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Financement des aides et des soins en assurance maladie et éligibilité

l'ouverture d'un droit.

1 Financement des aides et des soins aux personnes dépendantes par

l'Assurance Soins de Santé

D

1.1 L

epuis 2004, la méthode de financement des institutions a été modifiée. Chaque

institution reçoit un financement forfaitaire par patient et par jour de soins sous la

forme d'un prix de journée de structure fort complexe. Il est entre autres calculé sur

base du case-mix de la dépendance des personnes ayant séjourné dans l'institution l'année

précédente. Il s'agit en quelque sorte d'une agrégation des prix des différents forfaits

individuels dus pour chaque patient, d'un prix moyen.

e financement des aides et des soins aux personnes dépendantes résidant en institution.

La plupart des institutions sont mixtes et possèdent des lits agréés MRS et des lits agréés

MRPA. Les normes de personnel en MRS pour un même état de dépendance sont plus

élevées que les normes de personnels en MRPA. Il en résulte que pour un même case-mix de

dépendance, les prix de journée varient suivant la proportion de lits MRS de l'institution.

Depuis dix ans, l'assurance soins de santé fournit un effort considérable pour reconvertir un

nombre de lits de MRPA en lits de MRS de manière à accueillir toutes les personnes de

catégories B, C et Cd dans les mêmes conditions. Ceci entraîne une augmentation

considérable des dépenses qui nécessite d'étaler l'effort dans le temps. De plus, la proportion

de lits MRS est plus élevée en Flandres de sorte que l'effort consenti est asymétrique. Pour

permettre aux différentes régions de développer une politique correspondant à leurs besoins,

l'effort de financement porte aussi sur d'autres formes de prise en charge comme les centres

de soins de jours, les soins infirmiers à domicile et les familles d'accueil. Chaque région

reçoit un nombre d'équivalents MRS correspondant au prix de la reconversion d’un lit MRPA

en un lit de MRS et développe sa propre politique en fonction de ses propres priorités mais

dans le cadre d'un protocole d'accord entre l'Etat Fédéral et les Entités Fédérées.

Notre travail montre que la catégorisation des personnes en utilisant l'échelle de l'INAMI ne

discrimine pas bien les différentes charges en soins. Le score RIDIT des institutions semble

une meilleure approche, sa corrélation avec les charges de soins calculées par des temps

standards est très bonne. Il semble donc plus judicieux de répartir les ressources disponibles

en utilisant la méthode RIDIT.

Il est illusoire de vouloir réaliser cette réforme pour l'instant. Le mode actuel de financement

répartit l'argent différemment, de sorte que le passage à un financement basé sur les scores

RIDIT aboutirait inéluctablement à une redistribution faisant des gagnants mais aussi des

perdants. Il faudrait donc augmenter les dépenses pour mener cette réforme à bien sans qu'il y

ait de perdants. Cette réforme pourrait être testée lorsque la reconversion des lits MRPA en

lits MRS sera achevée. Il n’y aura plus alors de différences entre les normes de personnels.

Il faut constater que les institutions se sont adaptées au mode de financement actuel. Il n'en

demeure pas moins une inéquité de redistribution des ressources, largement due à la

distinction entre lits MRS et MRPA pour les états de dépendance B, C et Cd, et dans une

moindre mesure aux insuffisances de l'échelle de l'INAMI à discriminer des catégories

différentes de patients. L'échelle de l'INAMI a été imposée avant que ses concepteurs n'aient

terminé leurs travaux de validation. La construction progressive du système actuel s'est faite

avec les connaissances de l'époque mais aussi avec les croyances de l'époque. Les progrès

enregistrés sont considérables. Mais l'accessibilité à des soins de qualité identique n'est pas

garantie par le système. Il offre en quelque sorte un « panier » minimum de soins garantis.

Les institutions peuvent développer des politiques de qualité supplémentaire plus ou moins

dynamiques dont les coûts sont alors portés à charge des assurés sociaux ou des collectivités

locales suivant qu'il s'agit d'institutions du secteur privé ou du secteur public.

D'énormes efforts seront nécessaires pour gommer progressivement ces inégalités à l'avenir.

Le développement d'une expertise suffisante pour l'évaluation des besoins se révèle

impérieuse. Un instrument d'évaluation comme l'échelle de l'INAMI est insuffisant pour

évaluer ces besoins car il ne mesure que la charge de soins liée à la dépendance.

1.2 Financement des soins aux personnes dépendantes à domicile.

Ce financement reste lié à l'évaluation de la dépendance avec l'échelle de l'INAMI dans sa

version utilisée à domicile. Nous avons observé que cette version permet de distinguer des

catégories de charge en soins différentes et qu'elle présente ainsi une bonne validité

concomitante. Comme en institution cependant, elle ne mesure que la charge en soins liés à la

dépendance, alors que le forfait qui lui est lié couvre l'ensemble de soins infirmiers.

