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Focus sur le gisement de substrats adapté à la voie biologique

Sur l’ensemble des technologies de production biologique en biohydrogène, les substrats mobilisables sont de différentes natures.

Concernant les photobioprocédés, les réactions de biophotolyse directe de l’eau ne nécessitent que majoritairement du CO2, de l’eau et de la lumière s’agissant de la croissance de microalgues. A ce jour

les nutriments sont apportés par des milieux synthétiques, dans un objectif d’optimisation des productions en dihydrogène. En effet, les carences notamment en soufre nécessaire à la production de dihydrogène ne peuvent être contrôlées qu’en milieu synthétique. Les gisements concernant cette voie de production ne seront pas donc abordés ici. De même, la biomasse de première génération (amidon, sucres simples, etc.) ne sera pas non plus abordée, celle-ci ne constituant pas un gisement durable, étant en compétition directe pour les sols avec les cultures à vocation alimentaires. La biomasse de première génération (sucres simples ou polymères simples comme le saccharose, l’amidon) est notamment un substrat de choix pour des procédés en cultures pures, que ce soit en photofermentation sombre ou photofermentation. Une problématique similaire existant pour les cultures à vocation purement énergétiques (Sorgho, miscanthus, etc.), et les gisements étant incertains, le potentiel de ces cultures ne sera pas non plus traité. Les biomasses de troisième génération (microalgues), seront également écartées de l’étude, au regard de l’incertitude du développement de la filière et du potentiel d’implantation de ces gisements. Ainsi, dans ce chapitre, seules les biomasses de seconde génération, i.e. aux déchets et biodéchets urbains, industriels, aux résidus agricoles et aux divers effluents, seront abordées, en considérant qu’il soit fort probable que la filière de production en biohydrogène résulte de l’intégration de plusieurs procédés biologiques de production de biohydrogène tel que décrit en Figure 25.

Ainsi, les principaux gisements concernés par la production d’hydrogène concernent la matière organique complexe. Au sein de cette matière, il existe une certaine hétérogénéité et le potentiel microbien de dégradation des différents composés va dépendre non seulement de la composition et la nature des biomasses considérées mais également de la structuration spatiale de cette biomasse [98]. De récentes études ont montré, que malgré la possibilité de traiter un grand nombre de biomasses solides différentes par fermentation sombre, seule la quantité totale d’hydrates de carbone facilement mobilisable était dégradée et participait à la production d’hydrogène [99] [100]. Les substrats riches en protéines et lipides sont peu intéressants pour une production d’hydrogène. Contrairement à la méthanisation qui converti une part non négligeable de la biomasse complexe, la phase d’hydrolyse doit être minimale pour la production d’hydrogène, nécessitant alors de prétraitements de libération des sucres [100].

Une étude de la littérature nous montre que les différents substrats peuvent être regroupés en grande famille avec des performances de production obtenue en laboratoire (voir Tableau 21). Il est à noter que le classement en familles de substrats ne permet pas de prédire la quantité d’hydrogène produit par fermentation sombre. En effet, seul les compositions et la nature des biomasses utilisées permet d’en déterminer le potentiel hydrogène. Pour cela de nombreux auteurs proposent de réaliser des tests BHP (pour biological hydrogen potential) afin d’en estimer la quantité d’hydrogène maximale pouvant être obtenue à partir de déchets, technique similaire que le BMP (Biochemical Methane Potential) permettant de déterminer la production de méthane par digestion anaérobie. Comme le facteur principal influençant le potentiel de production d’hydrogène concerne la solubilisation des sucres facilement biodégradables, l’utilisation des procédés de prétraitements de la matière organique influe très fortement sur les performances de production, et donc sur le potentiel de mobilisation de la biomasse.

Néanmoins, au regard des rendements rapportés, il est possible d’établir une gamme de rendements de production, avec ou sans prétraitement qui sera utilisé pour estimer la production d’hydrogène par catégorie de gisement (Tableau 21).

Tableau 21. Estimatif des rendements en biohydrogène rapportés dans la littérature en fonction de la catégorie de

substrat considérée, données récoltées dans le cas de la fermentation sombre et cultures mixtes [3].

