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Les multifonctions méromorphes Dans le chapitre 4, on a étudié la continuité et la semi-continuité des multifonc-

5.1 Fonctions sous-harmoniques

On cherche à généraliser les fonctions holomorphes suffisamment pour éventuelle- ment les définir dans le cas multiforme. Or, dans l'annexe A de ce mémoire sont pré- sentées les fonctions harmoniques, qui sont déjà un premier pas dans la direction de la

généralisation, en ce sens qu'elles sont essentiellement les parties réelles ou imaginaires des fonctions holomorphes (du moins, sur un domaine simplement connexe) et qu'elles présentent donc, dans un cadre différent, des propriétés analogues à celles des fonctions holomorphes, comme le principe du maximum et le principe d'identité. Mais le principe du maximum, par exemple, décrit davantage la fonction | / | que la fonction 9?/, pour / holomorphe. Pourtant, | / | n'est généralement pas harmonique. On souhaiterait donc généraliser les fonctions harmoniques elles­mêmes, pour cibler précisément les fonctions qui ont des propriétés semblables à celles du module d'une fonction holomorphe. Par exemple, la contrainte que nos fonctions généralisées soient dérivables deux fois en leurs deux variables réelles n'est certainement pas nécessaire, puisque la fonction u(z) = \z\ ne la satisfait pas. En fait, on peut même ne pas exiger la continuité, mais seulement une moitié de continuité.

Définition 5.1.1. Soit X un espace topologique et soit x G X. Alors une fonction / : X —r [—oo, oo] est dite :

(i) semi­continue inférieurement (ou s.c.i.) en x si, pour tout suite (x„)n€M telle

que xn —> x, on a

lim (inf f ( xn) ) > f ( x ) .

(ii) semi­continue s u p é r i e u r e m e n t (ou s.es.) en x si, pour tout suite (xn)n e N telle

que xn X Î , on a

lim ( sup f(xn) j < f(x).

Si, pour tout x E X, f est s.c.i. ou s.es. en x, alors on dira que / est, respectivement, s.c.i. ou s.es. sur X.

Remarquons au passage qu'une fonction / : X —>■ [—oo, oo] est continue si et seule­ ment si elle est à la fois semi­continue inférieurement et supérieurement.

Sans exiger la continuité, la définition des fonctions harmoniques en termes de l'équa­ tion de Laplace n'a plus de sens, et on ne peut donc pas l'utiliser pour généraliser adé­ quatement les fonctions harmoniques. On utilisera donc la caractérisation avec l'égalité de la moyenne, qu'il suffit, en fait, de transformer en inégalité, pour avoir les propriétés recherchées.

Définition 5.1.2. Soit D Ç C ouvert. Une fonction u : D —» [—00,00] est dite sous­ h a r m o n i q u e si elle est semi­continue supérieurement sur D, et si, pour chaque z E D et pour tout r suffisamment petit, u satisfait l'inégalité de la moyenne :

1 f2n

u(z) < — / u(z + relt)dt.

Bien sûr, il aurait été possible de généraliser les fonctions harmoniques en sens in- verse, c'est-à-dire en exigeant la semi-continuité inférieure et une inégalité de la moyenne dans l'autre direction. Cette généralisation donne lieu à ce qu'on appelle les fonctions sur-harmoniques, qui sont simplement les fonctions de la forme v = —u, pour u sous-harmonique (il est donc suffisant d'étudier un seul des deux cas). Le lecteur est d'ailleurs en mesure de vérifier que si / est une fonction holomorphe sur un domaine D, alors I/I et log |/| sont des fonctions sous-harmoniques sur D.ï On a donc défini une

classe de fonctions assez grande pour inclure le module d'une fonction holomorphe, mais à la fois assez restrictive pour que les théorèmes classiques sur le module des fonctions holomorphes s'appliquent à tous les cas. C'est ce dont témoigne la proposition suivante. Proposition 5.1.3. Soit D Ç C ouvert et connexe, et soit u : D —y [—00,00] sous- harmonique et non constante. Alors :

(i) (Principe du maximum) La fonction u n'admet aucun maximum global dans D, et si lim( sup u(z)) < 0 pour tout ( G dD, alors u < 0 sur D.

£^ ° \z-Ç\<e

zÇ.D

(ii) (Principe d'identité) Soit v : D —ï [—00,00] une fonction sous-harmonique et soit Z l'ensemble des points sur lesquels u e t v prennent la même valeur. Si D \ Z a une mesure de Lebesgue nulle, alors Z = D.

(iii) (Théorème de Liouville) Si D = C, alors u n'est pas majorée.

Démonstration. Les preuves peuvent être trouvées à la section 2.3 du livre de Ransford [Ra3]. La propriété (i) correspond au théorème 2.3.1, (ii) est le théorème 2.7.5 et (iii)

est le corollaire 2.3.4. D

Le lecteur ayant pris soin de comparer la proposition 5.1.3 à ses semblables de l'annexe A aura constaté que le principe d'identité qui s'y trouve est énormément plus faible que les autres. L'avantage d'une telle faiblesse, toutefois, est que les fonctions sous-harmoniques sont beaucoup plus souples que les fonctions harmoniques, en ce sens qu'elles offrent un large éventail de constructions possibles, dont quelques-unes sont données dans la proposition suivante :

Proposition 5.1.4. Soit U Ç C ouvert, et soient u i , u2, u3, . . . : U —> [—00,00] des

fonctions sous-harmoniques. Alors :

(i) Pour tout N G N, u := max{«i, u2, . . . , u/v} est sous-harmonique.

(ii) Soient Ai, A j , . . . , AJV > 0, alors u := AiWi+A2«2H \-\NUN est sous-harmonique.

