1 L'échelle de l'INAMI.
D
1.1
epuis 2004, un nouveau système de contrôle de l'utilisation de l'échelle de l'INAMI
par les MRS et les MRPA a été instauré sur base de propositions que nous avons
formulées suite au présent travail. Le problème à résoudre était complexe. Jusqu'alors,
le contrôle était effectué par les médecins conseils des différents organismes assureurs aidés
d'infirmiers conseils spécialement formés, sur base des directives de l'INAMI. Celles-ci
prévoyaient le contrôle de 20% au moins des assurés de chaque O.A. hébergé en institutions.
Chaque O.A. organisait sa mission. Aucune concertation n'existait entre les O.A. Il s'agissait
donc d'un contrôle individuel de l'éligibilité d'un patient pour le financement de son forfait de
soins tel que défini par la législation.
Contrôle de l'utilisation de l'échelle de l'INAMI dans les institutions.
Le Collège National des Médecins Conseils est l'organe de supervision de ce contrôle au sein
de l'INAMI. Sur base de dénonciations de situations anormales détectées par des médecins
conseils, des membres du CNMC pouvaient contrôler des institutions.
Ce système ne donnait aucune vue d'ensemble de la qualité de l'utilisation de l'échelle de
l'INAMI par les institutions. Or, les revenus de celles-ci étaient liés à la manière dont elles
évaluaient la dépendance de leurs résidents. Ces revenus servent à rémunérer la norme de
personnel calculée sur base des profils des résidents mais de manière différente suivant qu'il
s'agisse de MRS ou de MRPA. La sommation de ces revenus constitue les dépenses dans ce
domaine. L’augmentation constante de ces dépenses posait le problème de leur justification.
Un système de contrôle représentant correctement l’ensemble du secteur était donc
nécessaire.
Un instrument d'évaluation n'est jamais parfaitement fidèle. Il existe toujours un certain
nombre de désaccords entre les évaluateurs. C'est ce que montrent les différents tests de
fidélité réalisés dans le cadre de cette étude. Ces désaccords peuvent être aggravés dans le
cadre d'un contrôle d'un prestataire par les organismes assureurs, garants du financement du
système.
Les lignes directrices élaborées par l'INAMI ne sont pas claires sur la manière d'apprécier la
dépendance. Les médecins conseils et les infirmiers conseils ont tendance à évaluer sur la
base de ce qu'ils constatent au moment du contrôle, de manière extemporanée en quelque
sorte. Le personnel soignant a tendance à évaluer la dépendance suivant le fonctionnement
habituel de la personne et aussi en fonction de sa propre culture de soin. L'analyse de la
validité concomitante de l'échelle de l'INAMI et de la grille AGGIR montre qu'une partie de
la variance dans les temps souhaités de soins est expliquée par la variable « identification de
l'institution », ce qui peut indiquer une perception du temps nécessaire liée à des facteurs
externes à la dépendance de la personne. Nous proposons l'hypothèse que ces facteurs sont:
les normes différentes de personnels en MRS et en MRPA qui donnent plus de disponibilité
de temps aux équipes soignantes en MRS; l'organisation interne de l'institution, suivant
qu'elle occupe ou non du personnel en plus de la norme; la culture du soin suivant qu'elle est
plus ou moins orientée vers la qualité de soins à la personne âgée et donc plus vers le
maintien de l'autonomie que vers la prise en charge de nursing. D'autres études
complémentaires sont nécessaires pour identifier ces facteurs. Mais dans notre étude, ils
expliquent une partie importante de la variance observée (plus de 10%). L'évaluation de la
dépendance de la personne est liée à l'attitude du soignant qui l'évalue. Si l'objectif du soin est
le maintien de l'autonomie, les temps nécessaires peuvent différer: stimuler la personne,
veiller à la qualité relationnelle et à la dignité de la personne ne constituent pas la même
charge de soins que la laver ou lui mettre un lange d'accueil. Dans le cadre du premier
objectif, la personne sera réputée partiellement dépendante pour l'aide, dans le second cas,
elle sera réputée totalement dépendante. L’échelle de l’INAMI telle qu’elle est utilisée pour le
financement ne constitue pas un incitant au maintien de l’autonomie et partant, à la qualité
des soins.
Lors du contrôle d'un prestataire par un contrôleur, la fidélité d'un instrument diminue.
D'autre part, l'imprécision incontournable des instruments rendait difficile la définition de la
notion d'abus telle que la demandait l'autorité politique.
Il fallait résoudre ces problèmes. L'organisation du contrôle a donc été entièrement revue.
Contrôle des institutions in toto.