Origine Substrat Rendement max. BioH2 (mlH2.gVS-1) Méthode de prétraitement Température (˚C) Type de bioréacteur Références AGRICULTURE (Résidus secs de cultures)

Paille de Maïs 9 - 35 Batch Li & Chen, 2007

Paille de Maïs 126 1.5MPa10min 35 Batch Li & Chen, 2007 Tiges de Maïs 49* 220˚C 3min 35 Batch Datar et al., 2007 Tiges de Maïs 66* 1.2% HCl+200˚C

1min 35 Batch Datar et al., 2007

Tiges de Maïs 3 - 36 Batch Zhang et al., 2007

Tiges de Maïs 57 0.5% NaOH 36 Batch Zhang et al., 2007 Tiges de Maïs 150 0.2%HCl - 30min 36 Batch Zhang et al., 2007

Feuille de Maïs 18 - 70 Batch Ivanova et al., 2009

Feuille de Maïs 42 130˚C 30min 70 Batch Ivanova et al., 2009 Bagasse de Canne à sucre 19.6* 130˚C 30min 70 Batch Ivanova et al., 2009

Paille de Blé 1 - 36 Batch Fan et al., 2006

Paille de Blé 68 HCl 2% +

microondes 36 Batch Fan et al., 2006 Paille de Blé 49* 130˚C 30min 70 Batch Ivanova et al., 2009

AGRICULTURE

(Résidus humides d’Elevage)

Fumier bovin 18* - 75 Batch Yokoyama et al., 2007

Fumier bovin 29* - 60 Batch Yokoyama et al., 2007

Fumier bovin 0.7* - 37 Batch Yokoyama et al., 2007

Lisier bovin 53* - 45 Batch Tang et al., 2008

Lisier bovin 18 0.2%HCl - 30min 36 Batch Xing et al., 2010 Lisier bovin 14 0.2%NaOH -30min 36 Batch Xing et al., 2010 Lisier bovin 14 Infrarouge 2h 36 Batch Xing et al., 2010

Lisier porcin 4 - 70 Continu Kotsopoulos, 2009

Lisier porcin 97* - 35 Continu Zhu et al., 2009

Herbe d’ensilage 6 - 35 Batch Pakarinen et al., 2008

Herbe d’ensilage 16 - 70 Batch Pakarinen et al., 2008

AGRO- ALIMENTAIRE

(rejets)

Riz 96 - 35 Batch Okamoto et al., 2000

Carrotte 71 - 35 Batch Okamoto et al., 2000

Choux 62 - 35 Batch Okamoto et al., 2000

Peau de Poulet 10 - 35 Batch Okamoto et al., 2000

Oeuf 7 - 35 Batch Okamoto et al., 2000

Viande maigre 8 - 35 Batch Okamoto et al., 2000

Dechets Poulet 72 - n.d. Continu Jayalakshmi et al., 2009 Mélasses sucrières 248 - 37 Continu Aceves-Lara et al., 2008 Mélasses sucrières 280 - 35 Continu Chang et al., 2008

Extraits de citron 76.4* 121˚C - pH=7 -

40min 32 Batch

Venkata Mohan et al., 2009 Lactosérum 72 NaHCO3 20g/L 35 Continu Venetsaneas et al., 2009 Effluent huile de palme 48* - 60 Batch O-Thong et al., 2008

URBAINS

(biodéchets, OM)

Biodéchets + Boues

urbaines 196 160˚C 2h 36 Batch Ming et al., 2008

Biodéchets + Boues

urbaines 60* n.d. 35 Batch Kim et al., 2004

Biodéchets 125* - 35 Continu Shin & Youn, 2005

Biodéchets 63 pH 12.5- 1 jour 35 Batch Kim & Shin, 2008

Biodéchets 65 - 40 Continu Wang & Zhao, 2009

Biodéchets 13 - 20 Continu Karlsson et al., 2008

Biodéchets 3 - 37 Continu Karlsson et al., 2008

Biodéchets 16,5 - 55 Continu Karlsson et al., 2008

FFOM 132 - 37 Batch De Gioannis et al, 2013

FFOM 114 - 55 Continu De Gioannis et al, 2013

(*calculé à partir des données de la littérature,. pas de prétraitement, n.d. non déterminé).

