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1. INTRODUCTION

6.1     L ES  CONCEPTIONS  DES  PROFESSIONNELLES  A  PROPOS  DU  PARTENARIAT  :

6.1.2   Regards  croisés  des  professionnelles  sur  le  partenariat

6.1.2.3   Les  finalités  du  partenariat

Deux thématiques se distinguent, plus particulièrement, quant aux conceptions de l’échantillon vis-à-vis des finalités qu’un partenariat permet d’atteindre : premièrement, des bénéfices pour l’enfant et deuxièmement, l’autodétermination des parents. Dans leur article, Murray et al. (2007) distinguent également ces deux pôles, en indiquant : « […] a successful partnership that can only enhance the outcomes for the child and family » (p.115). Ces aspects ont émergé, de manière privilégiée, lorsque les professionnelles étaient interrogées sur ce que représente pour elles un partenariat réussi. Cette pratique ne cherche donc pas uniquement à atteindre l’enfant mais vise des retombées pour l’ensemble de l’écosystème familial, avec des parents qui sont, à la fois,

« prestataires » d’intervention mais également des «consommateurs » (Odom & Wolery, 2003).

Dans le cadre de cette recherche, voici ce qui est plus précisément évoqué par les personnes interrogées :

1) Des bénéfices pour l’enfant

Pour la majorité des professionnelles (N=3), le partenariat permet de répondre au mieux aux besoins de l’enfant car elles bénéficient des informations pointues des parents, ainsi que de leur regard, pour interpréter le ressenti de ce dernier dans l’intervention. Elles postulent, en outre, de plus grands progrès, pour l’enfant, par une continuité de la prise en charge:

« P2 : Le fait d’être partenaires puis que les parents puissent eux aussi continuer un petit peu ce qu’on fait nous, dans les séances SEI, ben c’est fondamental pour que l’enfant avance » (P2, TDP 38).

Les professionnelles décrivent donc ce concept comme favorisant le bien-être de l’enfant car il constitue un moyen de réunir tous les ingrédients pour une prise en charge de qualité :

« P3 : Et puis qu’ils le verbalisent ce partenariat ! Et puis c’est que l’enfant… que le SEI se termine aussi en disant, que pour l’enfant il y avait ce qu’il fallait pour qu’il y ait le meilleur pour lui…

C : … que les possibilités ont été données pour maximiser son potentiel et celui de la famille ? P3 : Voilà, exact ! Qu’il y ait eu ça, qu’on ait pu faire comme ça, que la garderie aussi… enfin il y a quelque chose, comme s’il y avait tous les ingrédients ! » (P3, TDP 412-414)

Toutefois, malgré cette reconnaissance, elles ne définissent pas d’indicateurs concrets sur la manière dont peut se traduire ce mieux-être. Dans un article relativement récent, Dempsey et Keen (2008) rappellent qu’il existe peu de recherches sur le lien entre les services délivrés et les retombées que cela peut avoir sur le développement de l’enfant (traduction libre, p.50). Cette réalité pourrait donc expliquer que les professionnelles restent vagues, à ce sujet car il est difficile d’établir un lien de causalité direct, entre les actions menées auprès des parents et les résultats retrouvés chez l’enfant. En effet, ces dernières sont entreprises en parallèle d’une multitude d’autres facteurs et il est donc difficile de savoir lequel a le plus d’impact sur le développement de l’enfant.

2) L’autodétermination des parents

Les professionnelles parlent de cet aspect en des termes « d’appropriation » mais il s’agit d’une confusion terminologique. En effet, si l’on reprend la définition proposée dans le cadrage théorique, elles ne font pas référence à l’acquisition d’un sentiment de compétence, chez les acteurs, mais bien à leur autodétermination (enabling). En effet, les propos s’attardent sur des actes posés par les parents, qui découlent de ce partenariat. Ils vont, par exemple, faire des démarches administratives, après que les professionnelles leur aient fourni diverses informations et ressources :

« P2 : Voilà, en rappelant que moi je ne peux pas faire ça pour eux mais je leur donne les ressources, je leur donne les informations du réseau qui existe, pour qu’ils puissent //eux le faire //.»