La première mesure a été de passer du contrôle individuel de patients au contrôle des
institutions. Le CNMC a organisé des collèges locaux dans chaque province et à Bruxelles
Capitale, chargés de coordonner l'activité des évaluateurs des organismes assureurs. Le
contrôle est devenu intermutuelliste. Une équipe de quatre évaluateurs issus des différents
organismes assureurs contrôle l'ensemble des résidents d'une institution lorsque leur nombre
est inférieur ou égal à 50, ou un échantillon aléatoire de 50 résidents lorsque leur nombre est
supérieur à 50. Pour augmenter la fidélité des décisions des évaluateurs, chaque patient est
examiné par deux d'entre eux issus de deux O.A. différents et qui complètent l'échelle de
l'INAMI en concertation. De plus, les contrôleurs ne disposent pas de l'échelle remplie par
l'institution. L'évaluation se fait en présence d'un membre du personnel soignant de manière à
éviter le caractère « extemporané » de l'évaluation, plus particulièrement pour les items
concernant les troubles de l'orientation.
Sélection des institutions à contrôler.
Cette sélection mensuelle est randomisée de manière à obtenir en fin d'année un échantillon
représentatif de 15% des institutions du pays. Les institutions sélectionnées sont averties de la
possibilité d'un contrôle dans le mois précédent de manière à leur permettre de réévaluer leurs
patients.
Calcul de la concordance.
A la fin du contrôle, le coefficient κ de concordance entre les évaluations des contrôleurs et
les évaluations des soignants est calculé. Sur base de données préalables dont disposait le
CNMC, il a été décidé qu'une institution obtenant un coefficient κ égal ou supérieur à 0,60
utilise correctement l'échelle de l'INAMI.
Résultats obtenus en 2004.
Globalement, plus de 60% des institutions obtiennent un coefficient κ supérieur ou égal à
0,60. La toute grande majorité des autres obtient un coefficient κ supérieur à 0,50. Le
coefficient κ de l'ensemble des institutions contrôlées en 2004 est égal à 0,65. La première
année du contrôle a montré, que sur le plan macroéconomique, la redistribution des moyens
financiers vers les institutions est aussi correcte que possible au regard de l'imprécision
inévitable de l'instrument utilisé à cette fin et des règles fixées par la législation. Le résultat
financier après contrôle donne une diminution des dépenses de 1,3% sur une partie (dite
partie A1) du prix de journée. Il s'agit là d'un message important concernant l'équité
redistributive.
Qualités ergonomiques de l'échelle.
Ces contrôles ont confirmé d'autre part la fidélité relativement médiocre de l'échelle lorsqu'on
l'étudie item par item. Ce problème est lié à la qualité ergonomique de l'échelle découlant des
problèmes de sa validité de contenu. Le CNMC a donc revu l'échelle en concertation avec les
commissions de convention des MRS-MRPA et des prestataires de l'art infirmier de l'INAMI
et a élaboré de nouvelles lignes directrices de manière à en diminuer les difficultés
d'interprétation.
Le score 2 de l'item concernant la toilette et l'habillage a été modifié de manière à intégrer les
difficultés à se laver ou à s 'habiller au-dessus de la ceinture. De plus, les lignes directrices
élaborées simultanément prennent en considération le fait de stimuler la personne pour la
réalisation de ces gestes.
L'item concernant les transferts et les déplacements a été revu de manière à évaluer
séparément les difficultés de transferts et celles liées au déplacement. Les problèmes du
déplacement consécutifs à la désorientation dans le temps et dans l'espace sont pris en
compte.
L'item « aller à la toilette » a été hiérarchisé. Il s'agit là d'un point de vue que nous ne
partageons pas, cette hiérarchisation n'ayant pas été validée sur un plan clinique.
Les items concernant l'incontinence et l'aide pour manger prennent en compte les situations
où il faut stimuler ou surveiller la personne pour qu'elle réalise correctement le geste.
En ce qui concerne les items de désorientation, aucune ligne directrice n'a pu être élaborée.
En cas de doute, le collège local effectue un MMSE. Il a été convenu que la personne pouvait
obtenir un socre 3 aux items de désorientation si le score du MMSE était inférieur à 19. Dans
le cas contraire, c'est la clinique qui décide.
Malgré ces modifications, la fidélité item par item n'a guère été améliorée comme le montre
les résultats des contrôles effectués en 2005.
Item κ en 2004 κ en 2005
Se laver 0,44 0,54
S’habiller 0,41 0,44
Transferts et déplacements 0,49 0,61
Aller à la toilette 0,50 0,46
Incontinence 0,44 0,57
Manger 0,42 0,48
Désorientation dans le temps 0,38 0,38
Désorientation dans l’espace 0,36 0,40
Tableau 56 : Evolution du coefficient κ lors du contrôle des institutions par les collèges
locaux du Collège National des Médecins Conseils entre 2004 et 200516
On n’observe que peu d’effets de ces nouvelles lignes directrices sur la fidélité des items.
