• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : CADRE THEORIQUE

2. Organisation des hôpitaux

2.3. Focus sur les services de gériatrie

Les services identifiés pour notre étude sont inclus, en grande partie, dans un Pôle

« Gériatrie ». Une description de leur activité au quotidien permet de mieux appréhender et par là-même de comprendre l’environnement dans lequel nos soignants interrogés se trouvent.

Quatre contraintes exprimées par les soignants dans les services de gériatrie (long ou court séjour) reviennent régulièrement dans l’ensemble de la littérature consacrée : la pénibilité physique, la demande psychologique, le rapport à la mort et les agressions verbales et physiques (Hazelhof, Schoonhoven, Van Gaal, Koopmans, &

Gerritsen 2016 ; Ngan & al. 2010 ; Gershon & al. 2007 ; Doka 2002 ; Dos Santos-Germano & Meneguin 2013 ; Pekkarinen & al. 2013 ; Laporte & Vonarw 2015). En effet, même si ce type de service est confronté aux mêmes contraintes que les autres secteurs, celles-ci sont particulièrement accrues dans ce secteur.

Le quotidien des soignants (infirmier, aide-soignant…) se caractérise par une charge physique intense en raison du nombre de levages et transferts répétés dans la journée (Pekkarienen & al. 2013) provoqués par des patients en perte d’autonomie.

Ainsi, Ngan et al. (2010) indiquent que 80% de l’ensemble des atteintes physiques du personnel soignant sont causées par la manutention et la manipulation.

Pour les mêmes raisons, les caractéristiques des pathologies en gériatrie peuvent amener une demande psychologique forte des soignants et une distinction floue des objectifs de poste entre aides-soignants et infirmiers (Batt & Trognon, 2010 ; Batt, Trognon & Langard, 2010). Les patients peuvent être fragiles et leurs pathologies telles que la démence ou les symptômes qui peuvent y être associés (troubles du comportement, hétéro-agressivité envers les soignants ou les autres patients) sont choses courantes (Pekkarinen & al 2013). De plus, Gershon et al (2007) signalent des contraintes liées à l’organisation institutionnelle : une pression temporelle, des charges lourdes de travail et un manque de contrôle des circonstances de travail dus à des instituts et une organisation peu adaptées aux contraintes réelles des postes de soignant (voir Hazelhof, Schoonhoven, Van Gaal, Koopmans, & Gerritsen, 2016).

Cette même demande psychologique forte est accentuée par une exigence institutionnelle sur la déontologie et l’éthique de travail des soignants en gériatrie (Guibert, 2016). Un décalage entre des attentes institutionnelles fortes concernant l’application de règles de déontologie et la rigidité du cadre d’exercice rendant leur application difficile, génère une souffrance psychologique chez les soignants (Guibert, 2016).

Les agents administratifs prennent rarement en compte l’exposition des soignants à la souffrance et à la mort, dans leur évaluation de la charge de travail. Pourtant les conséquences psychologiques sont réelles, et se répercutent de manière indirecte sur la productivité (Bonnet, Laurent, Ansel, Quenot, & Capellier 2016 ; Laporte &

66 Vonarx, 2015). Etre confronté à la souffrance d’autrui (des patients et des familles), la mort et le deuil sont des situations qui font partie de leur quotidien professionnel.

Laporte et Vonarx (2015) indiquent que le travail de l’accommodation de la mort est une tâche difficile cependant, la mortalité et la souffrance qui en résultent restent un processus proscrit dans le milieu médical. En effet, la « douleur privée », concept évoqué par Doka (2002), est une souffrance vécue par l’infirmier qui n’est pas reconnue et surtout qui n’est pas validée socialement. Ainsi, le soignant est en contact continu et régulier avec des personnes « condamnées » ce qui par là-même apporte une insécurité et inconfort que Dos Santos-Germano et Meneguin (2013) déplorent en raison d’une non reconnaissance de cet aspect dans les pénibilités régulières. Ainsi, Laporte et Vonarx (2015) concluent et fortifient cette idée de deuil quotidien et de frustration du métier qui en découlent. Pour pallier à ces difficultés, la cohésion d’équipe et la stratégie collective des soignants peuvent fortifier et amener cet aspect, qui a un impact néfaste, à se transformer comme un outil générateur de satisfaction et de soutien dans leur activité (Bonnet, Laurent, Ansel, Quenot, & Capellier, 2016 ; Machado, Desrumaux, & Droogenbroeck, 2016). Cette même cohésion associée à une formation des soignants sur l’identification des actes agressifs (Morandi, & al. 2015), évite 75 % des agressions quotidiennes verbales et physiques dans ces services (Lanza, 2016). Agressions qui sont corrélées positivement avec des niveaux de stress élevés (Lanza, 2016).

Par conséquent, l’ensemble des risques psychosociaux entrainant du Burnout se retrouve dans les services de gérontologie et de prise en charge des maladies démentielles telle que la maladie d’Alzheimer dont la prévalence atteint une femme sur 4 et un homme sur 5 à partir de 85 ans (Rocher & Lavallart, 2009). Le développement de cette maladie amène l’Etat à créer le Plan « Maladies neurodégénératives 2014-2019 », ayant pour finalités, une amélioration du diagnostic et de la qualité de vie des malades ainsi que le développement et la coordination de la recherche. La création d’unités spécialisées pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées (MAMA) a vu le jour dans les services de Soins de suite et de réadaptation (SSR), comme le préconisait le Plan Alzheimer 2008-2012. Ces nouvelles unités ont permis une prise en charge plus adaptée des patients MAMA et de leurs symptômes démentiels (Puech, Mangin d’Ouince & Hallet Lezy, 2014). Cependant, la progression de cette maladie, le développement des sites d’accueil qui en découle, génèrent un problème de rendement et de surcharge de travail dans ces services, si bien que l’on y observe classiquement les caractéristiques du Burnout, mais de façon encore plus importante (Hugenotte, Andela & Truchot, 2016 ; Amyot, 2009). En effet, les conditions de travail des soignants auprès de patients atteints de MAMA se sont détériorées avec une charge de travail accrue, une impression d’incompétence face à cette maladie (Hazif-Thomas & Thomas, 2011), des difficultés à communiquer (Amyot, 2009). « Ces éléments constituent une constellation de risques d’épuisement professionnel qui se

67 manifeste sous la forme d’une fragilisation à la fois physiologique et psychologique des professionnels, liée à la façon dont ils vivent leurs situations de travail. » (Amyot, 2009, p.275). Ainsi, ce type de services est particulièrement touché par ce mal.

68