(P2, TDP 213)

Cette autodétermination est également mise en lien avec le fait que les parents reprennent ce qu’ils ont pu voir chez la professionnelle, que ce soit des outils, des activités ou encore des comportements (p.ex. observer le développement de l’enfant, poser un cadre, lui donner des opportunités de s’exprimer etc.). Ce processus est notamment décrit en ces termes :

« P1 : Donc voilà, j’ai dit … je leur ai expliqué que pour moi je pensais que c’était important de mettre plus de cadre mais que je le ferai au niveau des séances. Je leur demande pas de le faire en dehors, je leur ai pas du tout dit ça, par contre je leur ai vraiment dit, ben moi je prends cette responsabilité que dans le cadre des séances, je mettrai un cadre plus strict. Mais je pense que c’est aussi constructif pour lui et en fait ben ces parents, la semaine d’après, m’ont aussi dit qu’ils avaient pris un peu de ce que j’avais fait pour le faire aussi durant la semaine et qu’ils avaient vu des améliorations de plein de choses, donc en fait un peu… euh… de manière indirecte, ça leur a parlé,

Dans ces entretiens, l’autodétermination semble donc envisagée sur le mode d’un « mimétisme » par les parents, d’actions entreprises par les professionnelles avec l’enfant. Cela leur permettrait de porter un regard « nouveau » sur ce dernier et d’essayer des pistes qu’ils n’avaient, peut-être, pas envisagées auparavant. Ainsi, les parents choisissent de reprendre les apports qui font sens pour eux, parmi la palette de ceux proposés par les professionnelles. Un dernier aspect, en lien avec cette autodétermination, correspond à la capacité des parents à choisir ce qui leur semble pertinent et nécessaire, pour l’enfant et eux-mêmes, au niveau de l’intervention:

« P1 : Ben je trouve qu’au moment du réseau et du rapport, le réseau pour entrer à l’école, je trouve que le partenariat il est très fort. Je pense que c’est là que je mobilise à fond, voilà, de leur transmettre toutes les informations, qu’ils choisissent, qu’ils prennent vraiment la parole. » (P1, TDP 375)

Enfin, deux professionnelles soulignent que cette finalité du partenariat peut être conscientisée par les parents, lorsqu’ils verbalisent que l’intervention leur a apporté quelque chose, tel qu’un bien-être accru pour l’ensemble de la famille.

En mettant en lien ces résultats, avec les finalités énoncées dans le cadrage théorique, il apparaît que seul le processus d’autodétermination (enabling) est abordé, par comparaison à celui de l’appropriation (empowerment). Il est possible d’émettre l’hypothèse que ce phénomène n’est pas soulevé ici car il s’agit d’une étude menée uniquement du point de vue des professionnelles et non du point de vue des parents, les acteurs concernés par ce processus. En effet, l’acquisition d’un sentiment de compétence est quelque chose de difficilement identifiable et quantifiable, d’un point de vue extérieur. Pour le faire, il aurait fallu interroger les parents qui bénéficient de la prise en charge SEI. Toutefois, il est important que ce processus d’autodétermination soit relevé car il s’agit d’une condition indispensable pour que l’acquisition du sentiment de compétence puisse survenir, comme le rappellent Bouchard, Kalubi et Sorel (2011) : « C’est ainsi que le mouvement qui vise à valoriser le rôle de chaque acteur s’inscrit dans des objectifs plus larges où l’on veut redonner le sentiment de confiance et de compétence à chacun en rendant les parents capables de décider et de gérer leur propre vie et celle de leurs enfants » (p.65). Cette affirmation et consistante avec celle de Dempsey et Dunst (2004), qui parlent d’un processus dans lequel les parents se mettent en mouvement et expérimentent un sens de contrôle accru, par exemple en prenant contact avec des intervenants et qui, à force de répétitions, va mener au développement de l’empowerment. Il incombe donc aux professionnelles de favoriser les opportunités à travers lesquelles ce phénomène peut survenir, ce qui semble être le cas ici, du moins sur le plan des discours.

Pour conclure sur ce chapitre, il est difficile de mettre en parallèle ces résultats avec ceux d’autres recherches car ces dernières se basent majoritairement sur des récoltes de données, en lien avec le confort de vie perçu par les parents mais peu sur la manière dont peuvent se traduire ces finalités. Toutefois, celle de Bailey et al. (2006) se distingue car elle cherche à contrebalancer cette constatation : « much work remains to be done in terms of identifying and documenting the full range of family benefits that might be expected from early intervention and preschool programs » (p.228). Pour cela, les auteurs ont procédé à une revue de littérature qui a permis de distinguer 5 objectifs, auxquels il est possible de se référer pour évaluer l’efficacité des services proposés aux familles : 1) les familles comprennent les forces de leur enfant, ses compétences et ses besoins particuliers, 2) les familles connaissent leurs droits et plaident efficacement en faveur de leur enfant, 3) les familles aident leurs enfants à se développer et à apprendre, 4) les familles ont du soutien, 5) Les familles ont accès aux services désirés, aux programmes et activités dans leur communauté. Les trois premières dimensions sont cohérentes avec la deuxième finalité ayant

émergé des entretiens. En effet, ces dimensions demandent aux parents de développer certaines compétences et de croire en leur capacité à les mettre en œuvre, sans dépendre des intervenants qui gravitent autour d’eux. Pour cela, il est nécessaire qu’ils soient acteurs et les professionnelles de l’échantillon conçoivent le partenariat comme une manière d’y parvenir.