1.2 Contrôle des soins infirmiers à domicile.
Le contrôle actuel fonctionne de manière individuelle, chaque OA étant chargé de contrôler
10% de ses assurés qui bénéficient d'un forfait de soins infirmiers à domicile. Il en résulte que
nous n'avons aucune vue globale de la manière dont un prestataire utilise l'échelle de l'INAMI
et seulement une vue partielle de l'utilisation de cette échelle par l'ensemble des prestataires.
Les problèmes à résoudre sont complexes. Le contrôle à domicile est délicat sur le plan de la
relation avec l'assuré social et il n'est pas admis qu'une équipe intermutuelliste puisse envahir
le domicile d'un assuré social. De plus, un coefficient κ ne peut être calculé que sur un
nombre minimum de patient égal à (n-1)² des catégories de l'instrument, soit dans le cas de
l'échelle de l'INAMI à domicile, un nombre de 16 patients. Un prestataire de soins à domicile
ne peut matériellement pas assurer le suivi de 16 patients dépendants. Il ne semble donc pas
possible pour l'instant de définir une norme d'utilisation correcte basée sur le calcul du
coefficient κ. Enfin, le temps nécessaire aux contrôles à domicile est plus important qu'en
institutions, ne fût-ce que pour les temps de déplacement.
Cependant, les données de contrôle disponibles montrent qu'il existe un problème important
dans l'utilisation de l'échelle de l'INAMI par les prestataires de l'art infirmier et qu'une
évaluation valide de la manière dont les prestataires utilisent l'échelle est indispensable.
Un premier pas vers une solution vient d'être franchi. Le CNMC organisera la coordination
entre les OA de manière à permettre une vision globale de l'activité d'un prestataire. Le
principe d'une sélection randomisée des prestataires à contrôler a été également retenu. Le
problème de la définition de l'usage correct n'a pas été résolu. Sur base de la technique de Lot
Quality Assurance Sampling (LQAS), nous avons proposé qu'un échantillon de 5 patients par
prestataire soit évalué, et que le prestataire soit réputé utiliser correctement l'échelle lorsque
le nombre de fautes constaté est égal ou inférieur à 2. La faute est définie comme un
déclassement d'un patient de plus de une catégorie.
1.3 Conclusion.
L'échelle de l'INAMI souffre de problèmes dans sa validité de contenu qui rendent les
contrôles individuels difficiles. Toutefois, le contrôle des MRS et MRPA montre que, malgré
ces imperfections, il est possible d'obtenir une fidélité suffisante dans l'usage de l'instrument.
La fidélité médiocre constatée actuellement à domicile est peut être liée au fait que l'échelle
de dépendance est insuffisante pour évaluer la charge en soins infirmiers à domicile. L'échelle
évalue la dépendance mais pas les besoins en soins techniques tels les pansements, injections
etc.
2 La grille de la prévoyance sociale.
Comme signalé à différentes reprises, cette grille est utilisée dans de multiples législations
sociales et le sera aussi dans le cadre des accidents du travail à l'avenir.
Les études effectuées montrent cependant que cet instrument ne possède pas la validité de
contenu nécessaire pour évaluer ce qu'il prétend évaluer. Si la validité concomitante est
satisfaisante, elle est cependant moins performante que l'échelle de l'INAMI. Enfin, sa fidélité
est médiocre et insuffisante pour servir à l'évaluation de l'éligibilité d'un assuré à un droit. Le
risque de résultats différents suivant les évaluateurs est trop élevé.
Le Conseil Médical de l'Invalidité de l'INAMI vient de publier une nouvelle méthodologie
pour l'utilisation de la grille. Chaque item est évalué de manière hiérarchique. Cette méthode
n'a pas été validée par la clinique. Par contre, sa fidélité a été testée et les nouvelles lignes
directrices édictées améliorent la fidélité de l'instrument. Ceci n'améliore en rien sa validité
de contenu.
La méthode élaborée à l'INAMI doit devenir d'application dans le cadre de la législation du
14 juillet 1994 de l'Assurance Maladie Invalidité.
Le SPF santé publique a renoncé à utiliser la nouvelle interprétation de l’INAMI car des
études internes ont montré que cette nouvelle interprétation diminuait l’accès aux avantages
sociaux.
Le Fond des Accidents du Travail (FAT) a décidé de suivre cette procédure et d'imposer cette
grille pour l'évaluation de la nécessité d'aide de tierce personne en accidents du travail. Cette
évaluation sert au financement de l'aide d'une personne non qualifiée en fonction du nombre
d'heures nécessaires pour effectuer cette aide. La validité concomitante de la grille avec le
nombre d'heures d'aide non qualifiée nécessaire devrait être étudiée. Nous regrettons cette
démarche du FAT d'utiliser un instrument dont il a été démontré que la validité est
insuffisante.
Chapitre V-2 : Financement des aides et des soins en
Dans le document
Contribution à la validation d’instruments de mesure de la dépendance des personnes âgées.
(Page 127-133)