(iii) Si Ui > u2 > W3 > • • •, alors u := limn-»,*, un est sous-harmonique.

(iv) Soit V Ç C ouvert et f : V —> U holomorphe. Alors U\o f est sous-harmonique sur V.

Démonstration. Les preuves peuvent être trouvées aux sections 2.2 et 2.4 du livre de Ransford [Ra3]. Les propriétés (i) et (ii) y constituent le théorème 2.2.3, la propriété

(iii) est le théorème 2.4.6, et (iv) est le corollaire 2.4.3. D

5.1.1 Ensembles polaires

Le lecteur soucieux aura constaté qu'on autorise les fonctions sous-harmoniques à prendre les valeurs ±oo. Or, si une fonction sous-harmonique prend la valeur +oo en un certain z, alors il s'agit là d'un maximum global pour cette fonction, et par le principe du maximum, elle prendra la valeur +oo partout. Les seuls pôles que peut admettre une fonction sous-harmonique non constante sont donc les endroits où elle prend la valeur — oo. Mais à quoi peut ressembler la distribution de ces pôles, pour une fonction sous-harmonique donnée? On peut d'abord remarquer qu'un tel ensemble, disons F, pour une fonction sous-harmonique u donnée sur un certain domaine D, peut-être écrit sous la forme

F = Ç]{zE D : u ( z ) < - n } , neN

et puisque u est semi-continue supérieurement, chaque ensemble dans cette intersec- tion est ouvert. L'ensemble F est donc un du type Gs : une intersection dénombrable d'ouverts. On définit plus formellement l'objet suivant :

Définition 5.1.5. Soit F Ç C un domaine. Un ensemble F Ç D de type Gs est dit polaire sur D s'il existe une fonction u sous-harmonique et non constante sur D, telle que

F = {z G D : u(z) = - o o } .

Les singletons sont des exemples faciles d'ensembles polaires : il suffit de considérer une fonction sous-harmonique de la forme u(z) = log \z — a\, dont l'ensemble des pôles est le singleton {a}. Or, on sait que les ensembles Gs ont le défaut de ne pas être stables sous l'union dénombrable, bien qu'ils satisfassent la proposition suivante (qui nous sera utile plus tard!). Cela rend notre définition des ensembles polaires, à son tour, instable. Proposition 5.1.6.

(i) Soient A i , . . . , AN des ensembles de type Gs- Alors Aj U ... U A^ est également un Gs-

(ii) Soient A\,A2,... des ensembles de type Gs- Alors f) An est également un Gs-

neN

Démonstration.

(i) Il suffit de montrer le résultat pour N = 2, le cas général suivant par induction. Soit donc A\ :— flneN Un et A2 := ftaeN ^4 où les Un et les Vk sont ouverts. Les

propriétés élémentaires sur les ensembles conduisent à :

A , U A

2

= n f](u

n

uv

k

)= n (u

n

ov

k

),

neNfceN (n,fc)6N2

et puisque chaque (UkUVn) est ouvert, la conclusion suit.

(ii) Pour chaque n, soit An := flfceN Un,k, où chaque Un<k est ouvert. Alors :

n An = n n v* = n ^

neN neNfceN (n,fc)eN2

d'où la conclusion.

D

On peut démontrer que les ensembles polaires, tels que définis plus haut, sont tou- jours de capacité logarithmique nulle (voir l'annexe B et [Ra3, Théorème 3.5.1]). Essen- tiellement, cela veut dire que les ensembles polaires sont de mesure nulle, pour toute mesure borélienne finie (donc, qu'ils sont extrêmement petits). Réciproquement, on peut démontrer (voir [D] ) que tout ensemble G s de capacité logarithmique nulle est forcément l'ensemble des pôles d'une certaine fonction sous-harmonique. Cette caractérisation per- met de définir les ensembles polaires dans le cadre des ensembles boréliens quelconques, sachant que cette nouvelle définition coïncide avec l'ancienne pour les ensembles de type G s-

Définition 5.1.7. Un ensemble F C C est dit polaire s'il s'agit d'un borélien tel que cap(F) = 0.

Cette définition, plus souple, permet une plus grande stabilité de l'ensemble des en- sembles polaires, entre autres sous l'union dénombrable, comme en fait foi la proposition suivante.

Proposition 5.1.8. Toute union dénombrable d'ensembles polaires est un ensemble polaire.

Démonstration. Soit (Fn)n€N une suite d'ensembles polaires et F := UneN^n­ D'abord,

comme les boréliens forment une cr­algèbre, F est un borélien. De plus, pour ra G N donné, posons Fm n := Dm D Fn, et soit Bm = Dm D F. Alors, pour tout ra, par le

théorème B.2.2 de l'annexe B, on a :

1

< T ! ­ E ' =o

log(ra/cap(Fm)) ^ log(ra/cap(Fm,n)) %£ log(ra/0)

donc, cap(Fm) = 0. Comme B\ Ç B2 Ç • • ■, il suit, par la proposition B.2.1, que

cap(F) = cap J (J Bm J = lim cap(Fm) = 0.

imeN

D

5.1.2 Fonctions pluri­sous­harmoniques

On généralise enfin les fonctions sous­harmoniques elles­mêmes, en définissant leur analogue pour les fonctions de plusieurs variables complexes.

Définition 5.1.9. Soit n G N et Q Ç C" ouvert. Une fonction v : Q —> [—00,00) est dite pluri­sous­harmonique sur Q si elle est semi­continue supérieurement sur Q, et si, pour chaque a, b G C", la fonction

u(z) := v(a + bz) est sous­harmonique sur l'ouvert {z G C : a + bz G fl}.