ Soita∈R. La fonctionϕa:
½ R∗+ −→ R∗+ x 7−→ xa est – continueR∗+.
– dérivable surR∗+et∀x∈R∗+, ϕ′a(x)=axa−1. – de classeC∞surR∗+.
De plus,
– si a > 0, ϕa est croissante, ϕa(x) −−−−→
x→0+ 0 et ϕa(x)−−−−−→x→+∞ +∞.
x 0 1 +∞
ϕa
0%1%+∞
– Sia=0,ϕa:x→x0=1est constante.
– Si a < 0, ϕa est décroissante, ϕa(x) −−−−→
x→0+ +∞ et ϕa(x)−−−−−→x→+∞ +∞.
x 0 1 +∞
ϕa
+∞&1
& 0
– Sia>1ou sia<0,ϕa est convexe et si0<a<1,ϕa
est concave.
Preuve ϕaest de classeC∞surR∗+comme composée de fonctionsC∞. De plus, par application du théorème de dérivation des fonctions composées, pour toutx∈R∗+
ϕ′a(x)=a
xexp (alnx)=ax−1xa=axa−1.
Compte tenu du signe de cette dérivée, qui est donné par celui dea, on en déduit les variations deϕa. Calculons la limite deϕaen +∞. On sait que pour toutx∈R∗+,xa=exp (alnx). De plus :lnx−−−−−→
x→+∞ +∞. – Sia>0,alnx−−−−−→
x→+∞ +∞et par composition de limite :xa=exp (alnx)−−−−−→
x→+∞ +∞. – Sia=0,0=alnx−−−−−→
x→+∞ 0et :xa=x0=1−−−−−→
x→+∞ 1. – Sia<0,alnx−−−−−→x
→+∞ −∞et par composition de limite :xa=exp (alnx)−−−−−→x
→+∞ 0. La limite en0se calcule de même.
Remarque 4.7
– Sia>0, on peut prolongerϕapar continuité en0en posantϕa(0)=0. – Sia>1,ϕaest même dérivable en0:ϕ′a(0)=0.
– Si0<a<1,ϕ′a(x)−−−→
x→0 +∞et le graphe deϕapossède une tangente verticale à l’origine.
0 1 2 3 4 5
−1
1 2 3 4 5
O
x7−→x3 x7−→x x7−→x1/3 x7−→x0 x7−→x−1
FIGURE4.4 – Fonctions puissances
B Attention 4.3 Pour dériver une fonction de la formew(x)=u(x)v(x)( là où elle est définie et dérivable...), il faut au préalable la mettre sous la forme w(x)= exp(v(x) ln(u(x)))puis utiliser la formule de dérivation des fonctions
composées. A titre d’exercice, on montrera que :
4.1.6 Comparaison des fonctions logarithmes, puissances et exponentielles
PROPOSITION4.23 ♥♥♥
par composition de limite et par utilisation de la limite usuelle ln X X −−−−−→
Preuve La démonstration est identique à la précédente.