Le financement est attribué au prestataire qui soigne la personne. L'organisation des soins à

domicile en Belgique repose sur deux types de professionnels: les personnels salariés et les

personnels indépendants, mais tout le système de financement se fait sur base d'une

nomenclature de soins construite pour des prestataires indépendants. Il se fait donc pour

chaque patient individuellement.

Le contrôle des organismes assureurs démontre un mésusage de l'échelle de l'INAMI par les

professionnels, mésusage qui alourdit les dépenses de façon mal justifiée. Il n'est cependant

pas possible dans les conditions actuelles d'organiser un contrôle comparable à celui effectué

dans les institutions.

Dans l'avenir, le regroupement des prestataires indépendants en pratiques de groupe devrait

autoriser le contrôle de patientèles suffisamment grandes pour permettre de développer un

contrôle des patientèles de ces groupes et celles des services salariés calqué sur celui des

institutions, et améliorer l'équité de la redistribution.

Les limites de l'échelle de l'INAMI sont patentes dans le domaine du domicile. L'intervention

de l'infirmière pour les soins à la dépendance n'est que partielle. Le maintien à domicile

nécessite certes son intervention, mais une grande partie des aides est fournie par l'entourage

proche et non professionnel. De plus, l'échelle de l'INAMI ne mesure que la dépendance et ne

donne aucune indication quant aux soins techniques (pansements, injections etc.). Si l'échelle

présente une bonne corrélation avec la charge de soins, sa corrélation avec la charge de soins

réalisés par l'infirmière à domicile n'est pas claire. Dans le domaine des soins à domicile, il

est impérieux de développer une meilleure expertise des problèmes. Ici aussi, l'échelle de

l'INAMI se révèle insuffisante. Les dépenses en soins infirmiers liées à la dépendance ne sont

dès lors pas suffisamment justifiées ce qui crée des incertitudes budgétaires.

2 Eligibilité d'une personne pour l'ouverture d'un droit.

L’échelle de l’INAMI est utilisée à domicile pour l’éligibilité des personnes incontinentes à

une allocation forfaitaire annuelle afin d'alléger les coûts du matériel nécessaire pour soigner

l’incontinence. La personne doit répondre au profil de dépendance B de la grille de lecture

utilisée à domicile. La fidélité entre contrôleurs des organismes assureurs et prestataires de

soins est médiocre, signe du mésusage de l’échelle INAMI à domicile. Un contrôle qui

débouche sur une diminution du profil de dépendance aboutit à une perte de l’allocation par

l’assuré social.

Il en, va de même pour la zorgvezekering en Flandres où la dépendance évaluée par l’échelle

de l’INAMI ouvre des droits à des allocations prévues par la législation communautaire

flamande.

L'accessibilité à des droits différents attribués par des pouvoirs de compétences différentes,

basée sur un seul instrument de mesure, pose des problèmes de coordination du contrôle. Une

décision de modification de profil de dépendance prise par un médecin-conseil de mutualité

peut avoir des répercussions dans le cadre de la législation INAMI concernant les forfaits de

soins et le forfait pour incontinence, mais aussi, en Flandre, dans le cadre de la

« zorgverzekering », domaine dans lequel le médecin conseil n'est pas compétent. En Flandre

cependant, ce sont les mutualités qui assurent la récolte des cotisations et la gestion de la

zorgverzekering. On aboutit à une situation paradoxale où le même organisme assureur peut

reconnaître à une même personne deux profils de dépendance différents avec une même grille

de lecture d'un même instrument de mesure.

En droit, l’échelle de l’INAMI doit être normalement utilisée par les médecins experts

lorsqu’une mutualité exerce son droit de subrogation défini, dans le cadre de l’article 136§2

de la loi du juillet 1994 envers un tiers responsable si la dépendance dont elle finance les

soins résulte d’un sinistre. Cette échelle est toutefois trop restreinte pour évaluer la nécessité

d’aide d’une tierce personne dans son ensemble. Si sa validité pour évaluer les besoins d’aide

pour la dépendance aux AVJ est suffisamment satisfaisante, elle ne permet nullement

d’évaluer l’aide nécessaire aux A.I.V.J. Dans le cadre de l’expertise judiciaire, l’échelle de

l’INAMI se révèle ainsi de peu d’intérêt.

De même elle est inutilisable pour standardiser des critères d’éligibilité pour des aides

sociales à domicile telles que les interventions d’aides familiales, d’aides ménagères ou de

gardes malades, compétences qui sont communautarisées et régionalisées en Belgique.