En moyenne, les résidus agricoles sous leur forme solide (paille, résidus de cultures) produiront une dizaine de mL d’hydrogène par gramme de matière organique (VS). Au regard des hautes teneurs en matière organique de ces résidus (> 80 %), le potentiel peut donc être estimé entre 6 et 11 m3 d’H

2/T

alors être estimé entre 100 et 180 m3 d’H

2/T de résidus secs environ. Concernant les effluents d’élevage,

les performances sont très dépendantes de la nature de l’effluent et de ses caractéristiques intrinsèques. Au regard de la haute teneur en matière organique, le potentiel de production en hydrogène, avec ou sans prétraitement est variable dans une gamme de 5 à 120 m3 d’H

2/T de matières

sèches environ.

A l’exception des résidus riches en protéines, les résidus de l’industrie agroalimentaire, ainsi que les biodéchets (restauration, sélecte collective, etc.) présentent les performances les plus élevées au regard de la production d’hydrogène, au regard de leur composition riche en hydrates de carbone. Globalement les performances varient entre 50 et 300 m3 d’H

2/T de résidus secs environ, les potentiels

les plus élevés étant sur les rejets de l’industrie sucrière. Enfin la fraction fermentescible des ordures ménagères présentent des potentiels très variables, atteignant des maxima de près de 150 m3 d’H

2/T

de résidus secs environ, ce qui en fait un substrat également d’intérêt pour la production d’hydrogène. Toutefois, sur l’ensemble de ces performances, une seconde étape en bioprocédés est nécessaire pour compléter la dégradation des métabolites produits. D’un point de vue industriel, les technologies les plus avancées concernent la méthanisation, ceci permettant de générer un mélange de gaz H2/CH4/CO2, dans des proportions proches d’une comptabilité avec une injection réseau ou d’utilisation

en tant que carburant, de type biohythane (après épuration du CO2) [101] [102]. De plus, la combinaison

d’un bi-étape permet d’améliorer les performances totales de conversion d’un facteur de plus de 20 % [103].

Dans le cas de procédés photofermentaires ou en piles microbiennes, les performances maximales de conversion permettent approximativement de doubler la quantité d’hydrogène produite en fermentation sombre, ceci étant très dépendant de la qualité des substrats utilisés et soumis à une certaine approximation.

A partir de ces données, il est possible d’identifier et de quantifier les potentialités de production en hydrogène en fonction des substrats considérés. De plus, au regard des substrats potentiellement mobilisables, les gisements adaptés à la filière de méthanisation sont également compatibles avec la production de biohydrogène par voie fermentaire.

En effet, afin de réussir la transition du système énergétique tout en assurant la compétitivité du secteur de l’énergie et la sécurité de l’approvisionnement énergétique, la directive européenne 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables (EnR) a encouragé les États membres à développer la part de ce type d’énergie dans leur bouquet énergétique. Dans son plan d’action national de 2010, la France s’est fixé un objectif à l’horizon 2020 de 23 % d’EnR, soit une production annuelle supplémentaire de 20 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) par rapport à 2006. Ce plan a identifié la biomasse comme la principale source potentielle d’EnR, notamment dans les secteurs du transport (biocarburants de première et deuxième génération) et du chauffage (bois-énergie, résidus de culture, effluents d’élevage, déchets industriels et urbains, etc.) [97].

Dans la perspective du développement d’une filière durable de production de bioH2 à partir de biomasse,

il est essentiel de recenser les gisements disponibles en fonction de leur origine, mais également de leur accessibilité et leur pérennité ; cela afin de déterminer leur potentiel réel pour la création d’une filière de valorisation énergétique viable et d’identifier les freins à leur mobilisation (approvisionnement insuffisant ou non sécurisé, conflits d’usage, verrous technologiques, capacité industrielle inadaptée ou insuffisante, etc.).

Le chapitre suivant a pour objectif d’évaluer le potentiel de développement d’une filière de production de bioH2 à partir de biomasses non alimentaires et plus particulièrement les bio-déchets.

3.3

Autres aspects à prendre en compte pour évaluer l’intérêt des gisements