L'organisation des aides à domicile souffre d'un important déficit d'expertise en Wallonie et à

la communauté francophone de Bruxelles. Aucun des deux instruments utilisés en Belgique

actuellement n'offre une validité de contenu suffisante pour qu'ils soient proposés comme

instruments permettant de définir des critères d'éligibilité pour ces aides. Il s'agit d'un constat

navrant étant donné l'importance des besoins d'une part, et l'insuffisance de moyens

disponibles d'autre part (Falez F, Gillain D, Gillet P., Swine C, Lucas P, 2003) 15.

L'éligibilité pour l'aide d'une tierce personne dans le cadre de la législation de l'INAMI (loi

coordonnée du 14 juillet 1994, A.R. du 20 juillet 1971 instituant un régime de sécurité sociale

pour les travailleurs indépendants) est définie par l'échelle de la prévoyance sociale. L'assuré

social doit obtenir un score de 11 au moins à cette échelle. Il s'agit d'un système de tout ou

rien. Ce système manque de nuances car il faut présenter un seuil de dépendance élevé pour

bénéficier de l'augmentation des indemnités ou de l'allocation complémentaire prévues par la

législation.

L'éligibilité d'une personne pour l'allocation à la personne âgée (APA) ou pour l'allocation

d'intégration pour la personne handicapée est définie par l'utilisation de la grille de la

prévoyance sociale. Le SPF de la santé publique a testé l'effet qu'aurait l'application des

nouvelles lignes directrices élaborées par le CMI sur l'éligibilité des personnes. Les lignes

directrices de l'INAMI restreignent l'accessibilité. Outre qu'elles ne sont pas validées sur le

plan du contenu, ces règles semblent donc avoir un impact social négatif.

L'éligibilité pour de nombreux avantages sociaux pour les personnes handicapées dépendent

de la grille de la prévoyance sociale en Belgique. La liste de ces avantages serait fastidieuse à

énoncer mais signalons l'octroi de la carte de stationnement ou de l'exonération de la taxe de

radio télévision dont une des conditions d'accès est d'obtenir un score de 12 au moins sur

cette échelle. Par contre une réduction d'impôts ou un tarif social pour le téléphone peuvent

être accordés aux personnes qui obtiennent un score égal ou supérieur à 9 sur cette même

échelle. Ces quelques exemples montrent d'une part la complexité de l'utilisation de cette

échelle dans différentes législations, d'autre part qu'une décision prise dans le cadre d'une

législation peut entraîner des conséquences dans les autres. L'ensemble offre l'image d'un

bric-à-brac de situations d'évaluation différentes à l'aide d'un outil de validité médiocre.

Il risque d'en être bientôt de même dans l'attribution de l'aide de tierce personne dans le cadre

des accidents de travail.

3 Problèmes posés par l'éligibilité à un droit.

L'utilisation de grilles d'évaluation de la dépendance pour évaluer des besoins d'une

population se justifie lorsque l'instrument est valide. L'agrégation des évaluations lisse en

effet les désaccords entre évaluateurs. Le système de contrôle actuel des maisons de repos et

des maisons de repos et de soins le montre. Malgré les désaccords entre les personnels

soignants et les contrôleurs, le coefficient κ est bon et l'impact financier du contrôle est

négligeable.

L'éligibilité à un droit accorde un avantage individuel. L'utilisation de grilles pose

inéluctablement le problème de l'équité d'évaluation. Aucune grille ne permet une fidélité

externe parfaite, ni même une fidélité interne parfaite. Il en résulte une impossibilité

matérielle d'obtenir une certitude qu'un avantage sera ou non accordé quel que soit

l'évaluateur, ni même pour un même évaluateur suivant le moment où il évalue. Force est de

constater une carence entre le devoir de justice sociale et les possibilités de remplir ce devoir.

Les experts doivent vivre avec cette frustration. Mais en corollaire, il apparaît indispensable

de disposer de la grille qui offre le maximum de garanties. Elle doit être fidèle et elle doit

présenter des critères de validité de contenu et de construit suffisants. Elle doit aussi mesurer

l'ensemble des dimensions auxquelles répondent les critères d'éligibilité à l'avantage accordé.

L'étude que nous en avons faite montre qu'en Belgique, en ce qui concerne les compétences

de l'Etat Fédéral et, dans la partie francophone, en ce qui concerne les compétences des entités

fédérées, aucun des instruments utilisés ne répond à ces critères.

Sur le plan technique une réforme s'avère donc nécessaire. Mais seule une volonté politique

peut la mener à bien. Cette réforme entraînerait des répercussions complexes. Mais elle aurait

un objectif de progrès qui mérite qu'on y réfléchisse.